Article du CRI des Travailleurs n°23

Pour une campagne unitaire réellement anti-capitaliste : la LCR, LO et le PT sont face à leurs responsabilités

Déclaration du Groupe CRI

Pour les communistes révolutionnaires, toute campagne électorale ne peut se concevoir que comme une tactique utilisant le cadre de la démocratie bourgeoise pour rallier la fraction la plus grande possible de l’électorat ouvrier à leur propre programme. Il est donc hors de question de faire croire aux travailleurs que le résultat d’une élection pourrait par lui-même « changer la vie » : seule l’intervention directe des travailleurs, par leur lutte de classe, peut être source d’une « transformation sociale » dans le sens de leurs intérêts collectifs.

Cela est encore plus vrai quand les communistes révolutionnaires choisissent tactiquement d’appeler à voter pour un parti ouvrier réformiste : en ce cas, il ne s’agit pas pour eux de cautionner le programme et la démarche de celui-ci, mais uniquement d’aider les travailleurs à porter au pouvoir une organisation qui prétend vouloir les défendre, afin qu’ils fassent par eux-mêmes l’expérience du réformisme ; ils constatent alors de leurs propres yeux que celui-ci est au mieux impuissant, au pire traître à ses propres engagements. Or, en ce qui concerne la France d’aujourd’hui, le PS ne peut plus être considéré comme un parti ouvrier réformiste : non seulement il ne compte que 5 % d’ouvriers et employés dans ses rangs et repose électoralement avant tout sur les professions libérales, les cadres et les salariés non exploités (comme les enseignants), mais surtout il ne se réclame plus, même seulement en paroles, d’un programme de rupture avec le capitalisme : il assume au contraire pleinement sa politique de gestion loyale du capitalisme et même son application de politiques particulièrement anti-ouvrières, dites « libérales ». Dès lors, il est hors de question de faire régresser les travailleurs qui ne se font plus d’illusions envers le PS (même s’ils n’ont pas pour autant une claire conscience de classe) en les appelant à retourner voter pour lui, fût-ce au second tour.

Pour les communistes révolutionnaires, la tâche la plus urgente n’est pas de battre électoralement la droite en 2007, si cela implique cinq ans de politique anti-ouvrière menée par le PS et ses alliés, comme ce ne peut être que le cas : l’expérience nous en prévient, et même le projet électoral de ce parti, en refusant de revenir sur l’écrasante majorité des mesures anti-ouvrières des vingt-cinq dernières années, le confirme. La tâche des communistes révolutionnaires, c’est d’aider les travailleurs à se mobiliser pour leurs propres intérêts collectifs et historiques, de construire leurs organisations syndicales et politiques sur une base de lutte de classe et de reforger ainsi leur conscience de classe mise à mal par plusieurs décennies d’hégémonie du stalinisme et de la social-démocratie sur le prolétariat et, depuis un quart de siècle, par une crise généralisée du mouvement ouvrier organisé lui-même. De ce point de vue, il est également hors de question de participer à la coalition anti-libérale constituée autour du PCF depuis le référendum du 29 mai 2005 : si elle se démarque sensiblement du PS, elle veut surtout l’aider à revenir au pouvoir, et elle s’inscrit totalement dans le cadre du système capitaliste et de l’ « alternance » qui domine la vie politique française officielle depuis plus d’un quart de siècle.

La coalition anti-libérale autour du PCF se démarque du PS, mais veut surtout l’aider à revenir au pouvoir

Au lendemain de la réunion des « collectifs unitaires pour un rassemblement anti-libéral et des candidatures communes », le 10 septembre à Saint-Denis, le nom du candidat de cette coalition pour la présidentielle n’est pas encore décidé, et rien ne dit que l’accord qui la scelle survivra au choix qui sera fait, courant novembre, entre Marie-George Buffet, José Bové et la nouvelle candidate à la candidature Clémentine Autain. La secrétaire nationale du PCF se sent en tout cas en position de force suffisante pour se faire menaçante dans L’Humanité du 11 septembre : « Faire comme si les communistes sont des fantassins, à qui on demanderait de s’effacer quand il s’agit de décider des candidatures, ce serait amputer le rassemblement, et quelque part dire "no future" pour ce rassemblement. » Si José Bové bénéficie d’une popularité certaine, ce n’est rien comparé à l’appareil d’un parti comme le PCF, qui repose sur 10 000 élus et qui, après le fiasco de la candidature de Robert Hue en 2002, jouera une partie de sa survie dans les prochaines élections. Quant à Clémentine Autain, adjointe au maire de Paris, elle met en avant sa jeunesse et elle entend manifestement jouer sur son double statut de « non encartée », qui peut lui attirer le soutien de ceux qui veulent un candidat « non partisan », et d’ « apparentée PCF », qui lui permet d’espérer le soutien d’une fraction de l’appareil du PC…

Quoi qu’il en soit, le programme et la démarche générale de la coalition anti-libérale semblent, quant à eux, définitivement clairs. Portée par plus de 400 collectifs locaux, elle repose sur un accord dont l’artisan principal est le PCF, avec un ensemble de petites structures telles qu’une fraction de la gauche du PS regroupée autour de l’association Pour une République sociale (PRS) de Jean-Luc Mélenchon, une fraction de la gauche des Verts autour de Francine Bavay, les Alternatifs, le Mouvement pour une Alternative Républicaine et Sociale (MARS), la Gauche républicaine, Convergence citoyenne, etc. Son programme est celui d’une « rupture avec le libéralisme » et d’une « alternative » visant à « mettre en œuvre une politique de transformation sociale » (Déclaration « Ambition-Stratégie-Candidatures » adoptée par la réunion nationale des collectifs unitaires anti-libéraux le 10 septembre). En d’autres termes, il ne s’agit pas d’un programme anti-capitaliste, mais d’un projet qui prétend changer la société en mettant en œuvre une « autre politique » capitaliste, qui ne serait pas « libérale ». On pourrait imaginer qu’il s’agisse alors, par exemple, d’une politique keynésienne (on note ainsi la référence au prétendu « modèle social hérité de la Libération »), mais en fait rien de concret ne figure dans le texte adopté à la quasi-unanimité le 10 septembre, pas plus que dans les textes antérieurs de la coalition anti-libérale. On y trouve certes une kyrielle de formules générales toutes plus creuses les unes que les autres, prônant « une vraie politique de gauche », « une perspective nouvelle de transformation sociale, environnementale et démocratique », un « projet de développement qui rompe avec le gaspillage lié à la course au profit » et même « une remise en cause radicale de la logique du système dominant », le tout dans l’objectif d’ « une société basée sur la réalisation des droits humains, la justice sociale, l’égalité entre hommes et femmes, la préservation de l’environnement, la participation citoyenne »… En revanche, il n’y a aucune énumération de mesures réelles à mettre en œuvre et a fortiori rien sur la manière de les appliquer : l’élaboration du programme proprement dit est reportée à plus tard. Ce fait montre à lui seul que le contenu politique réel de la coalition anti-libérale est un élément secondaire, subordonné à sa démarche formelle, qu’elle baptise « stratégie ».

Or, quelle est cette « stratégie » ? Le texte adopté affirme fièrement que la coalition anti-libérale ne « sera pas d’un gouvernement dominé par le social-libéralisme qui, dans sa composition comme dans son projet, ne se donnerait pas les moyens de rompre enfin avec le libéralisme, ne répondrait pas aux attentes ». Il est constaté que « le Parti socialiste, notamment, a adopté un programme qui tourne le dos à une rupture franche avec le libéralisme ». Dès lors, « il est hors de question (…) de négocier sur cette base un contrat de gouvernement dont l’action, décevant une nouvelle fois, déboucherait inéluctablement sur le retour d’une droite plus dure encore. De même, il est hors de question d’accepter l’idée proposée par le PS d’une "fédération de la gauche" autour d’une telle orientation. » Cette fermeté affichée exprime les répercussions du traumatisme d’avril 2002, qui avait vu les forces de la gauche plurielle, et tout particulièrement le PCF, lourdement sanctionnées par les électeurs de gauche pour avoir mené pendant cinq ans une politique « social-libérale ».

Cependant, la coalition anti-libérale n’exclut pas de participer à un gouvernement qui ne serait pas « dominé par le social-libéralisme ». Cette formule ambiguë signifie-t-elle que, au cas où elle réaliserait un bon score électoral au détriment du PS, elle serait prête à négocier avec celui-ci la constitution d’un gouvernement « social-libéral… mais pas trop » ? En tout cas, si le PS maintient tel quel son programme et constitue un gouvernement sur cette base, la coalition anti-libérale promet de ne pas se lier les mains par un soutien inconditionnel : « Dans le cas où nous ne participerions pas au gouvernement, notre groupe à l’Assemblée ne participera pas à une majorité constituée pour soutenir ce gouvernement, mais votera en faveur de toute disposition législative allant dans le sens des intérêts de la population. » En d’autres termes, les anti-libéraux se contenteront alors d’une position de « stimulation critique » à l’égard du gouvernement PS (ou PS-Verts), sans endosser la co-responsabilité de sa politique : ils ne veulent pas subir une nouvelle fois la colère des travailleurs, ce qui impliquerait l’effondrement définitif du PCF et rendrait impossible la canalisation ultérieure de cette colère, si l’on suppose qu’elle fonctionne encore en 2007.

Mais de toute façon la coalition anti-libérale s’engage à porter le PS au pouvoir, inconditionnellement, sous prétexte de « battre la droite » : « À la présidentielle et aux législatives, dans les cas où nos candidats ne seront pas arrivés en tête de la gauche au premier tour, nous mobiliserons toutes nos forces pour battre la droite et l’extrême droite en faisant voter pour le candidat de gauche le mieux placé, sans conditions ni négociations d’un accord politique entre les deux tours. » Comme le scénario le plus vraisemblable est que le PS « arrive en tête de la gauche au premier tour », on peut en déduire que la fonction politique principale de la « coalition anti-libérale » est en dernière analyse, au-delà de ses discours contre le « bipartisme », de pérenniser le système politique actuel, qui repose sur l’ « alternance » entre des politiques capitalistes « libérales » similaires. Le PCF et ses alliés persistent donc dans leur refus de proposer aux travailleurs une véritable stratégie alternative, puisqu’ils se conçoivent eux-mêmes comme des rabatteurs de voix pour le PS.

Nous ne sommes plus dans les années 1970 ou même en 1997 : les travailleurs qui votent encore aujourd’hui pour le PS, au premier ou même au second tour, n’ont pas pour autant l’illusion de porter au pouvoir un parti qui les défende réellement, mais seulement le vain espoir qu’il mènera une politique « moins pire » que la droite. C’est pourquoi, à moins de nourrir frauduleusement ce qu’il peut rester de cet espoir, la seule stratégie conforme à leurs intérêts de classe est de leur proposer une véritable alternative au système actuel et à son alternance : c’est la seule manière de les aider à rompre totalement à la fois avec le PS et avec les illusions électorales, et par là avec tout le système politique actuel. De ce point de vue stratégique, c’est-à-dire historique, la coalition anti-libérale, sous prétexte de « battre la droite » en 2007, sera co-responsable de la politique menée par le PS s’il est élu, quand bien même elle ne participerait pas formellement à son gouvernement.

Pour une campagne anti-capitaliste unitaire de la LCR, de LO et du PT

Les communistes révolutionnaires se trouvent donc plus que jamais dans une situation où tout justifie qu’ils présentent leurs propres candidats aux élections. Il ne s’agit pas de prétendre que cela leur permettrait de changer immédiatement la réalité, mais de constater qu’une partie importante de la vie politique se focalise sur cette question pendant plusieurs mois, que les travailleurs se posent la question de savoir s’ils vont voter et pour qui et que par conséquent cette campagne électorale est un moyen de faire connaître des idées, des propositions, un programme.

Or, s’il n’y a pas aujourd’hui, en France, de véritable parti communiste révolutionnaire, il y a en revanche trois organisations de taille nationale qui se réclament du mouvement ouvrier, de la lutte de classe, du communisme et même du combat trotskyste pour la IVe Internationale. Il s’agit de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), de Lutte ouvrière (LO) et du Parti des travailleurs (PT). Ces trois organisations comptent des milliers de militants, participent, parfois avec des postes dirigeants, à des centaines de syndicats et associations diverses, et se retrouvent d’une manière ou d’une autre dans les grands mouvements sociaux comme dans les grèves locales. — La LCR revendique 2800 adhérents, dont une majorité de militants, auxquels s’ajoutent de nombreux alliés et sympathisants parmi les syndicalistes de la FSU, de la CGT et de SUD ; son candidat Olivier Besancenot a réuni 4,25 % des voix à la présidentielle de 2002 et est resté depuis très médiatique, donc très connu dans la population. — LO compte pour sa part 1000 militants adhérents, mais 5000 militants non adhérents, qui interviennent dans plusieurs centaines d’entreprises et militent dans les syndicats ; après cinq participations à l’élection présidentielle, dont les deux dernières ont été soldées par un résultat supérieur à 5 % des voix, Arlette Laguiller est elle aussi très connue dans la population. — Quant au PT (qui ne se réclame pas lui-même du trotskysme, mais est dirigé et encadré en fait par le Courant communiste internationaliste, qui se revendique de la IVe Internationale), il est peu connu par la population (ses scores électoraux sont infimes), mais il n’en compte pas moins 5000 adhérents, dont près d’une moitié de militants (probablement 1500 au CCI), auxquels s’ajoute tout un réseau d’abonnés au journal et de syndicalistes sympathisants dans FO et à la CGT.

Or ces trois organisations sont en train de se disposer pour mener des campagnes électorales autonomes, chacune dans son coin. Arlette Laguiller a annoncé sa candidature dès l’automne 2005, sans que Lutte ouvrière ait tenté d’ouvrir la moindre discussion avec les autres organisations. La LCR, après avoir tenté de faire avancer ses idées au sein de la coalition anti-libérale réunie autour du Non de gauche au référendum du 29 mai 2005, a lancé au printemps la « pré-candidature » d’Olivier Besancenot, n’ayant pas obtenu l’engagement du PCF et de ses alliés à refuser toute alliance avec le PS, notamment pour le second tour ; tout en réitérant régulièrement qu’elle est prête à se rallier à une coalition anti-libérale « conséquente », la LCR sait bien, maintenant, comme tout le monde, que cela n’arrivera pas. Quant au PT, il n’a pas pris officiellement la décision de présenter un candidat à la présidentielle, mais il s’engage d’ores et déjà à soutenir tout candidat qui reprendrait à son compte les éléments centraux de sa propre orientation (cf. l’éditorial d’Informations ouvrières du 27 juin) ; on peut donc supposer qu’il a l’objectif d’un tel candidat, et que celui-ci sera membre ou proche de lui.

Si cette dispersion des organisations dites d’ « extrême gauche » était le résultat d’une discussion commune qui n’aurait pas abouti, on pourrait toujours essayer de la justifier. Mais ce n’est pas le cas : une telle discussion n’a pas eu lieu et n’a même pas été proposée par l’une ou l’autre de ces directions. Même la LCR et LO, alliées en 2004, n’ont manifestement pas envisagé une campagne commune. Besancenot a certes déclaré le 28 août, lors de l’Université d’été de la LCR, que celle-ci se prononce pour une candidature de la « vraie gauche anticapitaliste » et exige donc « une garantie de ne pas servir de caution à une nouvelle gauche plurielle » ; mais cette exigence s’adressait exclusivement à la coalition « anti-libérale », sans que la question d’une alliance avec LO (pour ne pas parler du PT) soit ne serait-ce qu’évoquée ! Et de son côté, interrogée le soir même sur LCI au sujet précisément des propos de Besancenot, Laguiller s’est contentée de déclarer « un peu surréaliste » la possibilité d’un candidat anti-capitaliste unique, au lieu de saisir l’occasion pour inciter la LCR à rompre définitivement avec la coalition anti-libérale…

Divergences…

Certes, les divergences passées et présentes entre les trois principales organisations dites d’ « extrême gauche » sont importantes, leurs orientations générales principales sont souvent différentes. Et surtout, elles s’accompagnent d’une immense hostilité en ce qui concerne les relations entre le PT et la LCR, et dans une moindre mesure entre le PT et LO ; indépendamment même des divergences politiques, cette hostilité, parfois haineuse, est un problème indéniable, qui rend manifestement plus difficile l’hypothèse d’une alliance avec le PT — alors que LO et la LCR entretiennent quant à elle des rapports corrects et se sont présentées ensemble aux élections européennes et régionales de 1999 et 2004. Cependant, du point de vue des intérêts généraux du prolétariat, tout cela ne saurait suffire à justifier qu’il n’y ait ni discussion, ni action commune. Et, d’un point de vue électoral, le danger principal est l’enfermement de la campagne dans la bipolarité entre le PS, flanqué de ses mouches du coche antilibérales, et l’UMP, flanqué de ses mouches du coche de l’UDF. L’objectif d’une alliance entre la LCR, LO et le PT doit donc l’emporter sur leurs divergences et sur leurs attitudes respectives.

… et convergences

Car c’est bien la nature même de ces organisations qui justifie un tel objectif. Non seulement elles ont en commun l’action quotidienne de leurs militants en défense des intérêts ouvriers, notamment dans le cadre syndical, mais en outre elles se distinguent de la coalition « anti-libérale » par leur orientation politique anti-capitaliste et par leur refus, en conséquence, de s’allier avec le PS sous quelque forme que ce soit. Dès lors, seul un esprit d’appareil ou de secte peut essayer de justifier le refus d’engager la discussion en vue d’une campagne commune, qui s’accompagnerait naturellement d’un certain nombre d’actions communes dans les luttes. À huit mois des élections, il n’est pas trop tard pour forger un véritable pôle anti-capitaliste qui permettrait aux travailleurs les plus avancés de ne pas se laisser illusionner par la coalition anti-libérale et offrirait aux travailleurs conscients une alternative au prétendu « vote utile » pour le PS. D’ailleurs, au lendemain de l’Université d’été de la LCR, un journaliste perspicace du Monde (daté du 30 août) concluait son article en notant que, après avoir fustigé la ressemblance entre le programme de Sarkozy et celui du PS, Besancenot « a ensuite déroulé la longue liste de revendications classiques de l’extrême gauche. Redistribution des richesses, réappropriation collective de la propriété privée, contrôle social des usagers et des salariés, interdiction des licenciements… des propositions "à la Arlette", comme le remarquait perfidement un responsable politique invité. » Or, s’il est vrai que Besancenot fasse des propositions « à la Arlette », qu’est-ce qui pourrait justifier qu’ils se présentent séparément ?

Propositions pour un programme commun anti-capitaliste conséquent

Un pôle commun véritablement anti-capitaliste utiliserait la campagne électorale pour faire connaître massivement la perspective d’une rupture avec le capitalisme et d’une véritable alternative gouvernementale. Le programme d’un tel pôle anti-capitaliste se concentrerait sur une douzaine de revendications cohérentes et conséquentes, qui répondent aux aspirations de la majorité… et que l’on trouve sous une forme ou sous une autre dans les programmes d’action, les journaux ou les tracts de la LCR, de LO et du PT :

Interdiction des licenciements collectifs et luttes communes immédiates pour aider les travailleurs à faire échec aux plans de licenciements par les méthodes de la lutte de classe : grèves, manifestations, solidarité matérielle avec les grévistes, occupation des entreprises…

• Interdiction de la précarité : suppression du CNE et de toutes les lois de droite et « de gauche » qui l’ont instaurée depuis vingt-cinq ans, transformation de tous les contrats précaires en CDI ou postes de fonctionnaires selon les cas.

• Baisse générale du temps de travail pour embaucher les chômeurs, sans perte de salaire, sans annualisation et sans flexibilité (abrogation des dispositions des lois Aubry sur ces points).

Ouverture des postes à tous les concours de fonctionnaires à hauteur des besoins.

• Augmentation générale des bas et moyens salaires, le SMIC à 1500 euros nets tout de suite, non au « salaire au mérite », échelle mobile des salaires contre l’inflation.

Abrogation des lois Fillon et Balladur sur les retraites : retour aux 37,5 annuités pour tous, baisse de l’âge de la retraite.

• Défense de la Sécurité sociale : non aux déremboursements, suppression des exonérations de cotisations patronales, augmentation de ces cotisations patronales à hauteur des besoins de remboursement à 100 % des assurés sociaux.

• Arrêt des attaques contre les immigrés : arrêt des expulsions, régularisation de tous les sans-papiers avec la carte de séjour de 10 ans, retrait du projet de loi Sarkozy (CESEDA) et de toutes les lois anti-immigrés de droite et de gauche, fermeture des centres de rétention, facilitation des procédures de naturalisation, défense du droit d’asile.

Retrait des réformes Fillon et Allègre-Lang contre l’école publique, de la réforme Lang contre les diplômes universitaires (LMD), etc., création des postes d’enseignants et d’IATOSS nécessaires.

• Retrait des projets de privatisation (GDF, aéroports de Paris, Poste…) et renationalisation sous le contrôle des travailleurs des entreprises privatisées, défense et développement des services publics utiles à la population (hôpitaux, écoles, poste, transports, etc.) ;

• Droit au logement : construction massive et obligatoire de logements sociaux, plafonnement des loyers, réfection des logements délabrés.

Retrait des troupes françaises de tous les pays où elles interviennent.

Au cours de la campagne électorale, il faudrait dire clairement aux travailleurs que de telles exigences sont anti-capitalistes, c’est-à-dire qu’elles impliquent des mesures de confiscation immédiate d’au moins une partie des pouvoirs et des profits des capitalistes. C’est pourquoi la seule façon de les imposer est la mobilisation des travailleurs eux-mêmes, leur lutte de classe la plus résolue, incluant notamment l’exigence de contrôle des travailleurs sur les comptes des entreprises et le recours à l’arme de la grève, jusqu’à la grève générale. En s’appuyant ainsi sur les mobilisations des travailleurs, un gouvernement réellement anti-capitaliste serait capable de commencer à mettre en œuvre une véritable rupture avec toute la politique des gouvernements de droite et de gauche, avec le système politico-institutionnel de la Ve République et de l’Union européenne. Il s’agirait nécessairement d’un gouvernement au service des travailleurs, qui serait contrôlé par eux à tous les niveaux, avec des élus mandatés, révocables et rémunérés au niveau du salaire moyen.

Sur la base d’un tel programme revendicatif, d’un tel objectif gouvernemental et d’un discours franc et clair, un véritable pôle anti-capitaliste permettrait indéniablement d’ « aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes, à trouver le pont entre leurs revendications actuelles et le programme de la révolution socialiste. Ce pont doit consister en un système de revendications transitoires, partant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière et conduisant invariablement à une seule et même conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat » (Léon Trotsky, Programme de transition fondateur de la IVe Internationale, 1938).

Chacun sait que les directions de ces trois organisations, qui n’ont jusqu’à présent même pas envisagé leur alliance, ne feront rien spontanément pour y parvenir. Il appartient donc à leurs militants et plus généralement aux travailleurs de se battre résolument dans cet objectif, de bousculer les routines, de surmonter le sectarisme et les logiques d’appareils. C’est dans cette perspective que le Groupe CRI a décidé d’engager une campagne publique pour l’alliance des forces anti-capitalistes, en s’adressant aux militants de la LCR, de LO et du PT, aux syndicalistes de lutte de classe et plus généralement aux travailleurs et aux jeunes. Cinq ans après avoir fait à elles trois le score historique de presque 11 % à la présidentielle de 2002, et au moment où les sondages créditent Olivier Besancenot et Arlette Laguiller d’un score à peu près similaire pour 2007 (l’un et l’autre loin devant Buffet), la responsabilité des principales organisations dites d’ « extrême gauche », issues du mouvement trotskyste, est immense. Mais plus fondamentalement, en se servant de la campagne électorale — à défaut d’avoir su utiliser, jusqu’à présent, la lutte de classe directe pour s’unir sur des objectifs déterminés —, la LCR, LO et le PT peuvent enfin cesser d’être des forces marginales s’ils le veulent vraiment. En s’unissant sur la base d’un programme anti-capitaliste clair et en faisant appel aux travailleurs, ils peuvent enfin commencer à jouer le rôle historique qui devrait être celui d’organisations se réclamant du communisme, de l’anti-réformisme et de l’anti-stalinisme, depuis l’effondrement du stalinisme et la chute du PCF, d’une part, l’achèvement de l’intégration de la social-démocratie dans la société et l’État bourgeois, d’autre part. Cette union électorale s’accompagnerait tout naturellement de possibilités d’unions dans la lutte, dès que les convergences revendicatives le permettraient. Et, à plus long terme, elle poserait d’une manière inédite la question décisive d’un véritable parti anti-capitaliste révolutionnaire.