Article du CRI des Travailleurs n°30

Résolutions du deuxième Forum du syndicalisme de classe et de masse
(bilan des luttes et perspectives)

Le deuxième Forum du syndicalisme de classe et de masse a rassemblé une centaine de militants syndicaux le 12 janvier à Paris, à l’initiative de quatre collectifs de militants syndicaux d’origine et de sensibilité diverses (Blog Où va la CGT ? (1), Collectif Unitaire pour un Front Syndical de Classe (2), Continuer la CGT (3) et Comité pour un Courant Intersyndical de Lutte de classe (4), auquel participent, entre autres, les militants syndicaux du Groupe CRI) et de deux syndicats en tant que tels (Collectif général des travailleurs de l’énergie de Dalkia-France (5) et Fédération Syndicale Étudiante (6)).

Les militants présents (cheminots et agents de la RATP, étudiants en lutte, travailleurs du privé, fonctionnaires…) ont été nombreux à participer aux discussions, sous la forme de témoignages, d’analyses, de propositions et, sur certains points (degré de combativité des travailleurs, nature des syndicats, revendications à mettre en avant…) de débats contradictoires.

Après discussion et intégration de plusieurs amendements, les participants ont adopté les deux résolutions proposées à une très grande majorité, même si un certain nombre d’abstentions, notamment sur la seconde résolution, montre que plusieurs discussions restent à approfondir.

Par son contenu et les résolutions adoptées, ce Forum a donc été un succès et constitue un point d’appui pour avancer dans le regroupement des militants syndicaux de lutte de classe. Il s’agit maintenant de consolider ce début de regroupement, en diffusant et surtout en appliquant les résolutions adoptées, notamment par l’intervention commune plus systématique des collectifs et syndicats parties prenantes dans les luttes.

Indissociablement, il faut élargir ce premier regroupement en y associant d’autres syndicats de lutte et collectifs, ainsi qu’en assurant le succès des Forums régionaux dont le principe a été adopté.

Enfin, un saut qualitatif doit désormais être franchi en termes d’organisation commune, seule à même d’assurer une véritable efficacité et une plus grande visibilité. Pour cela, la meilleure solution est d’aller vers une Coordination ou Fédération nationale de ces syndicats et collectifs, qui permettrait d’intervenir de façon commune et organisée tout en respectant l’identité et l’autonomie de chacun.

Résolution du Forum sur le bilan des luttes de l’automne 2007

Les participants au deuxième forum pour un syndicalisme de classe et de masse

- constatent que les travailleurs sont aujourd’hui soumis à une offensive sans limite du grand patronat contre leurs droits sociaux et démocratiques. Amplifiant les politiques menées depuis de longues années, le Capital entend prendre de vitesse la résistance ouvrière et populaire en appliquant sa thérapie de choc dans tous les domaines, en ciblant en même temps toutes les conquêtes des travailleurs depuis un siècle et demi.

- se réjouissent des luttes de l’automne 2007 contre ces attaques du grand patronat, de son gouvernement et de l’Union européenne. Leur ampleur témoigne d’un haut niveau de combativité des travailleurs dans un grand nombre de secteurs dès que les conditions sont réunies, et malgré l’omniprésente propagande des médias aux ordres. Cela confirme la volonté de résister, comme en 2003 (réforme Fillon des retraites), 2005 (victoire du Non au référendum sur le TCE), 2006 (CPE), etc. Les cheminots et les agents RATP en particulier ont mené une grève reconductible contre la casse de leurs régimes de retraite et du service public de transport, et les étudiants ont fait grève et bloqué les universités pendant plusieurs semaines contre la loi Pécresse.

- considèrent que ces luttes ont été trahies par les principales directions syndicales, non seulement par celle de la CFDT, mais aussi par les directions de la CGT et de la FSU malgré la combativité de nombreux syndicats et militants de base. La direction de la CGT a refusé de soutenir les revendications des grévistes (non à la casse des régimes spéciaux, maintien des 37,5 annuités, non à la décote, non à l’indexation des pensions sur les prix, pour la construction d’une convergence des luttes) et affaibli leur mouvement la veille même de la grève reconductible (rencontre de Bernard Thibault avec le ministre Larcher), cassant l’unité des grévistes et toute perspective de victoire par l’acceptation de « négociations » entreprise par entreprise sur la base du projet gouvernemental rejeté par la base ! La direction de la FSU a refusé d’appeler à la grève du 18 octobre et de combattre pour la convergence des fonctionnaires avec les salariés des régimes spéciaux. De même, dans les Universités, non seulement l’UNEF a fait son possible pour sauver la loi LRU et casser la grève étudiante, mais les directions du SNESup-FSU et de la FERC-CGT ont refusé d’appeler les personnels à la grève, laissant les étudiants isolés et victimes d’une répression massive (présidents d’universités, vigiles privés, police, tribunaux…).

- considèrent que cette trahison des luttes ne fait qu’exprimer une orientation générale qui est celle du « syndicalisme d’accompagnement », consistant à négocier la régression sociale au lieu de la combattre. C’est ainsi que la direction CGT, comme celles des autres organisations, participe avec empressement aux conférences et à l’agenda social 2008 lancés par Sarkozy pour accompagner la casse sociale et qu’elle cautionne totalement le dispositif gouvernemental en « oubliant » de dénoncer la guerre menée contre les travailleurs. Lors de ses vœux, Sarkozy les a d’ailleurs publiquement remerciées de cette participation à la mise en œuvre de sa politique ! Quand le capital félicite les directions syndicales, c’est qu’il est plus que temps pour les travailleurs de les chasser. Elles sont désormais ralliées à l’horizon éternel du capitalisme, renonçant à l’objectif de l’émancipation qui avait fondé le mouvement ouvrier au 19e siècle. Elles reconnaissent le pouvoir du Capital et cela les conduit à se soumettre à son fonctionnement régressif et à l’accompagner dans sa course au profit maximum et aux contre-réformes. Abandonnant la théorie et la pratique de la lutte de classe, le « syndicalisme rassemblé » divise les luttes, rabaisse les mots d’ordre, soumet les travailleurs aux intérêts et aux stratégies du MEDEF et débouche toujours sur le pire de la régression, tout en prétendant au moindre mal par la concertation ou la collaboration entre « partenaires sociaux ». Les directions qui portent et imposent ce syndicalisme, regroupées au sein d’internationales jaunes (CES financée par l’UE, CSI) intégrées aux institutions officielles du capitalisme, jouent de plus en plus ouvertement le rôle « d’agent de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier ». Elles constituent un danger mortel pour le syndicalisme de classe et de masse : il faut s’unir pour les combattre de toute urgence.

Résolution sur les perspectives du syndicalisme de classe et de masse

Les participants au deuxième forum pour un syndicalisme de classe et de masse

- réaffirment la nécessité des syndicats indépendants comme instruments permanents de défense et de combat des travailleurs contre l’exploitation et pour leur émancipation sociale.

- réaffirment que les directions syndicales ont abandonné le terrain de la lutte des classes pour s’intégrer toujours plus dans la cogestion du capitalisme, dans le syndicalisme de négociations et d’experts, largement financé par le patronat et l’État.

- pour autant, refusent le découragement et le défaitisme, refusent de laisser le champ libre aux réformistes et collaborateurs, et affirment haut et fort que jamais le syndicalisme de classe n’a été aussi nécessaire et aussi proche des exigences et du mécontentement des travailleurs en lutte, qui doivent se réapproprier leurs syndicats.

- considèrent que la reconstruction du syndicalisme de classe est un long chemin qui commence dès aujourd’hui entre autres par :

• la participation active à la défense des intérêts des travailleurs sans souci de la bonne marche du capital, à la lutte contre toutes les mesures de régression sociale avancées jour après jour par le gouvernement Sarkozy/Fillon

• la reprise en charge des positions et démarcations portées par toute l’histoire du mouvement ouvrier, aujourd’hui abandonnées par les directions syndicales réformistes.

• la rencontre et le débat, la convergence des expériences et le soutien mutuel. Aujourd’hui, nous affirmons en particulier notre soutien aux camarades du CGT-E Dalkia victimes d’une offensive conjointe d’une direction de choc et de syndicats collabos particulièrement virulents (UNSA, fédération CGT de la Construction).

• la convergence des luttes et la construction d’une véritable unité de classe de tous les prolétaires, avec les étudiants, les chômeurs et précaires et en particulier les sans-papiers, les plus précaires des travailleurs.

- réaffirment que le syndicalisme de classe exige une plate-forme de revendications nationales de lutte enrichie, claire, capable d’unifier tous les travailleurs et qui doit se construire dans les luttes et les confrontations des divers points de vue. Aujourd’hui, pour centraliser les luttes contre le gouvernement Sarkozy/Fillon, les participants affirment qu’il est urgent et légitime de se battre pour les revendications les plus avancées portées par les luttes actuelles (propositions à compléter et discuter) :

• Français, immigrés : une seule classe ouvrière ! Régularisation sans condition de tous les sans-papiers ! Contre toute discrimination : égalité des droits !

• Pour l’égalité hommes/femmes !

• Augmentation générale des salaires, pensions et allocations, le SMIC à 1500 € net, 300 € pour tous !

• Retraite à 55 ans, 50 ans pour les travaux pénibles, sans condition de trimestres et dans l’immédiat 37,5 ans de cotisations maximum pour tous et maintien des régimes spéciaux !

• Travailler moins pour travailler tous et vivre mieux, pour les 33h, première étape vers les 30h/semaine et dans l’immédiat refus de tout allongement du temps de travail !

• Non aux franchises médicales et autres forfaits, remboursement à 100% des soins et médicaments, arrêt et remboursement des exonérations de cotisations patronales !

• Un seul contrat de travail, le CDI, non à la précarité, non au temps partiel imposé, non au flicage des chômeurs !

• Contre les licenciements, les restructurations du privé comme du public, défendons tous les emplois !

• Défense des acquis statutaires de la fonction publique !

• Contre la loi Pécresse, pour une École et une Université ouvertes à tous, gratuites, laïques et de qualité !

• Contre la répression et la criminalisation des luttes !

• Contre toute forme de service minimum et pour la défense du droit de grève !

• Solidarité internationaliste, contre l’impérialisme et ses guerres : retrait des troupes françaises de l’étranger !

- se revendiquent des méthodes gagnantes et démocratiques du syndicalisme de classe et de masse,

• par l’arme principale de la grève, contre les journées d’action bidon ;

• par l’auto-organisation des travailleurs en lutte, assemblées générales et comités de grève ;

• par la convergence des luttes vers la grève interprofessionnelle ;

• pour la syndicalisation massive dans les syndicats issus du mouvement ouvrier, avant tout la CGT, la FSU, les SUD et les syndicats étudiants de lutte se liant au mouvement ouvrier ;

• par la démocratie syndicale, l’élection de responsables élus et révocables, contre la bureaucratie toujours plus intégrée à l’appareil d’État et, au niveau international, aux rouages de l’impérialisme que sont la CES et la CSI.

Pour défendre l’orientation synthétisée dans cette résolution, les participants décident de poursuivre l’activité commune engagée depuis un an, concrétisée dans les deux premiers Forums du syndicalisme de classe et de masse, le premier numéro du Bulletin et plusieurs interventions communes dans la lutte de classe.

• Diffusion large des deux résolutions adoptées par le 2e Forum et organisation sur cette base de réunions dans les entreprises ou établissements et les villes de province, avec notamment des Forums régionaux ;

• Poursuite de la publication du Bulletin à un rythme si possible trimestriel ;

• Intervention commune plus systématique dans les luttes (petites et grandes) dès que les convergences d’analyse et d’orientation le permettent ;

• Préparation d’un troisième Forum du syndicalisme de classe et de masse si possible en juin.


1) Cf. http://ouvalacgt.over-blog.com

2) Cf. http://collectif-syndical-classe.over-blog.com

3) Cf. http://courantintersyndical.free.fr

4) Cf. http://assoc.wanadoo.fr/continuer.la.cgt

5) Cf. http://www.cgtedalkia.com

6) Cf. http://www.luttes-etudiantes.com