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Irak : La résistance irakienne a perdu une bataille, elle n'a pas perdu la guerre de libération nationale


Auteur(s) :Nina Pradier
Date :15 septembre 2004
Mot(s)-clé(s) :international, Irak, Afghanistan
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Avec la fin de la bataille de Nadjaf et la reddition des rebelles, l’armée américaine et ses supplétifs compradores autochtones ont remporté une nouvelle victoire dans leur « guerre sans fin » contre le peuple irakien. Les communistes révolutionnaires n’ont évidemment aucune sympathie pour Moqtadah el Sadr, islamiste réactionnaire dont les partisans n’hésitent pas à s’en prendre aussi à la population et aux travailleurs (cf. sur ce point le dernier numéro du CRI des travailleurs). Mais la reddition des rebelles dits « chiites » qui, depuis plus d’un an, tenaient tête aux troupes impérialistes et contrôlaient depuis des mois toute la ville de Nadjaf, signifie avant tout une défaite de la résistance nationale irakienne. Cette défaite est intervenue après plusieurs semaines de combats d’une rare violence, au cours desquels les résistants mal armés ont tenu tête aux soldats suréquipés, aux avions et aux blindés américains, qui ont bombardé des quartiers entiers, faisant des centaines de morts parmi les civils. Ce déluge de feu américain a provoqué des manifestations très importantes de la population dans tout le pays, aussi bien dans le sud dit « chiite » que dans les quartiers populaires de Bagdad et à Falloudja, pourtant « fief sunnite ». À l’heure où nous écrivons, c’est d’ailleurs au tour de cette autre grande ville résistante de subir un assaut sans précédent des troupes d’occupation. À quelques semaines maintenant de l’élection présidentielle américaine, l’occupant impérialiste essaie de frapper de manière décisive les bastions de la résistance nationale irakienne, pour tenter d’établir enfin l’ « ordre » néo-colonial qu’il était de moins en moins capable de garantir au cours de la dernière période, malgré la répression féroce et la torture massive des opposants. Les simples manifestations populaires, massives, ont été décimées par les troupes d’occupation, qui n’ont pas hésité à tirer sur des personnes désarmées qui criaient leur colère et leur haine légitimes de l’impérialisme américain.

Pendant ce temps-là, l’entreprise Halliburton directement liée au vice-président américain Richard Cheney est prise pour la deuxième fois en quelques semaines en flagrant délit d’arnaque contre l’armée américaine elle-même : la première fois, il s’agissait d’une surfacturation du pétrole fourni à l’armée, cette fois, il s’agit d’une surfacturation de 1,8 milliard de dollars des services de restauration et de logement des troupes. Telle est, au-delà des discours, la réalité du fameux « patriotisme » américain !

Mais la victoire militaire de l’impérialisme à Nadjaf et bientôt à Falloudja n’est elle-même que l’expression d’une victoire fondamentalement politique : une prétendue « conférence nationale » s’est réunie à partir du 15 août, avec les collaborateurs de tous poils, Moqtadah el Sadr ayant quant à lui refusé de cautionner cette mascarade, de même qu’un certain nombre d’oulémas sunnites. Pour les Anglos-Américains, il s’agit de stabiliser le pays, afin de pouvoir y investir en paix, non seulement pour le pétrole, mais plus généralement pour y construire de nouveaux marchés sur lesquels ils puissent jouir d’un véritable monopole ; pour le moment, en effet, la situation ne permet pas aux entreprises de s’installer en toute sécurité, ce qui explique le retard considérable pris dans la reconstruction de l’Irak, en dehors des infrastructures pétrolières (un récent rapport révèle ainsi que seule une infime partie des 18 milliards de dollars de crédits votés par le Congrès américain pour la reconstruction de l’Irak a été utilisée à ce jour). Mais les prétendus « délégués » de cette conférence ne représentent nullement la population irakienne : ils ont en fait été désignés par le gouvernement mis en place par l’occupant fin juin sous la direction d’Iyad Allawi, ancien dirigeant du parti Baas dans les années 1970, lié à la CIA et aux services secrets britanniques. Et ces délégués eux-mêmes ont eu en fait comme principale fonction d’entériner la création d’un soi-disant Conseil national de 100 membres, préalablement triés sur le volet par la puissance occupante, et chargés officiellement de contrôler le gouvernement et de préparer des élections générales pour janvier prochain. En fait, les principales forces politiques dégagées à l’occasion de cette conférence sont, outre les deux grandes formations bourgeoises kurdes qui étaient suppôts des Américains dès les années 1990 et furent partisans virulents de l’intervention en Irak, des segments de l’ex-parti Baas de Saddam Hussein et surtout les forces islamistes dites « modérées », comme le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak et le Haut Conseil islamique… C’est ainsi que le dispositif mis en place cet été scelle non seulement l’union nationale des forces collaboratrices, mais aussi la mise sous tutelle islamiste de l’ensemble de la société irakienne — comme l’avaient annoncé les premiers actes du gouvernement, qui a notamment rétabli la peine de mort et liquidé la laïcité de l’État.

Tous les démocrates petits-bourgeois qui refusent de soutenir la résistance nationale irakienne pour la défaite de l’impérialisme, sous prétexte qu’elle est dirigée par des islamistes réactionnaires, ne comprennent pas que la victoire impérialiste conduit de toute façon au triomphe d’islamistes tout aussi réactionnaires. Pour sortir de ce dilemme, il n’y a pas d’autre solution, pour le peuple et le prolétariat d’Irak (et du Kurdistan irakien), que de s’engager dans une véritable guerre de libération nationale, et d’en disputer la direction aux islamistes, en imposant une perspective réellement anti-impérialiste et démocratique, par conséquent socialiste.

Tortures en Afghanistan

Nous ne revenons pas ici les révélations multiples concernant les tortures et sévices infligés aux prisonniers des Américains en Irak ou à Guantanamo, dont les médias français se sont largement fait l’écho en condamnant vertueusement les États-Unis. En revanche, on a beaucoup moins entendu parler des tortures et sévices que subissent quotidiennement les Afghans depuis maintenant près de trois ans — sans doute parce que les troupes françaises participent à l’occupation de ce pays, depuis la décision en ce sens de Chirac-Jospin-Buffet en 2001 ? En tout cas, un article du Monde du 2 juin dernier rendait tout de même compte du témoignage d’un policier afghan arrêté par les Américains suite à un tir de missiles contre la base US d’Assadabad : l’homme raconte comment il a été maltraité, battu, humilié, dénudé, tondu, les membres liés en permanence, privé en permanence de la lumière du jour, tenu dans l’interdiction de s’allonger pour dormir, constamment réveillé et suspendu pendant des heures d’affilée par les bras à des fils de fer avant les interrogatoires ou à titre de punition… Finalement, aucune charge ne pouvant peser contre lui, il a été relâché au bout de deux mois de ce calvaire, avec un simple « sorry »… Cette expérience a au moins le mérite de lui avoir ouvert les yeux : il a refusé de retourner dans la police… — L’article précise qu’on recense 1000 personnes arrêtées et détenues sans aucun motif depuis 2002 en Afghanistan, sans compter les résistants. Un certain nombre d’entre elles en sont mortes, mais on ne dispose évidemment pas de chiffres précis. Enfin, beaucoup sont rendues par l’armée US non pas à leur famille, mais aux services de sécurité afghans… qui exigent alors des rançons considérables pour les libérer ! Torture et complicité de prise d’otages : telle est la réalité inévitable de toute lutte impérialiste du « bien » contre le « mal » !


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