Brève ou communiqué du 24 avril 2008

Solidarité avec les ouvriers de Mafissa en Argentine !
Arrêt de toutes les poursuites !
Réintégration de tous les travailleurs licenciés ou mis à pied !
Paiement des salaires dus pour chacun des 180 jours du lock-out patronal !

Mafissa est une entreprise détenant le monopole de la fabrication de fibre textile synthétique en Argentine. Elle emploie plus de 500 ouvriers dans son usine de la localité d’Olmos, à côté de la ville de La Plata, dans la Province de Buenos Aires. Son propriétaire, Jorge Curi, a repris l’entreprise de son père, qui avait soutenu politiquement le coup d’État militaire de 1976 et avait eu recours aux services spéciaux de la police pour pourchasser les travailleurs combatifs de son usine, conduisant à la « disparition » de 15 d’entre eux, dans le cadre d’une politique de terrorisme d’État qui a fait plus de 30 000 « disparus ».

S’appuyant sur les résultats de la violente offensive de la bourgeoisie dans les années 90 pour flexibiliser le travail, sous la direction du gouvernement de Menem, Curi avait imposé dans son usine des conditions d’exploitation terribles : il y avait seulement 150 travailleurs en CDI pour 350 précaires, des salaires de misère et des cadences infernales. Suite à la récupération du syndicat de l’usine par des militants d’extrême gauche et des travailleurs combatifs, les ouvriers de Mafissa avaient réussi au printemps 2007 à imposer par une dure lutte de 42 jours l’embauche de tous les salairés en CDI et la fixation du salaire d’embauche à 2 300 pesos par mois, soit approximativement la somme nécessaire pour subvenir aux besoins d’une famille.

C’est pour cette raison que le patron a décidé, à l’automne 2007, d’engager une lutte implacable. Il disait vouloir licencier 103 ouvriers sous prétexte d’une prétendue crise à venir dans ce secteur. En réalité, il voulait détruire cette nouvelle organisation des travailleurs, qui leur avait permis de lui imposer des acquis limitant l’exploitation, et accroître ses profits. Pourtant, il bénéficiait déjà d’une exonération totale d’impôts de la part du gouvernement fédéral, presque suffisante pour payer les maigres salaires des ouvriers (5% du chiffre d’affaires). Le Ministère du Travail de la province de Buenos Aires (dirigé par Daniel Scioli, fidèle des Kirchner, c’est-à-dire de l’ancien président et de l’actuelle présidente de la République), devant devant l’évidence de l’absence de crise et sous la pression de la mobilisation des travailleurs, a dû rejeter sa décision. Mais Curi n’a pas hésité à passer outre, licenciant donc illégalement plus de 100 travailleurs, sans que le gouvernement de la Province lève le petit doigt pour s’y opposer.

Puis, face à la résistance des salariés licenciés, le patron est allé encore plus loin, mettant à pied des centaines d’autres ouvriers, ralentissant fortement la production à partir de novembre 2007, jusqu’à l’arrêter purement et simplement en janvier 2008, jetant tous les travailleurs à la rue sans salaire. À chaque étape, Curi a pu compter sur l’appui des forces de répression, mises à disposition par le gouvernement de la Province, qui ont attaqué une manifestation pacifique des travailleurs le 2 octobre 2007, puis le piquet de grève, et menacé le campement dressé devant l’usine.

Malgré l’évidence, le gouvernement de la Province de Buenos Aires a refusé de condamner le lock-out illégal organisé par Curi. De même, le tribunal n’a pris aucune disposition pour faire exécuter sa propre décision obligeant le patron à réintéger tous les travailleurs licenciés ou mis à pied et à payer les salaires dus depuis le début du lock-out.

Constatant que, depuis 80 jours, le Ministère du Travail laissait Curi commettre toutes sortes d’actes illégaux, et craignant que le patron ne fasse vider l’entreprise de ses machines, les travailleurs de Mafissa ont décidé le 18 février d’occuper leur usine.

Malgré toutes les manœuvres du patron, du gouvernement et du syndicat national du textile dirigée par une bureaucratie pro-patronale (AOT), la résolution des ouvriers restait intacte. Ils avaient mis en place un fonds de solidarité pour financer la grève, cherché le soutien des syndicats ouvriers combatifs, de l’assemblée interprofessionnelle de La Plata (qui regroupe la majorité des partis d’extrême gauche, les syndicats combatifs, les associations étudiantes et de défense des droits de l’homme de La Plata), des organisations étudiantes, des associations de défense des droits de l’homme, et organisé des activités pour populariser leur lutte auprès de la population.

Alors que le tribunal venait de confirmer la décision obligeant le patron, sous peine d’amende journalière, à remettre l’usine en marche, à réintégrer tous les travailleurs licenciés ou mis à pied, à payer tous les salaires perdus depuis l’arrêt de l’usine, le gouvernement de la Province a mis sur pied une gigantesque opération de répression, mobilisant plus de 500 policiers, armés jusqu’aux dents, avec des unités spéciales et des voitures d’assaut, pour briser l’occupation de l’usine, le jeudi 17 avril 2008. Malgré les centaines de travailleurs, étudiants, familles et organisations qui ont rapidement entouré l’usine, la police a attaqué les ouvriers avec des gaz lacrymogènes et des tirs de balles en plastique.

Les 18 travailleurs qui étaient restés dans l’usine pour exiger que le patron applique enfin les mesures auxquelles il est tenu, ont été arrêtés. En outre, d’une façon scandaleuse, le juge César Melazo a modifié les chefs d’inculpation retenus contre eux : ils sont aujourd’hui accusés, sans le moindre élément de preuve, de violence avec arme et avec circonstances aggravantes (« coacción agravada en concurso real con daño calificado ») et risquent ainsi 10 ans de prison.

Face à cette « justice » de classe évidente, la solidarité avec les travailleurs de Mafissa s’est développée comme une traînée de poudre à travers tout le pays pour exiger la libération des ouvriers, l’arrêt de toutes les poursuites et l’application de la décision de justice obligeant Curi à réintégrer tous les travailleurs et à leur payer les salaires impayés depuis le début du lock-out. On remarque notamment la déclaration de Hebe de Bonafini, présidente de l’Assocation des Mères de la Place de Mai, la déclaration du Centre pour la Défense des Droits de l’Homme (CeProDH), la déclaration de nombreux syndicats (Syndicat des Céramistes de Neuquen, syndicats des usines Emfer, Donneley, Fate, ATE-Indec, de la CTA-Bahia Blanca, de la CTA-La Pampa, etc.), les déclarations de centre d’étudiants (de sociologie de philosophie et de lettres de l’Université de Buenos Aires, etc.).

Sous la pression, les ouvriers arrêtés ont été libérés lundi 20 avril, mais ils restent poursuivis. Ils se sont immédiatement réunis pour décider les mesures à prendre pour continuer la lutte jusqu’à la victoire : se réunir devant l’usine mardi 21 avril pour exiger l’application des décisions de justice en leur faveur, organiser jeudi 23 une manifestation pour l’arrêt des poursuites et la satisfaction de leurs revendications et relancer le fonds national de solidarité avec leur lutte pour ne pas être vaincus par la faim.

La lutte des travailleurs de Mafissa est celle de toute la classe ouvrière d’Argentine pour mettre un terme à la précarité généralisée, pour rompre le prétendu « pacte social » imposant des salaires de misère et les élever au niveau des besoins pour vivre dignement, pour imposer leur organisation de classe au patronat. Leur victoire serait une victoire pour toute la classe ouvrière. C’est pourquoi les syndicats et organisations qui se réclament du mouvement ouvrier ont le devoir de réaliser un front unique ouvrier et d’appeler l’ensemble des travailleurs à se mobiliser pour faire céder le patron, le gouvernement et le tribunal.

Cette lutte a une importance internationale : il elle montre non seulement avec évidence que les gouvernements et les tribunaux des États soi-disant « démocratiques » sont au service du patronat, mais aussi que la mobilisation solidaire des travailleurs et les méthodes de lutte déterminées telles que l’occupation des usines, rencontrent le soutien des travailleurs et des étudiants et permettent de construire un vrai rapport de force. C’est pourquoi les organisations qui se revendiquent de l’internationalisme ouvrier doivent faire connaître cette lutte et en être solidaires.

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