Le CRI des Travailleurs n°9 << Article précédent | Article suivant >>
Un mouvement de grève des étudiants est parti de l’Université Rennes-II le 5 novembre et touchait fin novembre une vingtaine d’universités. Des Assemblées générales de centaines et, pour les plus mobilisées, de 1000 à 3000 étudiants selon les cas, se sont tenues, reprenant toutes les deux mots d’ordre suivants : abrogation des décrets ECTS-LMD et retrait définitif du projet de loi sur l’autonomie des universités.
Les décrets ECTS-LMD ont été signés par Jack Lang en avril 2002 et sont appliqués, faculté par faculté, par les conseils d’administration. Leur objectif est de remplacer, au nom d’une pseudo-« harmonisation européenne », les diplômes nationaux par des diplômes locaux et individualisés. De son côté, le projet de loi sur l’autonomie des universités, élaboré par Luc Ferry au printemps et suspendu une première fois pour éviter que les étudiants ne rejoignent massivement les travailleurs en lutte, vient compléter ce dispositif en aggravant l’autonomie de gestion des universités : gestion d’un budget global, liberté de fixer les droits d’inscription, etc. (Sur ces réformes, cf. Le Cri des travailleurs n°5-6, juin-juillet 2003.)
Le mouvement étudiant est bien plus fort qu’en mai-juin. Un plus grand nombre d’universités est mobilisé. Deux « journées d’action », à l’appel des syndicats étudiants (UNEF, SUD, FSE-Solidarité Étudiante !, CNT), ont rassemblé des milliers de manifestants le 20 et surtout le 27 novembre. À l’heure où ces lignes sont écrites (2 décembre), six facultés (Rennes-II, Nantes, Caen, Tolbiac-Paris I, Paris-XIII, Angers Lettres et Sciences) sont réellement en grève : suspension de tous les cours par le blocage de la faculté organisé par les étudiants grévistes, les piquets de grève permettant aux étudiants de participer aux AG, de s’informer, de s’organiser, et de manifester. À Toulouse-le-Mirail, une AG de 1000 étudiants réunie à l’initiative de l’AGET-FSE vient de voter la grève à une majorité écrasante (plus de 900 pour, 10 contre et 30 abstentions) et la mise en place de piquets de grève « filtrants ». Par ailleurs, une quinzaine d’universités ont voté la grève, bien que celle-ci n’y soit pas effective.
Pour leur part, tirant les conséquences de ce qu’est devenue l’Unef aujourd’hui, les militants du Groupe CRI sont engagés, avec d’autres, dans la construction d’une nouvelle fédération étudiante, la FSE-Solidarité Étudiante !, au congrès de fondation de laquelle ils ont participé en juillet 2003 (cf. Le Cri des travailleurs n°5-6).
La FSE-SE, qui regroupe des syndicats de lutte et qui se veut l’un des embryons du futur syndicat étudiant, compte environ 200 militants sur une vingtaine d’universités (dont Paris-I — Tolbiac et Sorbonne —, Paris-III, Paris-VIII, Caen, Toulouse-I, II et III, Pau, Limoges, Montpellier, Dijon...), ainsi que des militants et sympathisants isolés. Dans plusieurs facultés, elle a fait des progrès importants depuis la rentrée universitaire, grâce à son travail d’information sur les décrets Lang-ECTS-LMD, à son exigence claire et nette de leur abrogation pure et simple, à son refus de participer aux commissions de travail mises en place pour les appliquer et à son combat pour réunir les conditions de la grève étudiante. Elle a même joué un rôle majeur dans le déclenchement de la mobilisation en cours puisque, après le travail accompli par ses sections pendant toute l’année passée, elle a eu les moyens de prendre des initiatives coordonnées et bien préparées dès le début de l’année, avec l’organisation de réunions d’information sur les décrets Lang (parfois communes avec SUD et la CNT) et avec son appel à une journée nationale de mobilisation pour le 20 novembre, à laquelle se sont finalement ralliés non seulement SUD et la CNT, mais aussi l’Unef, qui avait elle-même besoin, comme nous l’avons vu, de se refaire une jeunesse — et qui n’a pas manqué d’essayer de diviser les étudiants en appelant les manifestants, à Paris, à un rendez-vous différent de celui rendu public antérieurement par la FSE...
Dans toutes les facultés où l’Unef a en face d’elles de vrais syndicats de lutte (FSE et, dans certains cas, SUD, CNT, voire CVSE), ses positions sont fragilisées et elle est obligée de « gauchir » considérablement son discours. À Paris-I-Tolbiac, où la section Oxygène-FSE compte 25 militants et où SUD et CNT sont également présents, l’Unef, qui participe aux commissions de travail constituées pour mettre en place la réforme ECTS-LMD, est souvent sifflée par les étudiants au cours des AG ; et la délégation de cinq étudiants élue pour la « Coordination nationale » ne comptait qu’un membre de l’Unef, d’ailleurs un adhérent de base, après que l’AG eut refusé de voter pour les responsables locaux de cette organisation largement discréditée à Paris-I...
La grève actuelle ne pourra se développer que si les assemblées générales des étudiants, élisant, mandatant et fédérant leurs comités de grève, et rejoints par les personnels enseignants et IATOSS, imposent :
• Que les syndicats étudiants (UNEF, FSE, SUD, CNT et CVSE) appellent, ensemble, de manière claire et nette, à la grève générale de l’Université jusqu’au retrait sans conditions des contre-réformes Lang-ECTS-LMD et Ferry ; • Que les syndicats enseignants et IATOSS (SNESup-FSU, FERC-CGT, SNPREES-FO...) appellent les personnels à rejoindre les étudiants et à la grève générale de l’Université ;
• Que les fédérations syndicales de l’enseignement et les confédérations apportent leur soutien clair et net aux étudiants et aux personnels de l’Université.
Le CRI des Travailleurs n°9
<< Article précédent | Article suivant >>