Article du CRI des Travailleurs n°7

Licenciements, suppressions de postes :
Organisations ouvrières, vous avez les moyens d'aider les travailleurs à mettre en échec ces plans patronaux, faites-le !

Du côté du patronat, on jubile évidemment de la victoire du gouvernement concernant les retraites, la diminution du montant de celles-ci ouvrant la voie au développement des fonds de pension en France, ce qui était d’ailleurs le but principal de la réforme. Et le MEDEF fait pression sur le gouvernement pour qu’il accélère sa politique de contre-réformes, notamment contre la Sécurité sociale, la formation professionnelle et l’école publique, et pour qu’il privatise les entreprises publiques, comme le préconisent ouvertement ses représentants UMP qui viennent de publier leur « Rapport de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion des entreprises publiques ».

Avalanche de suppressions de postes et de licenciements

Mais surtout la très forte détérioration de la conjoncture économique dans la zone euro, France en tête, est la cause et le prétexte d’une baisse importante de la demande de travail. Il en résulte d’abord l’augmentation du chômage officiel depuis le début de l’année, même sans tenir compte de tous les travailleurs rayés des listes par l’ANPE sur ordre du gouvernement ; la France compte désormais 2 685 000 chômeurs selon le Bureau international du travail, soit 9,9 % de sa population active. Il en résulte en outre de nouveaux plans de restructuration et de licenciements. Ainsi, alors que les effectifs salariés n’avaient pas diminué en termes absolus en 2002 malgré le ralentissement de la croissance économique, le premier semestre 2003 a-t-il vu la destruction de 57 000 emplois salariés, notamment industriels, et cette détérioration devrait se poursuivre jusqu’en 2004, selon les prévisions des économistes.

De fait, chaque mois apporte son nouveau train de plans sociaux. En 2001, ce sont 1 053 plans sociaux qui ont ainsi été mis en place en France, et 1 086 en 2002. Selon Le Parisien du 12 août, « les défaillances d’entreprises s’accélèrent et ont même battu le record de 1999. Elles touchent désormais de grosses sociétés et menacent plus de 16 000 emplois. Paray Céramiques, Société Diva fruit, Reims Aviation… Le ralentissement économique, sensible depuis deux ans en France, s’est accompagné d’une hausse du chômage, d’une multiplication des plans sociaux, mais aussi d’une poussée de défaillances d’entreprises. » En outre, on constate une aggravation de la situation des salariés jetés à la porte, avec une baisse du nombre de bénéficiaires des dispositifs d’ « accompagnement » des restructurations (84 600 salariés en 2001, 25 000 en 2002). Les cellules de reclassement ont pris en charge 130 000 personnes en 2002 soit 53% des salariés touchés, contre 60% en 2001. 29% de ces salariés se sont retrouvés au chômage (24% en 2001).

Depuis l’affaire Metaleurop (Nord) au printemps (830 salariés sur le carreau, sans compter ceux des sous-traitants), les médias ont versé de grosses larmes de crocodiles en pestant contre les « patrons-voyous », comme ceux de Palace Parfums et de Vinilux ou encore contre celui de l’usine de chips Flodor de Péronne (Somme, 200 ouvriers) qui a voulu, fin août, profiter des vacances de « ses » salariés pour déménager les machines et mettre la clé sous la porte ; la vigilance des travailleurs, leur intervention par l’occupation de l’usine, n’ont pu que limiter les dégâts, évitant le déménagement d’une partie des machines et déclenchant une procédure judiciaire contre le patron ; mais celle-ci, qui concerne seulement la « méthode », ne pourra l’empêcher de fermer « son » usine, propriété privée oblige ! Les médias ont également parlé, mais sans s’en indigner cette fois (que voulez-vous, ce sont les lois éternelles du sacro-saint marché… et surtout des encore plus sacro-saintes banques !), du cas des magasins Tati, entreprise qui a déposé le bilan, risque donc la liquidation, et vient d’obtenir un sursis de quatre mois du Tribunal de commerce de Paris qui l’a mise en « redressement judiciaire » ; c’est-à-dire que le sort des 1200 salariés (qui ont déjà subi des retards et des amputations de salaires) dépend désormais d’un éventuel repreneur ou d’un payeur des dettes de la famille Ouaki, dont les membres sont les principaux actionnaires. Certes pris à la gorge par les banques (d’autant plus qu’elles sont intéressées notamment par le parc immobilier que représente les immeubles Tati en plein cœur de Paris), ces gens-là s’en sortiront de toute façon toujours mieux que les salariés, grâce à tous les biens de luxe (villas, chevaux de course, etc.) que ces derniers leur ont permis d’acquérir à la sueur de leur front, avec la complicité notamment de la CFTC, syndicat majoritaire...

En revanche, les médias bourgeois nationaux ne s’intéressent pas à tous ces cas moins spectaculaires, mais non moins dramatiques pour les travailleurs et leur famille, que l’on trouve évoqués essentiellement dans la presse syndicale et dans les journaux « trotskystes » (1), comme par exemple la suppression de 1 678 emplois (701 en France et 977 en Espagne) chez le cigarettier Altadis, alors que les dirigeants de cette entreprise viennent de tripler leur rémunération (soit, pour le patron, 1,2 millions d’euros), ou encore la fermeture de l’usine STMicro Electronics de Rennes, entraînant le licenciement de 135 intérimaires et la mutation forcée des 470 salariés dans les autres usines françaises de ce groupe multinational qui emploie 43 000 personnes dans le monde (9 600 en France), et dont les bénéfices se sont montés à 429 millions de dollars en 2002 et à 160 millions au premier semestre 2003...

Le cas d’Alstom (ou encore celui de Giat-Industrie, autre soi-disant « fleuron » de l’économie française menacé par un plan de restructuration drastique) retient davantage l’attention des médias par le rôle que l’État joue dans son destin : le gouvernement, au moment même où il décidait de diminuer une fois de plus la part de l’État dans le capital de Renault (elle se réduit désormais à 15%) et de ne pas faire la moindre pression sur l’entreprise STMicroElectronics (dont il détient pourtant 17% du capital), a annoncé l’augmentation de sa part dans le capital d’Alstom à hauteur de 31%, prenant le risque, pour sauver l’entreprise française, de s’attirer les foudres de la Commission de Bruxelles, qui est en train de se casser la cervelle pour savoir si cette intervention doit être comprise comme une simple « aide à la restructuration », ou comme une entrave aux principes de la libre concurrence… Quoi qu’il en soit, ce ne sont certainement pas les salariés d’Alstom qui peuvent être rassurés : le gouvernement n’intervient que pour payer une partie des dettes aux banquiers tout-puissants, et non pour empêcher les suppressions de postes et les fermetures de sites, la restructuration de la dette n’ayant pas d’autre but que la restructuration industrielle proprement dite (5172 postes sont menacés en Europe, dont 2184 en France, avec la fermeture de quatre usines).

De même, la récente intervention de l’État dans la faillite d’Air Littoral, qui menace 1000 salariés, consiste en un prêt d’argent public c’est-à-dire qu’il revient aux contribuables de payer les pots cassés d’opérations douteuses où le baron Seillière, président du MEDEF, a eu un rôle déterminant. Ce nouveau versement vient s’ajouter aux 60 millions d’euros de dette que cette entreprise avait contractée à l’égard de l’État et des collectivités territoriales du Midi, et qui ont été rayées de l’ardoise par la mise en liquidation judiciaire de la compagnie aérienne...

Pour lutter contre les licenciements et les suppressions d’emploi, seule une politique radicale peut être efficace. Il faut exiger des organisations syndicales et politiques de la classe ouvrière qu’elles cessent leurs jérémiades et leur politique d’accompagnement des plans sociaux. Elles ont les moyens d’aider les travailleurs à se battre réellement, c’est même pour cela que la classe ouvrière les a édifiées. Le Groupe CRI estime qu’elles doivent lutter dans l’unité et par tous les moyens pour les mesures d’urgence suivants :

• Grève avec occupation des usines et des locaux des entreprises qui licencient, jusqu’au retrait total des plans de licenciements ! Soutien complet et concret des fédérations à toutes les luttes locales !

Constitution par les travailleurs de comités d’usines (de magasins, d’établissements…) pour imposer la publication et le contrôle des comptes des entreprises qui annoncent des plans de restructuration ou de licenciements ou qui déposent le bilan ! Chez Tati, par exemple, que la famille Ouaki rende des comptes sur ce qu’elle a fait de l’argent produit par les salariés ! Que ses villas, chevaux de course, etc., soient saisis pour renflouer l’entreprise !

Non à la dictature des banques qui pillent les richesses produites par les travailleurs ! Levée du secret bancaire, contrôle des fonds bancaires par les comités des employés de banques ! Pas d’argent public pour les banques privées ! Pour l’expropriation des banques privées, la constitution d’une Banque d’État unique et un système de crédit public à bon marché !

• Dans le cas des petites et moyennes entreprises réellement en faillite, constitution de coopératives ouvrières sans patron pour les remettre en marche, organisation de la solidarité ouvrière par les syndicats et les organisations, exigence d’un prêt d’argent public gratuit ou à bon marché ! Contrôle ouvrier dans toutes les entreprises de la branche concernée !

• Nationalisation totale sous contrôle ouvrier des grandes entreprises d’envergure nationale qui vivent avec des fonds publics (capital ou prêts), comme Alstom, Giat-Industrie, Air littoral, etc. !


1) En ce qui concerne le traitement des plans de restructuration et de licenciement, la presse des organisations « trotskystes » se contente la plupart du temps de livrer des informations extrêmement partielles, en général déterminées par les liens de leurs militants avec les entreprises concernées, qui sont globalement peu nombreux. Certes, le journal du PT, Informations ouvrières, propose parfois une « liste des principaux plans sociaux », par exemple dans son numéro 604 du 27 août ; mais on trouve très peu d’informations précises sur les entreprises privées dans ce journal, qui ne s’intéresse en fait qu’aux établissements où des militants du PT interviennent avec des responsabilités syndicales — or cette organisation est très peu implantée dans les entreprises privées, l’écrasante majorité de ces militants étant des syndicalistes du secteur public. Le moins pauvre en informations sur les entreprises privées est le journal Lutte ouvrière (pages « dans les entreprises »), car cette organisation accorde (à juste titre) une attention particulière au prolétariat industriel ; mais il ne faut surtout pas y chercher la moindre proposition d’action, car cette organisation se contente de dénoncer et de se lamenter, en adoptant un point de vue plus moral que politique, et sans jamais proposer de revendications précise et de combats concrets. Enfin Rouge, l’hebdomadaire la LCR, n’a pas grand-chose à dire de concret sur les entreprises privées et leurs ouvriers —  à la fois parce qu’elle aussi n’a pas beaucoup de militants dans le privé et peut-être également parce que les ouvriers victimes des plans de restructuration et de licenciements n’ont toujours pas compris l’intérêt qu’ils pourraient trouver à rejoindre les grandes kermesses du mouvement « altermondialiste », quand ils le connaissent…