Le CRI des Travailleurs
n°34
(novembre-décembre 2008)

Derniers articles sur
le site du CILCA

Feed actuellement indisponible

Lettre du camarade Pierre Lambert au camarade Wolfgang (28 juin 2000)

Lambert au camarade Wolfgang

28 juin 2000

Mon cher camarade,

En réponse à ta lettre du 9 juin, une première remarque : je ne doute pas un seul instant que tu aies écrit ta première, ta deuxième (parce qu'il y en a eu une deuxième) et ta troisième contribution " aux dépens de ton propre travail de recherche ". En effet, la liberté que revendiquent les travailleurs de s'organiser pour combattre le système de l'exploitation leur est chèrement disputée, y compris dans leur vie quotidienne, et tous les camarades consacrent au tâches militantes un temps qui est pris "aux dépens " de leur propre travail.

Tu le sais, j'ai approuvé - non à titre personnel, mais au titre de militant - approuvé la parution d'un bulletin avec ton article et la réponse de Daniel. Marxiste, je suis convaincu que la discussion sur les problèmes théoriques est une nécessité. Et en particulier sur la question des forces productives dont Trotsky écrivait dans Défense du marxisme : " Le facteur fondamental que sont les forces productives se reflète aussi dans le domaine idéologique. " C'est ton droit, et nous l'avons reconnu, de ne pas être d'accord avec "l’idée que le programme de la IVe Internationale "se concentre" sur la phrase : "les forces productives de l'humanité ont cessé de croître" ". C'est, tu en conviendras, le droit du camarade Gluckstein d'estimer avec Léon Trotsky que -"la société capitaliste est elle-même engagée dans l'impasse parce qu'elle n'est plus capable de développer les forces productives, que ce soit dans les pays avancés ou dans les pays retardés ". Trotsky ajoutait : " Le marxisme ne nous enseigne-t-il pas que les forces productives sont le facteur fondamental du progrès historique ? "

Je le répète : c'est ton droit de polémiquer sur l'analyse des forces productives formulée dans le programme de la IVe Internationale ; le camarade Gluckstein a un droit égal à polémiquer pour défendre le programme.

Cela dit, la "discussion entre camarades " que tu invoques (et que la section française de la IVe Internationale a toujours mise en œuvre dans la mesure de ses moyens) ne te donne pas le droit de porter contre le camarade Gluckstein les graves accusations de te prêter des positions qui ne sont pas les tiennes, de "tronquer et déformer " nombre de tes citations. Si tel était le cas, ton devoir de militant devrait être de saisir la commission de contrôle. La section française de la IVe Internationale ne tolère pas de faussaires en son sein. Une telle accusation, qui rejoint la campagne forcenée contre les "lambertistes" est intolérable. Camarade Wolfgang, il te faut raison garder. Reprends-toi.

Camarade, il faut que tu apprennes ce qu'est une discussion libre entre camarades. Tous les camarades ont à leur disposition le bulletin publiant les deux premiers articles soumis à la discussion, le tien et celui du camarade Gluckstein. Il faut que tu apprennes que nous construisons le courant IVe Internationale en nous efforçant, avec bien des difficultés, de mettre en œuvre les principes d'organisation du bolchevisme adaptés à notre époque.

 

Ces principes sont concrétisés, entre autres, par la méthode objectifs/résultats, par un calendrier où les résultats doivent être mis en rapport avec les objectifs dans tous les domaines politiques et d'organisation - sans quoi il est impossible d'organiser l'intervention politique dans la lutte de classe. Cela exige la " compréhension commune des événements et des tâches ", donc la discussion et l'assimilation théoriques.

Que signifie "théorie" ? Certainement pas "dogme". Pour intervenir politiquement dans la lutte de classe, il est indispensable d'analyser à l'aide de la méthode marxiste toutes les questions fondamentales : front unique, question nationale, caractérisation de la période, etc. L'intervention politique est élaborée à l'aide de la théorie, qui nous enseigne qu’" une société qui n'est pas capable d'assurer la croissance de la puissance économique est encore moins capable d'assurer le bien-être des masses laborieuses, quel que soit son mode de distribution " (Trotsky).

Pour conclure : le camarade Gluckstein a bâti son livre et la réponse à ton article à partir du programme de la IVe Internationale, dont Trotsky définissait ainsi les bases théoriques : " La société bourgeoise a développé les forces productives jusqu'à la guerre mondiale (la première). Ce n'est qu'au cours du deuxième quart du siècle que la bourgeoisie est devenue un frein absolu (je souligne) à leur développement. "

Gluckstein a entrepris d'actualiser ce fondement théorique et politique du programme. La discussion est ouverte. Tu as écris un article contestant ce fondement. Je le répète, c'est ton droit. Gluckstein a rédigé une réponse. C'est son droit.

Le bulletin est actuellement en discussion dans le courant, et plus largement dans le PT et à l'extérieur - nous n'avons rien à cacher de notre discussion collective. Tu sembles craindre que les camarades aient du mal à comprendre ton article, je pense que ces craintes ne sont pas fondées. Des camarades ont rédigé leur propre contribution, ces contributions feront l'objet d'un bulletin.

La direction nationale a décidé de convoquer pour la fin de cette année la conférence nationale du courant (congrès de la section française de la IVe Internationale). Dans le cadre des statuts, la prochaine réunion de la direction nationale établira le calendrier de la discussion. C'est dans ce cadre que ton article (et d'autres) seront publiés.

Tu comprendras certainement que les tâches qui me sont imparties dans la construction de la IVe Internationale et de sa section française expliquent pourquoi je n'ai pu répondre que le 28 juin à ta lettre du 9 juin.

Amitiés, Pierre LAMBERT