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Côte d'Ivoire : retrait des troupes françaises!


Auteur(s) :Frédéric Traille
Date :15 février 2003
Mot(s)-clé(s) :international, Côte-d-Ivoire
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Quelques jours après la signature des « accords de paix » à Paris, les manifestations contre l’ingérence française continuent en Côte d’Ivoire. Au nom du suivi sur le terrain de l’accord et de la protection des intêrets français face à ces violences, le gouvernement justifie déjà la poursuite de la présence militaire française dans le pays. C’est pourtant précisément cette attitude française qui est responsable du chaos dans lequel se trouve la Côte d’Ivoire, auparavant considérée comme le fleuron des ex-colonies françaises. La Côte d’Ivoire dispose en effet de nombreuses richesses naturelles (cacao, café, bois, pétrole offshore). Cela pourrait être une chance pour la population ivoirienne, ça ne l’est pas dans ce système de rapine impérialiste, où la carte des guerres en Afrique recoupe celle des ressources naturelles.

Jadis pré carré du colonisateur français, consciencieusement pillée par les grosses entreprises françaises (notamment Bouygues), la Côte d’Ivoire intéresse de plus en plus l’impérialisme américain qui, outre les multinationales du cacao largement implantées, entend désormais diversifier l’origine de ses ressources pétrolières. Les troupes spéciales américaines rôdent dans la région, les mouvements rebelles se multiplient (Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire, Mouvement pour la Justice et la Paix, Mouvement Populaire Ivoirien pour le Grand-Ouest), avec des soutiens à l’intérieur des pays voisins (Burkina Faso, Libéria, Sierra Leone). Mais cette déstabilisation du pays n’est que la dernière étape d’un long processus de décomposition, avant tout économique, sous la pression de l’impérialisme mondial, relayée par les gouvernements ivoiriens successifs. Comme partout, le FMI multiplie les injonctions : démantèlement de la STABEX (caisse qui assurait une certaine stabilité des revenus des producteurs de cacao face à la rapacité des multinationales), privatisations des services publics que se partagent désormais les entreprises françaises, et bien sûr paiement de la dette, encore artificiellement gonflée par la dévaluation du franc CFA décidée par le FMI et Balladur en 1994.

Devant la dégradation dramatique des conditiens de vie des Ivoiriens, les gouvernements successifs, refusant de remettre en cause la soumission du pays à l’impérialisme, choisissent de diviser la population, avivant les tensions « ethniques » pour maintenir leur pouvoir : c’est le concept raciste d’ « ivoirité », lancé par Konan Bédié et repris par ses successeurs, jusqu’à Laurent Gbagbo aujourd’hui, donnant un statut de citoyens de seconde zone à une grande partie des populations du nord (à tel point que le libéral Ouattara, ancien fonctionnaire au FMI, n’a pas pu se présenter aux dernières élections présidentielles).

Le gouvernement français ne pouvait pas accepter que les mutineries militaires, commencées en septembre dernier, mettent en danger ses intérêts dans le pays. Outre la présence des barbouzes et mercenaires des réseaux françafriques, qu’ils soient gaullistes ou mitterrandiens, la France a dépêché sur place une présence militaire de plus en plus massive, officiellement pour protéger les ressortissants étrangers, puis pour servir de force d’interposition, qui s’est révélée pour le moins partiale, couvrant les exactions des forces loyalistes de Gbagbo et multipliant les affrontements, parfois mortels, contre les rebelles. Il s’agit en effet avant tout pour l’armée française d’empêcher la prise de contrôle par les rebelles des zones d’intérêts impérialistes, français ou américains (Yamoussoukro, Abidjan, le port cacaoyer de San Pedro), selon le principe de division de l’Afrique en une zone utile et protégée, et un zone inutile (qui se soucie, à ce propos, de la République Centrafricaine, qui connaît le même type de tensions). Jusqu’à la conférence de Paris de fin janvier, la France soutenait donc ouvertement le pouvoir de Gbagbo, membre de l’Internationale Socialiste, qui s’est avéré aussi zélé que n’importe quel libéral pour maintenir le pays sous le joug des impérialistes. Les chefs rebelles ont toutefois réussi leur examen de passage à Paris et ont gagné le droit de partager les portefeuilles ministériels et de continuer la même politique.

Le peuple ivoirien ne pourra donc compter que sur lui-même pour stopper cette spirale de misère et de violence, et pas sur les relais de l’impérialisme français, américain ou ONUsien, qu’ils se déclarent rebelles ou loyalistes. Pour une vraie solution à la crise ivoirienne, il faut exiger :

• Halte aux interventions impérialistes en Afrique ! Retrait des troupes françaises !

• Halte aux pillages des richesses ivoiriennes ! Non paiement de la dette ! Que la France commence par annuler la dette ivoirienne à son égard ! Multinationales dehors ! Le peuple ivoirien doit bénéficier des richesses du pays !

• Unité des travailleurs de Côte d’Ivoire, sans distintion d’origine ou d’ethnie ! La solution ne passe pas par les gouvernements soumis aux impérialistes ! Le peuple ivoirien doit disposer de son propre sort !

• Unité des organisations ouvrières et populaires de Côte d’Ivoire pour un gouvernement ouvrier et paysan, qui seul pourra rompre avec l’impérialisme et prendre les mesures d’urgence favorables aux travailleurs !

Note sur les positions du P.T., de la L.C.R. et de L.O.

Le P.T., dans sa volonté de stigmatiser l’impérialisme américain comme le plus dangereux pour les peuples du monde entier, néglige totalement de dénoncer l’impérialisme français, et ne réclame à aucun moment le retrait des troupes françaises de Côte d’Ivoire. La L.C.R. dénonce cette intervention colonialiste française, mais uniquement sous l’angle de son unilatéralisme, auquel elle oppose les conceptions de Chirac au sujet de l’intervention en Irak, faisant appel à la bienveillante communauté internationale et à une ONU qui défendrait la légalité face à tel ou tel unilatéralisme ; peut-être la L.C.R. a-t-elle oublié les conséquences des actions estampillées ONU au Rwanda, en Afghanistan ou en Irak depuis plus de dix ans ? Quant à LO, si elle dénonce les interventions impérialistes en Côte d’Ivoire quelle que soit leur forme, elle n’offre aucune perspective concrète au peuple ivoirien pour sortir de cette crise, restant comme à son habitude aveugle devant l’existence d’organisations ouvrières et populaires, en particulier syndicales, dans lesquelles nous estimons pour notre part que les militants communistes révolutionnaires internationalistes doivent intervenir sur la ligne des revendications énumérées ci-dessus.


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