Article du CRI des Travailleurs n°1

La régionalisation : une arme redoutable pour détruire les acquis des travailleurs

Par leur lutte de classe, les travailleurs de France ont arraché des droits qui les protègent de la surexploitation et leurs assurent un certain nombre de garanties. Ces acquis ont été arrachés dans le cadre de la République bourgeoise centralisée, qui reconnaît l’égalité en droits des citoyens sur l’ensemble du territoire national. Bien souvent, les droits formels et le caractère national de la loi ont ainsi servi de cadre à l’acquisition par les travailleurs de droits sociaux valables « universellement » sur l’ensemble du territoire : la classe ouvrière a réussi à inscrire ses conquêtes dans la loi, lorsque la bourgeoisie préférait lui céder sur certaines de ses revendications plutôt que de risquer de tout perdre (ce fut le cas en particulier après la grève générale de 1936 et au lendemain de la Seconde guerre mondiale). De même, la conception « républicaine » des services publics a eu pour contenu, sous la pression des masses, le maillage national serré, la péréquation tarifaire et d’autres avantages gérés par l’État au niveau national.

Aujourd’hui, sous la pression de la concurrence internationale qui exige un taux de profit toujours plus élevé et la conquête de nouveaux marchés, les capitalistes, notamment en France et en Europe, se voient obligés de redoubler leurs attaques contre les acquis de la classe ouvrière et contre les services publics. Dans ce but, l’Union européenne et les gouvernements nationaux organisent la déréglementation généralisée. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la décentralisation-régionalisation de Raffarin, qui ne fait d’ailleurs que poursuivre et aggraver en la matière la politique des gouvernements précédents depuis Mitterrand-Deferre en 1981. Sous prétexte de se rapprocher de la « France d’en bas », d’une part, et de créer « l’Europe », d’autre part, il s’agit en réalité de faire voler en éclats les droits sociaux reconnus sur tout le territoire et les services publics nationaux. Il s’agit aussi pour l’État de faire passer aux collectivités territoriales une part accrue des charges qui lui incombaient jusqu’à présent, les régions et les communes (souvent regroupées de force dans ce but) devant se débrouiller pour assurer le fonctionnement des services publics, qu’elles n’ont guère d’autres choix alors que de fermer quand ils ne sont pas rentables ou de privatiser quand ils peuvent l’être, faute de pouvoir les financer par leurs propres moyens, malgré l’augmentation importante des impôts locaux.

Si les régions peuvent déroger à la loi de façon « expérimentale », que restera-t-il du Code du travail et des statuts qui assurent aujourd’hui aux salariés du privé comme du public une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire ? C’est la porte ouverte à l’aggravation de la concurrence entre les régions et à la casse accélérée du coût du travail, aux dépens de toutes nos conquêtes collectives. C’est aussi une arme redoutable pour aggraver l’atomisation de la classe ouvrière et la désorganiser encore plus, pour opposer les travailleurs des différentes régions les uns aux autres, pour leur imposer des « sacrifices » par le chantage à la délocalisation, etc.

De même, si les régions doivent gérer elles-mêmes la santé et l’éducation, par exemple, nous ne serons plus soignés et nos enfants ne seront plus instruits avec les mêmes moyens et selon les mêmes règles sur l’ensemble du territoire, nous le serons plus mal dans les régions plus pauvres, moins mal dans les régions plus riches, et de toute façon de moins en moins bien si les services publics sont démantelés, fermés et privatisés.

Voilà pourquoi les organisations ouvrières et populaires doivent combattre la régionalisation-décentralisation de Raffarin. Il ne s’agit évidemment pas de défendre la République et la nation bourgeoises. Mais, comme l’écrivait Lénine dans L’État et la révolution, « nous sommes pour la république démocratique en tant que meilleure forme d’État pour le prolétariat en régime capitaliste », nous sommes pour « défendre, du point de vue du prolétariat et de la révolution prolétarienne, le centralisme démocratique, la république une et indivisible ». Aujourd’hui, cela signifie concrètement que, pour défendre les conquêtes des travailleurs en général, il faut défendre également le principe républicain de l’égalité des droits sur lequel la lutte de classe s’est toujours appuyée pour exiger des lois sociales protégeant l’ensemble des travailleurs, qu’il faut défendre les services publics existant sur l’ensemble du territoire national, qu’il faut défendre l’identité démocratique des règles dont profite la population, que ce soit à l’école, à l’hôpital, dans les communes ou dans les conditions de travail.

Unité des organisations ouvrières et populaires pour défendre nos conquêtes et reconquérir celles que nous avons perdues !

À bas le traité de Maastricht !

Contre la régionalisation et la décentralisation !

Contre les privatisations, pour la défense des services publics utiles à la population !

Pour la renationalisation sans indemnités ni rachat des entreprises privatisées !

Pour le contrôle ouvrier sur les entreprises nationalisées menacées de privatisation !