Article du CRI des Travailleurs n°24

Atonie de la lutte de classe cet automne : contrecoup des trahisons du printemps

Huit mois après la grève générale étudiante et les immenses manifestations du printemps, l’automne 2006 est marqué par une certaine atonie de la lutte de classe. Il peut sembler paradoxal que l’on se retrouve dans une situation analogue à celle de l’automne 2003, où l’apathie était le contrecoup de la lourde défaite du mouvement de mai-juin vers la grève générale contre la réforme des retraites et la décentralisation : cette fois, n’est-ce pas le gouvernement qui a subi une défaite, la première sur le terrain de la lutte de classe directe depuis 2002, en étant contraint de retirer le CPE ? Mais, d’une part, la limitation de la grève du printemps aux étudiants et lycéens a comme conséquence que les travailleurs n’ont guère pu retrouver confiance dans leurs propre capacité à gagner : à ce stade, ils estiment n’être pas capables de faire eux-mêmes ce que la jeunesse a fait. D’autre part, du côté des étudiants et lycéens, ce n’est pas le sentiment d’une véritable victoire qui domine, mais l’idée, amère mais tout à fait lucide, que leur puissant mouvement aurait pu obtenir beaucoup plus que le retrait du seul CPE : non seulement ils exigeaient l’abrogation de toute la LEC et du CNE, l’arrêt de la précarité et des discriminations de tous ordres, mais surtout leur blocage total de la majorité des universités et de plusieurs centaines de lycées, leurs appels réitérés à la jonction avec les salariés et à la grève générale, le soutien de la population et l’envie d’en découdre d’une partie des travailleurs, rendaient possible une extension du mouvement à des secteurs significatifs de la classe ouvrière.

Or la politique des directions syndicales et des partis de gauche a consisté à limiter leurs revendications au retrait du seul CPE, à refuser d’étendre la grève aux travailleurs en se contenant de convoquer des manifestations ponctuelles, à s’en remettre à Chirac, puis au Parlement, pour sortir de la « crise », et enfin à stopper toute mobilisation après l’annonce du retrait du seul CPE (cf. notre bilan détaillé du mouvement dans Le CRI des travailleurs n° 22). C’est avant tout à cause de cette politique que la grève ne s’est pas étendue, que les travailleurs n’ont donc pas pu reprendre confiance dans leurs capacités à gagner et que les étudiants, isolés après deux mois et demi de grève, soumis par les présidents d’universités et les médias à la pression de l’échéance des examens, ont finalement repris le chemin des cours avec une grande déception de n’avoir pas obtenu autant qu’ils l’auraient pu.

Dans cette situation, la défaite du gouvernement, réelle mais partielle, a pu être surmontée et sa politique se poursuivre presque comme si rien ne s’était passé. Si cette défaite et l’approche des élections limitent sa capacité à lancer de nouvelles contre-réformes d’ordre général, la continuité de la politique régressive de Chirac-Villepin-Sarkozy est assurée sur les différentes questions particulières : achèvement de la privatisation de GDF, plan de restructuration d’Airbus, nouveau budget d’austérité contre la Sécurité sociale et la Fonction publique, mise en cause du statut des enseignants, rafles et expulsions de sans-papiers, provocations policières dans les cités populaires, etc.