Le CRI des Travailleurs
n°34
(novembre-décembre 2008)

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Projet de Programme CRI


Auteur(s) :Groupe CRI
Date :1er janvier 2003
Mot(s)-clé(s) :programme, théorie
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Préambules

Considérant que

1. La misère matérielle et intellectuelle, la servitude, l’exploitation, l’oppression, la superstition et tous les maux qui accablent aujourd’hui l’écrasante majorité des êtres humains ont pour cause fondamentale le système capitaliste, qui repose sur l’assujettissement des travailleurs salariés aux propriétaires privés des moyens de production et à leurs États ;

2. L’émancipation de la classe des travailleurs salariés (le prolétariat), sa libération définitive des chaînes capitalistes, sera celle de tous les êtres humains et signifiera le libre développement intégral de chaque individu et de tous les individus ;

3. L’émancipation des êtres humains a pour condition la construction d’une société communiste, société existant à l’échelle mondiale, organisée par la communauté des individus associés, sans classes et sans État, égalitaire et libertaire ;

4. La construction de la société communiste suppose avant tout la socialisation des moyens de production et de distribution, c’est-à-dire leur appropriation, leur organisation et leur gestion collectives par les travailleurs eux-mêmes, dans la mesure où le développement du mode de production capitaliste en a créé depuis longtemps et en crée chaque jour davantage — au prix de misères et de souffrances infinies pour l’écrasante majorité des êtres humains — les conditions matérielles, techniques et scientifiques ;

5. « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » :

Dans la société bourgeoise, les revendications élémentaires et les aspirations des travailleurs salariés et de tous les opprimés se heurtent continûment à la logique même du mode de production capitaliste, qui constitue la base des formations sociales modernes ;

Les travailleurs salariés sont donc contraints de mener une lutte sans relâche non seulement contre leur propre patron, mais contre la classe bourgeoise dans son ensemble (capitalistes et propriétaires fonciers) et contre son État ;

Le prolétariat se constitue ainsi comme classe en s’organisant pour et par sa lutte de classe, acquérant une conscience spontanée de la contradiction qui oppose ses revendications et aspirations spécifiques au mode de production capitaliste, tendant à se constituer en ce « grand parti des travailleurs » que chante L’Internationale ;

Chez les prolétaires organisés les plus avancés, la conscience de classe tend à se transformer, par la réflexion rationnelle et l’analyse de la société, par la lecture de textes politiques et théoriques et la discussion collective, en une conscience politique de classe — conscience du caractère antagonique, irréconciliable, de la contradiction qui oppose leurs revendications et aspirations au système capitaliste dans son ensemble ;

La conscience politique de classe s’exprime ainsi dans la volonté plus ou moins cohérente et conséquente de supprimer ce système capitaliste lui-même et dans la tendance à construire des organisations politiques indépendantes ;

6. Les organisations politiques indépendantes du prolétariat doivent se donner pour but la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, condition préalable à son auto-émancipation :

L’appropriation effective des grands moyens de production et de distribution par les travailleurs eux-mêmes implique une phase transitoire durant laquelle ceux-ci exercent le pouvoir économique, politique et idéologique pour se rendre maîtres de leur propre destin ; en effet, la société communiste ne sortira pas du jour au lendemain de la société bourgeoise, l’abolition de l’ordre économique et social bourgeois et des classes sociales en général sera nécessairement un processus long et difficile ;

La fonction de cette « dictature du prolétariat » sera donc non seulement d’écarter définitivement du pouvoir les capitalistes, les propriétaires fonciers et leurs représentants politiques, mais encore de détruire l’État bourgeois de fond en comble, dans la mesure où il représente toujours les intérêts de la classe dominante, quelle que soit sa forme politique et l’idéologie qui en fait la soi-disant représentation générale de la société ; la destruction des États bourgeois nationaux implique celle de toutes les institutions internationales du capital (O.N.U., F.M.I., O.M.C., B. M., etc.) ;

La dictature du prolétariat consiste dans la mise en place provisoire d’États ouvriers et d’institutions internationales ouvrières, gérées effectivement par les travailleurs eux-mêmes et agissant pour la construction du socialisme, par la méthode de la « révolution permanente » du prolétariat international, c’est-à-dire l’extension de la révolution à l’échelle mondiale et, dans chaque pays, la substitution progressive du mode de production et de la civilisation socialistes au mode de production et à la civilisation capitalistes ;

La dictature du prolétariat sera par conséquent un État différent de tous ceux qui l’ont précédé,  la dernière forme historique de l’État : exercée par l’immense majorité dans l’intérêt historique de l’immense majorité, réalisant donc la « démocratie la plus complète », elle ne sera plus en ce sens qu’un « demi-État » (Lénine) ; cependant, elle n’en sera pas moins un État, c’est-à-dire un ensemble d’institutions servant les intérêts historiques d’une classe (le prolétariat) et consistant par là même en la mise en œuvre — quoique sous une forme radicalement nouvelle — des prérogatives traditionnelles de l’État, avant tout de ses prérogatives répressives contre les anciennes classes dominantes ;

Ce caractère contradictoire de l’État prolétarien fait que celui-ci renferme intrinsèquement un risque de dégénérescence, que seule la révolution permanente du prolétariat international permettra d’empêcher ; ainsi la dégénérescence rapide de l’État prolétarien en U.R.S.S. et le développement sans limite du pouvoir d’État bureaucratique au lieu de son dépérissement progressif, sont-ils avant tout le résultat non seulement de l’arriération de la Russie tsariste, mais surtout de l’isolement de la révolution russe (retard de la révolution mondiale, due notamment à la trahison social-démocrate de la révolution allemande) et de la pression (militaire et économique) de l’impérialisme sur l’État prolétarien isolé ;

L’expérience de toutes les révolutions prolétariennes (Commune de Paris de 1871, révolution russe de 1905, révolutions russes de février et d’octobre 1917, révolutions allemande et hongroise de 1917-1923, révolution chinoise de 1927, révolution hongroise de 1956, révolution tchécoslovaque de 1968) et la prise en compte de la monstruosité qu’a constituée le stalinisme contre-révolutionnaire en U.R.S.S., en Chine et ailleurs, incitent à penser que le prolétariat ne pourra réaliser victorieusement sa dictature que sous la forme de conseils de travailleurs souverains et fédérés aux niveaux local, national et international ;

En ce sens, la République socialiste universelle des conseils de travailleurs sera la forme la plus élevée de la démocratie : les conseils rassembleront la grande majorité de la population ; leurs délégués seront élus, mandatés et révocables ; les partis ouvriers et populaires, fractions du « grand parti des travailleurs », qui reconnaîtront et respecteront le pouvoir révolutionnaire des conseils souverains, débattront librement et s’affronteront démocratiquement dans le cadre de ces conseils ;

7. Pour aider à la lutte politique du prolétariat, participer à son éducation théorique et pratique, préparer et organiser la prise du pouvoir politique, il est nécessaire de construire un parti communiste révolutionnaire international visant à organiser les militants d’avant-garde du prolétariat dans l’esprit du marxisme révolutionnaire :

Au sens strict du terme, le programme historique général du parti communiste révolutionnaire international a été exposé dans une série de textes depuis plus de cent-cinquante ans, tout particulièrement le Manifeste du Parti communiste, les textes fondamentaux rédigés par Marx et adoptés par l’Association Internationale des Travailleurs, les textes de la IIe Internationale avant sa dégénérescence opportuniste et son passage définitif du côté de l’ordre bourgeois en 1914, les textes des quatre premiers congrès de l’Internationale communiste avant sa dégénérescence stalinienne, les textes de la IVe Internationale avant sa liquidation pabliste, etc. ; le contenu de ce programme communiste général est rappelé de manière synthétique dans les présents préambules ;

Le Programme de transition rédigé par Léon Trotsky en 1938 et adopté par la conférence de fondation de la IVe Internationale n’est donc pas, à lui seul, le programme du parti communiste révolutionnaire international ;

En outre, ce Programme de transition est naturellement dépassé, après plus de six décennies, quant à ses analyses conjoncturelles (crise de stagnation du capitalisme, fascisme et fronts populaires, U.R.S.S. et stalinisme, marche à la guerre mondiale imminente…) ;

Néanmoins, le Programme de 1938 est toujours valable actuellement quant à ses analyses essentielles — caractère décisif de la crise de la direction du prolétariat, nature et fonction des appareils bureaucratiques du mouvement ouvrier, nécessité de construire la IVe Internationale —, quant à la méthode générale de la transition et quant aux principaux mots d’ordre à mettre en avant ;

Il en résulte qu’il requiert les compléments et reformulations, rendus nécessaires par la situation présente ; il n’avait d’ailleurs nullement été conçu comme un texte définitif intouchable — et tous les révolutionnaires savent que la fétichisation dogmatique d’un texte accompagne souvent son abandon pratique ;

Le présent texte se veut donc une esquisse pour reprendre, mettre à jour et compléter, en fonction de la situation présente, les analyses et les revendications du « programme de transition » nécessaire à la construction du parti communiste révolutionnaire international (IVe Internationale) sur la base du marxisme révolutionnaire (1).

I. Thèses sur la situation du capitalisme et de la société bourgeoise, sur le mouvement ouvrier et ses directions

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II. Thèses pour l’intervention politique dans la lutte des classes

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III. Thèses sur la méthode de construction du parti

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1) Certes, Marx lui-même a fait la recommandation suivante : « Dans les programmes de parti, écrivait-il dans une lettre à Hyndman du 2 juillet 1881, il faut tout éviter qui laisse apparaître une dépendance directe vis-à-vis de tel ou tel auteur ou de tel livre ». Cette mise en garde doit toujours être rappelée contre toutes les formes de dogmatisme et de catéchisme, contre tout enfermement dans des questions scolastiques stériles sur l’interprétation de textes. Cependant, s’efforçant de prendre pour base de leur élaboration politique une connaissance scientifique de la réalité économique, sociale, politique et idéologique, les communistes révolutionnaires internationalistes s’appuient sur la méthode et les enseignements théoriques et pratiques du marxisme — à la condition expresse qu’ils ne soient jamais tenus pour des vérités révélées, mais soient au contraire constamment confrontés aux faits et au crible impitoyable de la critique rationnelle. Dans cette perspective, les communistes révolutionnaires internationalistes se reconnaissent dans les résultats essentiels du travail théorique et politique accompli, après Marx et Engels, par Lénine, Luxembourg, les opposants de gauche au sein de la IIe Internationale, le parti bolchévique avant sa dégénérescence stalinienne, Trotsky et les partisans de la IVe Internationale avant sa liquidation pabliste (quels que soient par ailleurs les limites, défauts ou erreurs respectifs des uns et des autres). Plus généralement, ils considèrent que leur patrimoine intellectuel est constitué (sous bénéfice d’inventaire) par les écrits de tous ceux qui se sont battus dans le camp des travailleurs pour les idées socialistes et communistes, parmi lesquels figurent notamment Babeuf, Blanqui, Kautsky avant 1910, Jaurès, Gramsci, les opposants communistes révolutionnaires au stalinisme comme Pannekoek et les communistes « conseillistes », Bordiga, etc., qui ont souvent apporté des contributions importantes au communisme révolutionnaire. Enfin, les communistes révolutionnaires internationalistes s’efforcent d’étudier sérieusement les principaux théoriciens bourgeois d’hier et d’aujourd’hui, comme l’ont fait avant eux Marx, Lénine et les principaux penseurs du mouvement ouvrier révolutionnaire.