Article du CRI des Travailleurs n°31

Étudiants : Après le mouvement contre la loi Pécresse (LRU), que faire dans les universités ?

Le gouvernement a gagné contre les étudiants le mouvement LRU. Mais les étudiants n’ont pas été écrasés et le bilan reste très positif : le mouvement a été déclenché pour la première fois par les syndicats étudiants de lutte (FSE, SUD, TUUD de l’UNEF, dirigée par les JCR), malgré et contre la majorité de l’UNEF, qui soutenait la loi Pécresse ; les étudiants ont montré une grande capacité d’auto-organisation et une haute conscience politique, dont témoignent les textes adoptés par le AG et les Coordinations nationales ; le gouvernement a eu peur d’une possible jonction avec les cheminots, recherchée par l’avant-garde étudiante, et avec les autres salariés en lutte autour du 20 novembre… Finalement, l’essoufflement du mouvement a été dû avant tout à son isolement : d’abord à l’intérieur même de l’université, puisque les syndicats des personnels ont refusé d’appeler à la grève, se contentant d’un vague soutien aux étudiants ; ensuite à échelle nationale : l’arrêt de la grève des cheminots a été pour beaucoup dans le reflux de la mobilisation.

En ce milieu de second semestre, les bureaucrates syndicaux de l’enseignement supérieur continuent de refuser de se battre pour une grève chez les personnels et cautionnent de fait l’application de la loi LRU dans chaque Conseil d’administration, sous prétexte de « moindre mal ». Cependant, si les chances de voir une grande grève se déclencher dans un autre secteur sont minces, la situation a tout de même évolué depuis la fin du mouvement étudiant : le mécontentement envers le gouvernement va croissant, les grèves locales se multiplient dans le privé, les enseignants du secondaire se mobilisent, comme l’ont montré la grève et les manifestations du 18 mars et la reconduction de la grève ou du blocage dans plusieurs dizaines d’établissements.

Par ailleurs les contre-réformes sont nombreuses : la loi LRU a été votée, le plan licence adopté, les rapports Attali (visant notamment à démanteler le statut d’enseignant-chercheur) et Pochard (qui prône entre autres la suppression de l’agrégation et du CAPES) vont servir de ligne conductrice au gouvernement, et l’opération Campus (qui prévoit la création de dix « pôles d’excellence ») est en route.

Se réunir, discuter, agir

Pour contrer ces attaques, mais aussi pour tirer le bilan du mouvement de l’automne, des organisations étudiantes de lutte (FSE, SUD, TUUD de l’UNEF) organisent une journée nationale d’« assemblées générales » mi-avril. Il est évident qu’elles ne vont pas réunir des centaines d’étudiants. Néanmoins, étant donné le contexte, elles peuvent rassembler de gros noyaux d’étudiants politisés par le mouvement. Tout en étant très clair sur la situation – il n’y a probablement pas, dans l’état actuel des choses, de possibilité pour le mouvement de repartir –, il faut proposer aux étudiants de maintenir les comités de lutte qui subsistent et de mettre en place des réunions régulières, destinées à faire le bilan et à préparer l’avenir, mais aussi à agir localement dès que possible (blocages des CA, campagne d’information contre la réforme de la licence, tracts, pétitions, participation à des manifestations de salariés, etc.).

Le plus important est de s’organiser en rouvrant le débat sur la nécessaire reconstruction du syndicalisme étudiant de lutte. Les sections FSE et SUD (contrairement à la TUUD, qui pâtit de son appartenance au syndicat collabo qu’est l’UNEF aux yeux des étudiants mobilisés) se sont renforcées considérablement en gagnant de nouveaux militants, voire de nouvelles sections comme la FSE à Reims. De plus, elles font de bons scores électoraux, prouvant qu’elles sont de plus en plus soutenues par les étudiants. SUD-Rennes obtient ainsi 3 élus sur 12 au CEVU (l’UNEF n’en obtient que 4 alors que c’est un de ses bastions). À Bordeaux-I, la liste de SUD et du Comité de mobilisation obtient 3 sièges sur 16 au CEVU, contre 5 pour l’UNEF. À Clermont-Ferrand (AGEC, syndicat de lutte local, ancienne section de l’UNEF) obtient 4 sièges sur 12 au CEVU, à égalité avec l’UNEF.

De plus, le travail commun SUD/FSE se développe malgré un sectarisme persistant des deux côtés. Des listes communes aux Conseils d’administration sont présentées (Toulouse, Paris-I). À Toulouse les deux syndicats se sont prononcés ensemble pour l’unité du syndicalisme de lutte. En revanche, pour les élections au CROUS de Paris, alors que la FSE-Paris avait proposé une liste commune au Comité de mobilisation de Paris-VII et à SUD, les dirigeants de ce syndicat l’ont refusée de fait, ne répondant que quelques heures avant l’heure de dépôt des listes, en se contentant d’ailleurs d’une réponse des plus floues.

Unifier et reconstruire le syndicalisme étudiant de lutte

Pourtant, la nécessité d’une organisation unitaire de lutte est plus que jamais évidente. Il faut dépasser la division des actuels petits syndicats de lutte et intégrer les étudiants mobilisés cet automne dans le processus de reconstruction d’un véritable syndicalisme étudiant de masse. C’est la condition impérative pour que les étudiants puissent répondre aux attaques du gouvernement et faire face dans les meilleures conditions possibles à la prochaine occasion de relancer un mouvement. C’est dans ce sens qu’il faut à la fois renforcer les syndicats de lutte existants, militer pour la fusion de SUD et de la FSE, faire en sorte que les comités de lutte déjà en place se saisissent de cette question et convaincre les étudiants qui ont constitué l’avant-garde du mouvement de s’engager dans le processus de création d’un grande organisation de lutte unifiée.