Article du CRI des Travailleurs n°1

Irak : chronique d'une guerre annoncée

Nul ne peut plus en douter : l’intervention impérialiste en Irak aura bien lieu. G.W. Bush l’a décidé depuis longtemps, avec la bénédiction du congrès américain (parti « républicain » et parti « démocrate » confondus) et avec la caution du Conseil de sécurité de la prétendue Organisation des Nations Unies (O.N.U.), dont la France. Un pseudo-incident sera peut-être fomenté de toutes pièces par les inspecteurs de l’O.N.U. Ou une demi-douzaine de nouvelles têtes d’ogive sentant le soufre seront découvertes dans quelque cave laissée à l’abandon depuis la première guerre du Golfe. Ou encore une « zone d’ombre » sera exhumée dans l’une des dizaines de milliers de pages des rapports remis par les autorités irakiennes, après avoir été traquée, pendant des mois, par des légions de lecteurs « impartiaux » appointés par l’O.N.U., jusque dans les moindres recoins des phrases les plus innocentes. Selon le texte de la résolution 1441 votée par le Conseil de sécurité de l’O.N.U., il n’en faut d’ailleurs pas tant : elle prévoit clairement que n’importe quel prétexte pourra « justifier » une intervention militaire, pour peu que le Conseil de sécurité estime que Saddam Hussein « manque à ses obligations » ; autant dire que toute latitude est laissée aux interprétations les plus fantaisistes.

Nul doute que les télévisions du monde entier rivaliseront alors, l’antenne sur la couture du pantalon, pour nous « révéler » que l’Irak possède des armes de destruction massive, menace la paix dans le monde et prépare une attaque d’envergure contre les centres névralgiques des États-Unis...

Pendant que Chirac gesticule pour essayer de nous faire croire à l’ « indépendance » de la France et de l’Europe, les choses sérieuses avancent à bon pas sur le terrain. Des forces considérables, 150 000 soldats sur-équipés et les engins de tuerie collective les plus sophistiqués de la marine et de l’aviation américaines et anglaises, ont déjà été acheminés dans le Golfe, selon un plan millimétré. De peur que leurs tartuferies soient prises trop au sérieux et effacent officiellement leurs intentions réelles, Chirac et Alliot-Marie eux-mêmes, gonflant à bloc leurs petits biceps, ont bien été obligés de déclarer que leurs forces supplétives, pour être naines, n’en étaient pas moins prêtes elles aussi. Ils ont même annoncé que le Charles-de-Gaulle était parti de Toulon pour rejoindre le Golfe ; on est sans nouvelles depuis.

G.W. Bush, expert auto-proclamé dans « le bien et le mal », pousse l’art de la voyance jusqu’à nous promettre des « révélations » fracassantes pour la date très précise du 5 février — qui coïncide étrangement avec l’un des moments les plus propices, paraît-il, d’un point de vue climatique, pour le début d’une intervention dans le Golfe, dont les opérations militaires sont prévues pour durer quelques mois au plus.

Il suffira peut-être de quelques semaines pour venir à bout de l’armée d’un pays rendu déjà exsangue par une guerre terrible en 1991 et plus de 11 ans d’un embargo monstrueux, décidé et reconduit chaque année par l’O.N.U., qui a déjà épuisé les populations et anéanti des centaines de milliers d’enfants. Le principal problème auquel se heurtera cette intervention impérialiste est donc moins militaire que social et politique : les brigands du Conseil de sécurité de l’O.N.U. savent que les peuples de la région ne resteront pas passifs, tout simplement parce qu’ils n’auront bientôt plus le choix. Ils savent que, à tout moment, la situation du Moyen-Orient peut basculer, devenir incontrôlable, même avec des forces d’occupation de centaines de milliers d’hommes et le soutien assuré des dictateurs arabes. Ils savent que la résistance palestinienne, encore isolée, n’en est pas moins admirée par les peuples arabes et, au-delà, par tous les peuples opprimés et tous les travailleurs conscients du monde. Il savent que l’Intifada peut être à tout moment imitée en Égypte, en Arabie saoudite, en Jordanie, comme en Irak. C’est précisément pour cela, pour réorganiser le protectorat américain au Moyen-Orient, pour mieux maîtriser la situation de plus en plus explosive de cette région géo-stratégiquement vitale pour l’impérialisme, que les États-Unis amassent une telle quantité de troupes et de matériels militaires : il ne s’agit pas seulement de préparer l’intervention contre Saddam Hussein, mais aussi d’organiser la partition et l’occupation durable de l’Irak, et de renforcer le dispositif de défense et de terreur de l’impérialisme, flanqué des dictateurs arabes à sa botte, contre tous les peuples de la région.