Article du CRI des Travailleurs n°25

Sur la campagne de LO : LO dénonce le capitalisme, mais défend une orientation réformiste sans perspective

LO dénonce le capitalisme, la droite, le PS et le PCF…

Comparée à la campagne du PT, celle de LO se situe clairement « dans le camp des travailleurs ». De fait, elle dénonce, en termes à la fois populaires et concrets, la politique du grand patronat et du gouvernement, ses dégâts pour le « monde du travail », la « classe ouvrière » et les « classes populaires ». Globalement, il s’agit d’une orientation de dénonciation juste du système capitaliste lui-même : « Il faut qu’il y ait dans cette campagne au moins quelqu’un qui dénonce ce système dans son ensemble, qui dise qu’il est catastrophique pour la société ; qui dise que, si on veut véritablement changer le sort de la majorité de la population, c’est à ce système qu’il faut s’en prendre vraiment. La raison de ma candidature à l’élection présidentielle de 2007 est de dire pourquoi et comment la mainmise de la grande bourgeoisie sur l’économie et la société est la cause des maux principaux dont souffre la société. » (Intervention d’Arlette Laguiller au meeting d’Annecy, 13 janvier, cf. http://www.arlette-laguiller.org/page/000d-201.html ; les citations suivantes sont également extraites de ce discours, repris avec quelques variantes mineures dans les autres meetings de campagne.)

Dès lors, LO explique à juste titre aux travailleurs que la candidature de Ségolène Royal a été propulsée par la bourgeoisie comme celle de Sarkozy et que la représentante du PS n’a aucune intention de s’en prendre aux intérêts de celle-ci : « Ségolène Royal est parfaitement acceptée par elle comme une alternative valable. (…) Si elle accompagne ses promesses d’une autre musique que celle de Sarkozy, elle n’est pas plus disposée que son concurrent à s’en prendre au grand patronat et à ses intérêts. Or, on ne pourra rien faire pour améliorer la situation des classes populaires sans s’en prendre à la dictature du grand patronat sur l’économie et sur la société. »

En outre, A. Laguiller dénonce correctement les illusions véhiculées par l’« anti-libéralisme », cette « expression vide de sens, inventée par ceux qui veulent dissimuler qu’ils ne combattent ni le capitalisme ni le grand patronat » (1). Et elle montre en particulier que « les promesses (de Marie-George Buffet) n’engagent qu’elle car elle a beau se présenter dans sa campagne comme la représentante d’une "gauche radicale de gouvernement", le seul gouvernement dont elle pourrait faire partie, le cas échéant, sera un gouvernement socialiste. Un tel gouvernement sera sous l’autorité de Ségolène Royal. Et Marie-George Buffet ne pourra que se taire ou démissionner, et elle ne voudra pas faire plus que ce qu’elle a fait pendant les cinq ans où elle a été ministre du gouvernement Jospin. Voter pour Marie-George Buffet, c’est donc, en réalité, voter pour Ségolène Royal et la politique de cette dernière. »

Enfin, LO met en avant des revendications en elles-mêmes justes : « Rien que pour revenir en arrière sur la régression sociale des dernières années, il faudra que les travailleurs imposent un certain nombre de revendications. Interdire les licenciements dans toutes les entreprises, à commencer par celles qui font du profit pour stopper la progression du chômage réel et de la précarité. Augmenter tous les salaires d’au moins 300 euros. Imposer un salaire minimum de 1500 euros net et qu’aucun salaire ne puisse y être inférieur. Transformer tous les contrats précaires en CDI. Comme il faut imposer la suppression de toutes les mesures contre la retraite et les retraités prises par Balladur, maintenues par Jospin et aggravées par Raffarin, avec une pension qui soit au minimum égale au Smic. Il faut aussi annuler toutes les privatisations dans les secteurs qui ont été des services publics ou qui devraient le devenir. La construction de logements sociaux en particulier devrait devenir un service public. »

… mais refuse toute perspective révolutionnaire…

Cependant, là s’arrête l’aspect positif de la campagne de LO. Au lieu de poursuivre la démonstration en montrant que la seule perspective conforme aux intérêts du prolétariat et des travailleurs, c’est un gouvernement des travailleurs par et pour eux-mêmes, A. Laguiller affirme que les revendications pour lesquelles elle appelle à se battre « ne sont nullement des revendications révolutionnaires, loin de là ». Si elle ne sont pas révolutionnaires, c’est qu’elles sont réformistes : il n’y a pas de troisième possibilité quand on prétend vouloir « s’en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l’économie ». De fait, l’objectif affiché par Laguiller n’est pas une autre société, radicalement différente, une société dirigée par les travailleurs eux-mêmes, mais seulement des « mesures indispensables pour que les travailleurs retrouvent simplement leurs conditions d’existence d’il y a trente ans, où pourtant, déjà, la vie n’était pas rose pour le monde du travail ». Proposer de revenir trente ans en arrière n’est pas seulement absurde : c’est en outre renoncer à populariser l’objectif de la révolution. Au demeurant, contrairement à ce qu’elle faisait lors de ses précédentes campagnes, même si c’était souvent de façon formelle et idéaliste, Arlette Laguiller ne parle plus du communisme dans ses meetings : elle se contente maintenant de se dire « convaincue » que l’actuelle « société est destinée à être remplacée »… et d’affirmer, au prix d’une illusion électoraliste risible, qu’« une candidate qui combat leur système n’a qu’une seule chance d’être élue : être portée par un très puissant mouvement social », sachant que bien sûr, « même élue dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je ne pourrais rien faire sans que le mouvement social se prolonge bien au-delà des élections et puisse imposer au patronat les décisions qui pourraient, qui devraient être prises contre leurs intérêts privés afin de sauver les intérêts de la collectivité »...

L’objectif affiché n’étant pas révolutionnaire, les moyens proposés ne le sont pas non plus, même si A. Laguiller fait appel aux travailleurs pour imposer les revendications au patronat et au gouvernement quel qu’il soit. Elle ne préconise en effet avant tout une redistribution des richesses, selon une ligne typiquement réformiste, pour ne pas dire keynésienne : « Pour financer tout cela, il faudrait rétablir l’impôt sur les bénéfices des sociétés au taux de 50 % où il était dans le passé et supprimer toutes les faveurs fiscales qui ont été accordées aux plus riches au fil des ans. » Certes, elle ajoute que, « même pour (…) imposer (aux patrons et au gouvernement) les modestes objectifs que je viens d’énumérer, il faut que les travailleurs, que les consommateurs, que la population concernée, puissent contrôler le fonctionnement des entreprises, leurs stratégies et surtout leurs finances. Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d’où vient l’argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu’ils servent à racheter des entreprises déjà existantes. On pourrait vérifier qu’il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun. Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d’administration envisagent pour l’avenir de leurs entreprises ». Mais cette exigence de contrôle ouvrier, en soi juste, ne saurait être une solution pour imposer les revendications si elle ne débouche pas sur la perspective d’un gouvernement des travailleurs : il est évident que les patrons s’y opposeraient ou feraient tout pour le limiter et le contourner, de même qu’ils s’opposeraient évidemment à l’interdiction des licenciements, mesure incompatible avec le système de la propriété privée des moyens de production.

C’est pourquoi l’objectif qui doit être exposé clairement aux travailleurs, quand on se dit communiste révolutionnaire, c’est qu’il faut s’en prendre non seulement à la manière dont les richesses sont réparties et aux choix des entreprises, mais aussi, beaucoup plus fondamentalement, à la manière dont les richesses sont produites et au fait que les entreprises n’ont en fait guère le choix ! Car c’est le système capitaliste lui-même qui impose une répartition inégalitaire des richesses et les choix des patrons. Une orientation anti-capitaliste cohérente et conséquente, qui ne se limite pas à une dénonciation juste du système, doit donc nécessairement déboucher sur la perspective d’un gouvernement des travailleurs, par les travailleurs et pour les travailleurs. Là réside la différence fondamentale entre le programme révolutionnaire de transition proposé par le IIIe Congrès de la IIIe Internationale, puis par la IVe Internationale fondée par Léon Trotsky (programme partant des revendications immédiates et traçant ouvertement la perspective de la prise du pouvoir par le prolétariat), et le programme réformiste proposé par LO, qu’on l’appelle ou non « programme d’urgence ».

… ne propose aucune alternative concrète pour l’organisation des travailleurs…

Dans la mesure même où elle refuse de populariser un programme révolutionnaire de transition (seul programme anti-capitaliste cohérent et conséquent), LO renonce à utiliser la campagne électorale pour soumettre à la réflexion des travailleurs la proposition de construire un nouveau parti pour les représenter, un véritable parti communiste, révolutionnaire et internationaliste. A. Laguiller affirme ainsi que son programme « n’est pas le programme d’une personne ou d’une organisation », sous prétexte que « seule l’action collective des travailleurs pourra [l’] imposer ». Autrement dit, au lieu d’appeler les travailleurs à construire une organisation communiste révolutionnaire, ou même seulement Lutte ouvrière, Laguiller met délibérément entre parenthèses cette question cruciale de l’organisation, sans laquelle aucun programme politique ne peut être porté. LO va jusqu’à cacher à des millions de travailleurs son existence en tant que parti : elle a décidé de ne même pas indiquer son propre nom (et moins encore ses coordonnées) sur les grands affiches publicitaires où l’on a pu voir, en décembre, le visage et le nom d’Arlette Laguiller. D’une part, il est très contestable, quand on est un petit parti, de débourser des sommes faramineuses (évaluées à un tiers du budget total de LO pour les élections) pour une campagne de marketing : cet argent (produit du remboursement par l’État de la campagne de 2002) aurait été beaucoup mieux utilisé à la diffusion de centaines de milliers de tracts supplémentaires plusieurs fois par semaine dans les entreprises et les quartiers, à la distribution de journaux gratuits, au financement de jours de congé pour renforcer l’investissement des militants, voire à des dons de solidarité pour des travailleurs qui auraient la bonne idée de profiter de la période électorale pour se mettre en grève… D’autre part, même si l’on considère comme utile le choix de ces grandes affiches publicitaires, il est inadmissible de ne pas les utiliser pour faire connaître l’organisation, appeler les travailleurs à construire le parti dont ils ont besoin, convoquer un meeting de masse ou diffuser des mots d’ordre plus concrets qu’un bien vague « qui d’autre peut se dire dans le camp des travailleurs ? ».

En refusant de populariser un programme révolutionnaire de transition et d’appeler les travailleurs à construire un parti pour le porter, LO renonce à prendre ses responsabilités en tant que force alternative aux partis de la « gauche plurielle ». Certes, A. Laguiller appelle à voter pour elle au premier tour « pour que les travailleurs, c’est-à-dire les ouvriers, les employés, les enseignants, les techniciens, les chômeurs, les retraités, puissent dire qu’ils ne se laisseront pas tromper par la droite, bien sûr, mais pas plus par ceux qui se disent de gauche. Il faut que les travailleurs puissent dire qu’ils ne se font aucune illusion sur les dirigeants politiques, qu’ils n’en attendent pas de solution à leurs véritables problèmes. Car, derrière les gouvernements, c’est le grand patronat qui décide et qui tire les ficelles. » (Meeting d’Annecy, 13 janvier.) Cependant, elle ne s’appuie pas sur la profonde méfiance de millions de travailleurs à l’égard des partis de la « gauche plurielle » pour en conclure que le moment est venu de construire une alternative organisée au PS qui était censé représenter jadis les intérêts de la classe ouvrière (même s’il était en fait réformiste) et au PCF qui s’aligne servilement derrière le PS. Certes, elle indique que le « plaisir » d’infliger une défaite à Sarkozy « ne suffit pas », car « il ne suffit pas de chasser les hommes de droite de la présidence de la République ou du gouvernement pour que la politique de droite en soit chassée pour autant. Cette politique de droite pourra être reprise à son compte aussi bien par un gouvernement de gauche, pour la bonne raison que c’est la politique exigée par le grand patronat. » Cependant, elle ne s’attarde guère sur le programme réactionnaire de S. Royal et elle ne consacre que quelques phrases à un rappel très général de la politique des gouvernements de gauche depuis un quart de siècle, au lieu de revenir en détail sur leur bilan pour briser ce qu’il peut rester d’illusions chez les travailleurs tentés de voter pour eux au moins dans l’idée que leur politique sera « moins pire » que celle de la droite.

Or il s’agit d’une décision politique délibérée : la direction de LO a décidé de ne pas dénoncer trop fortement le PS et le PCF, se ralliant de fait à l’exigence de ces derniers qu’on s’attaque avant tout à la droite — ce qui revient à vouloir aider la gauche à gagner, comme LO ne s’en cache guère. Nous avions remarqué dans notre précédent numéro cette orientation affichée dès le premier meeting de campagne d’Arlette Laguiller, en octobre, et contraire à celle qu’elle avait en 1988 ou en 1995. Mais comment la direction de LO la justifie-t-elle ? Dans la résolution de son récent congrès consacrée à la « situation intérieure », on lit : pendant la campagne, « nous devrons considérer que nos critiques principales doivent être dirigées contre la droite. (…) Nous dirons aussi ce que nous pensons du Parti socialiste, du Parti communiste et de leur politique. Nous devons cependant éviter de nous appuyer trop sur le passé, même récent, du gouvernement de la gauche plurielle. (…) Il ne faudrait pas que l’électorat populaire puisse reprocher à notre campagne d’avoir fait perdre la gauche. (…) Il faut donc être politique. » (Lutte de classe n° 101, déc. 2006-janv. 2007).

D’ailleurs, la pilule a manifestement du mal à passer auprès des militants de LO, peu habitués à ce qu’on leur enjoigne d’épargner le PS : à ceux qui, pendant les « caravanes » de l’été, avaient constaté que bien des travailleurs acquiesçaient à leur dénonciation de la politique de la gauche plurielle entre 1997 et 2002, la direction LO répond… qu’ils se « trompaient » et « confondaient le désir de ne pas relancer la discussion avec un accord véritable » ! (Ibid.) Autrement dit, au lieu de constater et d’encourager la rupture de nombreux travailleurs (certes pas tous, mais les plus conscients, ceux qui auraient le plus de chances d’être gagnés à la cause communiste révolutionnaire) avec les partis de gauche, la direction de LO préfère flatter ceux qui ne vont pas encore jusqu’au bout de cette rupture… et elle se soumet démagogiquement à leur opinion ! Pour faire accepter cette ligne capitulatrice aux militants dubitatifs, la direction de LO doit sortir la grosse artillerie : elle fait appel à… Trotsky en personne (ce qui est rarissime dans ses publications) ! Elle rappelle que celui-ci, en juillet 1936, refusait d’exiger la démission de Blum, car cela impliquait, à ce moment-là, le retour au pouvoir de la droite. Si elle oublie fort opportunément de préciser que Trotsky n’en appelait pas moins à construire la IVe Internationale sur la base d’un programme de transition révolutionnaire contre le gouvernement bourgeois de Blum (soutenu par le PCF), la direction de LO est cependant bien obligée d’ajouter : « Il est vrai qu’à l’époque Trotsky considérait le PC et le PS comme des partis ouvriers » (ibid.) ; mais, au lieu de poursuivre le raisonnement en se demandant si c’est encore le cas soixante-dix ans après et en analysant la nature de classe du PS, elle s’en tient là et passe à autre chose ! On reste donc sur sa faim, sans savoir si la formule concessive employée signifie que, selon LO, le PS n’est plus un parti ouvrier réformiste (mais alors, comment justifier le ralliement à l’objectif de battre la droite ?) ou si l’analyse de Trotsky vaut encore aujourd’hui (auquel cas cela mériterait pour le moins d’être justifié… sauf à s’en tenir précisément à un impressionnisme couvrant l’opportunisme démagogique ou électoraliste).

L’objectif que se fixe LO dans cette campagne est donc extrêmement limité : « Il faut que le vote de l’électorat populaire soit ressenti comme l’annonce ou du moins la possibilité d’une menace. Plus il y aura de votes contestataires d’extrême gauche, plus cela redonnera confiance à tous ceux qui en ont assez de recevoir des coups et qui ont envie de les rendre. (…) Aidez-nous à faire en sorte que nombreux soient ceux qui, dans les classes populaires, en votant pour ma candidature, montrent qu’ils partagent les idées que je viens de défendre. C’est la seule façon d’assurer que cette élection fasse plus que de chasser Sarkozy et d’amener Ségolène Royal. Il faut que le score de l’extrême gauche contestataire montre, à la nouvelle équipe qui viendra au pouvoir comme au patronat, qu’à force de continuer la politique qui est menée depuis tant de temps, ils mettront le feu à la plaine ! » (Conclusion du meeting d’Annecy, 13 janvier.) Si l’on ajoute à cela le fait qu’Arlette Laguiller ne mentionne jamais la moindre lutte de classe récente, comme s’il n’y en avait aucune (pas même le puissant mouvement du printemps 2006, qui a pourtant offert une grève générale des étudiants et des manifestations de trois millions de travailleurs et jeunes !), il apparaît clairement que l’objectif de LO se limite à une dénonciation juste du système capitaliste, à la popularisation d’un programme réformiste, mais privé de perspective organisationnelle, et à un objectif électoral purement protestataire, voire psychologique — puisqu’il ne s’agit en définitive que de commencer à « faire peur au grand patronat et à la bourgeoisie », en attendant qu’un jour il se passe quelque chose et qu’un « très puissant mouvement social » leur fasse « vraiment peur »…

… et refuse autant que la direction de la LCR toute idée de campagne commune avec celle-ci

Si le programme de LO était révolutionnaire, et si elle était seule à le défendre, on pourrait comprendre qu’elle tienne à se présenter seule aux élections. Mais ce n’est pas le cas, et les différences qui peuvent exister notamment avec la LCR (dont nous allons voir qu’elle défend un programme en fait très proche) ne sauraient donc justifier que l’une et l’autre mènent campagne en solitaire. Or, même après que la direction majoritaire de la LCR eut renoncé à l’automne à son espoir (illusoire, comme le dit à juste titre A. Laguiller) de faire rompre le PC d’avec le PS, la direction de LO n’a rien fait pour ouvrir la discussion avec elle dans le but de parvenir à un accord pour une campagne commune. La LCR n’ayant rien fait non plus en ce sens de son côté, les travailleurs les plus conscients — ceux qui ne se font pas d’illusions sur le PS et le PCF et qui ne veulent pas céder à la pression bourgeoise du prétendu « vote utile » — vont devoir choisir artificiellement entre Laguiller et Besancenot. Le slogan de campagne de celle-ci (« qui d’autre peut se dire sincèrement dans le camp des travailleurs ? ») est d’ailleurs sectaire : il implique que Besancenot ne soit pas lui aussi le candidat d’une organisation ouvrière. La campagne publique de LO intègre donc une dimension de concurrence avec celle de la LCR, même si la résolution de congrès et les déclarations de meeting affirment gentiment qu’elle souhaite la présence de Besancenot à l’élection présidentielle.

Au demeurant, le choix de la division est d’autant plus contestable qu’il risque de conduire à un échec électoral pour l’un comme pour l’autre : il est probable que, avec la pression du prétendu « vote utile » ou du « danger Le Pen », et en l’absence d’une dynamique anti-capitaliste unitaire capable d’enthousiasmer les militants et de donner espoir aux travailleurs les plus avancés, LO et la LCR vont chacune dans son coin faire des scores assez faibles, inférieurs à ce qu’elles feraient en s’unissant. LO elle-même, d’ailleurs, ne pense pas faire un bon score : la résolution de congrès juge que « nous risquons d’être laminés » et qu’en tout cas une « remontée de notre électorat » est « peu probable ». Autrement dit, LO fait le choix d’une campagne réformiste, voire électoraliste (campagne de marketing, effacement du nom du parti, limitation des critiques adressées au PS par crainte d’être accusée de l’avoir fait perdre…), mais ce n’est même pas pour gagner des voix ! Cette contradiction confirme à elle seule que, pour la direction de LO elle-même, il s’agit avant tout d’une candidature de témoignage, sans grand effet possible et sans véritable perspective.


1) Contrairement aux autres, cette citation est extraite du discours prononcé par A. Laguiller au meeting de Beauvais le 13 décembre.