Article du CRI des Travailleurs n°1

Pour empêcher réellement la sale guerre, y a-t-il une autre solution que la grève générale ?

Les travailleurs sont contre la sale guerre

Si l’on en croit les sondages les plus officiels eux-mêmes, les peuples du Moyen-Orient ne sont nullement isolés dans leur opposition et leur résistance à la guerre : les travailleurs des puissances impérialistes sont eux aussi massivement hostiles à la sale guerre que Bush va déclencher dans les prochains jours avec, sans aucun doute, le soutien de l’O.N.U. et la participation de Chirac. Cela est vrai en France (76% des personnes interrogées en janvier se sont déclarées contre la guerre) comme dans les autres pays d’Europe et au Japon, où des manifestations gigantesques, bien plus importantes qu’en France, se succèdent. Cela est vrai aussi aux États-Unis où, malgré la réutilisation permanente de l’émotion suscitée par les attentats du 11 septembre 2001, malgré le battage médiatique incroyable, des centaines de milliers de travailleurs, de syndicalistes, d’intellectuels organisent la résistance : 50 000 signatures d’artistes et d’intellectuels sur l’appel « pas en notre nom », des centaines de milliers de manifestants dans les grandes villes du pays, des centaines de sections syndicales locales, voire régionales, appelant à lutter contre la guerre, sans oublier des centaines de soldats de la première guerre du Golfe, qui ont vu, dans un silence « patriotique » presque général, mourir près de 10 000 des leurs, empoisonnés par l’uranium appauvri des bombes lâchées par leurs propres avions sur le peuple irakien.

Que veut Chirac ?

En France, nul doute que cet état de l’opinion publique n’est pas pour rien dans la prolongation, au-delà de la date initialement prévue, des gesticulations chiraquiennes qui visent à nous faire croire que l’impérialisme français serait pour le respect du « droit international ». Las ! Les protestations purement verbales du gouvernement français contre « l’unilatéralisme » US masquent mal son inquiétude d’assister impuissant à une mainmise trop « unilatérale » de celui-ci sur les réserves pétrolières irakiennes, dont une partie non négligeable a été, depuis quelque temps déjà, concédée à la France par les autorités de Bagdad. Nul doute que, en temps en en heure, Chirac, pour ne pas perdre toute sa part du gâteau (les intérêts de l’impérialisme français en Irak sont ceux à la fois le pétrole et de nombreuses grandes entreprises de biens d’équipement), saura suivre Bush JR, comme Mitterrand suivit Bush SR en 1991, comme Jospin suivit Clinton en Yougoslavie en 1999, puis Bush JR déjà en Afghanistan en 2001.

Une seule solution…

Ici comme ailleurs, les travailleurs et les peuples ne peuvent compter sur aucun gouvernement impérialiste, qu’il soit de droite ou de gauche, voire élu sur la base d’une union sacrée de la droite et de la gauche (et même d’une partie de « l’extrême-gauche »). Ici comme ailleurs, ils ne peuvent compter que sur leurs propres forces, sur la force de leur propre mobilisation politique déterminée, intransigeante et indépendante. Ces forces peuvent sembler bien modestes par rapport aux bombardiers B-52, aux Mirages 2000-D, aux bombes téléguidées et autres porte-avions transportant chacun plus d’avions de combat que n’en possède l’armée nationale de la plupart des pays du monde. Mais les travailleurs ne disposent pas seulement de l’arme — indispensable — de la protestation, de la pétition et de la manifestation. Les travailleurs disposent d’une arme bien plus redoutable, une arme qu’ils sont même les seuls à posséder, car elle est inhérente à leur statut même de travailleurs salariés : l’arme de la grève politique de masse. Car il faut le dire, sans se raconter d’histoires : si les organisations ouvrières et populaires, syndicales et politiques, veulent réellement empêcher la guerre, si elles veulent réellement empêcher leur propre gouvernement impérialiste de participer à l’intervention militaire contre l’Irak, les protestations, les pétitions et les manifestations, nécessaires, n’y suffiront pas ; pour parvenir à un tel objectif, il n’y a qu’une seule solution : la grève générale des travailleurs.

Partout, popularisons, discutons la perspective de la grève générale

Bien sûr, la grève générale ne se décrète pas. Bien sûr, les dirigeants des organisations ouvrières et populaires, même quand ils se disent hostiles à la guerre — ce qui est loin d’être souvent le cas — n’ont, pour la plupart, nullement l’intention de s’orienter sur une telle voie, ni même d’évoquer cette perspective. Quant aux dirigeants centristes, ils nous expliqueront doctement qu’ils aimeraient bien pouvoir mettre en avant cette perspective, mais que, comprenez-vous, les « conditions ne sont pas mûres », selon certains parce que les travailleurs ne seraient pas prêts, pour d’autres (ou les mêmes) parce que le parti devrait être construit au préalable, pour d’autres encore parce que les travailleurs seraient prêts, mais les dirigeants des grosses organisations ne seraient pas d’accord, or nous-mêmes sommes tout petits, nous ne pouvons donc pas, tout seuls, prendre l’initiative, etc. etc. ; et, en attendant, chacun fait sa petite tambouille dans son coin, réunit ses militants, ses sympathisants et ses organisations satellites, en évitant de parler aux autres — voire en les calomniant — comme il l’a toujours fait depuis des décennies... Pourtant, les travailleurs conscients, les militants d’avant-garde ont le devoir, tout en participant activement à toutes les actions de protestation contre la guerre impérialiste, non pas bien sûr de lancer un quelconque « appel » à la grève générale, mais de populariser, de proposer et de soumettre au débat des travailleurs et des jeunes, la perspective de la grève générale, comme seule solution qui soit réaliste pour arrêter effectivement la guerre, pour contraindre, dans chaque pays, en France comme aux États-Unis et en Grande-Bretagne, les gouvernements impérialistes à reculer, à mettre fin à la guerre extérieure pour ne pas tout perdre à l’intérieur.

Oui, c’est possible !

Imaginons donc un instant que le maximum de syndicats C.G.T., F.O., F.S.U., S.U.D, ainsi que les organisations politiques comme la L.C.R., L.O., le P.T., les courants oppositionnels de gauche du P.C.F., les groupes anarchistes, etc., se mettent d’accord pour organiser toutes ensemble la lutte contre la guerre ; imaginons qu’elles mobilisent leurs militants — soit plusieurs dizaines de milliers — pour organiser partout, dans les usines, les bureaux, les établissements, les facultés, les lycées, des assemblées générales de travailleurs et de jeunes contre la guerre, des comités de mobilisation intégrant les organisations ouvrières et populaires qui se prononcent clairement sur cet objectif. Imaginons que ces militants organisent, quotidiennement, inlassablement, des diffusions, des réunions, des prises de parole, en expliquant que la guerre en Irak, c’est d’abord la liquidation d’un peuple et d’un pays entiers pour les seuls intérêts du pétrole et du protectorat US au Moyen-Orient, que c’est ensuite le prétexte pour justifier, aux États-Unis comme en France, les coupes claires dans les budgets sociaux et les services publics, que c’est enfin une arme classique de l’impérialisme pour justifier la multiplication des plans de licenciements, l’aggravation des conditions de travail et plus généralement la casse des acquis sociaux. Qui peut dire a priori que les travailleurs, dont les sondages eux-mêmes indiquent qu’ils sont déjà, spontanément, hostiles à la guerre, ne suivront pas ? Qui peut dire a priori que le combat contre les bureaucrates est voué à l’échec ? Qui peut dire a priori qu’une telle mobilisation ne pourra pas déboucher sur la grève générale ? Seuls ceux qui, à la difficile tâche de mobiliser réellement les travailleurs et les jeunes, préfèrent le ronron confortable de leurs convictions éternelles et la routine de leurs vieilles habitudes si souvent sclérosées.

Le devoir des militants communistes, révolutionnaires, internationalistes, n’est-il pas, au contraire, tout en œuvrant à la réussite de toutes les protestations et manifestations en cours contre la guerre, de s’atteler aux tâches du présent en combattant sur la ligne politique claire et déterminée du front unique, incluant l’objectif de la grève générale pour arrêter la guerre ?