Article du CRI des Travailleurs n°19

Un gigantesque paradoxe

En cette rentrée, la situation sociale et politique reste marquée par le gigantesque paradoxe qui a caractérisé tout le mois de juin. D'une part, la bourgeoisie (c'est-à-dire Chirac, le gouvernement, la « majorité » UMP-UDF, les dirigeants du PS et des Verts, les grands médias aux ordres, les patrons du MEDEF et leurs laquais parmi les cadres...) a subi une incontestable défaite le 29 mai, qui est manifestement de portée historique, tant au niveau européen que national.

Mais, d'autre part, cette défaite est restée purement électorale et, comme si rien ne s'était passé, le « nouveau » gouvernement de Chirac, fondé sur le tandem Villepin-Sarkozy, a pu se mettre en place tranquillement et poursuivre au pas de charge durant tout l'été, sans être le moins du monde inquiété, la politique destructrice des acquis sociaux et des services publics menée par son prédécesseur Raffarin (sans parler ici de tous les gouvernements précédents).

Comment expliquer un tel paradoxe ? Comment faire pour que, maintenant, la victoire purement électorale du prolétariat et des classes populaires le 29 mai, se transforme en véritable victoire politique ?

Après le 29 mai, la situation était incertaine : la bourgeoisie se demandait avec une certaine inquiétude si la victoire électorale du prolétariat, entraînant la majorité du peuple, allait ou non se poursuivre par une offensive sur le terrain de la lutte de classe directe. Elle le craignait d'autant plus que les grèves et les manifestations s'étaient multipliées depuis le début de l'année, rassemblant jusqu'à 1,5 million de travailleurs du public et du privé dans la rue le 10 mars.

Mais les dirigeants des forces politiques qui avaient fait campagne pour le Non de gauche et d'extrême gauche (courants de la gauche du PS, PCF, ATTAC, collectifs pour le Non, LCR, LO, PT...) et les dirigeants des syndicats (CGT, FO, FSU, SUD...) ont tous refusé de passer à l'offensive, d'appeler à la mobilisation générale pour chasser Chirac, ses ministres et son Assemblée.

La situation n'était-elle pas mûre pour cela ? Était-il inévitable de laisser Chirac, complètement discrédité, reprendre tranquillement la main ? Était-il inévitable d'assister, impuissants, à la mise en place du « nouveau » gouvernement Villepin-Sarkozy et à l'élaboration de nouvelles mesures contre les travailleurs ? L'absence de toute mobilisation spontanée des travailleurs en juin prouve-t-elle qu'ils n'étaient pas prêts à en découdre, comme le prétendent non seulement de fieffés bureaucrates, mais encore certains militants ?

C'est à ces questions cruciales que le Groupe CRI se propose de contribuer à répondre, en discussion avec les militants et les travailleurs qui cherchent la voie d'une alternative politique conforme à leurs revendications et aspirations. Seule une claire compréhension de la situation ouverte le 29 mai, et de ce qui s'est passé en juin, peut permettre de surmonter les obstacles auxquels se heurtent le prolétariat et les classes populaires qui veulent en finir avec la politique de régression sociale subie depuis trop longtemps. Une analyse du rapport de forces entre les classes et des prises de position des uns et des autres depuis le référendum est donc indispensable pour aborder les tâches adéquates à la situation présente, c'est-à-dire pour définir les objectifs et les moyens du combat contre Chirac-Villepin-Sarkozy.