Article du CRI des Travailleurs n°3

Guerre en Irak :
Pour la défaite de l'agression impérialiste, vive la résistance armée du peuple irakien !

Les intérêts impérialistes des États-Unis… et de la France

Depuis le début de la crise internationale qui a débouché sur la guerre, Bush aussi bien que Chirac, tout comme Blair, Schröder, Poutine, Aznar, etc., ont défendu et continuent de défendre leurs intérêts impérialistes, et en aucun cas l’intérêt des peuples. La famille Bush a assis sa fortune via des compagnies pétrolières texanes, le vice-président Dick Cheney était le patron de Halliburton (première société mondiale de services pétroliers), la conseillère pour la sécurité nationale Condoleezza Rice siégeait au conseil d’administration de Chevron, Spencer Abraham présidait une société de forages… Ces individus étaient donc les mieux placés pour défendre les intérêts pétroliers des États-Unis : on sait que l’Irak possède les deuxièmes réserves pétrolières du monde derrière l’Arabie Saoudite, 10,7%, soit 112 milliards de barils à des prix inférieurs à ceux de l’Arabie, entre 1 et 2 $ le baril. Un brut de qualité dont les Big Oil US ne se sont jamais privées, même pendant l’embargo. En février 2003 encore, elles achetaient 75% des exportations autorisées par l’O.N.U. dans le cadre du programme humanitaro-hypocrite « Pétrole contre nourriture ».

En second lieu, il s’agit pour Bush et Blair d’imposer des régimes compradores dociles et de montrer que les peuples n’ont d’autre alternative que de se plier au talon de fer de l’impérialisme ou périr massacrés. Rappelons d’ailleurs que c’est exactement dans le même objectif que, hier, les mêmes impérialistes américains et anglais soutenaient Saddam Hussein : l’actuel secrétaire d’État aux affaires étrangères Donald Rumsfeld, chantre de la guerre aujourd’hui, était l’envoyé de Reagan en 1982 pour renouer les relations diplomatiques avec Bagdad et assister Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran. Et les forces spéciales du régime ont été formées par les Britanniques, ses officiers sont passés par les académies militaires occidentales…

Quant à Chirac, n’oublions pas que c’est lui qui a livré la technologie nucléaire à l’Irak dans les années 70, quand il était premier ministre de Giscard. À l’époque, Saddam Hussein était présenté comme un grand ami de la France. Aujourd’hui, Chirac et ses ministres auraient réalisés que c’est un dictateur dangereux qui massacre son peuple et qu’il faut renverser. On nous rappelle le massacre de 5 000 Kurdes à Halabja en 1989 par Saddam Hussein, mais ce sont des avions français qui ont répandu des gaz allemands. Après avoir brandi la menace du veto, Chirac, qui a voté la résolution 1441, laisse les B 52 US survoler la France pour bombarder l’Irak, et ne perd pas une occasion de rappeler qu’il est l’allié des États-Unis, qu’il souhaite leur victoire rapide et qu’il leur portera assistance militairement si les Irakiens se défendent de manière trop efficace. Et tous les gouvernements successifs depuis 1991, qu’ils soient de droite ou de gauche, n’ont jamais mis leur veto pour faire cesser l’embargo qui accable l’Irak, et qui a entraîné la mort de près de deux millions de personnes. Embargo qualifié de génocide par Denis Halliday, haut fonctionnaire démissionnaire de l’O.N.U., chargé de coordonner l’aide humanitaire en Irak.

La bataille interimpérialiste de la reconstruction a déjà commencé

La guerre est encore loin d’être achevée que, déjà, les intérêts impérialistes s’affrontent sur la question de l’après-guerre. La reconstruction, en particulier, c’est un marché de plus de 900 millions de dollars que Washington entend attribuer à des entreprises US. Le groupe de logistique International Ressource Group a déjà signé un contrat de 7 millions $. Une filiale de Halliburton (précisément la compagnie de Dick Cheney…) a été chargée d’éteindre les puits de pétrole en feu. Une société de Seattle a obtenu le contrat de gestion du port stratégique d’Oum Quasr, un marché de 4,8 millions $. On comprend donc que Chirac, Schröder et même Blair préfèrent que la « reconstruction » soit confiée à l’O.N.U., afin d’obtenir une part de ces marchés prometteurs. Les Russes, quant à eux, se sont opposés à la guerre d’abord et avant tout parce que leurs entreprises détiennent la majorité des contrats en Irak, et ils comptent bien ne pas perdre leur part du gâteau. Le montant des accords signés pour le forage de puits, la livraison d’équipements et le développement de l’exploitation pétrolière s’élève à 4 milliards de dollars, et par ailleurs Bagdad doit 8 milliards de dollars à la Russie au titre d’anciens contrats militaires. Enfin, côté français, le MEDEF se positionne aussi, en constituant un groupe de travail avec Francis Mer, ministre français de l’économie, pour préparer les sociétés françaises à gagner des contrats. En 2001, la France a exporté pour 660 millions d’euros de biens en Irak, dans le cadre du programme « Pétrole contre nourriture ».

Résistance du peuple irakien

Mais les jeux ne sont pas faits. 300 000 hommes ont été déployés dans la région, les armes les plus sophistiquées sont utilisées, mais tout ne se passe pas comme prévu. Bush et Blair disaient attendre un soulèvement des Chiites contre la dictature et affirmaient que les marines et les royal commandos seraient accueillis en libérateurs, mais, manifestement, malgré la confusion et l’intoxication de l’information, le peuple irakien s’oppose à l’invasion américaine et à toute perspective d’une administration étrangère directe aussi bien qu’à la mise en place d’un régime fantoche d’hommes de paille à la solde des Américains. Bush et Blair croyaient-ils que les Irakiens seraient dupes de leurs intentions ? Alors qu’ils ont imposé un embargo terrible et qu’ils ont utilisé des munitions avec 300 à 800 tonnes d’uranium appauvri (qui ont provoqué des malformations affreuses chez les bébés irakiens et des dizaines de milliers de cancers parmi les Irakiens, mais aussi chez les soldats américains, dont 10 000 en sont déjà morts depuis 1991) ? Alors qu’ils ont laissé le régime réprimer la révolte des Chiites dans un bain de sang en 1991 ? Les alliés anglo-américains seraient surpris par la résistance des Irakiens ? Mais ils n’ont pas cessé de marteler le danger que l’Irak représentait pour le monde avec ses armes de destruction massives ; or, pour l’instant, aucune de ces armes n’a été employée par les Irakiens et aucune preuve de leur existence n’a encore été apportée. Ce qui étonne l’armée US, en fait, c’est la détermination des Irakiens dans leur résistance, avec des armes on ne peut plus conventionnelles et limitées. Et ils s’offusquent des ruses irakiennes, alors qu’ils envahissent, bombardent, tuent… Comme toujours, les vainqueurs jugeront les crimes de guerre des perdants. Dans ces conditions, Bush accélère les opérations, appelle en renfort des troupes et du matériel supplémentaires et bombarde de plus en plus massivement pour étouffer toute tentative de rébellion. La puissance de feu américaine, sa brutalité et sa détermination sont telles qu’il pourra aller jusqu’à raser l’Irak maison par maison.

Actualité du défaitisme révolutionnaire

Cependant, le cours de la guerre est loin d’être totalement déterminé, et beaucoup de scénarios restent envisageables. Comme nous l’indiquions dans notre dernier numéro, dans les questions internationales plus encore que dans les autres, la plupart des médias français ont pour règle « déontologique » numéro un de suivre le président de la République. Ainsi, après avoir fait un front unique pendant des semaines et des semaines derrière Chirac, Villepin, leur droit de veto et leurs propres buts impérialistes présentés sous les dehors hypocrites d’un combat pour la paix, les médias français, emboîtant le pas aux mêmes, nous expliquent maintenant, la larme de crocodile à l’œil, que, certes, ils auraient bien aimé que la guerre n’ait pas lieu, mais que bon, puisque maintenant elle a lieu, il faut que les troupes anglo-américaines emportent rapidement la victoire. Car, nous dit-on, cela permettra que les souffrances du peuple irakien soient le plus brèves possibles, nos grands « humanistes » oubliant en passant que, dans les faits, l’ampleur des dégâts humains et matériels est au contraire en raison directe de la rapidité relative de la guerre.

À l’opposé des médiats impérialistes, les communistes révolutionnaires internationalistes font leur le mot d’ordre du « défaitisme révolutionnaire », adapté au cas présent. Ils affirment que tout coup porté aux armées d’invasion est un coup à l’impérialisme et renforce les peuples dans leur volonté de s’opposer aux diktats de Washington, Londres, Paris… Le cauchemar américain, c’est « la chute du faucon noir », l’enlisement de Mogadiscio en 1993, qui pourrait se répéter en Irak à une échelle, pour un enjeu et avec une probabilité d’embrasement de la région nettement supérieurs. Même lorsque les combats de chars seront finis, la guérilla et l’opposition ne cesseront pas pour autant. L’armée américaine devra en fait réprimer à la place des sbires de Saddam Hussein. Et Washington devra soutenir à bout de bras les fractions irakiennes qui accepteraient d’accomplir le sale boulot. Bush est condamné à réussir ; s’il échoue, recule, s’enlise, ce serait pire que s’il n’y était pas allé. Ce serait non seulement un échec pour ses visées sur l’Irak, mais aussi un formidable encouragement aux peuples du monde et particulièrement du Moyen-Orient à résister à l’impérialisme et à renverser les régimes dictatoriaux, les monarchies pétrolières ; et cela renforcerait aussi la lutte du peuple palestinien pour la satisfaction de ses droits nationaux et sociaux. Et justement, les médias occidentaux s’inquiètent de la difficulté pour les gouvernements arabes de contenir la colère de leur population. Que les Américains se pressent de réussir, sinon les pauvres Abdallah, Moubarak, les émirs et les princes devront faire leurs valises.

C’est dans cette perspective du soulèvement général des peuples du Moyen-Orient contre l’impérialisme et contre leurs propres gouvernements semi-féodaux et bourgeois (cf. ci-après l’article de Laura Fonteyn), que nous soutenons inconditionnellement la résistance armée du peuple irakien à l’envahisseur. Cette résistance nationale constitue, en effet, un moment décisif du long combat pour son émancipation sociale, qu’il va devoir recommencer à mener maintenant sans attendre, en relation avec tous les peuples de la région et les travailleurs du monde.