Article du CRI des Travailleurs n°17

Intervention dans le débat interne du SNESup-FSU

Nous publions ici, pour information, la contribution rédigée par deux militants syndicaux, par ailleurs membres du Groupe CRI, pour la discussion interne de leur syndicat, le SNESup (Syndicat national de l’enseignement supérieur, affilié à la FSU, Fédération syndicale unitaire), concernant le projet de « Constitution » européenne, le référendum et la politique du gouvernement. Les notes de bas de page sont de la rédaction.

Lutter pour le NON au référendum sur la « Constitution » européenne !

Lutter pour stopper les réformes et vaincre Chirac-Raffarin !

De la prise de position de la CA du SNESup du 28 janvier, qui « condamne » le projet de Traité constitutionnel européen (1), doit découler un combat déterminé pour faire échouer ce projet par tous les moyens efficaces. En effet, s’il est vrai que la volonté des gouvernements de mettre en place une « Constitution » européenne n’a, dans la continuité de tous les traités européens, pas d’autre but que de servir les intérêts du capital, notamment en réduisant le coût du travail et en détruisant les services publics contre les intérêts à la fois des personnels et des usagers ; en un mot, s’il est clair que la « Constitution » européenne est contraire aux intérêts matériels et moraux des travailleurs, alors il est du devoir du syndicat, construit pour défendre ces intérêts, de mener ce combat. Les patrons, leurs représentants politiques et leurs médias n’ont aucun état d’âme à engager une féroce propagande pour le Oui. Les syndicats de travailleurs, en particulier le SNESup et, au-delà, la FSU, ne doivent pas laisser les travailleurs atomisés, face à leur bulletin de vote, soumis à cette pression terrible, mais mener une campagne déterminée pour le NON. S’appuyant sur la prise de position du CCN de la CGT et de nombreux syndicats de la CGT, le SNESup et la FSU doivent proposer la mise sur pied de comités regroupant les syndiqués et les salariés afin d’organiser le combat pour défaire le projet de « Constitution » européenne.

Mais il ne suffit pas de répéter à l’envi que cette « Constitution » est d’orientation « ultralibérale », d’évoquer une hypothétique « autre Europe », « tournée vers la paix, le progrès social et les aspirations démocratiques des peuples », pour mener le combat contre la « construction européenne » au service des patrons. Il faut combattre sans ambiguïtés, ici et maintenant, les mesures prises par notre gouvernement, notamment contre l’enseignement public et la recherche.

À cet égard, le SNESup a déjà perdu une occasion en renonçant en pratique au combat contre la réforme LMD (2), préférant agir à la marge pour que les maquettes soient les moins mauvaises possible plutôt que de lutter, avec les étudiants combatifs mais du coup isolés, pour le retrait pur et simple de cette réforme. Il s’agit pourtant d’un exemple frappant où, au nom de « l’harmonisation européenne », le gouvernement a traduit l’orientation de l’Union européenne dans le domaine de l’enseignement supérieur. En baissant la qualité de l’enseignement pour le plus grand nombre tout en créant des « pôles d’excellence » réservés à une élite, en rendant la future force de travail moins coûteuse et plus adaptée aux besoins des patrons, le gouvernement a déjà bien avancé dans la voie de la destruction du service public d’enseignement supérieur.

Aujourd’hui, l’attaque contre l’Université se concentre dans la LOPRI (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Recherche et l’Innovation [cf. notre note ci-dessous]) de Fillon, qui veut introduire les notions de compétitivité dans la recherche publique, pour privatiser ses secteurs les plus rentables. C’est l’expression concrète dans notre domaine de l’orientation de l’ensemble de la « Constitution » européenne pour tous les travailleurs.

En ce sens, constituer des comités pour le NON au référendum, ce n’est pas seulement la façon la plus efficace pour défaire le projet de « Constitution » européenne, c’est aussi la meilleure façon d’organiser le combat contre la loi Fillon, contre la LOPRI et plus généralement contre la politique de casse du gouvernement Chirac-Raffarin. L’expérience de mai-juin 2003, puis de mai-juin 2004, a démontré que l’on ne peut pas stopper ces projets par des journées d’action dispersées. C’est en organisant les salariés à la base et dans l’unité que l’on peut préparer tous ensemble la grève générale, seule à même de vaincre le gouvernement. Réciproquement, développer dès maintenant le combat pour la victoire du NON au référendum, c’est se préparer à infliger une défaite au gouvernement, et par là ouvrir la voie à des combats victorieux contre ses « réformes » au service des patrons. C’est enfin la meilleure façon d’indiquer positivement quelle est la seule voie vers une véritable alternative à l’Europe capitaliste : une Europe dirigée par et pour les travailleurs.

Dans ce but, les sections doivent réunir tous les adhérents pour débattre et décider de l’orientation du syndicat : c’est la condition pour que le prochain Congrès d’Orientation du SNESup des 6-7-8 avril reflète les attentes des syndiqués. C’est par la libre discussion entre salariés organisés, que nous pourrons parvenir à comprendre collectivement quels sont nos intérêts communs et prendre les mesures pour les faire prévaloir.

Comme la LOPRI, le projet de « Constitution » européenne ne peut pas être amendé. C’est pourquoi le SNESup et la FSU doivent se battre pour son rejet en appelant clairement au vote NON, en menant résolument une vaste campagne en ce sens et en mettant sur pied partout des comités unitaires avec les autres syndicats et organisations de salariés qui partagent ces objectifs.

Qu’est-ce que la LOPRI ? (Note de la rédaction)

Le projet de LOPRI rendu public par Fillon est censé répondre au mouvement des chercheurs du début de l’année 2004. Dans les faits, ce projet maintient la situation de sous-effectifs (8 000 emplois prévus d’ici 2010 alors qu’il en faudrait 44 000 selon la FSU) pour toutes les catégories (chercheurs, enseignants-chercheurs, IATOSS, ITA), avec un recours accru aux emplois précaires (CDD, contractuels). De plus, il démantèle l’Université publique via la mise en place des PRES (Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur), tendant à séparer l’enseignement supérieur de la recherche, qui ne se mènerait plus désormais que dans des « pôles de recherche d’excellence ». L’augmentation budgétaire est destinée à la recherche privée, qui devrait en outre pouvoir profiter des ressources de la recherche publique au sein de structures communes. Enfin, la politique de recherche serait pilotée par et pour les industriels, via l’Agence Nationale de la Recherche et l’Agence d’Innovation Industrielle où ils sont largement représentés ; parallèlement, le ministère accentuera son contrôle en augmentant le nombre de ses représentants nommés dans les différentes instances.


1)  La Commission Administrative a voté un texte affirmant notamment : « (…) La CA du SNESUP, à l’instar du CDFN [direction nationale] de la FSU, condamne le projet de constitution européenne avec lequel elle est en profond désaccord. Elle décide d’alerter ses syndiqués pour les informer et pour débattre de cette appréciation » ; mais on y lit aussi : « Au stade actuel de la réflexion et du débat dans le syndicat, la CA du SNESUP ne saurait se prononcer pour une consigne de vote. Elle mandate le bureau national, et s’adresse aux sections du syndicat, pour poursuivre le travail d’information et de débat auprès des syndiqués et des collègues. » Notons que l’amendement : « C’est pourquoi le SNESup appelle à rejeter cette constitution en votant NON au référendum », a été repoussé.

2)  Pour l’analyse de cette contre-réforme des diplômes et cursus universitaires, cf. Le CRI des travailleurs n° 9 (novembre-décembre 2003).