Article du CRI des Travailleurs n°7

Drame de la canicule : Ce gouvernement et ses prédécesseurs sont responsables et coupables !
Organisations ouvrières, exigez dans l'unité un plan d'urgence pour la santé publique !

La canicule du mois d’août aura donc tué entre 11 000 et 15 000 personnes, dont 80% étaient âgées de plus de 75 ans, mais aussi « des personnes de moins de 60 ans, dont la majorité présentait déjà un problème de santé — trouble mental, diabète, obésité — ou prenait des médicaments tels des psychotropes » (Libération, 31 août). Or la responsabilité et la culpabilité du gouvernement dans l’ampleur de ce drame sont écrasantes, à la fois en raison de la révoltante désinvolture dont il a fait preuve par son absence, véritable refus d’intervenir quand il le fallait malgré les interpellations publiques des professionnels de la santé, et par la politique plus générale qu’il a menée contre la santé publique depuis son arrivée au pouvoir, poursuivant et aggravant celle de ses prédécesseurs de droite comme de « gauche ».

En effet, quels sont les faits que Chirac-Raffarin-Mattéi essaient de cacher en faisant croire que les familles, les « systèmes d’alerte » et quelques hauts fonctionnaires seraient les principaux responsables ? (1)

• 50% des personnes décédées se trouvaient en maison de retraite, où le personnel est déjà en temps normal notoirement insuffisant (on compte 0,3 employé par personne âgée). Or le ministre Mattéi a gelé en janvier dernier 100 millions d’euros sur les 183 qui avaient été débloqués en 2001 pour aider les maisons de retraite (dont 85% relèvent du domaine public ou associatif), à embaucher et à se moderniser ; la vérité est donc que ce gouvernement avait donc sciemment décidé de sacrifier la santé de 680 000 personnes âgées, et de prendre le risque d’une catastrophe. Ces économies ne l’avaient d’ailleurs pas empêché de poursuivre dans la voie tracée par Jospin, dont le gouvernement avait décidé en 2001 d’aider financièrement non seulement les maisons de retraite sans but lucratif, mais aussi celles du secteur privé capitaliste, qui représentent 15% des lits, mais qui ne sont accessibles qu’aux plus riches (elles coûtent jusqu’à 4000 € par mois), les deux principales étant même cotées en Bourse (cf. La Tribune, 28 août 2003)…

• 20% des personnes décédées se trouvaient à l’hôpital. Or, là encore, ce gouvernement a refusé, comme son prédécesseur, de satisfaire les revendications des personnels. En mai dernier encore, les urgentistes étaient en grève pour plus de postes et un meilleur statut. L’insuffisance du nombre d’infirmières reste chronique en France, depuis la fermeture par Juppé en 1996 de nombreuses places dans les écoles spécialisées, le gouvernement Jospin refusant de revenir sur cette mesure jusqu’en 2000, date à laquelle la prévision d’une véritable catastrophe l’avait contraint à rouvrir quelques 2000 à 3000 places, nombre de toute façon insuffisant. En outre, 25% des embauches prévues par les accords de réduction du temps de travail n’ont toujours pas été réalisées, alors même que le nombre initialement prévu par le gouvernement Jospin et les syndicats signataires de l’accord était déjà loin de compenser le passage au 35 heures. Au lieu d’embaucher, le gouvernement et les syndicats avaient signé un accord, le 27 octobre 2002, pour que les personnels ne profitent pas de la réduction du temps de travail, mais se voient proposer l’alimentation d’un compte épargne-temps ou le « rachat » de leurs heures supplémentaires, au prix d’une élévation terrible de la productivité, du stress et de la fatigue.

• Enfin, 30% des personnes décédées se trouvaient chez elle. Or, là encore, comment ne pas constater la responsabilité écrasante du gouvernement ? En mars dernier, le ministre Mattéi a diminué le plafond de ressources nécessaire pour bénéficier d’une prise en charge à 100% par l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) mise en place le 1er janvier 2002, le faisant passer brutalement de 949 à 623 € par mois (précisons que l’APA avait été instaurée par Jospin peu avant les élections, mais avec un fonds initial de financement tellement ridicule par rapport à la demande qu’il fut épuisé peu de mois après les échéances électorales qui l’avaient suscité, d’où un déficit de 1,2 milliard début 2003). Dès lors, n’est-il pas évident que des milliers de personnes âgées ont dû renoncer au printemps à tout ou partie du suivi dont elles avaient besoin ? Là encore, la responsabilité particulière du gouvernement est donc flagrante, sans parler de l’insuffisance générale des moyens consacrés par l’État aux personnes âgées (en particulier aux 7 millions qui ont plus de 70 ans).

Selon le Groupe CRI, les organisations syndicales et politiques des travailleurs, au lieu de leurs jérémiades impuissantes qui révèlent leur refus d’affronter le gouvernement, doivent engager le combat unitaire pour exiger :

Plan d’urgence pour les hôpitaux publics et les maisons de retraite ! Augmentation des dépenses de santé à la hauteur des revendications des personnels : embauche d’infirmières, de médecins et de tous les personnels nécessaires avec le statut de fonctionnaire hospitalier ! Achat de tout le matériel jugé nécessaire par les personnels pour le fonctionnement optimal des établissements ! Amélioration générale de l’accueil des personnes âgées dans les maisons de retraite !

• 35 heures hebdomadaires, respect du droit aux congés, abrogation de toutes les dispositions d’annualisation du temps de travail et d’aggravation de la flexibilité des personnels ! Diminution des gardes pour les médecins, respect des temps de repos réglementaires !

Intégration des primes dans la rémunération statutaire, revalorisation des salaires pour tous les personnels des maisons de retraite et des hôpitaux !

• Ouverture de toutes les places nécessaires dans les écoles d’infirmières ! Abrogation du numerus clausus dans les études de médecine !

• Arrêt des subventions de l’État aux cliniques et maisons de retraite capitalistes, à commencer par celles qui sont cotées en Bourse ! Fonds publics aux établissements publics !

• Arrêt de la privatisation (restauration, entretien, sécurité) et retour au service public de tous les services privatisés, avec droit à l’intégration automatique dans le cadre de la Fonction publique ou le cas échéant à l’embauche sur contrat à durée indéterminée de droit public de tous les salariés français et étrangers surexploités par ces entreprises privées !

Contrôle des comptes de tous les établissements par les assemblées générales de personnels et leurs délégués élus, mandatés et révocables !

Remboursement à 100% par la Sécurité sociale des soins médicaux pour les personnes âgées ! Pour que le service public prenne en charge l’aide à domicile des personnes âgées (assistance quotidienne, travaux ménagers, etc.), ainsi que la formation et le recrutement des personnels compétents ! Élévation immédiate à 1500 euros mensuels du plafond nécessaire pour bénéficier d’une prise en charge à 100% par l’Allocation d’autonomie (APA) !


1) Nous pourrions faire une démonstration similaire sur la question des incendies de forêt. La presse s’est fait l’écho des plaintes des pompiers déplorant l’insuffisance incroyable de moyens humains et matériels, notamment aériens — même si, bien évidemment, elle a plus encore multiplié les dénonciations des « incendiaires », de concert avec le gouvernement qui essaie là encore de masquer ses responsabilités en faisant croire que ces malades mentaux sont les seuls coupables (et ne parlons pas ici du fait que les gouvernement successifs ferment les hôpitaux psychiatriques et réduisent les dépenses de santé dont l’augmentation permettrait pourtant certainement de cerner et de prendre en charge les vrais pyromanes avant qu’ils ne passent à l’acte). De leur côté, les personnels des Directions départementales de l’équipement (DDE) et de l’Office nationale des forêts (ONF) ne cessent eux aussi d’exiger, depuis des années, mais sans être entendus, l’augmentation de leurs effectifs, alors que les gouvernements successifs de l’État et les collectivités territoriales les diminuent au contraire. À cela s’ajoutent l’absence ou l’insuffisance, pour des raisons d’économies, des débroussaillages (d’où la rapidité de l’extension des feux), que ce soit de la part des communes — souvent asphyxiées financièrement à cause de la désertification rurale et de la politique dite de « décentralisation » (multiplication des charges qui reviennent aux communes) — ou de la part des riches propriétaires privés de terrains forestiers, qui ne craignent pas grand-chose tant les contrôles sont rares et les amendes dérisoires et qui dès lors, s’ils refusent ou s’ils ne sont pas capables de faire face à leurs obligations, mériteraient bien d’être expropriés sans indemnité ni rachat…