Article du CRI des Travailleurs n°8

Présentation : numéro spécial sur l'Union européenne et le Forum social européen

Tensions et compromis entre le gouvernement Chirac-Raffarin et la Commission européenne au sujet de l’affaire Alstom et du déficit budgétaire, adoption le 30 septembre par le Conseil des ministres du projet de loi sur la régionalisation, ouverture le 4 octobre des négociations entre les gouvernements nationaux sur le projet de Constitution européenne (adopté en septembre par le Parlement européen fantoche) — mais aussi vote largement majoritaire, le 14 septembre, des travailleurs suédois contre l’adoption de l’euro par leur pays : les dernières semaines ont été marquées par plusieurs événements de la plus haute importance qui ont un point commun : ce que l’on appelle le « processus de construction européenne », c’est-à-dire en fait avant tout la lutte de classe que mènent les bourgeoisies nationales d’Europe, au moyen des institutions étatiques dont elles se dotent en commun, contre les travailleurs du continent. Ceux-ci, de leur côté, résistent autant qu’ils le peuvent, en l’absence de toute perspective politique, étant donné la conscience qu’ils ont désormais de la nature traître des partis sociaux-démocrates et ex-staliniens, d’une part, l’impuissance politique et l’opportunisme pratique à l’égard des appareils dont font preuve les organisations qui se réclament du trotskysme (en France, LO, LCR, CCI-PT), d’autre part (cf. sur ce point les deux précédents numéros du Cri des travailleurs).

Par ailleurs, la préparation du Forum social européen, qui doit se tenir en novembre en région parisienne, bat son plein, sous la direction de la bureaucratie réformiste des syndicats ouvriers et de la Confédération paysanne, des ONG cléricales ou laïques, d’associations les plus hétéroclites, avec le soutien déterminant à la fois du PS, du PCF, des Verts, de la LCR, de Speb, etc., et avec rien de moins que les fonds de Matignon et de l’Élysée… Dans cette vaste auberge espagnole, chacun cherche évidemment son chat, sans que l’amalgame soit permis entre les bailleurs de fonds du gouvernement, les partisans déclarés du projet de Constitution européenne, les manipulateurs politiciens du PCF et des directions syndicales, les suivistes opportunistes qui dirigent la LCR, les syndicalistes sincères pleins d’illusions, les jeunes militants plus ou moins expérimentés, enthousiasmés par la découverte de la politique et l’espoir de changer le monde, les groupes qui se réclament de la révolution et du socialisme et qui estiment indispensable d’être « tactiquement » dans « le mouvement » pour diffuser leurs idées… Mais tous ces organisateurs officiels et officieux participent à la semaille des illusions dans le meilleur des cas, et à la récolte de la collaboration dans le pire, en particulier en associant les participants, au nom du combat pour une bien vague et œcuménique « autre Europe », aux prétendus débats sur l’avenir de l’Union européenne et le projet de Constitution européenne.

Pour comprendre la signification et le lien de ces événements, le présent numéro du Cri des travailleurs est, par exception, essentiellement consacré à l’Union européenne et au Forum social européen (la suite des articles sur l’ONU et sur la révolution chinoise annoncée dans le précédent numéro est donc reportée au prochain). Un article sur le Brésil vient compléter ce dossier, en montrant ce que donne concrètement, quand on passe des discours aux actes, la politique des principaux promoteurs et organisateurs du Forum social mondial, en l’occurrence le gouvernement du PT de Lula, activement soutenu par le ministre, les députés et la direction de « Démocratie socialiste » (DS) ; ce courant du PT, qui est animé par les camarades brésiliens de la LCR française, fut l’un des principaux initiateurs et organisateurs des Forums sociaux mondiaux de Porto Alegre. La politique du gouvernement Lula et la participation du ministre DS Miguel Rossetto en particulier, montrent que l’on peut bien critiquer d’un côté, en parole, l’« ultralibéralisme » et le règne des marchés et, d’un autre côté, utiliser son vernis « de gauche » et « altermondialiste » pour mieux faire passer une politique tout entière dictée par le FMI et les classes dominantes.

Enfin, en raison des événements exceptionnels qui se déroulent en Bolivie au moment où nous bouclons ce journal, nous proposons à nos lecteurs, avant de revenir prochainement sur ces événements, deux documents émanant d’organisations trotskystes avec qui le Groupe CRI est en discussion.