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Le CRI des Travailleurs n°12     << Article précédent | Article suivant >>

Récent congrès confédéral de F.O. : de belles paroles... qui cachent mal une orientation largement collaborationniste


Auteur(s) :Laura Fonteyn
Date :15 avril 2004
Mot(s)-clé(s) :directions-syndicales
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Le Congrès de la confédération Force ouvrière s’est tenu à Villepinte du 2 au 6 février derniers. À la lecture des textes issus de ce Congrès, on ne peut que constater un véritable décalage entre les résolutions, votées à la quasi-unanimité des congressistes — résolution générale, résolution sociale, résolution sur la protection sociale — et la réalité pratique de la mobilisation proposée par la direction de la confédération. Quant au bilan du mouvement de mai-juin, il a consisté à encenser la politique menée par la confédération et le secrétaire général sortant, Marc Blondel...

Le congrès cautionne totalement la trahison de mai-juin 2003

Le Congrès est revenu sur le mouvement de mai-juin. Il s’est félicité que FO ait revendiqué les 37,5 pour tous. Mais il passe totalement sous silence le fait que la confédération a participé jusqu’au dernier moment aux « négociations » avec le gouvernement. Il passe totalement sous silence le fait que FO a signé le 6 janvier 2003, notamment avec la CFDT, une déclaration qui ne mentionnait pas la revendication des 37,5 pour tous et demandait une « réforme » des retraites. Il passe totalement sous silence le fait que la direction, et en particulier le secrétaire général Marc Blondel, se sont refusé à appeler à la grève générale en mai, que demandaient pourtant des centaines de milliers de travailleurs. Blondel expliquait : « J’ai utilisé à dessein les notions d’ ‘amplification’, de ‘généralisation’, de ‘coordination’. Mais j’ai quelques craintes à employer le terme de ‘grève générale interprofessionnelle’. Qu’on le veuille ou non, il renvoie à l’idée d’insurrection et bien sûr, à une lutte politique contre le gouvernement. Étant partisan de l’indépendance syndicale, je préfère rester prudent. » (Le Monde du 27 mai.) Et, interrogé sur France Info le 26 mai, il allait jusqu’à déclarer : « Appeler à la grève générale serait insurrectionnel, voire politique. » (Voir Le Cri des travailleurs n°5-6.)

Or, bien loin de reconnaître la trahison de mai-juin, le Congrès, tout au contraire, « se félicite de la part déterminante prise par Force ouvrière dans la mobilisation exceptionnelle ». Exceptionnelle, oui, la mobilisation l’a été... jusqu’à ce que les dirigeants syndicaux la brisent volontairement : Blondel, en refusant d’appeler à la grève générale, a permis à Thibault de faire reprendre le travail à la RATP et à la SNCF après le 13 mai, à FO et aux autonomes de la RATP de signer avec la direction la « garantie » des retraites des agents pour bloquer la mobilisation, à Aschieri de continuer la comédie de la « grève reconductible ». Le Congrès de FO a le culot de... rejeter la responsabilité sur les autres, en affirmant que « l’acceptation tacite ou implicite d’autres syndicats de cette contre-réforme n’a pas permis le retrait de celle-ci ».

En ce qui concerne maintenant l’avenir, comment la direction de la confédération se propose-t-elle d’aider concrètement les travailleurs à lutter pour obtenir satisfaction sur ces revendications ?

De grandes déclarations.... qui couvrent une collaboration pratique avec le gouvernement et le MEDEF

La résolution générale s’ouvre sur la question de l’indépendance syndicale. À juste titre, elle rappelle que le syndicat doit préserver sa « liberté de comportement, contradictoire par nature à son intégration dans des mécanismes de cogestion, colégislation ou codécision ou à son institutionnalisation ». Fort bien. Mais alors, comment comprendre alors que les dirigeants de FO acceptent de siéger dans tous les organismes qui, tel le « Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie », n’ont d’autre but que d’intégrer les organisations syndicales à la préparation des contre-réformes gouvernementales ? En réalité, le fait même de siéger dans le « Haut conseil », dont le but était d’établir un « diagnostic partagé » préparant la réforme de la Sécurité sociale, c’était accepter l’idée que patronat, gouvernement et travailleurs puissent avoir la même vision des choses, comme s’ils avaient en somme les mêmes intérêts ! Cela revenait à légitimer par avance la prétendue nécessité d’une réforme de la Sécu, au lieu de préparer les travailleurs à combattre la contre-réforme ! Et on nous parlera ensuite d’ « indépendance syndicale » ! D’ailleurs, FO ne s’est nullement contentée de siéger dans le « Haut Conseil » : elle a en outre cautionné le « diagnostic partagé » qui en est ressorti. Dans un communiqué du 23 janvier 2004, paru dans Force ouvrière hebdo le 28, elle a déclaré qu’un « consensus s’était dégagé », portant sur « le constat selon lequel les dépenses de santé représenteront toujours une part importante de la richesse nationale, qu’elles continueront à augmenter et qu’il convient de les maîtriser » ; et elle a affirmé qu’il fallait selon elle « une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé ». Or, opposer « maîtrise médicalisée » et « maîtrise comptable » des dépenses est une véritable tromperie : la première ne va pas sans la seconde. Quant au congrès, il s’est contenté d’émettre des… « réserves » sur « le recours à une CSG accrue pour les chômeurs et les retraités ainsi que la diminution des prestations remboursées par la Sécurité sociale ! » Des réserves ! Voilà qui a de quoi faire peur au gouvernement !

Toujours dans la résolution générale, le Congrès condamne le projet de loi Fillon sur le « dialogue social », qui remet en cause la négociation de branche au profit d’une négociation rabattue au niveau de l’entreprise, ce qui a pour conséquence de détruire la protection sociale collective définie par le Code du Travail. Mais, ce faisant, le Congrès « oublie » que ce projet de loi n’est que la transcription d’un accord sur la refondation sociale datant de juillet 2001 et que la confédération Force ouvrière… a signé ! C’est en effet très exactement le 16 juillet 2001 que FO, la CGC, la CFDT, la CFTC et le MEDEF ont signé cet accord visant à trouver « les voies et les moyens de l’approfondissement de la négociation collective ».

Le Congrès dénonce aussi « la volonté du gouvernement de culpabiliser les salariés en supprimant un jour de congé pour financer le plan vieillesse ». Mais quand Raffarin a annoncé cette décision, qu’a proposé la direction de FO pour mobiliser les salariés contre cette infamie ? Rien, absolument rien ; elle s’est contentée de protester verbalement... et de prendre acte.

Il en va de même dans les autres résolutions votées par le Congrès de FO. On y trouve de toute évidence bon nombre de revendications justes. Citons parmi d’autres exemples la défense des services publics contre le « service d’intérêt général » (SIG) introduisant les notions de concurrence et de compétitivité. Réaffirmer des principes abstraits ne mange pas de pain, mais que fait FO dans la pratique ? Qu’a fait FO contre la privatisation de France Telecom, contre le plan du gouvernement contre la Poste ? Que fait FO contre le plan « Hôpital 2007 », hormis appeler de temps en temps à une « journée d’action », contribuant par là même à fractionner et diluer complètement le peu de mobilisation que sa direction et celles des autres organisations syndicales font mine de lancer ? La résolution revendique aussi le principe de l’embauche en contrat à durée indéterminée et à temps plein comme principe du droit du travail. Mais qu’a fait FO contre le RMA ? Contre la réduction des allocations chômage ? En aucun cas elle n’a lancé d’action susceptible de véritablement s’y opposer. Enfin, le Congrès demande le retour à la référence hebdomadaire contre l’annualisation et la flexibilité imposées par les lois Aubry. Mais pourquoi ne pas dire clairement : « Abrogation des lois Aubry ! 35 heures hebdomadaires pour tous, sans flexibilité ni annualisation ! » FO n’a pas combattu contre la loi Aubry ; de nombreux syndicats FO ont même signé des accords loi Aubry, comme dans la fédération de la métallurgie.

Sur le chômage, la confédération dit son refus du PARE et de la logique des sanctions contre les chômeurs. Mais ce secteur reste désespérément absent du champ d’intervention de FO, qui ne s’est pas donné les moyens de lutter contre le PARE. De même, le Congrès condamne l’accord UNEDIC (CFDT-MEDEF) qui a abouti à la radiation de millions de chômeurs. Mais là encore, a-t-on vu FO sur le terrain combattre aux côtés des chômeurs ? Non. — Quant à l’accord réactionnaire du 20 septembre sur la « formation professionnelle » (cf. Le Cri des travailleurs n°8, octobre 2003), le Congrès s’est félicité de sa signature par la direction de FO…

Enfin, sur la question des travailleurs immigrés, tout en rappelant son opposition aux discriminations et sa revendication de « l’égalité dans l’entreprise », « le Congrès dénonce la politique d’asile et d’immigration et la mondialisation qui attire dans des conditions de vie dramatiques des travailleurs en quête d’une vie décente. Il rappelle que subordonner l’ouverture des frontières aux travailleurs étrangers aux besoins conjoncturels de main-d’œuvre surdétermine le rôle des employeurs et crée le conditions du dumping social ». Dès lors, tout en estimant certes que « les réponses ne sont pas dans le durcissement de la législation », le Congrès n’en revendique pas moins « la mise en œuvre d’une politique de l’immigration créant les conditions d’une bonne intégration ». Autrement dit, FO donne un habillage « social » et « républicain » (en dénonçant le « dumping social » et en prônant une « bonne intégration ») à des positions nationalistes réactionnaires (dénonçant une prétendue « ouverture des frontières » et l’embauche de travailleurs immigrés). Bref, FO justifie une politique de maîtrise des flux migratoires. Et, dans les faits, cette organisation refuse de défendre notamment les travailleurs sans-papiers, de soutenir la revendication juste et légitime de leur régularisation collective immédiate (1).

En un mot, entre les principes affichés par le Congrès et la lutte de classe déterminée sur la base des revendications, il y a loin ! De fait, aucune perspective réelle, à court ou moyen terme, ne s’est dégagée de ce Congrès, qui s’est terminé par l’élection du nouveau secrétaire général, Jean-Claude Mailly, dont le rôle est de garantir le maintien intégral de la ligne « blondéliste » suivie depuis 1989 et marquée par la combinaison d’un discours très « revendicatif »... et d’une pratique de la plus pure eau collaborationniste.

Face à cette orientation, il est nécessaire que les militants et adhérents de FO qui veulent construire un syndicat de lutte de classe, qui veulent combattre contre la collaboration avec le gouvernement, contre la bureaucratie, se regroupent en tendance — dans une tendance intersyndicale (identique dans la CGT, la FSU, SUD…). Il est nécessaire qu’ils engagent à l’intérieur de FO un combat organisé sur la base de l’orientation suivante :

• Dirigeants de FO, prenez en charge la défense des travailleurs sans papiers, ouvrez-leur les rangs syndicaux, exigez leur régularisation collective immédiate !

• Retirez votre signature de l’accord du 16 juillet 2001 sur la « négociation collective » et celui du 20 septembre 2003 sur la formation professionnelle !

Exigez l’abrogation des accords scélérats contre l’ASS et contre le régime des intermittents du spectacle !

• Exigez le retrait du plan « hôpital 2007 », l’arrêt du processus de privatisation des services publics, le maintien des entreprises nationalisées (la poste, EDF-GDF, SNCF...) !

• Dénoncez le projet de contre-réforme du gouvernement contre la Sécurité sociale, dénoncez la propagande sur le prétendu déficit et la prétendue nécessité d’une réforme, rompez immédiatement les concertations avec le gouvernement, popularisez et préparez la perspective de la grève générale pour défendre la Sécurité sociale !


1) Sur ce point, rappelons que des militants syndicaux et politiques ont lancé en septembre dernier une « Lettre ouverte à nos camarades du mouvement syndical », pétition qui est toujours en circulation. Elle a été publiée dans Le Cri des travailleurs n°7 (sept. 2003). Rappelons-en ici le texte : « - Parce que c’est le manque de travail qui les a contraint à quitter leur pays ; - Parce qu’ils sont ici des ouvriers dans le bâtiment, les travaux, le nettoyage, la restauration, l’aide aux personnes... Nous disons que la lutte des ouvriers sans-papiers s’articule nécessairement à la lutte globale contre l’impérialisme ainsi que la précarisation et le morcellement du salariat ailleurs comme ici. Nous disons donc que la question des sans-papiers est une part de la question générale du Travail et qu’elle concerne à ce titre tous les salariés. Nous disons donc enfin que la question des ouvriers sans-papiers doit être pleinement prise en compte par les organisations syndicales : - Par l’organisation des sans-papiers dans le cadre syndical ; - Par la défense sans faille du principe ‘à travail égal, salaire égal, statut égal’ ; - Par la revendication d’une régularisation générale et sans conditions avec la carte de 10 ans. »


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