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Note sur la politique du Parti des Travailleurs d'Algérie, et sur la révolution permanente


Auteur(s) :Nina Pradier
Date :15 mai 2003
Mot(s)-clé(s) :international, Algérie, PT
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Le Parti des Travailleurs algérien est une organisation sœur du P.T. français, la seule organisation « lambertiste » hors de France qui ait quelque importance nationale. En effet, il s’est développé de manière significative dans les années 1980 et 1990, jusqu’à atteindre plusieurs milliers d’adhérents et une popularité réelle, grâce notamment à sa porte-parole Louisa Hanoune, élue députée pour la première fois en 1997 avec trois autres membres de ce parti. La responsabilité du P.T. en tant qu’organisation qui se réclame officiellement de la classe ouvrière, du socialisme et même du trotskysme, est donc posée de manière primordiale dans la situation que connaît l’Algérie.

Or, depuis le début des années 1990, l’orientation principale de ce parti a été de prôner une réunion nationale de tous les partis algériens, quels qu’ils soient, et de toutes les « bonnes volontés », y compris les « corps constitués de la nation » et les « personnes influentes », pour qu’ils se mettent d’accord, « indépendamment des programmes de chacun », sur l’objectif d’un retour à la paix et de la préservation de la nation algérienne. Certes, dans le contexte actuel, il est primordial de lutter contre le démantèlement de la nation algérienne, contre les privatisations, contre le partage du pays entre d’un côté les « zone utiles », notamment au sud du pays, riches en pétrole et en gaz, bradées aux impérialismes concurrents (notamment français et américain), et, d’un autre côté, les « zones inutiles », fortement peuplées, livrées au chômage, à la misère et à la terreur islamiste et gouvernementale. Mais qui, c’est-à-dire quelle classe sociale est réellement capable de défendre la nation algérienne, de la défendre jusqu’au bout contre l’impérialisme ? Peut-on réellement combattre l’impérialisme sans lutter dans l’objectif clair et net de balayer ces valets de l’impérialisme que sont les bourgeois et les bureaucrates algériens engraissés par les dividendes des entreprises nationales et par les privatisations, à commencer par les militaires et par les chefs du F.L.N. et des gouvernements compradores qui se succèdent ? Peut-on réellement combattre l’impérialisme sans dénoncer le soutien qu’apportent peu ou prou au gouvernement tous les partis bourgeois et petits-bourgeois et tous les bureaucrates de l’U.G.T.A. (le syndicat unique des travailleurs algériens) ? Peut-on séparer le combat pour la défense de la nation algérienne semi-coloniale en développant une ligne purement et simplement nationaliste, dépourvue de contenu de classe, privée de toute perspective socialiste ? Peut-on, quand on se réclame du Programme de la IVe Internationale, substituer la ligne de l’union du prolétariat avec la bourgeoisie (« indépendamment des programmes de chacun »), à la stratégie de la révolution permanente, qui reconnaît au seul prolétariat, allié aux paysans pauvres et aux autres travailleurs, la tâche historique de mener jusqu’au bout le combat pour l’indépendance nationale réelle, pour les conquêtes nationales et démocratiques — tâche qui, pour cette raison, ne pourra être réalisée sans qu’immédiatement, de manière combinée, soient prises les premières mesures radicales, socialistes, pour arracher le pouvoir et tous les privilèges des mains de la classe dominante, de la bourgeoisie ?

Soyons clairs : pour les militants communistes révolutionnaires internationalistes, l’appel incessant du P.T. algérien à l’union sacrée nationale « pour la paix et la défense de la nation » est une ligne petite-bourgeoise, une ligne de collaboration de classe ouverte qui trompe les masses sur leurs véritables intérêts spécifiques, qui contribue à les empêcher d’accéder à la conscience de classe, en leur faisant croire que la solution à la crise algérienne dépendrait de la « bonne volonté » de chacun et que tout le monde ou presque serait prêt, pour peu qu’on s’y mette tous ensemble, à œuvrer pour le retour à la « paix » et pour la « démocratie ». Mais quelle paix, quand une énorme partie de la population est plongée dans la misère et quand une autre s’enrichit de manière éhontée, en collusion avec les impérialistes étrangers ? La paix avec l’armée et la police (les « corps constitués de la nation »), avec les organisations et des politiciens haïs, vomis, à juste titre, par la population ? Et quelle démocratie ? La « démocratie » fondée sur le plébiscite présidentiel et les élections truquées, de fait rejetées par le peuple algérien ?

Que dire, en effet, de la participation du P.T. aux élections législatives en mai 2002, au nom de la « défense de la nation », alors que la population, dans la période d’effervescence révolutionnaire qui avait caractérisé les mois précédents, et pas seulement en Kabylie, dénonçait massivement cette mascarade et avait décidé de boycotter cette mauvaise farce électorale pour exprimer son rejet de la dictature bonapartiste et du clientélisme. De fait, au moment des élections, des milliers de personnes ont alors bloqué routes et voies ferrées, occupé les lieux du vote, brûlé les urnes, affronté les forces de l’ordre et finalement immobilisé l’activité par la grève générale. Plus de 52 % des électeurs se sont abstenus — et jusqu’à 98 % en Kabylie. C’était là un véritable désaveu du pouvoir et de toutes les institutions de l’État, un rejet massif de Bouteflika et de sa politique.

Alors que le P.T.. français parle tant du poids de l’abstention en France, il l’a très peu évoquée pour l’Algérie ; de fait, la responsabilité de cette politique est entièrement partagée par la direction de la soi-disant « IVe Internationale » « lambertiste ». Certes, vingt et un députés du PT algérien ont été élus, mais eux aussi sont discrédités. La place d’un parti ouvrier était dans l’organisation, avec la population, du boycott ouvrier des élections, et dans le combat sur une ligne révolutionnaire, socialiste.

Cette ligne de collaboration de classe nationaliste s’inscrit dans le droit fil de l’orientation donnée par Pierre Lambert au travail algérien dès les années 1950, consistant à renoncer au programme du marxisme révolutionnaire et de la IVe Internationale, en déléguant les tâches du parti ouvrier trotskyste à construire à un parti petit-bourgeois nationaliste, le M.N.A. de Messali Hadj — pendant que les pablistes, de leur côté, attribuaient les tâches de la révolution socialiste à la bureaucratie stalinienne et aux P.C. dans le contexte de la « guerre entre le monde impérialiste et le monde stalinien ». Car, au-delà des dénégations et de l’autocritique officielle faite par Lambert dans les années 1960, le P.T. algérien assure dans les faits la continuité du M.N.A. — mais en bien pire, puisque c’est aujourd’hui dans une période où la montée de la révolution a laissé la place aux reculs du prolétariat au niveau international, dont les lambertistes prennent prétexte, ici comme ailleurs, pour justifier leur capitulation face aux tâches imposées par le programme de la révolution permanente.


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