Article du CRI des Travailleurs n°33

Guerre Russie-Géorgie
L’affrontement des grandes puissances et la place de la Russie dans le nouvel ordre mondial

La guerre qui a fait rage en Géorgie au mois d’août a débouché sur l’écrasement de l’armée géorgienne par l’armée russe, la destruction des bases militaires et des principaux axes de communication géorgiens, enfin l’occupation du port stratégique de Poti, sur la mer Noire. Le 26 août, la Russie a officiellement reconnu l’indépendance de l’Abkhazie (230 000 habitants) et de l’Ossétie du Sud (60 000), jusqu’alors provinces géorgiennes. Les populations civiles ont une fois de plus été les victimes des tensions qui divisent les grandes puissances pour la répartition du gâteau capitaliste et le partage des zones d’influence.

Ce conflit reflète de manière particulièrement aiguë la nouvelle configuration des rivalités inter-impérialistes et la place qu’occupe désormais la Russie dans le « grand jeu » que se livrent les puissances dominant le système capitaliste. L’intervention militaire russe fait figure de véritable avertissement lancé par Moscou aux impérialistes occidentaux et tout spécialement à l’impérialisme américain. De ce point de vue, cette guerre revêt une importance singulière. Elle prend place dans une zone où les conflits vont sans nul doute s’exacerber dans les mois et les années à venir. Elle dicte aussi la tâche urgente pour les révolutionnaires de mener un combat sans merci contre l’impérialisme, pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, contre les régimes mafieux et corrompus soutenus ici par Washington, là par Moscou, dans une perspective communiste révolutionnaire.

Une zone traditionnelle de conflits

Le 7 août, le président géorgien Mikheïl Saakachvili a ordonné une offensive militaire sur Tskhinvali, la « capitale » sud-ossète. Ripostant par une guerre-éclair, Moscou a lancé une attaque combinée terre-air-mer : 20 000 hommes, 2 000 chars et un déploiement aérien écrasant ont anéanti en quelques jours l’armée géorgienne. Ces combats ont fait plusieurs milliers de morts parmi les civils ossètes et géorgiens. En ce mois de septembre, les troupes russes occupent toujours la Géorgie.

Le Caucase du Sud est de longue date une région où s’expriment les rivalités des grandes puissances ; il a ainsi longtemps été un enjeu entre Russes et Turcs : à la fin du XVIIIe siècle, les Russes postèrent des troupes en Géorgie pour contrer les invasions ottomanes et perses. Les principales puissances qui dominent la région ont toujours eu pour politique de diviser pour mieux régner en provoquant et attisant les tensions inter-ethniques dans cette région composée de peuples d’origines diverses. Ainsi l’Ossétie du Sud comprend-elle des villages ossètes et géorgiens, deux communautés qui ne se mêlent pas. Les Ossètes, rattachés à la famille indo-européenne, ont leur propre langue, d’origine iranienne, différente de celle des Géorgiens (famille caucasique). Les peuples ossète et abkhaze avaient salué et proclamé le pouvoir des soviets, en 1918 et 1920, avant d’être réprimés par le gouvernement bourgeois géorgien d’alors. Le gouvernement bolchevik leur accorda un statut de régions autonomes. Sous Staline, l’Ossétie du Nord fut rattachée à la Fédération de Russie, l’Ossétie du Sud à la Géorgie. Désormais, la langue officielle de l’Ossétie du Sud est le russe (utilisé comme langue « véhiculaire » dans les relations interethniques) (1). En outre, 95 % des Ossètes du Sud auraient opté pour la nationalité russe — un régime spécial permet aux Ossètes, aux Abkhazes et aux Adjars d’acquérir très facilement la citoyenneté russe ; c’est là un des arguments brandis par Moscou pour justifier son intervention militaire : la Russie prétend ainsi voler au secours, non seulement de russophones, mais de compatriotes.

Les séparatismes ossète, abkhaze et adjar se sont tout particulièrement renforcés lorsque la Géorgie prit son indépendance de l’URSS en 1990. Son gouvernement développa alors un fort nationalisme, de tendance belliqueuse, qui raviva le combat pour l’indépendance dans les zones frontalières où sont essentiellement présentes les minorités nationales. Familier d’un discours chauvin et xénophobe, Zviad Gamsakhourdia, devenu président de Géorgie en octobre 1990, usa sans relâche du slogan « la Géorgie aux Géorgiens », supprima le statut d’autonomie de l’Ossétie du Sud, fit du géorgien la seule langue officielle sur tout le territoire et promulgua une nouvelle législation imposant par exemple des tests de langue géorgienne à l’entrée des universités. Il n’hésita pas à déclarer : « Les Ossètes sont des déchets que nous allons expulser par le tunnel de Roki [reliant la Géorgie à la Russie]. » Par ses mesures et ses provocations xénophobes, il déclencha une guerre qui dura du printemps 1991 à juin 1992, au cours de laquelle Moscou soutint les séparatistes sud-ossètes contre l’armée géorgienne. La guerre se termina avec le déploiement de forces géorgiennes, russes et ossètes dites « de maintien de la paix ». C’est la raison pour laquelle des troupes russes stationnaient toujours en Ossétie du Sud au moment du déclenchement du conflit en août.

La Géorgie, un enjeu pour les grandes puissances

Enjeu tout à la fois économique et géostratégique, la Géorgie (5 millions d’habitants) intéresse les grandes puissances à deux titres : comme région décisive pour l’approvisionnement énergétique et comme zone frontière entre l’Europe et le Moyen-Orient. Ce pays est en effet à l’intersection de deux axes majeurs : axe Turquie-Europe et axe Russie-Iran. Pour les impérialistes occidentaux, la Géorgie est d’autant plus essentielle qu’elle se trouve au carrefour des pipelines reliant la Caspienne à l’Europe en contournant la Russie (pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan [BTC], par lequel s’écoule chaque jour un million de barils, soit 1 % du pétrole mondial, mais aussi pipeline Bakou-Tbilissi-Erzeroum). Un tiers du pétrole de la Caspienne transite désormais par la Géorgie. « Verrou du Caucase », le pays fait également office de porte du « Grand Moyen Orient », ce qui en fait un pion important au sein de la stratégie militaro-diplomatique américaine dans la région (2). À tel point que, en mai 2003, le secrétaire général sortant de l’OTAN, Lord Robertson, la qualifiait de « zone d’une importance cruciale pour la sécurité commune [de l’OTAN] ».

L’impérialisme américain n’a donc pas ménagé sa peine, depuis le début des années 1990, pour soutenir la Géorgie financièrement et militairement. L’aide des États-Unis s’est élevée à un milliard de dollars entre 1992 et 2002 ; depuis, elle se monte chaque année à au moins 100 millions de dollars, ce qui fait des Géorgiens les seconds bénéficiaires de l’aide américaine par habitant derrière les Israéliens (3). Le régime en place est à la botte de son protecteur américain : l’actuel président géorgien Mikheïl Saakachvili a été formé aux États-Unis — il y a été avocat jusqu’en 2003 après avoir étudié à la Columbia University. Au moment de la « révolution des roses » en novembre 2003, qui a chassé du pouvoir l’ancien ministre des Affaires étrangères de Gorbatchev, le président Edouard Chevarnadzé, suite à des élections truquées, c’est de toute évidence avec le soutien massif de Washington qu’il a été porté au pouvoir. La fondation de l’homme d’affaires Georges Soros a financé le mouvement contestataire « Kmara ! » (« Assez ! ») sur lequel s’est appuyé Saakachvili lors de sa prise de pouvoir (4). Les salaires des ministres et des hauts fonctionnaires géorgiens sont aujourd’hui versés par cette même fondation Soros et ses myriades d’ONG — on estime entre 5 000 et 8 000 le nombre d’ONG occidentales postées en Géorgie (5) ! Saakachvili s’est depuis fait le bon petit soldat du FMI et de la Banque mondiale. Soucieux également d’intégrer un jour l’OTAN, il consacre 70 % du budget de l’État aux dépenses militaires. Pour complaire au gouvernement américain, il a envoyé des troupes en Irak et en Afghanistan. Les forces géorgiennes ont été financées, armées et entraînées par les États-Unis. Des conseillers militaires américains, débarqués en Géorgie en 2002, officiellement dans le cadre de la lutte contre Al-Qaida, sont toujours présents sur place pour aider la défense et les services de sécurité géorgiens. Les rues de Tbilissi sont couvertes d’affiches montrant Saakachvili aux côtés de George W. Bush — dont le nom a été donné à une avenue reliant la capitale à son aéroport.

Le gouvernement géorgien, valet de l’impérialisme américain, est un régime autoritaire (étroit contrôle des médias, Parlement bridé, lutte contre toute forme d’opposition…) et corrompu. Or des manifestations massives ont eu lieu à l’automne 2007 contre Saakachvili et ses proches, accusés de corruption et de fraude électorale, manifestations violemment réprimées par les forces de sécurité. Une grave crise économique sévit en Géorgie. On peut faire l’hypothèse que, pour éviter une déstabilisation, le régime a opté pour la guerre en Ossétie du Sud afin de détourner le mécontentement populaire en brandissant le drapeau nationaliste de l’intégrité territoriale géorgienne, contre les séparatistes.

La riposte militaire russe : une réaction à l’encerclement impérialiste occidental

La puissance militaire de la riposte russe, tout comme la violence des propos tenus par les dirigeants du Kremlin, ont confirmé leur volonté de prendre l’initiative par les armes sans craindre les réactions occidentales. L’attaque géorgienne contre l’Ossétie du Sud a été qualifiée de « génocide » par le Kremlin ; Mikheïl Saakachvili est régulièrement décrit en Russie comme un malade mental — un psychiatre russe a analysé son « syndrome » en direct à la télévision et le président russe Dimitri Medvedev l’a traité de « cadavre politique ». Medvedev a aussi assuré n’avoir « peur de rien », pas même d’une « nouvelle guerre froide ». Il a également indiqué le 31 août que la Russie pourrait prendre à son tour « des sanctions » en cas de sanctions de l’OTAN à son encontre — parmi les ripostes prévues par la loi russe figure « l’utilisation de la force militaire ». Cette escalade a fait dire à l’ancien dirigeant de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev : « Le danger d’une nouvelle scission est apparu et la menace d’un cataclysme mondial s’accroît » (Le Monde, 28 août 2008).

Une telle virulence militaire et diplomatique illustre le net durcissement des relations entre la Russie et l’OTAN depuis plusieurs années. Ce durcissement s’est en particulier traduit dans le fameux discours tenu par Vladimir Poutine à Munich en février 2007, au cours duquel le président russe s’en est pris violemment à l’unilatéralisme américain et au « messianisme » des puissances occidentales, à leur recours sans concertation à la force militaire, bafouant selon lui les bases du multilatéralisme onusien. Le bourreau des Tchétchènes osait ainsi se référer aux « principes fondamentaux du droit international » et à la démocratie pour critiquer « l’emploi hypertrophié, illégitime, de la force militaire dans les affaires internationales ». L’ONU est quant à elle régulièrement présentée par Poutine comme l’« élément central de l’ordre mondial actuel ». Le Kremlin entend donc user à toute force de son influence, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, pour jouer l’ONU contre l’OTAN.

Un rapprochement avait pourtant eu lieu entre la Russie et l’OTAN après le 11 septembre 2001, la Russie apparaissant à Washington comme un partenaire privilégié dans la « lutte contre le terrorisme ». La collaboration OTAN-Russie avait notamment concerné l’échange d’informations : la Russie est en particulier très bonne connaisseuse de la situation afghane. Le rapprochement s’était manifesté par des partenariats et la création, en 2002, du Conseil OTAN-Russie (COR), accompagné d’exercices militaires communs.

Mais depuis 2003, les tensions se sont à nouveau exacerbées, Moscou concevant une méfiance croissante à l’égard de l’OTAN, en raison des provocations et du véritable encerclement menés par les impérialistes occidentaux ces dernières années. Le général Ivachov, ancien responsable des relations internationales au ministère de la Défense, a ainsi pu déclarer, relayant la pensée des dirigeants russes : « La principale menace pour la Russie provient des tentatives des États-Unis et de leurs satellites au sein de l’OTAN d’établir un contrôle global sur les ressources de la planète, les communications stratégiques et des régions clefs du monde, où la Russie devient leur cible n°1. » (6)

Cette appréciation se fonde sur l’intervention de l’OTAN en ex-Yougoslavie en 1999, sans mandat des Nations Unies. Puis, à partir de 2003, la guerre en Irak est apparue au pouvoir du Kremlin comme une manière pour les impérialistes unis sous la bannière de l’OTAN de s’approprier des ressources pétrolières. Comme le souligne un chef d’état-major russe, le général Gareev, « certains États essaieront de contrôler les ressources énergétiques d’autres pays, comme cela s’est passé en Irak » (7).

La Russie se sent aussi directement encerclée dans sa zone traditionnelle d’influence et menacée par l’OTAN. Cet encerclement s’est dessiné depuis 1999 avec l’adhésion à l’OTAN de la Roumanie, de la Slovaquie, de la Bulgarie, de la Slovénie et des pays baltes (Lettonie, Lituanie, Estonie). Il s’est concrétisé par l’implantation d’une base aérienne de l’OTAN en Lituanie, qui place Moscou à portée directe d’avions de combat américains, par l’installation de brigades équipées de blindés Stryker en Bulgarie et Roumanie, enfin par la mise sur pied d’un bouclier anti-missile en Europe de l’Est (déploiement de dix missiles intercepteurs en Pologne et d’une station radar en République tchèque). Ce bouclier anti-missile s’inscrit officiellement dans la volonté américaine de pouvoir riposter à une éventuelle attaque iranienne — le système de défense antimissile de l’OTAN « fournit seulement une protection contre les menaces de courte portée, et ne serait pas capable de se défendre contre des missiles de plus longue portée lancés du Moyen-Orient vers l’Europe centrale ou orientale » (8). En fait, il est considéré par Moscou comme une partie de l’arsenal nucléaire américain susceptible de menacer directement la Russie — les radars pourraient être utilisés à des fins d’espionnage contre Moscou, et les missiles américains sont placés face aux missiles russes. Quant à l’intégration de l’Ukraine, de la Géorgie et de la Moldavie à l’OTAN, dont les impérialistes occidentaux débattent actuellement, ce serait selon le ministre des Affaires étrangères russe S. Lavrov « un bouleversement géopolitique colossal » (9) lourd de conséquences. D’ores et déjà, une nouvelle course aux armements est enclenchée. Les dépenses militaires de la Russie ont quadruplé entre 2000 et 2007. Elle a à cette heure suspendu toute coopération avec l’OTAN.

Au cœur de ces tensions, le Kremlin n’a pas davantage supporté le soutien apporté par les puissances occidentales aux « révolutions de couleur » (révolution « des roses » en Géorgie en 2003, révolution « orange » en Ukraine en 2004, révolution « des tulipes » au Kirghizstan en 2005), qui ont renversé les régimes défendus par Moscou pour les remplacer par des gouvernements clairement placés sous tutelle et protection occidentales.

Enfin, le pouvoir russe, qui a toujours soutenu la Serbie, composante traditionnelle de son arrière-cour, a vécu comme une provocation la reconnaissance, le 17 février dernier, de l’indépendance du Kosovo par les impérialistes occidentaux. Moscou prend désormais appui sur cet exemple brûlant pour légitimer l’indépendance des provinces séparatistes sous son influence — telles l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie.

Prudence et division des bourgeoisies européennes

En se montrant tout à la fois divisés et timorés face à l’intervention militaire russe, les gouvernements de l’Union européenne (UE) ont fait la preuve de leur dépendance partielle à l’égard de la Russie du point de vue économique (notamment pour le gaz et le pétrole), et ont aussi révélé au grand jour leurs intérêts divergents. L’accord Medvedev-Sarkozy n’a pas condamné l’intervention de l’armée russe en Géorgie et n’a pas rappelé le principe de l’intégrité du territoire géorgien (10), ce qui a suscité la colère de certains gouvernements européens. Le président lituanien, Valdas Adamkus, l’a comparé aux accords de Munich de 1938, qui avaient entériné la mise en coupe réglée de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne nazie. Le Royaume-Uni (11) et un certain nombre de pays d’Europe orientale se sont dits favorables à une ligne dure à l’égard de la Russie, par opposition à d’autres, comme la France, l’Allemagne et l’Italie. L’accord Medvedev-Sarkozy a néanmoins été approuvé à Bruxelles par « les Vingt-Sept ». Par prudence, la commission des affaires étrangères du Parlement européen ne s’est pas même réunie, pour ne pas prendre position… Des pressions ont été exercées par les principaux impérialismes européens sur de plus petits États : Nicolas Sarkozy a ainsi officiellement demandé au Premier ministre polonais de ne pas réclamer de sanctions contre la Russie (Le Monde, 2 septembre).

La réaction globale à l’échelle européenne a donc été pour le moins pusillanime. Lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE, le 1er septembre, les dirigeants européens se sont contentés de reporter les négociations sur leur projet de nouveau partenariat avec la Russie. Les Vingt-Sept n’ont pas condamné formellement l’invasion militaire russe en Géorgie, même s’ils se sont dits « gravement préoccupés ». Ils ont opté pour une aide financière à la reconstruction géorgienne. Les gouvernants européens sont de même divisés sur l’éventuelle intégration de l’Ukraine à l’UE. Bien qu’ils aient décidé un « accord d’association », l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne et le Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) se montrent très réticents à l’idée d’une adhésion ukrainienne, alors que la Pologne, la République tchèque, les Pays baltes, le Royaume-Uni et la Suède la soutiennent fermement ; la diplomatie française tente de son côté de trouver un compromis entre les deux parties (12).

Il est donc ridicule d’imaginer une Union européenne tout entière soumise au diktat de l’impérialisme américain (13). La réaction diplomatique européenne illustre en fait les intérêts bien compris des différentes bourgeoisies et les contradictions inter-impérialistes qui règnent au sein de l’UE. Certains intérêts européens sont eux-mêmes menacés par la progression de l’impérialisme américain dans la région. Vladimir Poutine lui-même a d’ailleurs tout récemment rappelé que les gouvernants européens n’auraient rien à gagner à s’aligner sur Washington, les menaçant d’« acheter ailleurs » qu’en Europe, avançant aussi l’hypothèse de cesser sa coopération sur le dossier nucléaire iranien. Ce chantage traduit assez bien le rôle qu’entend désormais jouer la Russie dans le rapport de forces que se livrent les grandes puissances à l’échelle internationale.

Le redressement du capitalisme russe à l’ère Poutine

Cette place désormais occupée par la Russie s’explique en premier lieu par l’impressionnant redressement économique qui a caractérisé le pays depuis le début des années 2000. La décennie précédente, entre la chute de l’URSS et la crise financière d’août 1998, avait été une phase de forte inflation, de privatisations et de déstructuration économique, au cours de laquelle la Russie avait dépendu considérablement des avances du Fonds monétaire international. Sous la présidence Poutine à partir de 2000, bénéficiant de la hausse des prix des hydrocarbures, la Russie a remboursé ses dettes ; cette situation nouvelle a constitué un véritable revers pour le FMI, doublé d’une perte de crédibilité (14). La Russie dispose désormais de réserves de change considérables, estimées à 600 milliards de dollars environ. Elle apparaît en outre comme une zone de stabilité financière, par contraste avec les économies touchées par la crise financière internationale (États-Unis, zone euro…) (15).

La situation économique russe est marquée par une croissance de 8,1 % en 2007 — pour la 8e année consécutive, le taux de croissance se monte à au moins 7 % par an. La population en a progressivement ressenti les effets, puisque les salaires augmentent à nouveau depuis environ 5 ans, après une chute considérable dans les années 1990. Toutefois, cette croissance est fort mal répartie. 20 millions de personnes vivent avec moins de 100 euros par mois. L’espérance de vie reste courte : 59 ans (pour les hommes). L’état du secteur hospitalier notamment est catastrophique. Le mouvement ouvrier se reconstitue peu à peu, dans des conditions très difficiles — avec notamment la grève des cheminots de Moscou, aux grèves dans des entreprises telles Ford à Saint-Pétersbourg…

L’État a pris en main la plupart des grands secteurs économiques stratégiques, à commencer par le gaz (il est majoritaire dans l’entreprise Gazprom depuis 2003) et le pétrole, mais aussi dans d’autres branches comme l’automobile (avec le géant Avtovaz). Les deux plus grandes banques russes sont également détenues par l’État. Il est aussi actionnaire à 75 % dans le secteur des télécommunications. Le régime bonapartiste de Poutine pratique ainsi un capitalisme d’État, associé à l’autoritarisme politique : la loi permet d’interdire toute opposition publiquement organisée, aussitôt qualifiée d’« extrémiste » ou de « traître » au service de l’étranger ; les hôpitaux psychiatriques servent à nouveau de prisons politiques, comme aux heures noires du stalinisme brejnévien. Le « capitalisme d’État » n’est évidemment pas incompatible avec la défense des intérêts privés de la classe des oligarques : les dirigeants russes ne sont pas, dans leur immense majorité, des « hommes politiques classiques », mais « presque tous des capitalistes bureaucrates » (16) — le premier d’entre eux, l’actuel président Medvedev, était d’abord le président du conseil d’administration de Gazprom.

La Russie au cœur des échanges économiques mondiaux

La forte croissance économique de la Russie sert de base depuis une dizaine d’années à son expansion à l’échelle mondiale. Les échanges internationaux représentent aujourd’hui 50 % du PIB russe, indice de leur importance désormais décisive. Les exportations ont augmenté en valeur de 400 % entre 1999 et 2006, les importations de 410 %. L’excédent du solde commercial est lui aussi spectaculaire, puisqu’il est passé de 40 milliards de dollars en 1999 à 121 milliards en 2006 (17). Ces résultats sont toutefois à relativiser car l’essentiel de cette augmentation est due à un effet de prix plus qu’à un effet de volume : ils sont liés principalement à la conjoncture internationale qui a vu le prix des hydrocarbures croître fortement ces dernières années.

De fait, 70 % des recettes d’exportation russes proviennent de ses matières premières. La situation pourrait donc impliquer une certaine vulnérabilité de l’économie russe, soumise à l’éventuel choc d’un retournement de conjoncture dans le domaine des hydrocarbures. De surcroît, les réserves ne sont pas infinies : dès 2010, la production d’hydrocarbures pourrait être insuffisante pour satisfaire à la fois le marché intérieur russe et la demande extérieure (18). Cependant, un changement important de conjoncture est peu probable, car les facteurs de la forte demande d’hydrocarbures sont multiples : développement de l’urbanisation chinoise, croissance de modes de consommation « à l’occidentale » dans les « pays émergents » (même si seule une minorité de la population est concernée), longueur des délais dans la mise en service d’autres sources d’énergie (énergies renouvelables et nucléaire) (19) … De surcroît, la Russie ne vit pas que de sa rente énergétique. La croissance a été ces derniers temps également spectaculaire (au moins 10 % annuels) dans le secteur manufacturier de l’industrie, hors activités liées aux matières premières, secteur où la hausse des investissements a été particulièrement importante (+ 22 % rien qu’entre 2006 et 2007) (20). On estime d’ailleurs que les exportations d’hydrocarbures ne sont qu’une source parmi d’autres de la croissance russe : « Ce sont la croissance de la consommation et celle des investissements qui ont été les facteurs les plus importants dans le “rebond” qui a suivi la crise de 1998 pour conduire à une trajectoire de croissance stabilisée. […] Le développement de l’investissement est au cœur de la logique de croissance depuis 2004. » (21)

La Russie s’ouvre de plus en plus aux investisseurs étrangers, attirés par le marché intérieur russe encore sous-exploité. Entre 2000 et 2006, les investissements étrangers en Russie sont passés de 11 à 55 milliards de dollars. Des entreprises comme Procter and Gamble, Coca-Cola ou Daimler-Christler s’y sont implantées. Des industriels européens comme Aersospatial sont entrés dans le capital de la firme aéronautique russe AOK, tandis que Renault a fait de même dans le capital du constructeur automobile Avtovaz. Toutefois, ces investissements étrangers sont étroitement contrôlés par l’État russe, qui leur délivre des autorisations et les plafonne à 50 voire 30 % de la valeur de l’entreprise. Par le contrôle des investissements étrangers, par sa volonté de défendre le capital national, la Russie s’affirme donc comme un État fort qui impose des limites aux capitaux des États impérialistes occidentaux.

Toutefois, la progression la plus nette concerne les achats et prises de participation de groupes russes dans les entreprises étrangères et tout particulièrement européennes. Les investissements directs à l’étranger en provenance de Russie se sont accrus en moyenne de 50 % par an depuis 2000 et s’élèvent désormais à près de 75 milliards de dollars (en 2007) (22). La Russie est ainsi devenue, en dix ans à peine, un important pourvoyeur de capitaux. Plusieurs de ses groupes constituent des consortiums géants à même de peser dans certains secteurs l’économie mondiale (23). Gazprom est la 3e plus grande entreprise mondiale. En 2006, la banque publique Vneshtorgbank a acquis 5 % du capital du consortium aéronautique européen EADS. Parmi les oligarques, citons l’exemple de Suleiman Karimov, propriétaire de la société d’investissement Nafta Moskva, qui détient des parts dans la Deutsche Bank, le Crédit suisse, UBS et Morgan Stanley. On a assisté dans le même temps au retour en force de l’armement russe sur le marché mondial (importants contrats conclus avec l’Algérie, le Venezuela, la Chine et l’Inde). La Russie est de nouveau présente en Afrique (principalement en Algérie et en Afrique du Sud, mais aussi au Nigeria ou en Libye, où Gazprom a conclu des contrats). La Russie se distingue à présent par sa capacité à exporter du capital financier : « L’évolution des flux sortant de Russie reflète le rôle croissant de cette dernière dans la répartition de l’épargne mondiale, celle-ci se classant désormais parmi les pays qui transfèrent une épargne en excès vers ceux qui en manquent. » (24)

Les relations d’interdépendance Europe-Russie

Entre 1999 et 2005, les échanges de biens entre l’Union européenne et la Russie ont plus que triplé en valeur. Les exportations de l’UE vers la Russie sont passées de 16 à 56 milliards (en euros courants) ; les importations en provenance de Russie, de 34 à 106 milliards. Par là même, le déficit de la balance commerciale européenne avec la Russie s’est très fortement creusé (25). La Russie est ainsi devenue le 3e partenaire commercial de l’UE, derrière les États-Unis et la Chine. Il faut toutefois tenir compte ici d’une nette différence entre la Russie et la Chine : la première exporte principalement des matières premières, surtout des hydrocarbures, quand la seconde vend des produits manufacturés.

La dépendance de l’Europe à l’égard de la Russie est très importante dans le domaine énergétique : 40 % du gaz naturel européen est importé de Russie, laquelle vend à l’Europe 67 % de son gaz. 16 % de la population de l’Union vit dans un pays où le gaz russe répond à plus de la moitié des besoins de gaz et 60 % dans un pays où il en satisfait plus du quart (26). La Russie est également le premier fournisseur de pétrole de l’UE (20 %), devant la Norvège (19,8 %) et l’Arabie saoudite (11 %) (27). Dans ce cadre, la stratégie économique et diplomatique russe consiste à contrer toute cohésion de l’UE en privilégiant des accords bilatéraux. L’Allemagne est le premier partenaire commercial de la Russie — son principal fournisseur avec plus de 13 % des parts de marché, devant la Chine, et le 2e importateur de produits russes derrière l’Italie. Gazprom a été à l’origine de la création d’une filiale composée notamment d’actionnaires allemands, que dirige Gerhard Schröder. Celui-ci, quand il était encore chancelier (SPD), a entériné un projet russo-allemand de construction d’un gazoduc en mer Baltique, qui va permettre à l’Allemagne de devenir le principal distributeur de gaz russe en Europe. En 2006, les entreprises allemandes E.ON et BASF ont également obtenu de Moscou des contrats de prospection du sol russe importants.

C’est à ce titre que « les élites russes tiennent l’Allemagne pour un ami fidèle et un défenseur des intérêts de leur pays en Occident » (28). L’Allemagne est, de fait, l’un des fervents avocats de la Russie auprès des autres États occidentaux. Avant Schröder, le chancelier Helmut Kohl a ainsi toujours freiné le processus d’adhésion à l’OTAN des anciennes Républiques soviétiques pour ne pas importuner Moscou. Les chanceliers allemands qui se sont succédé ont tous plaidé pour l’entrée de la Russie au G7 (désormais effective, avec le G8) et à l’OMC (tractations en cours). Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier défend auprès de ses homologues européens l’idée d’une vaste Ostpolitik (politique tournée vers l’Est), liant la Russie et l’UE dans des partenariats divers, pour la lutte contre le terrorisme, l’immigration, le trafic de drogue, la politique nucléaire…

Même si l’UE cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement et de transit, elle se révèle prise dans un filet très serré d’interdépendances économiques avec la Russie, ce qui explique l’attitude globalement modérée de l’UE lors du récent conflit avec la Géorgie.

Les alliances centre-asiatiques et la coopération sino-russe : étendue et limites

Mais la Russie a également déployé et renforcé son réseau d’alliances hors de la sphère européenne. Ainsi a été créée en 2002 l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) (Russie, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Arménie, Biélorussie, Ouzbekistan), qui a permis la mise sur pied d’unités militaires sous commandement conjoint ; on peut y voir, toutes proportions de forces gardées, l’esquisse d’un équivalent de l’OTAN : tel est du moins le but que se fixe l’État russe pour contrer l’influence américaine dans la région. Sur le plan économique, cette stratégie est complétée par la Communauté économique eurasienne (CEEA), constituée en novembre 2000, fondée sur une union douanière entre la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan.

Mais surtout, l’État russe s’est tourné vers la Chine et l’Asie centrale, en constituant le « Groupe de Shanghai » en 1994, formalisé et institutionnalisé en 2001 avec la création de l’OSC (Organisation de coopération de Shanghai). Celle-ci compte aujourd’hui six membres : la Russie, la Chine, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan. Un statut d’observateur également été attribué à la Mongolie (2004), au Pakistan, à l’Inde et à l’Iran (2005), à l’Afghanistan et au Turkménistan (2007). Puissance aux potentialités considérables, l’OSC rassemble des États qui comptent 1,455 milliard d’habitants sur 30 millions de kilomètres carrés, les 3/5e de l’Eurasie (29).

Cette organisation s’est fixé pour principal objectif la coopération économique et sécuritaire, qui prend forme avec un consortium bancaire, la formation mutuelle de personnels de haut niveau, des exercices militaires conjoints, la lutte contre le « terrorisme » et le séparatisme, etc. Essentielle est aussi la perspective de transformer l’OSC en un « club énergétique ». Ce sont les autorités iraniennes qui, les premières, ont lancé le projet : en juin 2006, le président iranien Ahmadinedjad a proposé, lors d’une rencontre à Shanghai avec Poutine, « une coopération pour déterminer tant les prix du gaz que les principaux flux dans l’intérêt de la stabilité générale ». En février 2007 au Kremlin, Poutine a repris l’idée en évoquant « une OPEP du gaz » (30). Les atouts dans ce domaine sont de fait considérables : à eux seuls, la Russie et l’Iran contrôlent plus de 41 % des réserves mondiales de gaz ; par ailleurs, la Russie, la Chine, le Kazakhstan et l’Iran détiennent 23 % des réserves de pétrole prouvées dans le monde et assurent près de 25 % de la production pétrolière de la planète. L’Asie centrale est par ailleurs riche de minerais de haute valeur : or, uranium, cuivre, zinc, plomb, tungstène… Dans le domaine crucial de l’uranium en particulier, la collaboration est étroite ; Vladimir Poutine a évoqué en 2006 la constitution d’une « bloc nucléaire eurasien », essentiel pour le complexe militaro-industriel russe.

Les intérêts des uns et des autres sont divers. « (…) La Chine approuve le Kremlin dans sa guerre en Tchétchénie ; la Russie et les États centre-asiatiques soutiennent la politique chinoise envers le Xinjiang et Taiwan ; tandis que Moscou et Pékin apportent leur savoir-faire militaire et technologique aux régimes centre-asiatiques pour les aider à museler leurs oppositions. » (31) Pour autant, la Chine se trouve dans l’embarras face à la situation actuelle. Elle ne soutient pas officiellement Moscou dans le dossier géorgien, craignant que l’indépendance proclamée de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud ne crée un précédent favorable aux séparatistes ouïgours (province occidentale du Xinjiang) et aux Tibétains. De la même manière, les autres pays de l’OSC n’ont pas reconnu les deux nouveaux États « indépendants », signe d’une limite de l’influence russe sur sa périphérie centre-asiatique. De fait, la coopération centre-asiatique ne va pas sans contradictions : les États concernés sont autant concurrents que collaborateurs dans le domaine économique.

Il est certain que l’essentiel de l’actuelle puissance russe provient de ses ressources dans le secteur si stratégique des hydrocarbures, au point que l’on peut parler de « géo-pétropolitique ». L’État russe utilise la ressource énergétique comme un moyen de coercition, comme en ont témoigné les ruptures d’approvisionnement russe en Lituanie, Ukraine et Biélorussie ces dernières années. Pour autant, la diversification du développement industriel russe est réelle (industries stratégiques comme l’aérospatiale, l’automobile, l’armement, l’électronucléaire ; autres industries comme l’agroalimentaire, le textile, les matériaux de construction…). Moscou n’entend pas se cantonner à fonder sa croissance économique sur la seule rente énergétique. En quelques années, l’économie russe a connu un développement qui n’est pas soumis au diktat des principales puissances impérialistes, même si elle se nourrit en partie de capitaux occidentaux. Le déploiement de ses investissements à l’échelle mondiale montre qu’elle est déterminée à redevenir une puissance de premier ordre, même si le chemin sera long, difficile et évidemment sanglant. Cela est d’autant plus vraisemblable qu’à son potentiel économique s’ajoute sa puissance militaire, dont elle a fait la preuve cet été en bravant, par son intervention armée, et au travers de la Géorgie, le plus puissant des impérialismes, l’impérialisme américain. Dans ces conflits d’intérêts entre grandes puissances, les travailleurs et les peuples n’ont rien à gagner, mais tout à perdre : exploitation, oppression, guerres et occupations militaires.

Dès lors, l’urgence est de se battre avec détermination contre les bourgeoisies exploiteuses et guerrières. Pour cela, il faut exiger :


1) Florence Mardirossian, « Géopolitique du Sud-Caucase : risques d’exacerbation des rivalités aux confins de la Géorgie, la Turquie et l’Arménie », Outre Terre, n° 19, 2008, p. 291.

2) Silvia Serrano, « La Géorgie post-soviétique : lost in translation ? », Tiers Monde, n° 193, janvier-mars 2008, p. 68.

3) Tracey C. German, « Le conflit en Ossétie du Sud : la Géorgie contre la Russie », Politique étrangère, printemps 2006, p. 52.

4) Pierre Razoux, « La Géorgie au cœur du “grand jeu” », Annuaire français des relations internationales, vol. VI, 2005, p. 387.

5) Silvia Serrano, art. cit., p. 71.

6) Texte du 9 mars 2007, cité in Isabelle Facon, « Une nouvelle doctrine militaire pour une nouvelle Russie », La Revue internationale et stratégique, n° 68, hiver 2007-2008, p. 144.

7) Cité par Isabelle Facon, art. cit., p. 146.

8) Charlotte Lepri, « Les relations russo-américaines : les questions stratégiques au cœur de toutes les tensions », La Revue internationale et stratégique, n° 68, hiver 2007-2008, p. 158.

9) Cité par Michel Guénec, « La Russie face à l’extension de l’OTAN en Europe », Hérodote, n° 129, 2e trimestre 2008, p. 227.

10) Sarkozy avait déjà officiellement reconnu à la Russie le droit de défendre les intérêts des russophones à l’étranger.

11) Le Royaume-Uni est l’un des soutiens importants de la Géorgie parmi les impérialistes occidentaux. La société British Petroleum est celle qui a investi le plus dans l’oléoduc BTC (32 %), ce qui a encouragé la nomination d’un représentant spécial du gouvernement britannique pour la Géorgie (Pierre Razoux, art. cit., p. 388).

12) Arnaud Leparmentier et Philippe Ricard, « Les Européens divisés sur un accord d’association avec l’Ukraine », Le Monde, 5 septembre 2008.

13) C’est pourtant ce que font toujours les dirigeants lambertistes, avec leurs raccourcis aux accents nationalistes de la pire eau. Ainsi Dominique Ferré est-il sûr de son interprétation : « Le responsable d’un institut américain le dit à sa façon : “L’Europe sera d’autant plus forte qu’elle aura réussi à se passer du pétrole et du gaz russe” (Le Monde, 2 septembre). Traduction : l’Union européenne doit suivre les intérêts américains, tant pis pour les intérêts particuliers allemands, français ou italiens » (Informations ouvrières, n° 12, 4 septembre 2008).

14) « Alors que le FMI prédisait pour 1999 une récession de – 7 %, […] la Russie devait connaître une croissance de plus de 5 %. Jamais une institution financière internationale n’avait commis une telle erreur pour des raisons aussi ouvertement idéologiques. La crédibilité du FMI en fut durablement affectée. » (Jacques Sapir, « Le retour économique de la Russie », Géopolitique, n° 101, mars 2008, p. 30.)

15) « Les banques russes n’ont pas utilisé les instruments financiers complexes qui ont permis à la crise hypothécaire de contaminer la finance mondiale. Elles sont donc protégées contre le type de pertes subies par les établissements occidentaux. » (J. Sapir, art. cit., p. 39).

16) Dmitri Trenin, « Le business russe entre l’Europe et l’Amérique », Politique étrangère, printemps 2001, p. 97-98.

17) Gilles Walter, « Le commerce extérieur de la Russie. Comment sortir du piège d’une économie de rente ? », Le Courrier des pays de l’Est, n° 1061, mai-juin 2007, p. 14.

18) Gilles Walter, art. cit., p. 29.

19) Jacques Sapir, art. cit., p. 37.

20) Ibidem, p. 31.

21) Ibidem, p. 33.

22) Soit environ 53 milliards d’euros. Pour comparaison, en 2006, d’après la CNUCED, les investissements directs à l’étranger se sont élevés (en euros) à 136 milliards pour les États-Unis, 131 milliards pour le Royaume-Uni, 68 milliards pour la France, 54 milliards pour la Chine, 31 milliards pour Hong Kong, 23 milliards pour l’Italie et 7 milliards pour l’Inde.

23) Cf. Hélène Clément-Pitiot, « Les mutations du capitalisme russe. Des perceptions extérieures à la réalité », Le Courrier des pays de l’Est, n° 1061, mai-juin 2007, p. 5.

24) Hélène Clément-Pitiot, art. cit., p. 6.

25) Pierre Verluise, « Comment l’Union européenne réarme la Russie », Outre Terre, n° 19, 2008, p. 65.

26) Céline Bayou, « L’Europe et la diplomatie énergétique du pouvoir russe. Défiances et dépendances », La Revue internationale et stratégique, n° 68, hiver 2007-2008, p. 176.

27) Pierre Verluise, art. cit., p. 71.

28) Alexander Rahr, « Russie-Allemagne : la relation spéciale et la présidence de l’Union européenne », Politique étrangère, printemps 2007, p. 109.

29) Thierry Kellner, « La Chine, l’Organisation de coopération de Shanghai et les “révolutions colorées” », Hérodote, n° 129, 2e trimestre 2008, p. 168.

30) Cités in Nicolas Sarkis, « L’ombre de la Russie sur le marché gazier européen », Géopolitique, n° 101, mars 2005, p. 61-62.

31) Marlène Laruelle, « Asie centrale : le “retour” de la Russie », Politique internationale, n° 115, printemps 2007, p. 384.