Article du CRI des Travailleurs n°31

Une conférence de J.-C. Le Duigou, dirigeant de la CGT :
Collaboration de classe à tous les étages !

Le 16 février se tenait à l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux une conférence de Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire national de la CGT, sur le thème : « Peut-on réformer le social en France ? ». Les organisateurs ont en revanche refusé la proposition d’inviter également un représentant de SUD-PTT, apparemment à la demande de J.-C. Le Duigou, qui refuse le dialogue avec SUD depuis la grève de l’automne… Celui qui était présenté comme « l’idéologue de la CGT » a tenu un discours pour le moins édifiant. Loin d’être exhaustif, cet article n’énumère que les points les plus éclairants du discours de ce bureaucrate syndical, protégé de Bernard Thibaut et héraut de la frange la plus ouvertement collaboratrice de la centrale.

Les rapports avec la politique

À la question de savoir s’il est toujours au PCF, Jean-Christophe Le Duigou répond oui, et prend même le soin de préciser qu’il a été membre du comité central, donc caution de la politique stalinienne du parti. Mais, à l’entendre, il s’agit d’un problème « d’histoire personnelle, et non de posture et de responsabilité »… En clair : « Je n’ai pas à me justifier. » Sauf que lorsqu’on a été cadre de haut niveau dans un parti, on ne peut prétendre n’avoir aucune responsabilité dans son orientation politique !

Quant aux rapports avec le PS, c’est à pleurer : il s’est tout bonnement vanté que, selon un sondage CSA, 75% des adhérents de la CGT aient voté pour Royal au second tour des élections de 2007, contre 50% pour ceux de FO et de la CFDT. Ainsi donc, il faut faire choisir aux travailleurs la peste plutôt que le choléra. Rappelons que Ségolène Royal avait lors de sa campagne avancé, entres autres, l’idée d’une syndicalisation obligatoire. Or cela signifierait une intégration encore plus poussée des syndicats et le triomphe des plus jaunes d’entre eux, car des millions de salariés subiraient alors une pression maximale pour s’inscrire bon gré, mal gré, dans les « syndicats » maison ou à la botte du patron.

Le financement de la CGT

Après les déboires de l’affaire Gautier-Savaignac et de la caisse noire de l’UIMM, monsieur Le Duigou devait avoir rodé sa rhétorique sur le financement des syndicats. Sa réponse est simple : c’est la faute aux fédérations professionnelles et aux unions locales, la direction de la CGT n’ayant qu’un contrôle limité sur leurs caisses. La manœuvre est habile : d’une part, il écarte la question gênante des liens troubles entre le patronat et certains responsables syndicaux, en en rejetant la faute sur les échelons inférieurs de la hiérarchie ; d’autre part, il justifie la reprise en main des syndicats locaux par cette même direction, qui fut l’un des enjeux du dernier congrès confédéral.

Les 35 heures

« Je vais vous surprendre », annonce-t-il… Malheureusement, non. Pour lui, il ne faut pas augmenter la durée du travail, mais la productivité horaire. Donc, que les salariés se crèvent à la tâche et abattent en 35h le boulot de 40, voire plus. On sait qu’il n’existe que deux manières d’augmenter la plus-value que l’employeur extorque au salarié : accroître le nombre d’heures travaillées ou augmenter la productivité. Sarkozy, avec son « travailler plus pour gagner plus » porte la première ; Le Duigou la seconde. Dans les deux cas, c’est le capitalisme qui gagne !

Les accords de janvier

Un mot sur l’accord pourri du 11 janvier, que le patronat a signé avec FO, la CFDT, la CFTC et la CGC-CFE. Il introduit la fameuse « flexisécurité », dernière-née des formules miracles censées aboutir au plein-emploi sans toucher à un seul cheveu du capitalisme. Il s’articule autour de trois grands axes :

Jean-Christophe le Duigou se targue que la CGT n’ait pas signé cet accord. Très bien. Mais pour quelles raisons ? Selon lui parce que :

Les bénéfices de la négociation

Jean-Christophe le Duigou n’a élevé la voix qu’une seule fois, sur la question des pré-retraites. Il a évoqué, des tremolos dans la voix, la lutte acharnée de la CGT contre cette mesure inique permettant de mettre au placard des salariés de 52, 50, voir 48 ans, dont le tort est d’être trop expérimentés pour être payés au SMIC, avant de marteler : « On a dû finalement les accepter mais je refuse que l’on en soit tenus pour responsables : on n’a pas eu le choix, et on ne l’a pas fait de gaieté de cœur. » Ah bon ? Alors, tout va bien. On a le droit de tromper et de trahir les salariés tant que l’on pleurniche à la fin, et qu’on dit que, oui on a signé, mais qu’on aurait voulu ne pas le faire. Mais QUI vous force à cogérer le système avec le patronat, monsieur Le Duigou ?

Pour qui roule Le Duigou ?

« La situation sociale d’une partie de la population est aujourd’hui mauvaise. Cela peut susciter, et cela suscitera des réactions. » Ou comment faire passer un discours 100% collaborateur derrière une apparence de fermeté. Car dire que la politique réactionnaire de Sarkozy débouchera, un jour hypothétique, sur un mouvement social, c’est tout simplement ignorer tous les mouvements sociaux en cours ! À la trappe la grève des caissières Carrefour de Marseille, oubliée la paralysie d’Orly par les aiguilleurs du ciel, pas un mot sur l’usine Ford de Blanquefort : un jour, vous aurez le droit de vous révolter, mais surtout pas maintenant !

Le Duigou, fourrier du capitalisme et de la réaction ? Il suffit, pour s’en convaincre d’examiner sa position sur la généralisation des médicaments génériques. Au lieu de dénoncer le refus des gouvernements successifs de s’en prendre réellement aux trusts pharmaceutiques, au lieu de dénoncer leur politique de réduction des dépenses de santé et le déremboursement des médicaments, Le Duigou enfourche son cheval chauvin pour dénoncer les importations de médicaments en provenance des États-Unis, très en avance sur le marché des génériques, et donc concurrents de l’industrie pharmaceutique nationale. Bref, vive le protectionnisme, vive le patriotisme économique !

D’ailleurs, il en rajoute une couche un moment après : la pression accrue sur les chômeurs pour qu’ils acceptent n’importe quel emploi dans n’importe quelles conditions n’est pas une bonne chose… « pour l’économie et pour la France ». Rien sur les travailleurs, qui sont ceux qu’il est censé défendre !

Le public n’a eu que très brièvement le temps de poser des questions. L’une d’entre elles était particulièrement incisive : faire signer les syndicats sur des accords faits par et pour le patronat (faussement qualifiés de « négociations » : le Medef n’a rien à négocier !), n’est-ce pas les faire participer à la régression sociale ? L’auteur de cette interrogation, après s’être fait vivement rabrouer par le journaliste supervisant la conférence, s’est vu doctement répondre par Jean-Christophe Le Duigou que la CGT était toujours un syndicat de lutte des classes, la preuve étant que… cela est écrit dans ses statuts ! À ce compte là, il aurait pu ajouter que la Ve République est, selon sa Constitution, une république démocratique et sociale ! C’est dans les textes, dormez braves gens !

R.,
syndicaliste étudiant à Bordeaux
et sympathisant
CRI