Article du CRI des Travailleurs n°23

Vive le Collectif de soutien à la résistance des peuples du Moyen- Orient contre l'impérialisme et le sionisme !

Nous publions ci-dessous quatre documents : 1) la Déclaration constitutive du Collectif de soutien à la résistance des peuples du Moyen-Orient contre l’impérialisme et le sionisme, adoptée le 23 août 2006 ; 2) le courrier électronique du Groupe CRI aux autres organisations parties prenantes de la discussion, proposant quatre amendements au projet initial ; 3) la réponse du rédacteur du projet initial aux propositions du Groupe CRI ; 4) la réponse de celui-ci au rédacteur. Dans ce dernier document, nous précisons à chaque fois entre crochets quels passages ont été finalement intégrés dans le texte final de la Déclaration constitutive, quels autres ne l’ont pas été.

Déclaration constitutive du Collectif

Ne le cachons pas : c’est avec satisfaction que nous avons assisté à l’échec de la tentative israélienne de détruire la résistance libanaise, notamment le Hezbollah. Solidaires de la population libanaise lors des bombardements et des massacres entamés le 12 juillet, nous partageons aujourd’hui joie et fierté avec le peuple libanais et sa résistance.

Cette satisfaction a une signification politique : la conviction qu’un coup a été porté à la guerre totale engagée par les gouvernements états-unien et israélien contre les peuples du monde arabo-musulman depuis le 11 septembre 2001, à savoir l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak, les plans agressifs contre la Syrie et l’Iran. L’impérialisme et son allié sioniste ne sont pas invincibles, la résistance ça paie et ensemble nous pouvons vaincre l’adversaire commun. Les peuples arabes l’ont bien compris et l’ont exprimé haut et fort de Rabat à Bagdad tandis que leurs gouvernants mettaient en cause la résistance et poussaient à la division.

En tant que mouvement de soutien en France, nous pensons qu’il est nécessaire aujourd’hui de construire un mouvement populaire sur la base des principales exigences suivantes :

1/ Une vigilance accrue

Le succès de la résistance libanaise ne doit pas créer d’illusions : l’échec de l’offensive israélienne ne remet pas en cause le plan impérialiste de domination de l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Asie centrale selon le plan du « Grand Moyen-Orient », ni le projet colonial expansionniste de l’État sioniste.

Ainsi, au Liban, la résolution 1701 du Conseil de sécurité est sans ambiguïté : le désarmement de toute forme de résistance, déjà affirmé dans la résolution 1559, proposée par la France et adoptée en 2004. Faute d’avoir pu l’obtenir par l’agression israélienne, le Conseil de sécurité, sous l’impulsion des gouvernements états-unien et français, met en demeure le gouvernement libanais de neutraliser toute forme de résistance libanaise ou palestinienne, même au prix d’une guerre civile, tandis qu’Israël se voit seulement interdire de mener « des actions offensives », ce qui laisse une large marge pour les agressions menées au nom du « droit d’Israël à se défendre ».

En Palestine, plus de 200 Palestiniens ont été assassinés et plus de 800 ont été blessés à Gaza depuis la fin juin, des dizaines de parlementaires et de membres du gouvernement ont été emprisonnés, les exécutions sommaires de militants en Cisjordanie se sont poursuivies sans relâche et dans le silence de la « communauté internationale » qui a choisi de pousser les Palestiniens à la guerre civile ou à la reddition, dans l’espoir qu’ils renoncent enfin à leurs droits. Toutes les conditions semblent réunies pour permettre à l’État terroriste d’Israël de prendre une revanche contre les Palestiniens après l’humiliation subie au Liban.

2/ Un soutien sans ambiguïté à la résistance des peuples palestinien, libanais et irakien

Il n’appartient pas à un mouvement de soutien de dicter leur conduite à celles et ceux qui luttent sur le terrain. Mais il est de son devoir d’écouter leur voix, de leur donner la parole et d’agir pour faire avancer leurs revendications.

Lorsqu’en Irak les forces occupantes et leurs collaborateurs sont obligés de se terrer dans des zones « sécurisées », lorsqu’en Cisjordanie et à Gaza la population accorde la majorité de ses suffrages aux forces qui refusent d’abdiquer et notamment au Hamas, lorsqu’au Liban le soutien populaire apporté à la résistance armée dirigée principalement par le Hezbollah met en échec toutes les tentatives de division visant à provoquer une guerre civile, il n’y a plus d’hésitation : le choix majoritaire des peuples irakien, palestinien et libanais est celui de la résistance, du refus d’abdiquer leurs droits, de la sauvegarde de leurs terres et de leurs ressources naturelles, du refus de l’imposition de « valeurs » impérialistes prétendument supérieures, du rejet de leur transformation en réservoir de main d’œuvre jetable et corvéable suivant les besoins du marché, du refus de l’occupation et de l’oppression.

C’est pourquoi nous nous interdisons de transiger dans notre soutien à leur lutte sur le droit au retour de tous les réfugiés palestiniens, la libération inconditionnelle de tous les prisonniers, le retrait immédiat et inconditionnel de toutes les troupes d’occupation, le droit des peuples à leur autodétermination.

3/ La fin de l’hypocrisie et des illusions vis à vis de l’État sioniste

Le caractère criminel de l’agression israélienne contre la population libanaise est désormais évident pour la majorité des peuples du monde et les massacres de civils ainsi que les destructions massives et délibérées d’infrastructures sont clairement qualifiés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Mais le terrorisme d’État à l’œuvre au Liban n’est pas différent de celui que les Palestiniens subissent depuis des dizaines d’années : destructions systématiques d’infrastructures, attaques de convois de réfugiés et d’ambulances, massacres de civils et assassinats programmés de résistants, emprisonnements arbitraires et punitions collectives, etc. sont les conséquences inévitables du projet sioniste et les fondements de la politique de l’État colonial raciste depuis sa création. La perpétuation de cette politique n’a été possible que par le soutien des institutions internationales et des puissances mondiales qui ont développé et poursuivi des liens étroits et une collaboration politique, économique, militaire, culturelle, scientifique, etc. avec l’État d’Israël. C’est pourquoi la rupture de ces liens, notamment par le boycott institutionnel et individuel et le désinvestissement, est un élément décisif pour peser efficacement sur ce rapport des forces.

Face à un État dont les fondations reposent sur le nettoyage ethnique des Palestiniens, la conquête territoriale et la domination économique et militaire de ses voisins et dont le seul ciment est la guerre permanente, les peuples du Moyen-Orient ne peuvent que constater qu’il n’y aura pas de paix possible tant que perdurera le système colonial d’Israël soutenu par l’impérialisme.

En France nous devons dénoncer et affaiblir tous ceux qui soutiennent et protègent l’État d’Israël en lui garantissant l’impunité et en entretenant les illusions sur sa nature démocratique et sur sa légitimité.

4/ Un engagement clair dans le combat contre l’impérialisme français

Le rôle de l’administration Bush est à juste titre dénoncé par ceux qui luttent contre la guerre impérialiste américaine. Pour autant, nous ne saurions ignorer le rôle de l’impérialisme français et négliger les responsabilités actuelles du gouvernement français. Le mythe d’une « politique différente » de la France à l’égard du droit des peuples est un mensonge. La France a impulsé et défendu la résolution 1559, elle a soutenu le blocus imposé aux Palestiniens, elle participe pleinement à l’isolement du gouvernement démocratiquement élu du Hamas, elle assiste sans mot dire à l’emprisonnement de milliers de Palestiniens, aux arrestations des ministres et parlementaires, elle garde le silence face aux bombardements quotidiens de Gaza et aux assassinats de combattants et de civils.

Si prompte à mobiliser les instances internationales lors de l’attentat contre son protégé Hariri, la France, ex-mandataire du Liban, a pris tout son temps pour présenter une résolution en concertation avec les USA. Le président français et la classe politique française ont cautionné l’agression israélienne contre Gaza et le Liban et condamné la résistance palestinienne et libanaise.

Ceux qui réclament l’application des résolutions 1559 et 1701 soutiennent la présence au Liban de troupes coloniales au service de l’impérialisme et de la protection de l’État israélien. Ils participent ainsi à la guerre contre la résistance. A tous ceux qui sont révoltés par la politique criminelle de l’État d’Israël et qui s’indignent de l’impunité dont cet État terroriste bénéficie, nous disons : on ne peut à la fois prétendre soutenir le peuple libanais dans son droit à la souveraineté et accepter l’envoi de troupes françaises au Liban. La « FINUL » renforcée n’est que l’auxiliaire de l’OTAN et le supplétif de l’armée israélienne pour détruire la résistance libanaise. Le premier devoir des militants et des organisations qui affirment vouloir défendre les intérêts des travailleurs et des opprimés est de soutenir la résistance des peuples et de combattre les opérations impérialistes de leur propre gouvernement.

Pas un homme, pas un sou pour la FINUL. Retrait des troupes françaises du Liban.

À bas les résolutions 1559 et 1701 de l’ONU !

Sur la base du droit à la résistance, nous soutenons toutes les organisations palestiniennes et libanaises qui se battent actuellement contre le projet sioniste soutenu par les impérialistes. Pour nous, en tant que soutien à la résistance des peuples palestinien, libanais et irakien, toute solution politique passe par :

• Abolition du système colonial et raciste de l’État d’Israël

• Autodétermination du peuple palestinien

• Souveraineté des peuples libanais et irakien sur leur territoire national

• Retrait immédiat de toutes les troupes d’occupation

Droit au retour pour tous les réfugiés expulsés depuis 1948

Premiers signataires : Nanterre Palestine, Groupe CRI (Communiste Révolutionnaire Internationaliste, St Ouen Palestine, Enfants de Palestine, Association des Palestiniens en France, Comité palestinien pour le droit au retour (section France), Collectif pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, Mouvement Justice pour la Palestine, Secours Rouge, Parti communiste Maoïste de France, Revolutionary Proletariat International, Fédération Syndicale Étudiante Paris-I/Paris-IV.

 

Pour tout contact : Tél. : 06 20 69 36 30 ou justicepalestine@yahoo.fr

Amendements proposés par le Groupe CRI

« Chers camarades,

Le Groupe CRI est globalement d’accord avec le texte proposé (…). Nous faisons quatre propositions de modification :

Introduction, paragraphe 2

Mettre « peuples du Moyen-Orient » plutôt que « peuples du monde arabo-musulman ». — En effet, une partie des travailleurs du Moyen-Orient ne sont pas musulmans, à commencer par les athées, et tous ne sont pas arabes, à commencer par les Iraniens. Or, tous sont victimes de l’impérialisme et du sionisme.

Inverser les points 3 et 4

Si nous voulons mobiliser les gens en France, la question-clé est d’appeler à combattre contre notre propre gouvernement. En finissant par cette question, on désigne la tâche prioritaire du point de vue de l’action. Il faudrait dans cette perspective ajouter aux mots d’ordre de la fin, comme cela avait été dit lors de la réunion jeudi : « Pas un homme, pas un sou pour la FINUL ! Retrait des troupes françaises du Liban ! À bas les résolutions 1559 et 1701 de l’ONU ! »

Paragraphe 3 de l’actuel point III

Nous pensons qu’il faut nommer « ceux qui réclament l’application des résolutions 1559 et 1701, etc. », en précisant : « non seulement la droite et le PS, qui soutiennent ouvertement la politique Chirac au Moyen-Orient, mais aussi les dirigeants du PCF, de la CGT, de FO et de la FSU ». Il faudrait alors ajouter à la fin du paragraphe : « Le premier devoir des militants et organisations qui prétendent défendre les intérêts des travailleurs et des opprimés est de soutenir la résistance des peuples et de combattre toutes les opérations impérialistes de leur propre gouvernement. »

Fin du paragraphe 2 de l’actuel point IV

Remplacer la dernière phrase par : « C’est pourquoi le boycott de l’État d’Israël, le blocage de ses importations et exportations, la rupture de tous les accords de coopération (militaire, universitaire…), sont un élément décisif pour peser efficacement sur ce rapport des forces. » — En effet, la notion de « désinvestissement » est ambiguë, car elle semble conséquent avant tout les entreprises ; or nous n’avons pas d’illusions à nourrir sur le rôle de celles-ci dans le combat contre le sionisme ! D’autre part, la notion de boycott doit être précisée : c’est une question concrète, économique et politique, qui ne consiste pas, par exemple, à demander à Chirac de rompre tel ou tel accord, mais qui doit déboucher sur la mobilisation des travailleurs et des jeunes : blocages d’avions et de bateaux, dénonciation d’accords de coopération scientifique et universitaire, etc. Dans ces conditions, cela peut devenir un mot d’ordre très mobilisateur, comme l’ont prouvé les dockers hollandais ou les cheminots italiens qui, en 2003, avaient bloqué des convois militaires anglo-américains à destination de l’Irak.

Fraternellement,

Ludovic Wolfgang, pour le Groupe CRI

Réponse du rédacteur du projet initial aux amendements du Groupe CRI

« Réponses aux dernières pro positions de modification remarques Ludovic/CRI :

1/ Il y a une vraie difficulté... à mon avis on ne peut pas englober tous les peuples victimes de l’offensive impérialiste et sioniste avec une formule géographique ou géopolitique miracle. Je ne reprends pas ce que j’ai écrit avant en réponse à la proposition de titre de W. mais : Moyen-Orient est certes une formule facile mais c’est un découpage du « monde arabe » conforme aux visées de l’impérialisme britannique, dont les contours ont varié suivant l’époque mais dont la finalité était clairement de briser toute velléité de constitution et de conscience de « nation arabe" ». Son extension bushienne « grand Moyen Orient » n’est que l’expression de la vision stratégique de l’actuel gouvernement des USA (la zone d’expansion de « l’islamo-fascisme », récente contribution conceptuelle due à G Bush !). Donc si on dit MO personne ne doute qu’on y met la Palestine, le Liban, l’Irak... mais est-ce qu’on y met l’Afghanistan, l’Iran, le Caucase... ? Nous avons intérêt à retenir une formule strictement politique. Nous parlons donc en général de peuples attaqués par l’impérialisme et le sionisme et nous les nommons en particulier au grès des situations et des problèmes que nous traitons. Mais on ne peut pas complètement gommer ce qui fait qu’ils sont la cible commune de cette offensive. Je sais bien que « tous les travailleurs du MO ne sont pas musulmans » et que « tous ne sont pas arabes »... D’ailleurs tous ceux qui y vivent ne sont pas des « travailleurs »... Mais tous vivent dans « un monde arabo-musulman », expression qui a une signification historique et culturelle (donc politique) indéniable et qui permet d’englober tous ceux qui, justement, sont aujourd’hui la cible principale de l’offensive sioniste et impérialiste. Donc moi je souhaite garder la formule.

2/ Échanger 3 et 4. Pourquoi pas, même si quelque chose m’échappe dans l’affirmation que le point par lequel on finit prend forcément un rang prioritaire pour l’action... le premier point est celui de « la vigilance » et on entrera en action justement si un évènement majeur survient (Intervention majeure à Gaza notamment) même si ce n’est pas notre impérialisme qui est à l’offensive, mais bon pour moi pas de problème...

3/ Nommer ou pas. Je maintiens ma réponse précédente et ce que proposent les camarades du CRI confirme la difficulté si on nomme. Pour eux c’est le PC, FO, la CGT et la FSU. Mais pourquoi pas les Verts, la CFDT, Solidaires, le MRAP, le Mouvement de la paix, la LDH et demain tous ceux qui sont dans le collectif et qui ne disent rien encore ? Donc on ouvre des discussions problématiques pour notre nouveau cadre de regroupement(collectif) et on n’en sort pas dans l’énumération. Ce qu’on pourra faire dans l’action c’est illustrer et argumenter notre propos général en publiant des citations, en interpellant concrètement tel ou tel si des organisations favorables à ces résolutions prétendent participer à une solidarité (le 09 septembre par exemple).

4/ Je n’ai pas de désaccord avec l’explication sur la nécessité de préciser le contenu de l’action de boycott et les ambiguïtés de la notion de désinvestissement. Plusieurs problèmes :

• On ne veut évidemment pas réduire le boycott à l’appel à l’action des consommateurs mais on ne doit pas écarter ce support de l’action militante : refuser d’acheter des produits israéliens peut être un acte politique et l’expliquer aux « citoyens » peut être un bon outil d’explication. Tout le monde n’est pas en situation de bloquer les exportations ou les importations.

• C’est un peu la même chose pour « la rupture des accords » ; il est des collaborations qui sont de simples échanges, rencontres etc., pas nécessairement des « accords » (terminologie qui renvoie à des engagements politiques ou économiques) Il en est ainsi de nombreuses collaborations dans le domaine sportif, artistique, des jumelages etc. Donc le boycott c’est aussi tout ça.

• Comme ça fait beaucoup... expliquer tout ça dans ce texte est impossible, sans compter qu’il faut probablement qu’on en discute plus précisément avec les personnes qui vont vouloir participer à l’action. L’expression « boycott institutionnel et individuel » laisse la possibilité de ces développements ultérieurs.

• Le désinvestissement... Je ne l’avais pas mis, c’est effectivement ambigu et je n’y crois guère en France notamment. Mais c’est dans l’appel des 171 ONG palestiniennes, avec aussi les sanctions, et le MSRPP a décidé de reprendre et défendre cet appel. On accuse les autres de le charcuter et de ne retenir que ce qui leur plait(les sanctions, justement) ça pose problème qu’on emploie les mêmes méthodes. Là aussi je pense que les solutions seront pratiques: dans les faits on ira plus sur le boycott et la rupture des liens, on n’aura pas beaucoup d’actions de désinvestissement mais pourquoi se priver de la possibilité d’éveiller un intérêt particulier qui pourrait se trouver concerné ? Pour le moment je propose d’en rester à l’actuelle formulation. »

Pierre-Yves Salingue

Réponse du Groupe CRI à la réponse du rédacteur

« Chers camarades,

Le Groupe CRI confirme qu’il signera le texte tel quel malgré le rejet de toutes ses propositions de modification…

Cependant, deux de nos propositions n’ont pas été explicitement rejetées ou critiquées par Pierre-Yves, sans être pour autant intégrées. Or, si elles ne posent pas de problème, pourquoi ne pas les ajouter ? Nous nous permettons donc d’insister pour que soient intégrés les deux passages suivants :

• À la fin du paragraphe 3 du point III : « Le premier devoir des militants et organisations qui prétendent défendre les intérêts des travailleurs et des opprimés est de soutenir la résistance des peuples et de combattre toutes les opérations impérialistes de leur propre gouvernement. » [Amendement intégré finalement, NDR.]

• À la fin du texte : « Pas un homme, pas un sou pour la FINUL ! Retrait des troupes françaises du Liban ! À bas les résolutions 1559 et 1701 de l’ONU ! » [Amendement intégré finalement, NDR.]

Quant au reste, nous maintenons nos réserves pour l’essentiel, en souhaitant qu’il soit possible de continuer à en discuter ultérieurement. Dans cette perspective, quelques éléments sommaires de réponse à Pierre-Yves :

1) Que la notion de « Moyen-Orient » exprime historiquement un « découpage du "monde arabe" conforme aux visées de l’impérialisme britannique » est exact, mais l’expression n’en est pas moins devenue courante, se faisant par là même relativement neutre. On ne peut refuser une expression sous prétexte de son origine politique : à ce compte, on ne pourrait nommer aucun État ou groupe d’États, car tous ont été constitués historiquement par des minorités d’exploiteurs, oppresseurs et tueurs, tout particulièrement sur la base de la négation des droits des peuples !

D’autre part, si la notion de « monde arabe » exprime clairement une réalité historique, culturelle et politique, celle de « monde arabo-musulman » a l’inconvénient de faire d’une religion une caractérisation essentielle. Or non seulement c’est une restriction arbitraire, comme nous l’avons déjà dit, mais en outre cela semble s’inscrire dans une thématique de « guerre des religions », même si c’est du point de vue des victimes. Dans cette optique, nous sommes en désaccord avec l’idée selon laquelle « ce qui fait que (les peuples en question) sont la cible commune de cette offensive » de l’impérialisme serait qu’ils sont « musulmans ». La raison réelle est économico-politique, elle n’a en fait rien à voir avec la religion qui, comme disait Marx, n’est que la forme céleste d’un « noyau » bien « terrestre ». D’ailleurs, les partisans de la « nation arabe » dans les années 1950-60, de Nasser aux Baathistes, étaient quant à eux partisans de la laïcité de l’État.

Bref, pourquoi ne pas nous en tenir exclusivement à la formule qui fait consensus, proposée par Pierre-Yves lui-même : la « formule strictement politique » de « peuples attaqués par l’impérialisme et le sionisme » ? [C’est finalement cette formule qui se trouve dans le titre du texte, ainsi que « peuples du Moyen-Orient », l’expression « monde arabo-musulman » n’apparaissant qu’une fois, NDR.]

2) La priorité de l’heure est de refuser l’envoi de troupes françaises. Pierre-Yves se dit sceptique sur l’utilité d’inverser les points 3 et 4, mais il ne répond pas à notre proposition principale d’ajouter les mots d’ordre : « Pas un homme, pas un sou pour la FINUL ! Retrait des troupes françaises du Liban ! À bas les résolutions 1559 et 1701 de l’ONU ! » Cela nous semble pourtant très important pour donner l’axe de la mobilisation en France, ici et maintenant. Le fait de terminer par les mots d’ordre concrets nous semble logique, car un texte politique ne vaut que s’il débouche sur des perspectives concrètes d’action immédiate. [Les deux paragraphes ont finalement bien été inversés, NDR.]

3) L’argument selon lequel il ne faudrait pas nommer nos adversaires (ceux qui, par leurs déclarations d’ores et déjà publiées, se font clairement les suppôts de l’impérialisme français et des résolutions de l’ONU) sous prétexte que la liste ne peut pas être exhaustive, ne nous semble vraiment pas convaincant. Il ne s’agit évidemment pas de nommer tout le monde, mais de s’en tenir aux forces qui, dans ce pays, ont objectivement les plus grosses capacités de mobilisation. Car, là encore, la question-clé est bien celle de la mobilisation, et par conséquent il faut dénoncer ceux qui refusent d’utiliser ces capacités pour soutenir et aider la résistance des peuples, préférant l’ « union sacrée » avec leur propre impérialisme. [Ce point n’a pas fait l’objet d’un accord : amendement CRI rejeté, NDR.]

4) Il est exact que nous ne pouvons pas nommer l’ensemble des formes que peut prendre le boycott, mais il semble nécessaire d’en préciser les principales, ne serait-ce que pour rendre concret ce mot d’ordre, pour que les masses puissent s’en saisir. Il est vrai aussi que « tout le monde n’est pas en situation de bloquer les exportations ou les importations » mais, comme dans une grève, la question-clé est que ceux qui sont en situation de le faire le fassent : c’est donc une question politique, qui pose là encore le problème central de la responsabilités des directions syndicales ; si elles le voulaient, en effet, elles pourraient tout à fait engager une immense campagne nationale de blocage des marchandises israéliennes.

Quant à l’affirmation selon laquelle le sport et l’art ne donneraient pas lieu à des « accords » économiques et politiques, nous aimerions nous aussi y croire, mais c’est manifestement inexact dans le monde capitaliste où nous vivons, qui soumet ces activités autant que les autres à l’argent et à l’État… En fait, le terme d’ « accords » semble suffisamment large pour intégrer le maximum de domaines à boycotter.

Enfin, puisque Pierre-Yves est d’accord pour dire que le terme de « désinvestissement » est ambigu et non crédible, il ne semble pas juste de le laisser sous prétexte qu’il figure dans l’appel des 171 ONG palestiniennes. Que nous soutenions cet appel tel quel est juste, mais cela ne nous oblige en rien à nous sentir liés, dans nos propres textes, par telle ou telle de ses formulations dès lors qu’elle n’est pas adéquate ! Cela n’a rien à voir avec du charcutage de texte, mais signifie simplement que nous faisons nos propres formulations, lesquelles ne doivent susciter aucune illusion sur les capitalistes français… [Sur cette question du boycott, le texte initial n’a pas été changé : amendements CRI rejetés, NDR.]

Fraternellement,

Ludovic Wolfgang, pour le Groupe CRI