Article du CRI des Travailleurs n°5

Palestine : L'impasse de la « feuille de route » impérialiste

Après la guerre en Irak, la question du règlement du conflit israélo-palestinien semble à nouveau être au centre des préoccupations de la « communauté internationale ». Le quartet composé des États-Unis, de la Russie, de l’Union européenne et de l’ONU a en effet proposé une « feuille de route » censée tracer la voie, dates à l’appui, vers une issue de ce conflit.

Une nouvelle capitulation de l’« Autorité palestinienne »

Mais dès ses préambules, cette feuille de route se dirige vers la même impasse que celle des accords d’Oslo, signés il y a dix ans dans ce même climat d’unanimisme international. L’objectif officiel est la création d’un État palestinien à côté de (ou plutôt imbriqué dans) l’État d’Israël. Les obstacles à cet objectif sont aussi désignés : il s’agirait de la violence et du terrorisme des Palestiniens. De ces préambules viciés découlent des solutions à l’avenant : dans une première phase, l’Autorité palestinienne devrait désarmer les mouvements de résistance et stopper les attentats sur le territoire israélien pendant qu’Israël démantèlerait les « implantations juives sauvages » installées après 2001. Si ces « progrès » sont effectués, pourra être proclamé dans une seconde phase un État palestinien aux frontières provisoires, avec l’appui des puissances impérialistes coupables ou complices de la situation depuis plus de cinquante ans. En 2005, une fois cet État créé, et donc la population palestinienne désarmée par sa propre bourgeoisie et coupée des Arabes d’Israël, il sera envisagé un règlement « juste et réaliste » des questions des frontières définitives, des réfugiés ou du statut de Jérusalem.

Le premier ministre israélien Ariel Sharon, malgré l’opposition des fanatiques du Grand Israël dans son propre parti, le Likoud, qui ne peuvent concevoir la présence de Palestiniens sur la rive ouest du Jourdain, a exprimé l’accord de son gouvernement avec cette feuille de route, toutefois accompagné de quatorze réserves, tenues secrètes pour la plupart. Celles-ci indiquent essentiellement quelles éventuelles futures concessions seraient inacceptables pour Israël, elles excluent en particulier tout droit au retour des Palestiniens chassés depuis 1948. Mais, sous la pression des États-Unis, et devant la résistance persistante des Palestiniens face à l’occupation israélienne, l’intérêt d’une collaboration de l’Autorité palestinienne pour réprimer cette résistance a bien été compris par Sharon. Les contreparties sont en effet bien faibles : en évoquant le démantèlement des seules colonies fondées après 2001, cette feuille de route s’avance vers la reconnaissance de toutes les extensions territoriales qui ont eu lieu avant cette date.

Il est donc clair que l’acceptation de ce plan lors du sommet d’Akaba par Mahmoud Abbas, est un nouveau renoncement au combat pour les droits élémentaires du peuple palestinien. D’ailleurs le nouveau « Premier ministre », fraîchement nommé au mépris de toute souveraineté palestinienne pour marginaliser un Yasser Arafat pas assez prompt à accepter la défaite totale de la cause palestinienne après sa première capitulation d’Oslo, est connu pour s’être opposé dès le début de la « seconde Intifada » au mouvement de résistance palestinien. Quel sens pourra avoir un État palestinien sans continuité territoriale, collection de bantoustans entourés de barrières et de miradors ? Selon les mots de Méron Benvenisti, ancien maire adjoint de Jérusalem, il ne s’agirait que d’un « camp de concentration » où s’entasseraient les Palestiniens, désarmés par leur propre bourgeoisie capitularde, et privés du contrôle des ressources vitales (en premier lieu l’eau) aux mains de l’État d’Israël.

Quelle solution juste et réaliste ?

La paix en Palestine ne peut passer que par le droit au retour des réfugiés palestiniens chassés depuis 1948 et l’égalité des droits pour les Arabes d’Israël. Ni le gouvernement sioniste de Sharon, ni les bourgeoisies arabes de Palestine et des pays voisins n’avanceront dans cette voie. L’existence même de l’État colonial sioniste et de son inévitable corollaire, les bantoustans concédés à la bourgeoisie palestinienne, est la négation des droits nationaux du peuple palestinien (droit au retour pour tous les réfugiés, droit à la souveraineté nationale, etc.). C’est aussi la négation des libertés démocratiques les plus élémentaires : inégalité des citoyens juifs et arabes devant la loi, arrestation et détention de prisonniers politiques palestiniens en toute impunité dans l’État d’Israël ; répression féroce de tous les opposants, musellement de la presse et manipulation des élections avec la complicité de Washington dans les territoires contrôlés par l’« Autorité palestinienne ». Enfin, l’existence même de l’État sioniste signifie l’exploitation et l’oppression sociale maximales (chômage, misère, déni des droits sociaux…) de la majorité de la population, et pas seulement des Arabes. Dès lors, il n’y a pas d’autre solution viable à la crise qui ensanglante le Moyen-Orient, il n’y pas d’autre solution réaliste pour réaliser la paix et la sécurité de tous les citoyens, donc pour satisfaire les droits nationaux, démocratiques et sociaux en Palestine, que la destruction de l’État colonial sioniste et la construction d’une République laïque et démocratique sur tout le territoire de la Palestine.

Or seule la classe ouvrière de toute la Palestine, seuls les travailleurs unis quelle que soit leur origine, entraînant les masses opprimées de Palestine, sont à même de mener ce combat. Car le combat contre l’État sioniste ne peut être mené jusqu’au bout que par la classe sociale qui, quelle que soit l’origine de ses membres, a objectivement intérêt à en finir avec l’impérialisme, le colonialisme et le racisme en général, dont l’État sioniste est le représentant au Moyen-Orient ; et le combat pour une République palestinienne ne peut aboutir que si celle-ci est construite et dirigée par les travailleurs eux-mêmes réalisant jusqu’au bout toutes leurs revendications et aspirations, en étroite collaboration avec les classes ouvrières des autres pays du Moyen-Orient, construisant ensemble une fédération des Républiques ouvrières de la région. Ici comme ailleurs, cette voie est naturellement celle du socialisme.