Article du CRI des Travailleurs n°13

Campagne pour les élections européennes de la gauche plurielle et de l'extrême gauche : d'un côté comme de l'autre, aucune véritable perspective politique pour les travailleurs

Au-delà de leurs bavardages concernant « l’Europe sociale », PS et PCF couvrent en fait le gouvernement et l’Union européenne

Le PS attend bien sagement 2007

Le PS essaie de faire passer la pilule de son refus de combattre le gouvernement malgré sa « victoire » officielle aux élections régionales et cantonales, en agitant le hochet de « l’Europe sociale » et en faisant mine de prendre quelques distances, sur des points secondaires, avec le projet de « Constitution » européenne de Giscard (que la grande majorité de ses députés au Parlement européen a cependant approuvé l’an passé). Bien évidemment, il n’y a rien à attendre de ce côté-là pour les travailleurs conscients, et il est probable qu’une partie de ceux qui avaient voulu utiliser en mars dernier le bulletin PS pour exprimer un « vote-sanction » contre le gouvernement, ont été échaudés par l’attitude de ce parti depuis lors, et ira grossir les rangs des abstentionnistes... En fait, malgré son origine ouvrière et ses liens syndicaux, le PS est devenu depuis des années déjà un parti bourgeois : son programme et sa politique pratique au gouvernement sont exactement de même nature que ceux de la droite, et la masse du prolétariat n’a plus guère d’illusions à son égard — même si l’aristocratie ouvrière et les couches supérieures du salariat (syndicalistes, enseignants, cadres…) le considèrent encore souvent comme « moins pire » que la droite. En réalité, la politique de Chirac-Raffarin ne fait que continuer en l’aggravant celle du gouvernement Jospin-Voynet-Buffet... laquelle n’avait fait elle-même que poursuivre l’orientation de Balladur-Juppé... en l’aggravant elle aussi (privatisations plus nombreuses, lois Aubry d’annualisation et flexibilité du travail, réforme ECTS-LMD de l’Université, refus de régulariser collectivement les travailleurs « sans-papiers », etc., etc.).

Le PCF veut construire « une autre Europe »... mais avec les patrons et les gouvernements bourgeois

Quant au PCF qui, tout en étant historiquement dans la phase ultime de son agonie, garde une influence déterminante dans le mouvement ouvrier officiel (notamment dans la CGT et la FSU, syndicats majoritaires), le voilà pris d’un « bougisme » suraigu : son « programme » pour les élections européennes se résume à un mot d’ordre on ne peut plus précis : « Que ça change » (1)  ! Concrètement, s’agit-il de rompre avec la politique de la gauche plurielle ? Non, mais seulement de s’allier avec « tout ce qui bouge » (sic), pour « bousculer la gauche »… Selon quelle orientation ? La lecture de la plate-forme de la « Gauche populaire et citoyenne » menée par le PCF se compose de « propositions » qui laissent pantois :

- Sur la question de l’emploi, le PCF demande une « stricte limitation du travail précaire » : surtout pas l’interdiction, il ne faudrait tout de même pas trop gêner les patrons ! Il revendique aussi une « rigoureuse réglementation des licenciements collectifs et des délocalisations » : donc le PCF n’est pas contre les licenciements collectifs et les délocalisations, il ne veut pas combattre pour les interdire et les empêcher, mais seulement pour les « réglementer »… La bonne âme ! Enfin, il réclame une « limitation concertée de la durée du travail dans toute l’Europe » : s’agit-il de demander une généralisation à l’Europe entière de mesures type « lois Aubry » (votées par la gauche plurielle unanime sous Jospin) qui, sous couvert de baisse du temps de travail, ont surtout introduit l’annualisation, synonyme de flexibilité et de baisse des salaires réels ?

- Le passage sur les services publics est du même tonneau : bien loin de revendiquer l’arrêt de toutes les privatisations et le retour des secteurs d’ores et déjà privatisés au service public, la « Gauche populaire et citoyenne » veut un « moratoire sur les privatisations » : faut-il en conclure qu’elle n’est pas contre le principe, mais qu’elle veut seulement en différer l’application ? Corrélativement, elle revendique la création d’un « Haut Conseil des services publics et d’intérêt général de l’Union » avec élus, syndicats, usagers et représentants des États, afin d’ « évaluer » régulièrement le développement de ces services. Un « Haut Conseil » ? On en connaît déjà beaucoup : ce sont ces structures qui, pour préparer les contre-réformes des gouvernements avec la collaboration des représentants patronaux et syndicaux, établissent des « diagnostics partagés » utilisés ensuite pour justifier face à l’opinion publique la « nécessité » des « réformes » ! C’est ainsi que le gouvernement Chirac-Raffarin avait mis en place le « Conseil d’orientation des retraites » (CORE), associant syndicats et patronat, avant d’annoncer sa réforme en 2003 : on connaît la suite… De même pour la Sécurité sociale : la « réforme » Douste-Blazy s’appuie largement sur le « diagnostic partagé » du « Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie », dont les « travaux » et le rapport final avaient été co-élaborés et avalisés par toutes les organisations syndicales… Faudrait-il faire de même pour préparer et justifier les privatisations, au nom d’une « évaluation » des services publics avec le gouvernement et le patronat ? Y aurait-il des critères communs pour une telle « évaluation » ? Les organisations syndicales devraient-elles se mettre d’accord avec le patronat pour établir par exemple la rentabilité des services publics ? Les travailleurs auraient-ils les mêmes intérêts que le MEDEF et le gouvernement ? D’ailleurs, cette « proposition » permet au PCF d’introduire subrepticement la notion de « service d’intérêt général », mise sur le même plan que celle de « service public » ; or ce terme de « service d’intérêt général » (SIG) est celui qu’utilisent l’Union Européenne et en particulier le projet de Constitution de Giscard pour justifier la privatisation des services publics en prétextant que des entreprises privées ou semi-privées peuvent elles aussi être prestataires de « services » à la population… quels qu’en soient le coût et la qualité...

- Enfin, en un paragraphe fièrement intitulé « l’Europe pour la paix et la justice », le PCF et ses alliés proposent à l’Union européenne de « défendre activement le rôle de l’ONU », de « prendre l’initiative d’une conférence du désarmement, en lien avec l’ONU et l’OSCE », de « soumettre toute action commune pour la sécurité et contre le terrorisme à l’existence préalable et au respect rigoureux d’un mandat de l’ONU » et d’ « agir pour substituer à l’OTAN un système de sécurité indépendant des États-Unis ». Sont repris ainsi les termes mêmes (« sécurité », « terrorisme ») que Bush et consorts utilisent pour justifier leur croisade barbare contre les peuples, à commencer par le peuple irakien ; et surtout, l’ONU est présentée comme la panacée universelle pour un monde pacifié : comme si elle n’était pas l’un des instruments les plus fourbes de l’impérialisme contre les travailleurs et les peuples ! (2)

Par son programme réformiste et son refus d’ouvrir une perspective socialiste, l’ « extrême gauche » LO-LCR et PT ne propose aucune véritable alternative politique aux travailleurs

Bien évidemment — soyons clairs —, LO, LCR et PT, les trois principales organisations « centristes » (ni révolutionnaires, ni purement et simplement réformistes), défendent des positions qui les distinguent nettement des diverses composantes de la gauche plurielle, qu’elles critiquent et dénoncent à juste titre. Cependant, leur orientation doit être elle-même critiquée et dénoncée par les communistes révolutionnaires internationalistes, tant elle est éloignée de ce qu’annonce leur étiquette officielle et de ce que les travailleurs d’avant-garde seraient en droit d’en attendre.

Le Parti des Travailleurs : couverture des bureaucrates syndicaux et orientation social-chauvine

Le PT de Lambert-Gluckstein a centré sa campagne pour les élections européennes sur la défense de la Sécurité sociale, d’une part, et la dénonciation de « l’Europe », d’autre part :

- Sur la question de la Sécurité sociale, le PT dénonce correctement la contre-réforme Douste-Blazy et le prétexte du prétendu « trou », causé avant tout par les exonérations de charges sociales patronales. Mais il se contente pour l’essentiel de faire signer une pétition qu’il veut adresser bien gentiment... au Premier ministre Raffarin ! Comme si ce pouvait être là un moyen efficace pour vaincre le gouvernement ! Essayant de tirer la couverture à soi au lieu de se battre pour le front unique ouvrier, le PT se contente de demander aux travailleurs de s’abonner à son journal, Informations ouvrières, et d’adhérer au PT ! Et il refuse de participer aux manifestations sur ses propres mots d’ordre... au prétexte qu’il s’agirait de « manifestations syndicales » ! (3) Corrélativement, il refuse de dénoncer les bureaucrates syndicaux qui collaborent avec le gouvernement et lui demandent encore plus de négociations comme le principal obstacle qui se dresse face à la lutte de classe des travailleurs. En effet, le PT se contente de dénoncer la CFDT, critiquant beaucoup moins la direction de la CGT ou de la FSU et couvrant intégralement ses chers amis de FO — comme d’habitude, et notamment comme lors du mouvement de mai-juin 2003 (4). C’est ainsi que, dans Informations ouvrières n° 643 (2 au 8 juin 2004) l’éditorial de Daniel Gluckstein et tout un article de Pierre Lambert sont entièrement consacrés à la CFDT... mais réalisent le tour de force de ne pas dénoncer une seule fois les directions de la CGT, de FO et de la FSU ! Enfin, lorsque le PT, qui se plaint constamment — à juste titre d’ailleurs — d’être boycotté par les médias, passe à la télévision dans le cadre de la campagne pour les élections européennes, son porte-parole, D. Gluckstein, se contente de nous parler des angines, des rhumatismes et de la scarlatine... refusant ainsi d’utiliser ce bref temps de parole pour poser les vrais problèmes qui se posent aujourd’hui dans la lutte de classe : la politique des bureaucrates syndicaux et la nécessité d’une alternative politique passant notamment par la grève générale, seul moyen pour vaincre le gouvernement.

- Sur la question de l’Union européenne, le PT va toujours plus loin dans son orientation réactionnaire, c’est-à-dire républicaine-bourgeoise et nationaliste (« social-chauvine », comme disait Lénine). Il oppose ainsi la défense de la « République une et indivisible », donc de la République bourgeoise telle qu’elle existe, à « l’Europe », présentée comme source de tous les maux (« l’Europe, c’est les privatisations, l’Europe, c’est l’éclatement de la République une et indivisible, c’est les décentralisations, c’est les délocalisations », a déclaré ainsi Daniel Gluckstein à la télévision, interview reprise dans Informations ouvrières n°643). Ainsi le PT refuse-t-il de désigner la véritable cause des maux qui accablent les travailleurs, c’est-à-dire le système capitaliste, ses États et leurs gouvernements nationaux. Il fait croire que l’Union européenne ne serait qu’un « instrument » de l’impérialisme américain, comme si les bourgeoisies européennes ne la construisaient pas comme arme juridique et étatique pour ses propres intérêts — c’est-à-dire non seulement comme moyen politique pour briser les conquêtes des travailleurs, mais encore comme arme pour organiser la concurrence des bourgeoisies européennes contre les bourgeoisies des autres continents, notamment américaines et asiatiques ! (5) Dès lors, la seule perspective qui soit proposée aux travailleurs, sous la forme d’une solution-miracle, est l’ « abrogation du Traité de Maastricht » ! Quelle classe sociale abrogera ce Traité ? Quelles mesures plus fondamentales devront être prises, et par quel gouvernement, pour une véritable solution politique conforme aux intérêts des travailleurs ? Les auditeurs et lecteurs du PT ne le sauront pas (6). — En fait, la seule « perspective » politique du PT est le « retour » au bon vieux cadre de la nation et de la République bourgeoises, le renfermement dans les frontières nationales. Quant à la classe sociale qui devra selon le PT réaliser son programme, Daniel Gluckstein, parlant à la télévision, préfère taire pudiquement son nom : « Le traité de Maastricht, des hommes et des femmes l’ont fait. D’autres hommes, d’autres femmes pourront le défaire. » « Des hommes et des femmes » ? Nous ne connaissons toujours pas ces classes sociales !

LO-LCR : bloc électoraliste et programme réformiste

Depuis des mois, LO et LCR n’ont qu’une obsession : voter et faire voter pour la liste LO-LCR le 13 juin. La fuite en avant électoraliste (7), déjà observée pour les régionales, prend des proportions d’autant plus affligeantes que les besoins de la lutte de classe suite à l’annonce de la contre-réforme de la Sécurité sociale et de la privatisation d’EDF-GDF se sont faits plus pressants dans la dernière période.

- Sous prétexte de « ne pas démoraliser les travailleurs », LO refuse de dénoncer les bureaucrates syndicaux comme le principal obstacle auquel se heurte la lutte de classe. Elle se contente de critiquer parfois, toujours du bout des lèvres, la tactique des journées d’action dispersées, mais elle refuse de mener un combat frontal et systématique contre les dirigeants syndicaux, alors même que son audience médiatique lui permettrait de le faire avec une influence certaine sur des dizaines de milliers de syndicalistes combatifs et de travailleurs conscients. Pour LO, le principal problème auquel est confrontée la lutte de classe n’est pas tant la collaboration des dirigeants syndicaux avec le gouvernement que le manque de « moral » des travailleurs. Pourtant, le désarroi des travailleurs a-t-il une autre cause que la crise du mouvement ouvrier, qui est elle-même le produit de la trahison de ses dirigeants, ralliés au mode de production capitaliste et à ses institutions politiques ? Le rôle d’une organisation qui se réclame officiellement du communisme révolutionnaire (du moins, en l’occurrence, dans les discours de meetings, mais surtout pas sur les ondes ou dans les professions de foi électorales !) n’est-il pas au contraire de dénoncer avant tout ceux qui, au sein même du mouvement ouvrier, profitent de leur influence sur les travailleurs pour les mener de défaite en défaite au compte de la bourgeoisie ? Au lieu de cela, Arlette Laguiller se contente de nous promettre, éditorial après éditorial, discours électoral après discours électoral, que « tôt ou tard », la colère des travailleurs éclatera, qu’une « goutte d’eau fera déborder le vase », etc. Et, pour le moment, on doit se contenter d’attendre bien gentiment, on s’interdit de prendre des initiatives politiques autonomes dans la lutte de classe sous prétexte qu’ « on est trop petit »... ce qui, dans les faits, conduit toujours à s’en remettre aux bureaucrates syndicaux. C’est ainsi que, sur la question de la Sécurité sociale, LO ne fait rien pour convoquer des assemblées générales dans les entreprises et les établissements, pour impulser des comités de résistance ou même pour distribuer des tracts dans les manifestations comme celles du 5 juin ; elle se contente de proposer aux travailleurs d’aller manifester lorsque les bureaucrates syndicaux le décident — tout en disant combien elle « espère » que cette énième journée d’action sera le « point de départ » d’une « mobilisation » croissante... Comme par enchantement, en somme !

- Quant à la LCR, la « victoire » de la gauche plurielle aux régionales a relancé son ambiguïté fondamentale vis-à-vis de la gauche plurielle, qui avait été plus ou moins mise de côté depuis le début de la campagne commune avec LO pour les régionales (8). C’est ainsi qu’elle vient de lancer plusieurs de ses responsables dans un « contre-projet sur l’assurance maladie », en partenariat avec… le PCF et les Verts (publié dans Le Monde du 4 juin). Ce texte a été élaboré à l’initiative de la Fondation Copernic, présentée comme « un club de réflexion antilibéral ». Il se caractérise notamment par la reprise du leitmotiv — commun aux bureaucrates syndicaux de tous bords — selon lequel il y aurait bien un déficit, qu’il faudrait donc le combler, et que dès lors une réforme de la Sécu serait nécessaire : « personne ne fera l’économie d’une réforme des modalités de financement ». En revanche, il n’est nullement question, dans ce texte, du seul moyen dont disposent les travailleurs pour vaincre le gouvernement : la mobilisation de classe unie dans l’objectif de la grève générale — ce qui suppose avant tout la dénonciation des mensonges du gouvernement sur le prétendu déficit de la Sécurité sociale et la condamnation de la stratégie traître des directions syndicales.

Quant à la perspective politique plus générale de la LCR, elle est de plus en plus inquiétante. Ainsi son porte-parole Olivier Besancenot hésite-t-il de moins en moins, lors de ses discours, à dire que la Ligue n’exclut nullement de participer à un gouvernement. Répondant aux pressions bourgeoises accusant l’extrême gauche de ne pas vouloir « mettre la main à la pâte », Besancenot ne cesse de protester... Il insiste en particulier sur l’idée qu’il n’est pas question de gouverner avec un Strauss-Kahn ou un Fabius (les fameux « sociaux-libéraux », comme les appelle la LCR) : n’est-ce pas une manière de dire que la question se poserait différemment avec un Hollande, un Emmanuelli ou un Dray — disons avec une gauche qui ne serait pas « social-libérale » ? — Pour les communistes révolutionnaires, l’ennemi des travailleurs, ce ne sont pas seulement les « libéraux et sociaux-libéraux », mais c’est la classe bourgeoise et son État ; il ne saurait donc être question d’accepter le « ministérialisme », c’est-à-dire la participation de « socialistes » à un gouvernement bourgeois (9). Les révolutionnaires n’ont rien à prouver à l’opinion publique bourgeoise et petite-bourgeoise : ils ne sauraient exercer le pouvoir que dans le cadre d’un gouvernement des travailleurs, par les travailleurs, pour les travailleurs, et ils doivent le dire haut et fort. Or, rappelons ici une nouvelle fois que, tout à l’opposé de cette orientation, les dirigeants de la LCR continuent de couvrir et de cautionner la participation, depuis janvier 2003, de leur camarade brésilien Rossetto au gouvernement bourgeois de front populaire dirigé par Lula (10).

Que propose le Groupe CRI ?

Pour la défense des conquêtes telles que la Sécurité sociale comme pour la lutte contre la guerre et les occupations impérialistes, les propositions politiques et pratiques du Groupe CRI sont claires : expliquées dans les numéros successifs de ce journal, elles ont été en outre diffusées à des milliers d’exemplaires dans des tracts dont le lecteur trouvera ci-dessous la reproduction (tracts du 1er mai et du 5 juin). Le centre de toute notre orientation est la question de la construction d’une fraction communiste révolutionnaire internationaliste dans ce pays et au niveau international, qui s’adresse en particulier aux travailleurs d’avant-garde, aux syndicalistes combatifs et aux militants des organisations qui se réclament de la révolution et du socialisme, notamment LO, LCR et PT. Car il faut y insister : en France comme ailleurs, il n’y aura pas de véritable victoire politique du prolétariat tant que ne sera pas construit un parti communiste révolutionnaire internationaliste ; et un tel parti ne sera pas construit tant que, au sein même de la crise du mouvement ouvrier traditionnel (y compris la crise du « trotskysme » officiel) et dans le cadre du développement de la lutte de classe, n’aura pas été constituée dans un premier temps une fraction « bolchevik », solide et rigoureuse, capable de maintenir la continuité du marxisme révolutionnaire contre tous les réformistes, centristes et révisionnistes, contre tous ceux qui ont renoncé, consciemment ou non, au programme révolutionnaire, au combat pour le socialisme.

Le Groupe CRI ne se considère pas comme étant par lui-même un tel « noyau », mais comme un élément pour la construction de cette fraction. Dans cette perspective, il juge indispensable de poursuivre et d’approfondir les discussions avec les militants d’avant-garde et d’autres groupes révolutionnaires.


1) Source : la profession de foi « Une Europe, oui, mais pas celle-là ! »

2) Sur ce point, cf. la reproduction ci-dessus de notre tract du 5 juin, ainsi que les articles de Paul Lanvin parus dans les n° 7 et 10-11 du CRI des travailleurs.

3) Ce prétexte est d’autant plus fallacieux que le PT n’a pas participé non plus, par exemple, aux manifestations contre l’occupation de l’Irak qui ont eu lieu le 5 juin après celles des syndicats concernant la Sécu.

4) Cf. sur ce point Le CRI des travailleurs n°5-6 de juin-juillet 2003 (bilan du mouvement de mai-juin).

5) Sur la nature et les fonctions de l’Union européenne, de ses institutions et du projet de Constitution de Giscard, cf. Le Cri des travailleurs n°8, octobre 2003. — Notons que les lambertistes du PT et de son prétendu « courant » CCI (soi-disant « section française de la IVe Internationale »...) revendiquent l’idée selon laquelle les gouvernements nationaux ne seraient que des otages de l’Union européenne, et non ses constructeurs. C’est ainsi que, dans une publication incroyable du CCI (La Lettre de la vérité n°335, 1er juin 2004), le rédacteur se livre à une diatribe contre la profession de foi LO-LCR (par ailleurs fortement critiquable, comme on le verra dans la suite du présent article). Il relève le passage suivant de cette profession de foi : « Prétendre que les salariés et les classes populaires seraient mieux défendus par le gouvernement de leur propre pays que par les institutions européennes est aussi stupide que mensonger. Laissons ce discours à Le Pen, le pire ennemi des travailleurs. » Tout en prétendant sans peur de la calomnie ridicule que LO-LCR assimileraient ceux qui luttent dans le mouvement ouvrier contre Maastricht à des « complices de Le Pen », le rédacteur lambertiste répond dans les termes suivants : « Si l’on comprend bien, l’offensive réactionnaire de mise en cause des droits ouvriers et démocratiques qui se développe partout en Europe proviendrait — tout le monde étant sur un pied d’égalité — d’une coordination entre les gouvernements nationaux et les institutions européennes ? Il n’y aurait pas de Banque centrale européenne, elle-même reliée à la Reserve Federale Bank, qui dicte des ordres. Exit également les directives européennes visant à déréglementer dans tous les domaines pour faciliter la prise en main de l’économie mondiale par l’impérialisme américain. » Pour les lambertistes du CCI-PT, les gouvernements nationaux d’Europe seraient ainsi ce que Lénine appelait, au sujet des pays coloniaux, des gouvernements « compradores » de l’impérialisme américain ! Ils seraient les victimes, et non les acteurs de l’UE ! De là à dire qu’il faudrait s’allier avec les fractions « souverainistes » des bourgeoisies nationales contre le grand méchant loup américain, il n’y a qu’un pas — dont l’alliance régulière du PT avec des chevènementistes montre qu’il est prêt à le franchir. Jusqu’où ira-t-il dans ce qui apparaît de plus en plus comme une fuite en avant politique et idéologique de la clique Lambert-Gluckstein, menaçant à terme l’existence même du PT comme organisation du mouvement ouvrier ? La réponse à cette question dépendra notamment de la réaction des militants du PT et du CCI en particulier, dans le cadre des développements de la lutte de classe.

6) Manifestement surpris par une « perspective » politique aussi mince de la part d’un parti qui se réclame officiellement de la classe ouvrière et du socialisme, le journaliste, incrédule, demande à Daniel Gluckstein : « Vous croyez vraiment à ce que vous dites ? » Et le porte-parole du PT de répondre : « Pourquoi je n’y croirais pas ? » Croyons, croyons, mes frères, le Traité de Maastricht finira bien par être abrogé... et la porte du Paradis national pourra alors se rouvrir !

7) Nous ne reviendrons pas en détail ici sur le caractère fondamentalement réformiste du « programme » électoral de LO-LCR : sur ce point, on se reportera à notre analyse parue dans Le CRI des travailleurs n°10-11 de janvier-février 2004 — la plate-forme pour les européennes n’étant guère différente de celle des régionales.

8) On se souvient cependant de l’appel à voter pour le PS au deuxième tour des régionales qui avait été publié dans la presse bourgeoise par une partie des dirigeants de la LCR (les « droitiers », rassemblés autour de Christian Piquet), au mépris de la décision contraire du congrès de l’organisation... On se rappelle aussi que cela n’avait pas entraîné autre chose de la part de la direction qu’un communiqué condamnant mollement — et d’ailleurs sans suite — cet intolérable coup de poignard dans le dos de la majorité des militants de la LCR... Rappelons enfin que ces derniers sont condamnés par les manœuvres et compromis de leurs dirigeants à subir l’emprise des droitiers pourtant minoritaires sur la rédaction du journal Rouge... publication tellement affligeante, comme le reconnaît d’ailleurs la plupart des militants de la LCR, qu’elle est très difficile à vendre... d’où ses grandes difficultés financières ! Jusqu’à quand les militants tolèreront-ils cette situation inadmissible... et suicidaire ?

9) Ce débat n’est pas nouveau dans le mouvement ouvrier. Il apparut pour la première fois lorsque, en 1899, le « socialiste indépendant » Millerand décida de participer au gouvernement bourgeois de Waldeck-Rousseau, aux côtés notamment du général Galliffet, massacreur de la Commune de Paris. À l’époque, la décision de cet ancêtre de Rossetto avait été discutée ouvertement par les socialistes français et étrangers, et la grande majorité l’avait condamnée.

10) Rappelons que Rossetto, dirigeant de « Démocratie socialiste » (DS), courant du PT brésilien et section de la soi-disant « Quatrième Internationale » (Secrétariat unifié) dont la LCR est la section française, est ministre de la réforme agraire dans le gouvernement Lula, où il siège aux côtés des représentants du capitalisme brésilien et des propriétaires fonciers. Sur la politique de ce gouvernement, celle de Rossetto en particulier, l’attitude des députés de DS qui soutiennent les contre-réformes de Lula et la couverture que la direction de la LCR assure à tout ce beau monde, cf. les articles parus dans Le CRI des travailleurs n°1, 3 et 8.