Article du CRI des Travailleurs n°10

Attaques de Chirac : le pire est devant nous...

Depuis sept mois, les combattants du printemps, assommés par les Thibault, Blondel et Aschieri (pour ne pas parler des Chérèque), ont dû digérer leur défaite et essayer d’en comprendre les causes — l’absence d’un véritable parti communiste révolutionnaire internationaliste dans ce pays ne les aidant malheureusement pas à en tirer toutes les conséquences (cf. Le Cri des travailleurs n°9 de novembre-décembre 2003). Depuis l’été, la lutte de classe semble en panne : presque pas de grèves ouvrières, très peu de manifestations ; seuls les intermittents du spectacle combattant l’accord scélérat contre leur système d’indemnisation, puis une poignée de travailleurs « sans-papiers » exigeant leur régularisation, quelques cohortes de chômeurs victimes de la suppression de leurs allocations et enfin quelques milliers d’étudiants défendant leurs diplômes et une Université publique de qualité, se sont efforcés de lutter, maintenant le fil ténu de la continuité, dans l’isolement le plus total, sciemment abandonnés à leur sort par les appareils syndicaux, dont la base sociale est l’aristocratie salariée.

Faiblesse sociale et force politique du gouvernement

Pour sa part, le gouvernement Chirac-Raffarin est bien conscient de devoir sa victoire du printemps aux dirigeants des syndicats et d’avoir donc défait le mouvement sans l’écraser. Affaibli socialement par la puissance du mouvement de mai-juin, discrédité publiquement par sa gestion catastrophique de la canicule estivale, mais renforcé politiquement par la collaboration active de la gauche plurielle et des directions syndicales, il a su prendre la mesure de cette situation contradictoire et jouer à partir de là avec succès une partition dont il faut souligner l’habileté. D’un côté, il a réussi à éviter tout risque de reprise générale de la lutte de classe : report de la contre-réforme de la Sécurité sociale et des principaux projets de privatisation ; léger creusement du déficit budgétaire malgré les foudres de Bruxelles ; mise en place systématique du « dialogue social » avec les syndicats dans tous les domaines, du « haut conseil sur l’avenir de l’assurance maladie » au « grand débat sur l’éducation », en passant par les tables rondes et autres concertations dans les entreprises publiques — tout cela dans le but de parvenir à des « diagnostics partagés » et de faire prendre en charge les contre-réformes par les syndicats. D’un autre côté, le gouvernement a continué de frapper, au service de ce même MEDEF, les catégories les plus fragiles, sachant que ces mêmes dirigeants syndicaux le laisseraient agir à sa guise sans broncher : il a entériné l’accord sur le régime d’indemnisations des intermittents, adopté le Revenu minimum d’activité (RMA), mis en œuvre l’accord qui réduit la durée d’indemnisation des ASSEDIC et frappera 600 000 personnes dans les deux ans à venir (sur tous ces points, cf. Le Cri des travailleurs n°9) ; de plus, il a entrepris de liquider le système de l’Aide Médicale d’État (AME) (1), multiplié les expulsions d’immigrés « sans-papiers » et les actes de répression, notamment contre les jeunes (2) et les syndicalistes ; enfin, après les brutales retenues sur les salaires des fonctionnaires grévistes de mai-juin, il a refusé d’augmenter les traitements en 2003 et prévoit une dérisoire revalorisation du point d’indice de 0,5 % pour 2004, sachant là encore qu’il ne rencontrera guère de résistance syndicale autre que verbale et symbolique, et qu’il n’aura guère à craindre de la part des enseignants, assommés et souvent désorientés depuis juin.

Les prochaines offensives générales de Chirac sont prêtes

Mais les offensives générales et frontales contre la classe ouvrière et les travailleurs sont en préparation, et ne seront menées qu’après la période électorale, dont Chirac espère sortir requinqué grâce à sa politique sécuritaire, anti-immigrés et anti-fonctionnaires. Un nouveau gouvernement UMP sera mis en place, peut-être ouvert à Bayrou et à ses amis (si leur score électoral est bon), en tout cas débarrassé des ministres les plus usés que sont les Raffarin, Fillon, Ferry, Mattéi et autres Bachelot… Gouvernement frais, gouvernement de choc. Les attaques sont prêtes, les projets ficelés. Il s’agit de faire franchir un saut qualitatif au processus de destruction des acquis et protections de la classe ouvrière, afin de la rendre plus productive et d’accélérer le transfert d’une partie des richesses produites qui revenait jusqu’à présent aux salariés dans les caisses du patronat. En effet, de même que l’augmentation de la durée de cotisation pour les retraites signifie en réalité une baisse du montant des pensions, donc une diminution du « salaire différé » pour l’ensemble de la classe des travailleurs salariés, de même les mesures en préparation contre la Sécurité sociale et les services publics utiles à la population (santé, éducation, transports…) ne peuvent être comprises que comme un détournement des fonds salariaux vers les caisses patronales. Voici une présentation succincte et non exhaustive des principales mesures en préparation, dont les travailleurs conscients doivent prendre connaissance dès maintenant pour se préparer aux difficiles combats de classe qui les attendent :

Briser les droits des salariés, multiplier les cadeaux aux patrons…

Lors de ses « vœux aux Français », Chirac a annoncé son projet d’une « loi de mobilisation pour l’emploi ». Il s’agit en fait d’ « assouplir » le Code du Travail, c’est-à-dire de remettre en cause encore davantage les droits conquis par la lutte de classe, de flexibiliser à outrance, de réduire les travailleurs à une situation d’accessoires jetables. Tel est le sens, en particulier, des « contrats de mission » dont le gouvernement projette de faire cadeau aux patrons : plus « souples », comme ils disent, que les CDD (contrats à durée déterminée), ces nouveaux emplois ultra précaires permettront à l’entreprise d’embaucher et de débaucher à sa guise, de sorte qu’une incertitude permanente pèsera sur l’avenir le plus immédiat des salariés. Toujours plus loin dans la précarité, telle est la devise de la classe dirigeante. Pourtant, en France, le volume du travail intérimaire a déjà doublé entre 1996 et 2001, 7 embauches sur 10, dans le privé, sont des CDD, et le temps partiel, imposé dans 7 cas sur 10, ne cesse de croître. Au nom de la prétendue lutte contre le chômage — on sait ce qu’il en est : selon les statistiques officielles, qui ne prennent en compte qu’une partie des chômeurs réels, ce pays compte 140 000 « demandeurs d’emploi » de plus qu’il y a un an —, des exonérations de toutes sortes tombent comme des fleurs sur le patronat. Aujourd’hui, les patrons sont déjà exonérés de 20 milliards d’euros de cotisations sociales (chiffres de 2003) lorsqu’ils emploient des travailleurs non ou peu qualifiés — l’État, c’est-à-dire notamment les travailleurs contribuables, compensant alors en général (mais pas toujours) le manque à gagner pour la Sécurité sociale. Mais le gouvernement veut aller beaucoup plus loin. Ainsi les « Contrats Jeunes en Entreprise » exonèrent-ils les entreprises de toutes charges durant les deux premières années d’embauche et de 50 % la troisième année ; aggravant les divisions qui traversent la classe ouvrière, ils s’inscrivent d’ailleurs dans le prolongement des « emplois jeunes » de Jospin, dans la mesure où ils font de l’âge un critère de discrimination devant l’emploi et des « jeunes » une catégorie condamnée aux petits boulots sous-payés. De même, la réforme de la taxe professionnelle annoncée par Chirac va conduire dans les faits à sa disparition (3) : or, elle représente la moitié du produit des impôts locaux (20 milliards d’euro en 2002), ce qui va évidemment provoquer une nouvelle augmentation de la fiscalité pour les particuliers. De son côté, le MEDEF entend imposer un « assouplissement » des procédures de licenciements individuels, comme compléments à la législation existant sur les « plans sociaux », pourtant déjà si « efficace » pour jeter à la rue les salariés et fermer les usines : désormais, une entreprise pourrait licencier un salarié sans qu’il ait commis la moindre « faute » professionnelle, uniquement parce qu’il serait considéré comme n’étant pas assez productif. Enfin, on sait que le gouvernement entend supprimer un jour férié aux salariés et que ce sera tout bénéfice pour le patronat : non seulement la cotisation qu’il devra officiellement payer à la « Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie » équivaut à peine à la moitié du produit d’une journée de travail (soit une demi-journée de labeur purement et simplement offerte au patronat), mais encore, par le jeu des exonérations et des allègements de charges sociales, la plupart des entreprises pourra n’avoir même pas à payer cette contribution de 0,3 %…

Briser la Sécurité sociale

Le projet de déstructuration de la Sécurité sociale, ouvrant la porte au déremboursement massif de soins et à l’augmentation généralisée de la CSG (impôt instauré par Rocard en lieu et place des cotisations sociales et payé à plus de 90% par les salariés), est mijoté en ce moment avec les dirigeants syndicaux de tous bords et sera présenté prochainement. Il s’agit de préparer la fin du monopole de la Sécurité sociale et sa mise en concurrence avec des assurances privées qui se frottent déjà les mains. Le « Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie », auquel ont osé participer les représentants des syndicats alors que son but exprès était d’établir un « diagnostic partagé » avec le gouvernement, a rendu son rapport le 23 janvier. Comme on s’y attendait, il « constate » en long, en large et en travers que « le reste à charge pour la plupart des Français — c’est-à-dire la part des dépenses de soins qui reste à leur charge, avant couverture complémentaire, et compte non tenu des cotisations et des primes d’assurance préalablement payées — est très modeste » ; que « le taux d’effort (sic !) de ces ménages est (…) modéré » ; qu’il y a une «‘aisance’ dans l’accès aux soins », source prétendue de « comportements négligents, voire laxistes, de consommation et de prescription ». En un mot, le rapport souligne que « la France se situe parmi les pays qui consacrent le plus de leur richesse aux dépenses de soins » et estime qu’ « il faut donc [sic : on admirera la rigueur logique du raisonnement !] entreprendre dès à présent une action méthodique et résolue pour réorganiser le système de soins autour d’un meilleur rapport qualité/prix ». Dès lors, il s’agit d’abord d’augmenter les recettes ; or, comme par hasard, c’est vers la CSG que balance le cœur des compères diagnostiqueurs, syndicalistes compris : « La CSG, par son assiette large et le principe de proportionnalité qui la sous-tend, peut apparaître, de ce point de vue, comme une réponse possible. » Du côté des dépenses, ensuite, il s’agit, dans leur jargon, de « faire des choix », d’ « éprouver la qualité et l’utilité de ce que l’on rembourse », d’ « entrer dans des démarches exigeantes d’évaluation des pratiques et d’accréditation », de promouvoir une « gestion ‘active’ du périmètre remboursable » ; en particulier, « l’assurance maladie ne doit, en premier lieu, assurer que le remboursement de biens et services qui ont fait la preuve de leur efficacité » ; en clair, il va falloir dérembourser encore les médicaments et les actes de soin ! « Par exemple, explique le rapport, ce n’est pas parce qu’il existe sur le marché un test d’analyse biologique ou un examen extrêmement coûteux permettant de diminuer de manière infime la survenance d’un risque qu’il faut forcément prendre en charge collectivement cette dépense. » Autrement dit, si l’on a des chances de déceler un risque de maladie grave, mais que ces chances sont minces, il faudra soit payer de sa poche, soit renoncer à mettre toutes les chances de son côté pour échapper à la maladie ! Ces technocrates courageux et ces bureaucrates responsables affirment aussi, main dans la main : « Il faut être capable, techniquement et politiquement, de poser les questions de hiérarchie des priorités et d’effectuer les arbitrages. » Par exemple, « si l’on veut pouvoir étendre le domaine remboursable à de nouveaux produits ou de nouvelles techniques, on doit aussi pouvoir en faire sortir, sur des bases scientifiques transparentes, les produits ou les services considérés moins prioritaires, ou simplement devenus moins utiles du fait de l’introduction d’une nouveauté. (…) La chasse à la non-qualité est aussi une forme efficace de lutte contre les dépenses injustifiées : que l’on pense par exemple aux opérations inutiles. » Comme si les chirurgiens et les infirmières, débordés par le manque de personnel, n’avaient rien d’autre à faire qu’à se divertir en se livrant à des « opérations inutiles » !

Asphyxier les hôpitaux

Dans les hôpitaux, la politique menée par les gouvernements successifs de droite et de gauche depuis des années va se poursuivre, organisant l’étranglement financier des établissements. Ainsi, avec l’entrée en vigueur du plan Mattéi « hôpital 2007 », la directrice de l’Assistance publique Hôpitaux de Paris vient-elle d’annoncer un plan d’économies de 240 millions d’euros, une indignité quand on sait dans quelles conditions travaillent aujourd’hui les personnels. Les ravages meurtriers de la canicule et les scandales des manques de moyens constatés récemment face à l’épidémie de bronchiolite chez les tout-petits n’empêchent pas les pouvoirs publics de continuer à mettre en péril les services de santé. Le plan Mattéi a introduit la tarification systématique des actes ; et maintenant, pour éviter d’embaucher malgré les besoins et augmenter la productivité des personnels, le gouvernement prévoit d’instaurer une « prime d’intéressement », qui serait versée aux personnels hospitaliers au moment de la publication des résultats d’exploitation de leurs services : les soins sont ainsi considérés comme des marchandises, et les hôpitaux comme des entreprises capitalistes ! En outre, le rapport du « Haut conseil sur l’avenir de l’assurance maladie » prévient que le passage à « la tarification à l’activité dans les hôpitaux publics, qui doit commencer à se mettre en place en 2004 (…)ne résoudra pas, à lui seul, et de loin, les questions de financement qui se posent pour ces établissements » ; dès lors, il est nécessaire de « tendre vers la performance » ; or, « il n’y a pas de recherche d’efficacité et de productivité qui ne suppose des efforts d’adaptation, voire des remises en cause de situations acquises ». Enfin, en ce qui concerne l’équipement hospitalier, le « Haut Conseil » déplore « la trop grande lenteur avec laquelle se réalisent les redéploiements de moyens, et les multiples obstacles qui se dressent pour freiner ou empêcher les recompositions qui entraînent des fermetures ou des fusions d’établissements ou de services » ; autrement dit, il faut briser la résistance des personnels aux restructurations hospitalières, qui entraînent le plus souvent des fermetures de lits et de services et une compression de personnels qui aggrave toujours davantage les conditions de travail.

Briser les services publics

La fin du monopole des entreprises nationales de service public est un autre volet des projets d’attaques gouvernementaux. Tous les secteurs sont concernés : ouverture à la concurrence des services postaux et ferroviaires, transformation d’EDF et de GDF en sociétés anonymes, vente de participations de l’État chez Renault, France Télécom, Aréva, la Snecma, Air France… Nous avons évoqué plus en détail dans notre précédent numéro le cas de la Poste et de France Télécom. Prenons ici celui du secteur aérien : un projet de loi sera examiné au printemps par le Parlement, qui vise à transformer l’établissement public Aéroports de Paris en société anonyme. Le président et le gouvernement peuvent bien verser des larmes de crocodile pour les victimes du crash de Charm-el-Cheikh : la privatisation rampante à Air France pourrait bien conduire à d’autres drames : un chroniqueur annonçait récemment sur France Info que des experts prévoient un accident d’avion par semaine dans vingt ans ; cette prévision ne tenant compte que de l’augmentation du trafic, elle semble bien minimale si l’on considère les effets inévitables de la déréglementation, de la pression croissante mise sur les personnels navigants, et de la livraison de la maintenance et de la réparation au plus offrant. D’ores et déjà, Air France sous-traite la maintenance de ses appareils à des entreprises de Thaïlande ou d’Afrique du Sud, attractives pour le bas coût de leur main-d’œuvre, et vient de passer contrat avec une compagnie russe, Aeroflot, encore moins chère. Et si les autorités suisses ont dénoncé les manquements à la sécurité de la compagnie égyptienne Flash Airlines, elles ne nous feront pas oublier que la collision entre un avion civil russe et un avion cargo allemand au-dessus du lac de Constance qui avait fait 71 morts à l’été 2002, était due aux incroyables défaillances de son système de contrôle aérien déjà privatisé : un seul contrôleur ce jour-là, et des appareils de contrôle en panne…

Faire payer les personnels de l’Éducation — et leurs élèves

Dans l’Éducation nationale, alors que la décentralisation des personnels techniciens, ouvriers et de service sera mise en œuvre prochainement dans l’indifférence syndicale, le « grand débat sur l’éducation » a été l’occasion de multiples provocations de la part des ministres Ferry et Darcos. Les motions d’établissements publiées dans notre précédent numéro citaient certaines de leurs déclarations, relevées dans les comptes-rendus des séances des 27 et 28 octobre au Sénat et à l’Assemblée nationale. Mais c’est sans attendre ni les résultats du prétendu « grand débat » (certes connus d’avance), ni même la loi d’orientation sur l’éducation annoncée pour l’automne (censée découler dudit « débat »), que le gouvernement met d’ores et déjà en œuvre ses propres préconisations : le budget prévu pour la rentrée scolaire 2004 se traduit par des limitations, voire des réductions drastiques d’effectifs. Or on se souvient que P. Auberger, membre de la majorité, avait déclaré à l’Assemblée nationale : « Il faut résoudre la question des classes de faibles effectifs, par exemple en STI [Sciences et Techniques Industrielles], littérature ou langue allemande. Quel montant d’économies pourrait-on faire si l’on y remédiait ? » ; et X. Darcos avait répondu : « Les options qui consistent par exemple en l’étude d’une langue rare, doivent être rationalisées car elles concernent peu d’élèves mais représentent un coût de recrutement très élevé. » De fait, ce sont bien des milliers d’options qui disparaissent dès la rentrée 2004 dans le second degré (4) : le gouvernement prend prétexte de la baisse annoncée du nombre d’élèves (-34 000) pour supprimer au niveau national 2 500 emplois d’enseignants (calculés en ETP, équivalents temps plein) ; de plus, comme en 2003, il opère un jeu de vases communicants en supprimant l’équivalent de 1 500 emplois dans les académies dites « surdotées », pour les transférer dans les académies jugées « déficitaires » ; or cela conduit à la fermeture de classes et de sections et frappe les enseignements optionnels. Par exemple, dans l’académie de Bordeaux, est prévue la suppression de 21 options de langues anciennes, de 130 options de langues vivantes et de 61 options non linguistiques. Dans l’académie de Versailles, 52 sections technologiques sont supprimées, ainsi que 121 options dans 112 lycées. Etc. Quant aux enseignements obligatoires, étant donné le manque prévisible de remplaçants qui va résulter de la compression des effectifs, ils ne sont nullement assurés. — Par ailleurs, Ferry avait déclaré au Sénat le 27 octobre : « Pour supprimer totalement les sureffectifs, il faudrait assécher les concours de l’agrégation et du CAPES pendant plusieurs années, au risque de désespérer certaines filières universitaires, et je ne parle pas, pour les langues vivantes, des problèmes diplomatiques et de réactions du Quai d’Orsay… » Or, il s’agissait bien là d’un véritable programme : on parle d’une baisse considérable du nombre de postes offerts aux concours d’enseignement cette année, de l’ordre de 17 % ! — Et nous ne revenons pas ici sur la poursuite de la baisse du nombre de surveillants, qui va conduire à une nouvelle détérioration des conditions de travail dans les collèges et les lycées.

Mettre en cause le droit de grève

Nous ne pouvons suspendre provisoirement cette liste inachevée sans mentionner le projet de remise en cause du droit de grève, notamment dans les transports publics, dont Chirac nous a une nouvelle fois rebattu les oreilles le 7 janvier, répondant directement à une nouvelle injonction de Seillère, président du MEDEF, en date du 15 décembre. Le président a déclaré qu’un « service minimum » serait instauré dans les six prochains mois, de préférence par la concertation avec les syndicats (méthode selon laquelle fut adopté en octobre 2001 la procédure dite « d’alerte sociale » à la RATP), et le cas échéant par la loi.


1) À ce sujet, les présidents des associations humanitaires Médecins du Monde et Médecins Sans Frontières, Claude Moncorgé et Jean-Hervé Bradol, qui sont pourtant partisans de la maîtrise des dépenses de santé et de bien d’autres mesures prises par les gouvernements successifs contre le droit aux soins, ont adressé le 9 janvier une lettre alarmante aux ministres de la Santé et des Affaires Sociales, où l’on peut lire notamment : « En tant qu’acteurs médicaux et sociaux impliqués au quotidien dans la prise en charge des populations les plus précaires résidant en France, nous estimons de notre responsabilité de vous informer qu’une catastrophe sanitaire est en gestation. Sa cause n’a rien de naturel mais tout de politique. Elle concerne environ 150 000 personnes, parmi les plus fragiles d’entre nous, bénéficiant de l’AME (Aide Médicale d’Etat), dispositif réservé aux résidents sans titre de séjour sur notre territoire et aux ressources financières extrêmement faibles. Aujourd’hui, une personne résidant en France peut, si ses ressources sont inférieures à 566 euros par mois, obtenir un accès gratuit aux soins. Si la situation l’exige, ce droit lui est accordé sans délai. Pour cela, il n’est pas nécessaire d’arriver, en urgence, dans un état critique à l’hôpital. L’Aide Médicale d’Etat permet, au quotidien, la prise en charge des pathologies des plus courantes (bronchite) aux plus sévères (cancer). Le projet actuel, inscrit dans les lois de Finances 2004 et rectificatives 2003, prévoit la suppression de l’accès immédiat à l’Aide Médicale d’État et la fin de la gratuité pour ses bénéficiaires. Désormais, les patients devront attendre, durant une période indéterminée, une éventuelle décision positive de la Caisse primaire d’assurance maladie. Pour cela, il leur sera demandé des documents souvent impossibles à fournir au regard de leur situation. En effet, comment des personnes sans titre de séjour ni autorisation de travail pourraient-elles fournir tous les documents justifiant de leur résidence (bail, certificat d’hébergement) ou de leurs ressources (fiches de salaires), comme le prévoient les projets de décrets ? Si ces obstacles sont franchis et qu’ils obtiennent l’AME, les patients devront payer une partie des frais médicaux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Or il s’agit bien de personnes aux ressources très faibles, incapables de payer leurs soins, elles devront y renoncer. » (Lettre ouverte citée par les camarades de la Lettre de Liaisons n° 85 du 8 janvier 2004 ; e-liaisons@voila.fr.)

2) À ce sujet, on apprend qu’un projet de circulaire du Premier ministre daté du 21 novembre 2003, prévoit le transfert des Directions Régionales et Départementales de la Jeunesse et des Sports, qui dépendent actuellement du Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation Nationale et de la Recherche, au Ministère de l’Intérieur, ou plus exactement, dans l’objectif de leur décentralisation, aux préfectures... Leurs missions éducatives passeraient ainsi directement sous le contrôle de la police… Nous y reviendrons lorsque nous aurons à ce sujet de plus amples informations.

3) Dans un premier temps, et ce à compter du 1er janvier 2004, tous les investissements des entreprises seront exonérés de taxe professionnelle pendant une durée de dix-huit mois.

4)  Dans le primaire, la création de 1460 postes au niveau national est très insuffisante pour encadrer la hausse des effectifs de 53 400 élèves, qui touchera presque toutes les académies, et pour assurer les remplacements, organiser la formation continue des maîtres, accompagner les élèves en difficulté, scolariser les enfants de deux ans, etc. En outre, cette création nette de postes au niveau national n’empêchera pas une baisse absolue du nombre de postes dans dix académies (totalisant une suppression de 368 postes), alors que leurs effectifs d’élèves vont augmenter en même temps.