Article du CRI des Travailleurs n°33

Discours de clôture du meeting ayant suivi la Ve conférence internationale de la FTQI

La Ve Conférence de la Fraction Trotskyste - Quatrième Internationale a tenu ses débats cette semaine dans le contexte de l’aggravation d’une crise capitaliste qui n’est pas simplement américaine, mais internationale.

Il n’y a qu’à lire pour cela l’article d’El País, quotidien de l’État espagnol : « Le spectre de la récession s’étend de manière incontrôlable depuis les États-Unis vers l’Europe. Les politiciens sont devenus plus prudents et ont déjà renoncé à fixer une date à la reprise économique. On ne peut plus croire à une amélioration mi-2009, comme ils l’affirmaient. La tempête financière provoquée par les crédits hypothécaires à haut risque qui a explosé en août dernier aux États-Unis a aussi contaminé de nombreuses banques européennes et commence à affecter l’économie réelle. Personne ne se risque à essayer de prédire jusqu’où ira la crise. » (El País, 25 juillet.) (...) Depuis que la crise a commencé, les pays impérialistes ont déjà investi des centaines de milliards de dollars pour éviter des faillites bancaires et de fonds d’investissements. (...) Une fois de plus, le capitalisme se montre aux yeux de tous comme un système qui socialise les pertes et privatise les profits.

Les derniers sauvetages ont été effectués il y a moins de 15 jours par la Réserve fédérale américaine. Il s’agit du sauvetage de la banque spécialisée dans les opérations immobilières Indy Mac et des compagnies hypothécaires Fanny Mae et Freddy Mac (...). Ces firmes, possèdent une portion considérable des 5 200 milliards de dollars sous forme de titres de dette garantis par ces deux géants. 10 fois la dette externe de l’Amérique latine. Aux États-Unis, il n’y a qu’un débiteur plus important : le Trésor des États-Unis. (...) La crise affecte l’ensemble de l’économie états-unienne, en particulier l’industrie automobile ; les grands monopoles qui la contrôlent comme Ford, Chrysler et Général Motors souffrent de pertes considérables et annoncent des milliers de licenciements. (...)

Cette crise s’est exprimée jusqu’à présent de manière inégale. Il y a des pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne ou l’État espagnol qui vivent déjà ou prennent le chemin d’une récession profonde, tandis que d’autres maintiennent encore une croissance importante. Les matières premières ont subi une très forte augmentation, en partie à cause de la spéculation. Cela a suscité une pression inflationniste dans le monde entier et provoqué des révoltes de la faim dans les pays importateurs d’aliments. Mais il faut garder à l’esprit que la récession risque de se généraliser dans les prochains mois. (...) Comment imaginer que l’ensemble de l’économie internationale puisse ne pas être affectée par une crise qui apparaît au cœur même du capitalisme contemporain ?

Camarades, nous ne sommes pas des devins qui pourraient prédire les rythmes précis ni la portée finale de la crise en cours. Mais ce que nous savons d’ores et déjà, et que nous avons examiné pendant la Conférence, c’est que nous nous trouvons face (...) à de nouvelles et très importantes turbulences économiques et politiques, qui contredisent tous ceux qui imaginaient que la restauration capitaliste en ex-Union Soviétique et en Chine, combinée avec les attaques néo-libérales contre la classe ouvrière, avaient créé les conditions du développement d’un nouveau long cycle de croissance capitaliste comme celui qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Le capitalisme s’est certes maintenu ces dernières années, mais au prix de nouvelles et plus grandes contradictions qui sont en train d’exploser aujourd’hui. Le système ne peut pas éviter sa tendance à des catastrophes récurrentes. Celle que nous sommes en train de vivre risque d’être la plus importante depuis 1929. (...)

Aujourd’hui, la crise économique est l’élément le plus dynamique qui menace l’équilibre capitaliste des dernières années et qui mène à des conflits inter-étatiques croissants et à des affrontements de classes plus importants. La FT doit se préparer à intervenir dans ce nouveau scénario plus convulsif. (...) À l’heure où des millions de gens n’ont pas de quoi se nourrir, alors même que la production d’aliments pourrait satisfaire le double des nécessités de la population mondiale, les monopoles de l’alimentation sont plus riches que jamais. Il faut lutter pour l’expropriation de ces monopoles qui spolient la classe ouvrière.

Nous assistons en même temps que la crise économique à la fin de l’ère Bush. Loin d’accomplir l’objectif néo-conservateur d’assurer « un nouveau siècle américain », elle a renforcé la décadence de l’hégémonie états-unienne, avec l’enlisement de sa politique en Irak, la continuité des convulsions politiques au Moyen-Orient et de la guerre en Afghanistan.

Mais cet affaiblissement ne saurait signifier que l’impérialisme ne va pas utiliser de nouveaux moyens d’agression militaire contre les peuples du monde. (...) C’est pourquoi dans ce meeting nous voulons crier bien fort : Troupes impérialistes hors d’Irak, d’Afghanistan et de tout le Moyen-Orient ! Vive la résistance du peuple palestinien contre l’État d’Israël et l’impérialisme !

Camarades, le fait symbolique que les États-Unis risquent d’avoir à recourir à un Afro-américain comme Barak Obama pour essayer de se donner une image de changement et contenir les espoirs de millions d’américains qui veulent en finir avec la politique de Bush aux États-Unis et dans le reste du monde, est l’expression de la décadence profonde de l’impérialisme nord-américain. Mais au-delà des discours de campagne, Obama est un homme que Wall Street estime clairement fiable pour ses intérêts et qui, avant même de triompher, a déjà fait sienne une grande partie de la politique extérieure de Bush, comme l’appui à Israël contre le peuple palestinien, la menace contre l’Iran ou l’appui au Plan Colombie.

(…) Durant ces dernières années la classe ouvrière s’est renforcée socialement et a montré dans différents secteurs une capacité de lutte renouvelée sur le terrain économique (...). Mais cette relative recomposition de l’action syndicale des travailleurs ne signifie pas que les défaites profondes subies sous le néo-libéralisme aient été effacées.

(…) Nous, marxistes révolutionnaires, sommes aujourd’hui une petite minorité au milieu de centaines de millions de travailleurs qui ont cessé de croire à la possibilité de dépasser ce système d’exploitation (...). Durant ces années, la résistance sociale aux politiques néo-libérales a donné lieu à divers types de mouvements qui vont de réformismes tièdes jusqu’à la renaissance de courants, comme l’autonomisme, soutenant qu’il serait possible de « changer le monde sans prendre le pouvoir ». Ces courants nous ont amenés à des discussions théoriques et stratégiques marxistes semblables à celles que déjà Marx et Engels menaient dans le Manifeste Communiste contre les socialistes et les communistes utopiques. Le mouvement anti-mondialisation, qui est apparu à Seattle en 1999, a présenté un échantillon de toutes ces tendances.

De son côté, notre continent a vu se renforcer différentes variantes populistes, qui sont parvenues à canaliser le mécontentement exprimé dans les grandes révoltes populaires qui ont eu lieu au début du siècle. Une grande partie de la gauche mondiale a cédé face à ces phénomènes. (...)

Même des secteurs provenant du trotskysme ont soutenu qu’il était l’heure de construire des « fronts anti-néoliberaux » ou partis sans ancrage dans la classe ouvrière et sans délimitation stratégique entre réformisme et révolution. Ce qui est arrivé à Refondation Communiste en Italie, parti présenté comme modèle de cette stratégie, montre bien où conduit cette politique. Refondation s’est intégrée au gouvernement anti-ouvrier et impérialiste de Prodi, a perdu son aile gauche et a fini sans représentation parlementaire.

Au Brésil, le Parti « Socialisme et Liberté » (PSOL), dirigé par Heloisa Helena, est un simple accord électoral de convenance, une coquille vide de militants, avec un programme « développementiste » bourgeois (...). Au Venezuela, différents courants trotskystes figurent au côté de chefs d’entreprise et de militaires, dans le PSUV chaviste (…).

Ce n’est pas d’organisations de ce type que la classe ouvrière a besoin, mais de véritables partis révolutionnaires de combat. Et ce n’est pas simplement en intervenant dans les luttes quotidiennes que l’on peut construire de telles organisations. Il faut en même temps mener une lutte puissante sur le terrain théorique et idéologique (...) et prendre part à tous les processus au cours desquels la classe ouvrière fait le moindre pas en avant vers la conquête de son indépendance de classe.

Nous, organisations membres de la FT, affirmons qu’il est nécessaire de combattre pour des partis avec un programme révolutionnaire clair. En ce sens, nous partageons la politique des camarades du CRI en France de mener une lutte pour une stratégie de ce type dans le processus de constitution du Nouveau Parti Anticapitaliste lancé à l’appel de la LCR d’Olivier Besancenot, dont la direction, comme nous le dénonçons dans la revue Stratégie Internationale, veut former un parti qui ne lutte ni pour le pouvoir ouvrier, ni pour le socialisme.

Il y a presque 70 ans, le 3 septembre 1938, une conférence réunie clandestinement à Paris donnait lieu à la fondation de la IVe Internationale, dont le texte central est ce que l’on appelle le Programme de transition (...).

Trotsky, peu avant son assassinat, écrivait que, « au milieu des vastes étendues de terres et des merveilles de la technique qui a conquis pour l’homme le ciel comme la terre, la bourgeoisie s’est arrangée pour faire de notre planète une abominable prison » (Manifeste d’alarme de la IVe Internationale). Ces mots ne sont-ils pas restés d’une brûlante actualité ? Je lisais justement l’autre jour un texte d’un célèbre peintre, poète et écrivain britannique, John Berger, qui disait que s’il devait définir le monde contemporain avec un seul, mot il utiliserait le mot prison. (...)

Trotsky écrivait ces lignes quand éclatait la Seconde Guerre mondiale. Nous ne sommes pas aujourd’hui devant la perspective d’une telle guerre. (...) Mais nous vivons une crise économique de grande envergure (...). Et nous avons déjà eu l’occasion, dans les années précédentes, de voir comment, dans des circonstances de crise, une partie du programme de transition, quand les travailleurs en lutte se l’approprient, retrouvait son actualité, comme par exemple dans l’occupation et la gestion de Zanon sous contrôle ouvrier ou dans d’autres usines occupées. C’est apparu aussi au Venezuela avec la lutte Sanitarios de Maracay [NdT : usine occupée dont les travailleurs ont relancé la production au Venezuela]. Et dans ce même pays, la lutte ouvrière a mené à la nationalisation de SIDOR, entreprise contrôlée par le groupe Techint [NdT : cf. le précédent CRI des travailleurs]. Ici en Argentine sont apparues des organisations militantes de chômeurs qui, par delà leurs limites, ont exprimé la résistance au fléau qu’est le chômage de masse et ont évité que les travailleurs licenciés ne soient utilisés par la bourgeoisie comme briseurs de grève. Grèves, occupations d’usines, soulèvements de la faim, insurrections locales, barrages routiers : ce sont ces formes de lutte de classe et d’autres encore que nous allons voir se développer face à la crise. (...) Nous croyons profondément que le programme trotskyste deviendra à nouveau une réalité vivante dans des secteurs de masses et pourra ainsi présenter une alternative à l’ensemble des exploités. Espérons qu’il permette de réaliser l’expropriation des expropriateurs, seul chemin pour en finir avec la barbarie capitaliste.

Que ces luttes aient lieu, cela ne dépend pas de nous. Mais ce qui en revanche est à notre portée, c’est de forger les dirigeants, les cadres et les militants qui pourront s’unir avec le meilleur de l’avant-garde ouvrière et jeune, avec les intellectuels et les étudiants pour avancer dans la construction de partis et d’une Internationale révolutionnaires. Dans cette voie, nous voulons saluer l’incorporation comme section de la FT au Costa Rica des camarades de la Ligue de la Révolution Socialiste (...) Nous voulons aussi saluer l’accord des camarades français du CRI pour s’intégrer comme section sympathisante en France. C’est un cadre qui nous permet de développer une intervention commune sur la base des accords programmatiques et politiques que nous avons, tout en abordant des sujets importants, sur lesquels nous sommes encore en désaccord.

Pour finir, la Conférence a défini trois types de tâches pour toutes les organisations de la FT.

Nous proposons de clore ce meeting avec les slogans qui synthétisent les principales campagnes de la FT :

Vive la classe ouvrière mondiale !
Vive la IVe Internationale, Parti Mondial de la Révolution Socialiste !