Article du CRI des Travailleurs n°18

Togo : Le peuple contre la dictature Eyadema et la Françafrique

Des élections truquées

Les élections promises par Faure Eyadéma, fils du dictateur défunt Gnassingbé Eyadéma, pour donner une légitimité de façade au coup d’État militaire qui l’a installé au pouvoir en février dernier (voir Le CRI des travailleurs n° 17), ont finalement eu lieu le 24 avril. Sans surprise, ces élections se sont déroulées dans un climat de violence et de fraude massive, à tel point que le ministre de l’intérieur lui-même en avait demandé le report deux jours avant d’être démissionné. De fait, les témoignages de ces fraudes sont nombreux : manipulations sur des listes électorales, intimidations des électeurs, bourrage d’urnes, évincement des délégués de l’opposition lors du scrutin ou du dépouillement, commandos militaires embarquant ou brûlant les urnes… Un tel savoir-faire ne pouvait que mener au résultat attendu : Faure Eyadéma a été déclaré vainqueur du scrutin, avec 60 % des voix, par la commission électorale qu’il avait nommée.

La réaction populaire

Mais les masses togolaises, après 38 ans de dictature Eyadéma, ne sont pas prêtes à laisser étouffer de manière si ouverte leur volonté de changement. Les manifestations se sont multipliées dès lors qu’il devenait évident que la clique Eyadéma allait voler ces élections. L’armée est intervenue pour « rétablir le calme », ce qui a été fait au prix de plusieurs dizaines de morts.

Dans sa colère, la population togolaise a su également dénoncer la responsabilité du gouvernement français. Le Togo, en effet, est resté pendant les longues années du règne d’Eyadéma père entièrement dépendant de l’ex-puissance coloniale. Et aujourd’hui, la mascarade électorale ne permet à Eyadéma fils de se maintenir au pouvoir qu’avec le soutien de la France. S’abritant derrière son instrument local, la CEDEAO (Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest), le gouvernement français, par la voix du ministre des affaires étrangères Michel Barnier, s’est déclaré « heureux des conditions globalement satisfaisantes dans lesquelles se sont déroulées les élections d’hier malgré un certain nombre d’incidents » ! Ceux qui auraient pu croire que, dans des situations semblables (comme en Ukraine fin 2004), le gouvernement français se souciait de la « démocratie », ont ainsi pu constater que l’essentiel se situe en réalité dans la défense de ses intérêts, principalement économiques. Quant au reste de la prétendue « communauté internationale », elle ne peut en aucun cas servir de point d’appui aux masses togolaises révoltées : elle ne conteste nullement le règlement de la situation togolaise dans le sens des intérêts français ; Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, a ainsi salué « la manière pacifique et ordonnée dont les Togolais ont participé en nombre » au scrutin…

Quelles perspectives ?

Les masses togolaises, qui ont vécu durant des années la souffrance de la dictature Eyadéma, ne peuvent accepter que ce régime perdure par son fils. Beaucoup se rangent dans ce combat derrière l’opposition officielle : le candidat unique de l’opposition dite « radicale », Emmanuel Bob Akitani, dénonçant les fraudes du scrutin, s’est même déclaré vainqueur de l’élection et président de la République du Togo. Il est toutefois clair que le peuple togolais ne peut compter sur l’opposition « radicale » qui, si elle arrive au pouvoir, ne décidera pas d’une véritable rupture d’avec l’impérialisme français, condition indispensable à une amélioration de la situation économique et sociale du pays. En effet, Gilchrist Olympio (fils de l’ex-président Sylvanus Olympio, assassiné en 1963 par Eyadéma père !), principale figure de l’ « opposition radicale », mais interdit de candidature pour cause d’exil en France, avait le 25 avril accepté la proposition de Faure Eyadéma pour un gouvernement d’ « union nationale ». Si le soutien de la rue donne aujourd’hui à l’ « opposition radicale » du poids pour faire monter les enchères, il y a malheureusement fort à parier qu’elle bradera ce soutien une fois quelques postes obtenus.

La seule solution réside dans l’organisation indépendante des travailleurs et des masses opprimées au Togo, luttant pour leurs revendications. Seule la construction d’un parti communiste révolutionnaire dirigeant le mouvement ouvrier et les masses opprimées du Togo ouvrira la voie au combat pour un gouvernement ouvrier et paysan qui les fera sortir de la dictature et de la domination impérialiste, en étroite association avec les travailleurs et les masses opprimées de toute l’Afrique de l’Ouest, et en liaison avec les travailleurs français combattant ici leur propre impérialisme.