Article du CRI des Travailleurs n°17

Non à l'Europe du capital ! Non à Chirac ! Non à Hollande !
Pour un gouvernement des travailleurs, en France et ailleurs !
Vers une Europe communiste révolutionnaire !
(Plate-forme politique signée par le Groupe CRI, Les Amis de l'Égalité (Blois) et l'Alternative révolutionnaire pour le socialisme (ARS-Combat))

Après les Traités de Maastricht en 1992, d’Amsterdam en 1997 et de Nice en 2000, les gouvernements européens, de droite comme de « gauche », veulent maintenant imposer aux peuples une « Constitution » pour renforcer leur « Union européenne ». En France, Chirac a décidé qu’un référendum aurait lieu le 29 mai. Il cherche ainsi à renforcer son gouvernement discrédité, en faisant cautionner par le suffrage universel sa politique entièrement tournée contre les intérêts des travailleurs (ouvriers, employés, enseignants, petits paysans, etc.). Dans ce but, Chirac est soutenu non seulement par le MEDEF, l’UMP et l’UDF, mais aussi, une fois de plus, par le PS et les Verts, qui avaient déjà mené une politique analogue lorsqu’ils étaient au pouvoir entre 1997 et 2002 (avec le PCF), préparant ainsi le terrain à Raffarin, Fillon, Sarkozy et compagnie.

Les travailleurs n’ont aucun intérêt à cette prétendue « construction européenne »

Qu’est-ce que l’Union Européenne ? Depuis ses débuts dans les années 1950, et notamment depuis le Traité de Maastricht en 1992, ce que les bourgeoisies appellent la « construction européenne » n’est rien d’autre que la construction d’un cadre économique et juridique destiné à servir leurs propres intérêts, ceux du grand capital : pour les gros patrons et les classes dirigeantes d’Europe, il s’agit à la fois de faire face à leurs concurrents capitalistes des autres continents (notamment des États-Unis, du Japon, de l’Asie du Sud-Est…) et de liquider les acquis des travailleurs européens en attaquant leurs droits durement conquis dans chaque pays par la lutte de classe (Sécurité sociale, retraites, école publique, services publics…).

Alors que les gouvernements nous avaient promis la solidarité et la prospérité en Europe, ils démontrent tous les jours qu’ils ne peuvent et ne veulent pas mettre fin au chômage, aux licenciements, à la surexploitation, à la précarité, aux bas salaires, à la crise du logement, etc. En revanche, tous ces gouvernements bourgeois, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont multiplié les cadeaux au patronat, ils ont privatisé les entreprises publiques, ils ont organisé des coupes claires dans les budgets sociaux sous prétexte de limiter les déficits publics et ils ont brisé dans tous les pays d’Europe de nombreuses conquêtes sociales, sous prétexte de baisser le « coût du travail ». Ainsi, les travailleurs ont pu constater tous les jours dans leur chair que la prétendue « construction européenne » n’a rien à voir avec le progrès social et la solidarité, mais qu’elle est intégralement dirigée contre leurs intérêts.

Cependant, il ne s’agit en aucun cas de se réfugier dans un repli nationaliste : d’un point de vue économique, celui-ci n’est pas possible à l’heure de la « mondialisation », et les économies des différents pays européens en particulier sont intimement liées les unes aux autres, rendant historiquement nécessaire, depuis longtemps, le dépassement des frontières héritées du passé. D’un point de vue idéologique, le nationalisme est entièrement réactionnaire dans les pays européens impérialistes : contre l’extrême droite démagogue, raciste, voire fasciste, il faut dire clairement que les ennemis des travailleurs, ce ne sont ni les travailleurs immigrés, ni ceux de l’Europe de l’Est ou de la Turquie, qui sont victimes au contraire d’une exploitation terrible, avec des salaires de misère et presque sans droits. En réalité, dans tous les pays, les travailleurs sont confrontés aux mêmes ennemis, qui sont les gros patrons, les spéculateurs et les gouvernements, car tous ces gens-là ne vivent que du travail et de l’exploitation des salariés. C’est pourquoi les travailleurs doivent s’unir par delà les frontières et mener ensemble un combat commun : tout en défendant leurs acquis sociaux dans chaque pays et en se battant pour de nouvelles conquêtes, ils doivent combattre aussi bien les États bourgeois nationaux que l’Union européenne bourgeoise, puisque les uns et les autres ne sont que des instruments du capital.

Sabotons l’Union européenne des capitalistes ! Au référendum, infligeons-leur une défaite cinglante !

Aujourd’hui, le combat pour faire échec au projet de « Constitution » européenne revêt une importance politique cruciale. Bien sûr, les différentes bourgeoisies n’ont pas attendu ce texte pour mener une politique contraire aux intérêts des travailleurs, et il faut dire clairement qu’elles continueront à le faire même s’il n’est pas adopté... jusqu’à ce que les travailleurs aient pris eux-mêmes le pouvoir politique.

Cependant, la victoire du « non » au référendum en France et l’échec de cette « Constitution » constitueraient une défaite cinglante pour les bourgeoisies de France et d’Europe. Car, depuis des années, les principales forces bourgeoises sont unanimes, elles ont rassemblé tous leurs efforts pour construire l’Europe des banquiers, des capitalistes et des technocrates, en piétinant les droits et acquis des travailleurs, tout en essayant de leur faire croire que c’était pour leur bien. Or le référendum annoncé sera l’occasion pour les travailleurs conscients de leurs intérêts de classe de dire qu’ils ne sont pas dupes, qu’ils ne veulent pas de cette Europe-là et de tous les gouvernements actuels. Historiquement, un rejet franc et massif de la « Constitution » serait le premier revers majeur, le premier sabotage populaire massif que subirait la « construction européenne » bourgeoise. Et, en France, ce serait aussi, bien sûr, une grave défaite politique pour le gouvernement Chirac-Raffarin et pour ses alliés ouverts du PS, des Verts et de la CFDT.

Cette défaite politique de la bourgeoisie ne serait certes pas suffisante pour inverser le rapport de force entre les travailleurs et les capitalistes : celui-ci se joue avant tout sur le terrain de la lutte de classe directe, notamment dans les grèves et dans la rue, avec les travailleurs qui défendent leurs salaires et leurs conditions de travail, avec les lycéens qui exigent le retrait de la loi Fillon, etc. Cependant, cette défaite politique ralentirait la construction de l’Europe capitaliste, et surtout elle ouvrirait une situation politique plus instable pour la bourgeoisie et le gouvernement. Or tout ce qui affaiblit politiquement le camp capitaliste offre aux travailleurs l’opportunité de développer et de renforcer leur lutte de classe et leur propre politique indépendante.

De ce point de vue, les travailleurs conscients de leurs intérêts de classe doivent certes se réjouir que les forces qui se réclament du mouvement ouvrier (minorité du PS et des Verts, PCF, nombreuses unions départementales et fédérations CGT et d’autres syndicats…) appellent à voter « non ». Cependant, ils ne peuvent approuver ou cautionner le « non » hypocrite ou timoré de ceux qui, à « gauche » et dans les appareils syndicaux, critiquent aujourd’hui le projet de Constitution européenne, mais refusent de combattre la construction de l’Europe capitaliste elle-même, d’exiger l’abrogation des Traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice (pourtant intégrés dans le projet de Constitution), de dénoncer la politique mise en œuvre par les gouvernements successifs de droite et de « gauche » et même, aujourd’hui, de combattre réellement Chirac-Raffarin-Fillon, en se contentant d’appeler à des « journées d’action » dispersées et sans lendemain, au lieu d’engager une épreuve de force avec le gouvernement pour le vaincre.

Un véritable « non » de classe à la « Constitution » européenne ne saurait non plus s’inscrire dans le cadre de la prétendue « construction européenne » (comme le font l’ « Appel des 200 », ATTAC, le PCF, la LCR, le CCN de la CGT...) ou de l’État français « républicain » (PT) — en un mot dans le cadre du capitalisme. En effet, aucune solution aux maux qui accablent les travailleurs, aucune alternative politique n’est possible, sans rupture révolutionnaire avec le capitalisme.

Quelle « autre Europe » ?…
Celle construite par les travailleurs eux-mêmes !

C’est pourquoi l’appel au vote « Non » est absolument nécessaire, mais absolument pas suffisant. En effet, les travailleurs ont besoin d’une véritable perspective politique indépendante, qui ne saurait être que communiste, révolutionnaire et internationaliste.

Le « non » de classe à la « Constitution » européenne est un « non » à l’Europe du capital, mais c’est un « oui » à la perspective d’une autre Europe : une Europe de la solidarité des travailleurs et du progrès social pour tous, qui soit ouverte à tous les peuples s’ils le souhaitent, y compris bien sûr le peuple turc. Or une telle Europe ne saurait être qu’une Europe débarrassée du capitalisme, car celui-ci ne peut être « humanisé » : ce ne peut être qu’une Europe communiste révolutionnaire. Pour réaliser cet objectif historique, il n’y aura pas d’autre voie que d’imposer, dans chaque pays, un gouvernement des travailleurs, par les travailleurs, pour les travailleurs :

• Seuls de tels gouvernements révolutionnaires pourront rompre avec les institutions de l’Union européenne et de l’État français bourgeois, pour mettre en place des institutions réellement démocratiques, permettant aux travailleurs d’exercer eux-mêmes le pouvoir à tous les niveaux et dans tous les domaines, avec des délégués élus, mandatés et révocables à tout moment, rémunérés par un salaire moyen ;

• Seuls de tels gouvernements révolutionnaires pourront mettre fin à la dictature des marchés financiers, des banques et des multinationales, en collectivisant les grandes entreprises pour mettre fin au chômage par la répartition du temps de travail entre tous, et pour que les travailleurs puissent diriger eux-mêmes leurs usines et leurs établissements, en les faisant fonctionner non plus dans l’intérêt d’une minorité privilégiée, mais dans l’intérêt de la majorité ;

• Seuls de tels gouvernements révolutionnaires pourront garantir les conquêtes sociales, démocratiques et féministes obtenues par les luttes du passé, rétablir celles que la bourgeoisie a supprimées et en réaliser de nouvelles au profit de la majorité ;

• Seuls de tels gouvernements révolutionnaires pourront mettre fin aux guerres injustes des impérialistes, supprimer la prétendue « dette » des pays dominés, accorder la citoyenneté pleine et entière aux travailleurs immigrés et instaurer des relations pacifiques, solidaires et fraternelles entre les peuples, non seulement en l’Europe, mais dans le monde entier.

La réalisation de cet objectif historique n’est certes pas pour aujourd’hui, mais il doit être présenté, discuté et préparé dès aujourd’hui, car tout projet politique s’inscrit dans la durée et celui-ci est le seul qui permette de rompre réellement avec la logique infernale du capitalisme, avec l’escalade des guerres impérialistes et avec la spirale de la régression sociale subie par les travailleurs. En outre, cet objectif est le seul qui permette, dès aujourd’hui, de mener le plus loin possible les luttes sociales qui ont lieu quotidiennement, de les mener sans complexe, avec fermeté et détermination, contre le patronat et le gouvernement qui ne peuvent être vaincus que par la lutte de classe la plus inflexible. Enfin, il faut souligner que cet objectif est tout à fait réalisable à terme, à condition que, dès aujourd’hui, les travailleurs s’en saisissent, en discutent et s’organisent pour préparer sa réalisation : cela suppose de commencer sans attendre à construire un véritable parti anti-capitaliste : un parti communiste, révolutionnaire et internationaliste.

Pour un parti communiste révolutionnaire et un front uni des organisations ouvrières et populaires

Sur la base de son propre programme, un tel parti aurait pour tâche de participer au rassemblement unitaire des travailleurs contre l’Union européenne et contre tous les gouvernements bourgeois. Tout en développant ses propres positions, il devrait se prononcer pour le front uni des organisations qui se réclament des intérêts spécifiques des travailleurs :

• Si le PCF, les courants « de gauche » du PS et les dirigeants des syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires…) veulent réellement défendre les intérêts des travailleurs comme ils le prétendent, alors ils doivent le prouver non seulement en se prononçant pour le « non » au référendum, mais encore en cessant leur tactique éculée des « journées d’action » isolées, sans lendemain et sans efficacité ; ils doivent tout au contraire mobiliser réellement les salariés, à la fois sur le terrain électoral, pour infliger une défaite à l’Europe du capital et au gouvernement, et sur le terrain de la lutte de classe pratique, avec comme perspective la grève générale, seul moyen pour vaincre Chirac-Raffarin-Fillon — qu’il s’agisse des salaires et des conditions de travail ou des contre-réformes en général, comme le combat pour le retrait de la réforme Fillon, à l’heure où les lycéens et les personnels de l’Éducation se mobilisent massivement ;

• De leur côté, les organisations d’ « extrême gauche » (LO, LCR, PT...) ont une responsabilité toute particulière : puisqu’elles se réclament officiellement de la révolution et du socialisme, elles doivent prendre la tête de la campagne pour le « Non » à la « Constitution européenne », mais en la menant dans une perspective ouvertement socialiste et révolutionnaire, au lieu de se complaire dans une orientation réformiste (LCR, PT) ou sans perspective (LO), comme elles le font aujourd’hui.

Mais il ne s’agit pas d’attendre passivement que les uns et les autres se mettent à combattre sérieusement : les militants d’avant-garde doivent convoquer des réunions de travailleurs, dans les usines, les bureaux, les quartiers, afin de développer la campagne pour le « non » de classe à la « Constitution » européenne, en relation avec la lutte de classe pratique. Les militants communistes révolutionnaires ont le devoir de participer aux réunions unitaires et d’y proposer toujours, sans hésitation, leur propre programme. Car ces réunions et ces discussions, y compris les désaccords au sein du mouvement ouvrier, ne pourront que développer la conscience de classe, vivifier la lutte de classe et contribuer ainsi, en France, à surmonter les défaites-trahisons de mai-juin 2003 et du printemps 2004, à mener jusqu’à la victoire le combat contre le gouvernement, dans les urnes et dans la rue.