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Le CRI des Travailleurs n°3     Article suivant >>

Pour mettre en échec la politique hypocrite et réactionnaire de Chirac-Raffarin, construisons nos comités unitaires pour préparer la grève générale !


Auteur(s) :Ludovic Wolfgang
Date :15 avril 2003
Mot(s)-clé(s) :France
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Montée en puissance de la lutte de classe dans ce pays

La montée des luttes depuis le début de l’année le montre : les travailleurs de ce pays sont prêts au combat de classe. Depuis la victoire fondamentale des électriciens et gaziers, emportée sur le gouvernement qui voulait leur faire cautionner sa contre-réforme de leurs retraites (avec la complicité de la C.F.D.T. et de la direction de la C.G.T. majoritaire), nous assistons à une très importante montée en puissance des luttes. C’est vrai, bien sûr, du combat contre la guerre, qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes au cours de nombreuses manifestations en février-mars, malgré le refus des organisations syndicales de mobiliser les travailleurs sur cette question (les cortèges C.G.T. et F.S.U. étaient squelettiques, F.O. n’est même pas descendue dans la rue), malgré le comportement lamentable de la direction du P.C.F. orientant l’indignation populaire dans l’illusion social-impérialiste de l’O.N.U. et de ses agences « humanitaires » (présentées comme le sauveur suprême !) et malgré le refus des appareils des organisations clairement anti-guerre (L.O., L.C.R., P.T., etc., cf. sur ce point notre dernier numéro) de s’investir réellement dans la construction de comités d’action unitaires qui auraient permis de décupler la mobilisation dans les usines, lycées, facultés et quartiers.

La volonté de combat des travailleurs se manifeste également dans les mobilisations contre la contre-réforme des retraites (contre les fonds de pension, pour le retour aux 37,5 annuités pour tous, pour l’abrogation de la loi Balladur de 1993…) : le 3 avril, plus de 500 000 salariés sont descendus dans les rues à l’appel de leurs organisations C.G.T., F.O., F.S.U., S.U.D., etc. Car c’est un fait : les tentatives récurrentes de la plupart des directions syndicales et des médias pour opposer et fractionner les travailleurs du public et du privé ; l’absence de la C.F.D.T. (à l’exception de certains syndicats comme le S.G.E.N. et de certaines fédérations comme l’équipement, qui se sont prononcés pour les 37,5 pour tous) ; le refus de la direction de la C.G.T. de formuler clairement les revendications (cf. notre article p. 5) ; les ambiguïtés et la « prudence » des dirigeants syndicaux de tous bords… — tout cela n’a pas empêché que le nombre de manifestants soit largement supérieur à ce qu’il avait été le 1er février, qui avait pourtant été considéré alors comme un réel succès.

À ces mouvements généraux s’ajoute toute une série de luttes particulières, notamment le combat courageux, sciemment atomisé par les directions syndicales, passé sous silence par les médias en ces temps de focalisation sur l’Irak, des milliers de travailleurs victimes des plans de licenciements, de plus en plus nombreux au fur et à mesure que la France s’enfonce dans la crise économique commencée l’an passé. Cette crise, cachée par le gouvernement pendant des mois, est prise aujourd’hui comme prétexte pour mettre en œuvre, au service direct du patronat, et dans le cadre des critères de Maastricht, une politique de rigueur sans précédent depuis plusieurs années. Les contractuels du secteur public, en particulier les « emplois-jeunes » embauchés par le gouvernement « gauche plurielle » sur des contrats de droit privé de cinq ans non renouvelables, sont les premières victimes de cette politique commencée dès l’automne : leur important combat contre leur licenciement dans l’Éducation nationale, où il se relie directement à la lutte contre la casse du statut des surveillants (MI-SE), aurait pu servir de déclencheur à un mouvement d’ensemble dans l’Éducation, si les directions syndicales, à commencer par celle de la F.S.U. majoritaire, n’avaient pas atomisé les mobilisations en multipliant les journées d’action ponctuelles et purement symboliques, en refusant de clarifier les revendications, et en empêchant par tous les moyens la jonction du combat des emplois-jeunes et surveillants avec celui des personnels I.A.T.O.S.S. et enseignants, auxquels le besoin de postes supplémentaires et la défense du statut menacé d’éclatement par la contre-réforme P.S.-U.M.P. de la « décentralisation » apparaissent comme des exigences de plus en plus vitales. De leur côté, les cheminots et les salariés du transport aérien poursuivent leur combat contre la privatisation accélérée de la S.N.C.F. et d’Air France, et prouvent régulièrement leur volonté de combat en organisant des grèves très suivies, comme le 18 mars et le 3 avril.

Politique hypocrite et réactionnaire de Chirac-Raffarin

Dès lors, comment comprendre que, malgré ces démonstrations de force des travailleurs, le gouvernement puisse encore affirmer sa volonté d’ « aller jusqu’au bout » des contre-réformes (dixit Raffarin le 3 février), c’est-à-dire de poursuivre coûte que coûte la mise en œuvre de sa politique hypocrite et réactionnaire :

• Soutien de fait à l’agression impérialiste en Irak : Chirac et ses ministres (tout en continuant en toute discrétion leurs petites magouilles impérialistes plus ou moins meurtrières en Côte d’Ivoire ou en Centrafrique), autorisent le survol de la France par les bombardiers anglais et américains stationnés en Europe du Nord et ne cessent de rappeler qu’ils sont pour la victoire de leurs alliés anglo-américains, car ils partagent pleinement le but de leur intervention, même s’ils souhaitent, pour les propres intérêts impérialistes de la France, leur retour dans le cadre de l’ON.U. ;

• Mise en œuvre au pas de charge de la « décentralisation », qui a pour fonction d’accélérer le désengagement financier de l’État et de faire privatiser par les collectivités territoriales les services publics ainsi désargentés, mais aussi de casser les statuts et le caractère national des lois et garanties consignées dans le Code du travail, afin d’aggraver encore la concurrence entre les salariés, et de permettre ainsi au patronat une exploitation accrue pour augmenter ses profits ;

• Poursuite des privatisations déjà si bien réalisées ou préparées par les gouvernements précédents, notamment celui de la gauche plurielle, en conformité pleine et entière avec le calendrier maastrichtien servilement suivi jour après jour (la vente d’une partie du patrimoine immobilier de l’État venant compléter le tableau) ;

• Accélération de la casse de l’instruction publique, avec la mise en œuvre par Ferry des contre-réformes scolaires d’Allegre-Lang, avec l’insuffisance de plus en plus criante du nombre de postes dans toutes les catégories de personnels, avec l’envoi massif des lycéens professionnels dans les entreprises (où ils travaillent d’ailleurs gratuitement) au lieu de leur assurer une formation réelle, avec l’application, université par université, de la contre-réforme « européenne » de Lang (casse des diplômes nationaux reconnus sur le marché du travail, de leur contenu disciplinaire et de l’indépendance des Universités à l’égard du patronat), etc.

• Application des lois Vaillant-Sarkozy qui permettent à la police et à la justice de faire la guerre aux jeunes, aux pauvres et aux libertés en général, le bruit des charters français et les cris des étrangers « sans-papiers » pourchassés et martyrisés par la police étant fort opportunément couverts par ceux des canons anglo-américains ;

• Adoption de la loi sur la réforme du mode de scrutin pour les élections européennes et régionales, dont le but est de permettre à l’U.M.P. de consolider ses pouvoirs à tous les niveaux pour se donner tous les moyens de mener à bien ses contre-réformes sur plusieurs années. Raffarin a imposé cette réforme par un passage en force, en utilisant l’article 49-3 de la Constitution, véritable coup d’État légal permettant au gouvernement de faire « adopter » une loi sans débat et sans vote à l’Assemblée ; en outre, concernant le point le plus contesté de cette réforme électorale (l’obligation d’atteindre le score de 10% des électeurs inscrits pour obtenir des élus), Raffarin a obtenu le soutien de fait du Conseil constitutionnel, puisque celui-ci n’a annulé cette disposition que pour des raisons de procédure, et non sur le fond ; le Premier ministre a donc annoncé sans attendre qu’il referait adopter sa mesure, en se contenant seulement de faire passer la barre de 10% des inscrits à 10% des exprimés, ce qui n’est pas beaucoup moins grave. Dans la logique des institutions de la Ve République, cela aggravera encore la bipolarisation de la « représentation » politique, constituant un grave recul pour les libertés démocratiques, pour le droit des partis politiques à exister, pour le droit des citoyens en général de se prononcer en toute liberté et d’être représentés par les élus de leur choix.

Y a-t-il une autre solution que la grève générale ? Est-elle possible ?

Posons donc clairement la question : alors que, d’un côté, nous assistons à une accélération et à une aggravation indéniables de la politique de Chirac-Raffarin (même si elle ne fait que poursuivre celle de leurs prédécesseurs de gauche plurielle), et que, d’un autre côté, nous avons une résistance accrue et de plus en plus importante des travailleurs conscients, à commencer par les travailleurs organisés, que manque-t-il pour mettre en échec ce gouvernement, comme il le mérite de manière si manifeste, moins de neuf mois après son entrée en fonction ? Il manque des dirigeants, des responsables d’organisations syndicales et politiques qui aient une volonté claire et déterminée de faire réellement aboutir les revendications et de passer en conséquence à l’offensive contre ce gouvernement. Il manque des dirigeants qui n’aient rien à perdre dans l’engagement d’un véritable bras de fer avec Chirac-Raffarin, qui aient pour unique souci de réaliser l’unité des travailleurs et de leurs organisations de combat sur la base de leurs revendications. C’est que la satisfaction de celles-ci passe par une rupture avec les choix accomplis par les gouvernements qui se succèdent au service du patronat et des spéculateurs, et qui, depuis des années, s’appuient sur la capitulation ou, au mieux, sur le manque de volonté des dirigeants politiques et syndicaux du mouvement ouvrier.

Ce qui est à l’ordre du jour aujourd’hui dans ce pays, aussi bien pour poursuivre et relancer le combat contre la guerre entravé par les bureaucrates syndicaux timorés et dévoyé par les suppôts de tout poil de l’O.N.U. et de Chirac, que pour amplifier la mobilisation contre la casse des retraites, aussi bien pour aider les travailleurs licenciés à sauver leurs emplois que pour lutter contre les privatisations et la « décentralisation », ce n’est rien de moins que la lutte opiniâtre pour préparer réellement la grève générale. Seule la grève générale illimitée des travailleurs du public et du privé sera à même de porter un coup d’arrêt à la politique de ce gouvernement, de le mettre en échec, de satisfaire nos revendications immédiates et urgentes. Pour cela, il ne faut pas attendre que les dirigeants des organisations syndicales et politiques, même celles dont le discours est parfois « radical », se mettent soudain à préparer réellement la grève générale. Il ne faut évidemment pas non plus prétendre décréter la grève sans avoir convaincu de sa nécessité, là où nous sommes, dans nos entreprises et nos établissements, une partie significative des travailleurs désireux de combattre pour leurs revendications collectivement définies. Toute grève se prépare, à plus forte raison la grève générale. Il est donc nécessaire que les militants des organisations et tous les travailleurs conscients, réunissent leurs collègues et camarades, qu’ils convoquent des assemblées générales pour définir leurs revendications et discuter de la situation sociale et politique d’ensemble, qu’ils constituent des comités d’action dans les lieux de travail, et qu’ils exigent, en assemblée générale comme dans les réunions et les instances de leurs organisations, que leurs dirigeants et responsables se mettent eux aussi à préparer activement la grève générale.

C’est sur cette ligne que les militants du Groupe CRI interviennent là où ils sont, dans leurs syndicats, dans les assemblées générales qu’ils contribuent à convoquer et préparer, dans les comités d’action (contre la guerre, pour la défense des retraites, etc.) qu’ils contribuent à constituer avec les militants combatifs d’autres organisations. Si tous les militants des organisations syndicales et politiques qui partagent réellement l’objectif de faire avancer les revendications en combattant jusqu’au bout ce gouvernement, intervenaient tous en ce sens (en se heurtant aux appareils capitulards ou timorés de leurs propres organisations), il est clair que, à partir de la montée des luttes qui a marqué les trois premiers mois de l’année, ce n’est pas seulement un nouveau « novembre-décembre 95 » qui deviendrait possible, mais bel et bien, de manière parfaitement réaliste, la grève générale reconductible, organisée, contrôlée et dirigée par les travailleurs eux-mêmes.


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