Article du CRI des Travailleurs n°26

Échange avec un militant du PT au sujet du tract CRI sur Airbus

Suite à l’envoi de notre tract Airbus sur nos listes de diffusion, nous avons reçu notamment un courriel d’un militant du Parti des travailleurs (PT). Nous le publions ici avec son autorisation, suivi de notre réponse.

Courriel d’un militant du PT

« Bonjour,

Il faut renationaliser Airbus et pour cela il faut rompre avec l’Union européenne car le traité de Maastricht, en particulier l’article 87, l’interdit. Toute affirmation contraire envoie les travailleurs dans le mur. À titre personnel, je ne suis pas pour indemniser les actionnaires et notamment les fonds de pension américains qui détiennent jusqu’à 50 % de toutes les entreprises françaises et européennes... Mais pour cela il faut la révolution socialiste instituant la propriété collective des moyens de production et d’échange ce qui est une autre affaire que de maintenir les 10 000 emplois dans l’aéronautique. Déjà, mettons en place une loi « interdisant les licenciements ». Cela ne passera pas par les élections prochaines mais par la mobilisation de la classe ouvrière, si possible dans la grève générale. Pour ce faire, il faudra, comme malheureusement le mouvement social n’a pu le faire en 2003 et 2005, vaincre les appareils syndicaux et politiques ! »

Réponse d’un militant CRI

« Bonjour camarade,

Merci pour ton message, qui ouvre une discussion cruciale.

Oui, pour renationaliser Airbus il faut rompre avec l’UE : nous écrivons expressément que la « solution » proposée par la LCR « est un leurre si l’on reste dans le cadre de l’Union européenne actuelle et du capitalisme ». Cependant, nous pensons que c’est également réformiste de s’en tenir au SEUL mot d’ordre de « rupture avec l’UE » sans dire en même temps « rupture avec le capitalisme ». En effet, l’UE doit être dénoncée comme tout gouvernement et tout État bourgeois, mais ceux-ci ne sont eux-mêmes que les instruments des gros capitalistes. Pourquoi ne pas dire la vérité aux travailleurs, à savoir qu’il n’y a aucune issue dans le cadre non seulement de l’UE, mais du système capitaliste lui-même ?

Selon nous, cette attitude (qui est celle du PT, pour ne pas parler de Schivardi) revient à de l’étapisme réformiste, aux antipodes du Programme de transition dont nous nous réclamons. Quel est en effet l’axe du programme fondateur de la IVe Internationale ? C’est que toutes les revendications des travailleurs débouchent sur une seule et même perspective : la préparation à la prise du pouvoir. « Préparation » seulement, car celle-ci n’est pas à l’ordre du jour avant la situation révolutionnaire. Mais préparation « à la prise du pouvoir », car l’abandon de cette perspective revient à se rallier dans les faits aux réformistes, ce qui est inadmissible quand on se réclame du trotskysme.

De ce point de vue, revendiquer la « nationalisation » sans exiger que ce soit « sans indemnités ni rachat » et en s’adressant à « l’Etat actionnaire », est une ligne typiquement réformiste. Le Programme de transition explique expressément la différence qu’il y a entre celle-ci et la ligne transitoire révolutionnaire : « Le programme socialiste de l’expropriation, c’est-à-dire du renversement politique de la bourgeoisie et de la liquidation de sa domination économique, ne doit en aucun cas nous empêcher, dans la présente période de transition, de revendiquer, lorsque l’occasion s’en offre, l’expropriation de certaines branches de l’industrie parmi les plus importantes pour l’existence nationale ou de certains groupes de la bourgeoisie parmi les plus parasitaires. (...) La différence entre ces revendications et le mot d’ordre réformiste bien vague de "nationalisation" consiste en ce que :

Nous repoussons le rachat ;

• Nous prévenons les masses contre les charlatans du front populaire qui, proposant la nationalisation en paroles, restent en fait les agents du capital ;

• Nous appelons les masses à ne compter que sur leur propre force révolutionnaire ;

• Nous relions le problème de l’expropriation à celui du pouvoir des ouvriers et des paysans. »

Trotsky est donc très clair : oublier l’une des quatre conditions qu’il énumère (et a fortiori les « oublier » toutes, comme le fait le PT !), c’est reprendre à son compte la ligne du charlatanisme réformiste. De même, revendiquer aujourd’hui « une loi interdisant les licenciements » est une utopie réformiste typique. Cette exigence n’a rien à voir avec une revendication partielle : sa réalisation implique la révolution. Que serait le capitalisme, si les patrons n’avaient plus le droit de licencier ?! On peut certes maintenir, voire renforcer par la lutte, les obstacles juridiques aux licenciements, mais aucun gouvernement bourgeois ne les interdira jamais ! De fait, le Programme de transition ne met nullement en avant cette « revendication », inventée par le PCI au début des années 1980 en même temps que la « ligne de la démocratie », qui revenait à abandonner dans les faits le combat pour le programme révolutionnaire...

En fait, la seule méthode transitoire sur la question consiste, d’une part, à exiger l’échelle mobile des heures de travail, d’autre part à expliquer sans relâche que seul un gouvernement des travailleurs, par et pour eux-mêmes, pourra imposer l’interdiction des travailleurs, dans la mesure même où il entamerait une politique de rupture avec le système capitaliste. Renoncer à expliquer cela aux travailleurs, c’est renoncer au programme de la IVe Internationale. Et encore une fois, ne parlons pas ici de la candidature Schivardi, qui menace jusqu’à l’existence même du PT en tant que parti ouvrier centriste à tendance de plus en plus réformiste (cf. sur ce point nos analyses dans Le CRI des travailleurs n° 25 et les précédents).

Est-ce à dire qu’il faille se contenter de propagande ? Absolument pas ! En même temps que l’organisation révolutionnaire met en avant, en toutes circonstances, son programme de transition révolutionnaire, elle fait tout son possible pour réaliser le Front unique ouvrier, en l’occurrence pour l’annulation pure et simple du plan Power 8, afin de mobiliser les masses et de les aider à vaincre les appareils, comme tu le dis fort justement. C’est ce que nous proposons clairement dans notre tract, en critiquant ouvertement la politique des directions (ce que ne font malheureusement ni IO, ni LO, ni la LCR) et en avançant des propositions très concrètes. C’est ce qui rend urgente une entente entre toutes les organisations qui veulent faire échec au plan Power 8, au-delà de leurs divergences politiques, idéologiques ou stratégiques.

En espérant poursuivre la discussion,

salutations trotskystes, 

Ludovic Wolfgang,

pour le Groupe CRI »

PS : La discussion s’est ensuite poursuivie sur la candidature Schivardi…