Article du CRI des Travailleurs n°20

Pour la fusion des syndicats étudiants de lutte

Constatant les échecs des mouvements étudiants de ces dernières années, l’ampleur de la division syndicale et l’absence de véritable perspective de construction pour le syndicalisme étudiant de lutte dans ces circonstances, la Fédération Syndicale Étudiante (FSE), à laquelle participent activement les militants étudiants du Groupe CRI, a lancé un appel à l’unité organisationnelle du syndicalisme étudiant de lutte. Elle propose la fusion des organisations étudiantes qui s’en réclament : la FSE, Sud-étudiant, la CNT-FAU (anarcho-syndicaliste), la TTE (Tendance tous ensemble, tendance de l’Unef dirigée par les JCR), le CVSE (Comité pour un vrai syndicat étudiant, dirigé par le PT) et des syndicats locaux autonomes. À la quasi-unanimité, les sections de la FSE réunies en congrès au mois de septembre dernier ont décidé de lancer cet appel à la fusion en proposant une première réunion nationale le 10 décembre.

Si l’accord presque immédiat des militants de la FSE sur cette campagne de fusion prouve leur absence de sectarisme et leur souci de privilégier les intérêts globaux du syndicalisme de lutte plutôt que leur propre appareil, ils attendent avec impatience de connaître la réponse des autres organisations. Un syndicat étudiant unique et combatif serait bien sûr un point d’appui indispensable pour mener à bien la préparation de la grève nationale dont les étudiants ont besoin pour vaincre sur des revendications telles que l’abrogation de la réforme LMD et l’augmentation des crédits nécessaires aux facultés : c’est ce qu’ont montré les limites du mouvement qui a touché l’Université de Rouen pendant plusieurs semaines, mais qui n’a obtenu qu’1 million d’euros dû par l’État. Mais la constitution d’un tel syndicat serait aussi un point d’appui essentiel pour la construction d’une tendance intersyndicale de lutte de classe et anti-bureaucratique chez les salariés : nous publions ici le communiqué national de la FSE, car sa démarche devrait intéresser l’ensemble des organisations et des militants partisans de la lutte de classe.

Paul Lanvin

Communiqué national de la FSE :
« Pour l’unité du syndicalisme étudiant de lutte »

« Depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs et leurs ministres de l’Éducation Nationale ont remis sans cesse en cause les acquis des étudiants et des travailleurs, en s’attaquant au service public d’éducation, et particulièrement à l’enseignement supérieur. Semestrialisation de Bayrou en 1997 ; Loi sur l’innovation d’Allègre en 1999, réforme LMD/ECTS de Jack Lang en 2002, Régionalisation de Ferry en 2003, LOPRI de Fillon en 2005… Sous couvert d’harmonisation européenne, de régionalisation financière et d’autonomie pédagogique, toutes ces réformes s’inscrivent dans une logique bien précise : adapter le contenu des formations aux intérêts économiques, mettre en place un marché européen de l’enseignement supérieur, mettant les universités en concurrence, ainsi que les étudiants. Cette concurrence n’est évidemment pas sans conséquences sur la capacité des étudiants à se mobiliser pour s’opposer à des réformes qui vont à l’encontre de leurs intérêts.

La dégradation du service public d’éducation s’accompagne d’une baisse générale de l’aide sociale étudiante, qui tout comme l’enseignement supérieur, pâtit du désengagement financier de l’État. Si le système d’aide sociale, en particulier les bourses, est très largement insuffisant pour garantir aux étudiants des conditions d’étude et de vie décentes, la réforme de décentralisation des CROUS entreprise par le ministère, et qui sera applicable en 2006, va accentuer la paupérisation du milieu étudiant, creusant de plus en plus d’inégalités pour l’accès à l’enseignement supérieur.

Face à cette casse généralisée de l’enseignement public, les étudiants n’ont eu de cesse de se mobiliser, s’opposant toujours à la même logique d’attaques contre les acquis sociaux, sans pour autant réussir à établir un véritable rapport de force, dans une démarche collective et offensive. Ces échecs sont manifestement dus à la trop faible influence des organisations syndicales étudiantes de lutte : si celles-ci ont eu un rôle primordial dans la construction de luttes locales pour la défense des acquis des étudiants, et parfois de manière victorieuse, elles n’ont pas été capables d’étendre et de développer leurs méthodes pour mettre en place un rapport de force au niveau national, seule condition pour faire valoir les droits des étudiants, faire aboutir leurs revendications et protéger des acquis sans cesse remis en cause. À ce faible poids s’ajoute une visibilité quasi nulle, conséquence première de la multiplication et de l’éclatement des organisations se réclamant du syndicalisme étudiant de lutte. Le brouillage qu’entraîne cette division aux yeux des étudiants et des institutions, a laissé le champ libre au développement du syndicalisme cogestionnaire, qui malgré une visibilité et une reconnaissance institutionnelles, n’a jamais été capable d’organiser en masse les étudiants pour défendre leurs intérêts et combattre les attaques qu’ont subi depuis de nombreuses années l’enseignement supérieur et l’aide sociale étudiante.

Les étudiants ont besoin d’une organisation syndicale de lutte capable de créer les conditions favorables à la mise en place d’un rapport de force au niveau national. Conscients que la division des syndicats de lutte est l’une des principales causes des échecs des mouvements étudiants, nous devons maintenant dépasser les intérêts de chapelle pour construire l’unité du syndicalisme étudiant, sur des bases de lutte et anticapitalistes, et s’opposer ainsi au processus des réformes qui cassent les acquis historiques des étudiants et des travailleurs. De ce fait, nous nous opposerons également au syndicalisme cogestionnaire, qui depuis des années fait le jeu des réformes en accompagnant leur application.

Par conséquent, la Fédération Syndicale Etudiante appelle toutes les organisations étudiantes se réclamant du syndicalisme de lutte à ouvrir un dialogue, tant en interne qu’avec les autres organisations, sur la nécessité de l’unité du syndicalisme étudiant, dans le but de créer à terme une seule organisation, puissante et massive.

La FSE invite donc, le 10 décembre à Paris, toutes les sections appartenant aux organisations suivantes, ainsi que leurs secrétariats ou bureaux fédéraux : SUD-étudiant, CNT-FAU, CVSE, UNEF-TTE, AGEN, Résistance Syndicale, Epices, ainsi que tous les comités de mobilisation se retrouvant sur les bases du syndicalisme de lutte.

Cette réunion sera l’occasion de débattre de nos accords et de nos divergences, et ainsi avancer sur les points essentiels à l’unité et au développement du syndicalisme de lutte. »