Le CRI des Travailleurs
n°24
(novembre-décembre 2006)

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Nouvelles « concertations » et « dialogue social » : les directions syndicales acceptent de collaborer à la préparation des prochaines contre-réformes


Auteur(s) :Ludovic Wolfgang
Date :17 novembre 2006
Mot(s)-clé(s) :France, directions-syndicales
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La période préélectorale actuelle est mise très intelligemment à profit par le MEDEF pour ouvrir les chantiers des prochaines grandes contre-réformes : cette initiative doit permettre que tous les dossiers soient ficelés dans les mois à venir et que le prochain gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, n’ait plus qu’à les mettre en œuvre dès sa prise de fonction. C’est pourquoi, du point de vue de la lutte de classe, l’actualité politique réelle de cet automne se concentre dans le nouveau cycle de grandes « concertations » que patronat et gouvernement ont décidé de mener avec les directions syndicales.

Participation aux « groupes de travail » du MEDEF

Du côté du MEDEF, Laurence Parisot a convoqué les directions syndicales dès le 20 septembre, pour leur proposer d’étendre les discussions, prévues de longue date, sur « la remise à plat de l’assurance-chômage », aux questions fondamentales et plus générales du « contrat de travail » et de la « sécurisation des parcours professionnels ». Après avoir fait semblant de protester sur le caractère « unilatéral » et de fait comminatoire de la lettre de Parisot, les directions syndicales se sont précipitées pour y répondre positivement : la réunion en question a eu lieu le 23 octobre avec le MEDEF et l’ensemble des confédérations. La CFDT, la CFTC et la CGC ont bien évidemment d’emblée accepté de participer aux « groupes de travail » mis en place par le MEDEF à l’issue de cette première réunion. De son côté, FO, par la voix de son secrétaire général Jean-Claude Mailly, a joué sur les mots en prétendant qu’il s’agissait d’établir un « état des lieux » et non un « diagnostic partagé » et en affirmant que « les groupes de travail seront contradictoires »… Quant à la CGT, elle a certes déclaré formellement qu’elle ne serait pas « co-organisatrice de la délibération sociale du MEDEF »… mais elle a annoncé en même temps qu’elle « décidera au cas par cas de la participation et du degré d’implication de la Confédération » dans les groupes de travail (communiqué du 2 novembre) ! En d’autres termes, que ce soit de manière franche comme Chérèque ou par de subtiles contorsions bureaucratiques comme Mailly et Thibault, toutes les directions syndicales acceptent le principe de discuter avec le patronat alors qu’elles n’ont construit aucun rapport de force qui leur permettrait d’obtenir des avancées ; elles acceptent donc de « dialoguer » avec l’ennemi de classe sur son propre terrain, au moment même où il annonce clairement l’objectif de cette concertation, qui est de préparer de nouvelles contre-réformes (contre le CDI, contre ce qu’il reste des limitations du droit patronal de licencier, contre la réglementation du temps de travail par la loi, etc.). Ce faisant, elles se lient une fois de plus les mains, elles se font par avance co-responsables des prochaines mesures anti-ouvrières.

Soutien au projet de loi Chirac-Borloo-Larcher : le « dialogue social » contre la lutte de classe

Du côté du gouvernement, c’est Chirac en personne qui est monté au créneau le 10 octobre, pour présenter solennellement, devant le Conseil Économique et Social, son projet de « modernisation du dialogue social ». Quelques jours auparavant, les ministres Borloo et Larcher avaient convoqué les organisations patronales et les confédérations syndicales pour leur présenter discrètement leur projet de loi sur la question, qu’ils leur ont communiqué officiellement le 26. Il s’agit d’une part d’instaurer, pour toute modification du Code du travail, l’obligation d’ouvrir une concertation préalable avec les « partenaires sociaux » sur le contenu de chaque réforme engagée, Chirac ayant clairement précisé que le but général était la « modernisation du Code du travail », pour donner « plus de souplesse à nos entreprises ». D’autre part, le gouvernement veut mettre en place un « rendez-vous annuel permettant [au gouvernement et aux « partenaires sociaux »] d’échanger sur les diagnostics, leurs objectifs et leurs calendriers respectifs », afin d’établir un agenda commun de réformes à discuter. L’objectif du gouvernement et de la bourgeoisie est donc à la fois d’amplifier le processus de co-élaboration des contre-réformes par les directions syndicales, en l’institutionnalisant pour le rendre systématique, et de prévenir les luttes sociales, en essayant de les désamorcer à chaque fois en amont. En d’autres termes, il s’agit d’en finir avec ce qu’il reste de la tradition du syndicalisme de lutte de classe dans ce pays, que ni l’hégémonie historique du réformisme social-démocrate et stalinien, ni la crise actuelle du syndicalisme qui en est l’ultime produit, n’ont jamais réussi à briser complètement. Chirac a expressément affiché cet objectif en déclarant : « Il faut sortir de la logique du conflit, encore trop présente dans notre pays », et en demandant aux syndicats de « se libérer d’une ancienne tradition excessivement protestataire qui débouche trop souvent sur l’affrontement et, au bout du compte, sur le conservatisme ». Or, au lieu de s’opposer à cette orientation, les directions syndicales l’ont présentée comme un acquis de leur démarche, la CGT regrettant seulement l’absence de modification des règles de la représentativité syndicale… et le fait que le dialogue social ne soit pas étendu à d’autres domaines que le droit du travail !

Pour un syndicalisme de lutte de classe

Dans cette situation, les militants syndicaux lutte de classe ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour combattre cette nouvelle aggravation de la collaboration de classe, pour mettre en échec les concertations prévues avec le MEDEF et refuser le projet de loi sur le « dialogue social ». Au cours de la prochaine période, il faut consacrer toute l’énergie nécessaire à ce combat, pour regrouper les militants, mobiliser les syndiqués, les réunir en Assemblées générales, faire voter des motions et constituer des délégations de syndiqués aux sièges des syndicats, afin d’imposer aux directions le boycott des « groupes de travail » du MEDEF et de les contraindre à s’opposer à la loi Chirac-Borloo-Larcher. À cette orientation collaboratrice, il faut opposer le combat pour la mise en œuvre d’un plan de syndicalisation massive (notamment chez les jeunes et les précaires) et pour la préparation des travailleurs au prochain cycle de la lutte de classe directe. Dans cette perspective, les analyses et propositions du Comité pour un Courant Intersyndical Lutte de classe Antibureaucratique (CILCA), auquel participent les militants syndicaux du Groupe CRI et dont nous reproduisons ci-dessous les deux textes les plus récents, constituent des points d’appui de la plus haute importance.


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