Article du CRI des Travailleurs n°33

Enseignement
Contre-réformes et « restructuration » du système éducatif

En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne a décrété que, d’ici 2010, l’Union Européenne devait « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ». Le vocabulaire emprunté aux secteurs soumis aux lois du profit pour définir les objectifs en matière d’éducation, annonçait l’extension des pratiques de ces secteurs à celui de l’Éducation. Sous couvert de nécessaires réformes, de modernisation, le gouvernement ne fait que désorganiser le système éducatif de manière à éponger les suppressions de postes : 11 200 personnels de moins pour la rentrée 2008, 13 500 suppressions supplémentaires programmées pour la rentrée 2009 et environ 55 000 de 2009 à 2012. Malgré les communiqués d’auto-satisfaction du ministère, la rentrée se déroule dans des conditions ubuesques : classes sans professeur, suppression massive des dédoublements de classe, augmentation du nombre d’enseignants affectés sur deux ou trois établissements, professeurs surchargés d’heures supplémentaires et mesures de rétorsion contre ceux qui les refusent, etc.

La communication du ministre de l’Éducation nationale pour camoufler cette saignée n’est qu’une tromperie. Dans le premier degré, il annonce du soutien pour les élèves en difficulté. Cette mesure dont la mise en œuvre reste encore assez floue ne compensera jamais les difficultés créées par les deux heures de classe en moins pour tous chaque semaine, des programmes alourdis et des effectifs par classe en hausse. De plus, cette annonce intervient alors que les suppressions de postes touchent essentiellement les Réseaux d’Aides Spécialisés aux Élèves en Difficulté (RASED), réseaux constitués de psychologues scolaires, d’enseignants spécialisés chargés de rééducation et d’enseignants spécialisés chargés de l’enseignement et de l’aide pédagogique.

Au collège, Xavier Darcos annonce vouloir « offrir aux élèves modestes la possibilité de recevoir des "petits cours" que d’autres peuvent s’offrir dans des officines privées ». Cependant, au fil des années, les horaires n’ont cessé de diminuer, les possibilités de dédoublement et les conditions de vie de classe permettant de suivre correctement tous les élèves ont disparu. L’accompagnement éducatif que propose le ministre n’est pourtant que peu financé. Les établissements ont reçu à peine de quoi payer un seul professeur, une heure par soir. Davantage de moyens ont par contre été débloqués pour payer des intervenants extérieurs, mais ce choix est à relier à la volonté sous-jacente de faire assurer l’enseignement de l’Éducation Physique et Sportive ou encore des Arts Plastiques par des personnels qui ne seraient pas à la charge directe de l’État.

Concernant le lycée, le ministère de l’Éducation nationale a décidé de supprimer les Brevets d’Études Professionnels (BEP) en les remplaçant par des Baccalauréats Professionnels préparés en 3 ans au lieu de 4 jusqu’à présent, afin de mieux répondre aux besoins du patronat. D’abord, il reste à faire le bilan des ouvertures de BAC pro et des fermetures de BEP. Des cas d’élèves forcés de redoubler leur troisième car n’ayant trouvé de place ni en BAC pro, ni en BEP, ont été signalés. De plus, quelle est la solution pour les élèves ayant 16 ans et dont le niveau scolaire ne leur permet pas d’accéder à un BAC pro ? La sortie du système scolaire sans diplôme et la perspective d’une carrière précaire semblent attendre ces élèves.

Mais le gros morceau de cette année sera la réforme Darcos du lycée. Il s’agit de mettre en place une « organisation modulaire » : au lieu d’heures de cours correspondant à une grille horaire et des programmes nationaux, les élèves auraient un « parcours individualisé » (cours obligatoires, options et heures d’étude ou de soutien) avec une autonomie accrue des établissements, dans le contexte de la suppression de la carte scolaire. L’objectif est de briser le caractère national et principalement public de l’enseignement, de diminuer massivement les heures de cours et de redéfinir les programmes dans le sens des besoins du capital. Le baccalauréat risque d’être bientôt remis en cause. Une telle réforme suppose la destruction de l’actuel statut des enseignants, dont les obligations de service sont définies en nombre d’heures d’enseignement devant les élèves. C’est le projet commun à tous les gouvernements au service du capital. Les enseignants travailleraient plus longtemps et seraient astreints à une présence accrue au lycée, tout en faisant des tâches jusqu’ici réalisées par d’autres personnels (COPSY, surveillants).

Les mesures annoncées du gouvernement sont censées régler des problèmes que crée ou accentue sa propre politique. Perversion à laquelle doit être ajoutée celle-ci : l’accompagnement éducatif se faisant sur la base du volontariat, les élèves en échec, qui rejettent souvent l’école, risquent de ne pas participer à ces dispositifs. La technique consistant à présenter des solutions à un problème dont on se débarrasse préalablement est assez caractéristique de l’arrogance idéologique de ce gouvernement vis-à-vis des laissés pour compte, les renvoyant à leur propre responsabilité comme prétendue cause de leur échec. Il s’agit ainsi de refuser de donner aux élèves le maximum de moyens pour qu’ils réussissent scolairement, en délivrant à la majorité des enfants des classes populaires une formation a minima, tandis qu’une éducation de qualité sera encore plus réservée à une minorité privilégiée. Cela favorisera encore davantage le développement de la précarité et des bas salaires nécessaires au système capitaliste.

Dans ces conditions, il est clair que les « réformes » de Sarkozy-Darcos doivent être combattues frontalement avec la plus grande détermination. Il est donc inadmissible que la plupart des directions syndicales refusent de les combattre réellement, allant dans le secondaire jusqu’à signer un protocole d’accord pour co-élaborer la contre-réforme avec le ministère ! Les signatures syndicales sur cet accord doivent être retirées et le combat pour mettre en échec l’ensemble des réformes Darcos immédiatement engagé. C’est ce qu’attendent dans leur majorité les enseignants qui se sont mobilisés massivement ces deux dernières années pour défendre leur métier et les acquis de l’école publique.