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Centrafrique : Après des années de bons et loyaux services, l'impérialisme français lâche le dictateur Patassé


Auteur(s) :Frédéric Traille
Date :15 avril 2003
Mot(s)-clé(s) :international, Centrafrique
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Fin de règne pour Ange-Félix Patassé, l’ancien dictateur de République Centrafricaine. Le 16 mars, alors qu’il revenait d’un sommet régional à Niamey (Niger), Patassé n’a pas pu atterrir à Bangui, la capitale, prise par les troupes de l’ex-chef d’état-major François Bozizé, et a dû se réfugier au Cameroun, puis au Togo, où il rêve déjà de rassembler des forces pour revenir, sans beaucoup d’espoirs.

Ancien ministre puis chef de gouvernement de l’« empereur » Bokassa, grand ami de l’impérialisme français en général, et du président Giscard d’Estaing en particulier, dans les années 70, Patassé s’était pourtant efforcé de maintenir une apparence de légalité. Premier président élu de Centrafrique en 1993, puis réélu en 1999, il prévoyait encore avant sa destitution d’entamer un « dialogue national » avec ses opposants politiques et militaires. Mais c’est bien une dictature féroce qui a régné en Centrafrique pendant 10 ans, avec des conséquences sociales terribles : deux tiers des Centrafricains vivent au-dessous du seuil officiel de pauvreté, 20 000 fonctionnaires cumulent 30 mois d’arriérés de salaire. Les enseignants du public étaient d’ailleurs en grève depuis octobre 2002 (grève illimitée depuis janvier), un temps rejoints par leurs collègues du privé par solidarité, pour réclamer le paiement de ces arriérés, malgré les intimidations policières. Pendant dix ans, les méthodes de répression du régime contre les rébellions militaires ou les révoltes populaires ont été soutenues par l’armée française, jusqu’à son retrait officiel en 1998, puis par l’armée libyenne. Dernièrement, Patassé avait fait appel aux troupes de Jean-Pierre Bemba, seigneur de guerre rebelle du « Congo démocratique », ainsi qu’aux milices du barbouze français, le capitaine Paul Barril. En face, contrôlant le nord et le nord-ouest du pays depuis le putsch manqué d’octobre dernier, les troupes de Bozizé, avec le soutien de mercenaires tchadiens, menaient le combat. De graves exactions ont été perpétrées des deux côtés. Les pillages et les exécutions sommaires continuent depuis la prise de la capitale par Bozizé, rentré de son exil en France, et son auto-proclamation à la tête de l’État. La « force de paix » de la C.E.M.A.C. (Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale, l’organisation des États de la région) s’est montrée dépassée et n’a pas assuré la protection du régime Patassé dont elle était chargée ; la France quant à elle, après une très formelle condamnation des violences, a envoyé une centaine de parachutistes, officiellement pour protéger ses ressortissants.

Patassé semble avoir été lâché, aussi bien par les chefs d’États voisins que par l’impérialisme français. Après des années passées au service du paiement de la dette, provoquant la ruine du pays, son régime, victime de mutineries à répétition, n’inspire plus la confiance des investisseurs occidentaux, qui notent sévèrement la République Centrafricaine quant au « risque pays », échelle mesurant la servilité des gouvernants à garantir les retours sur investissement. Alors qu’il critique toujours l’unilatéralisme américain en Irak, le gouvernement français semble cette fois avoir les coudées franches pour intervenir dans son pré carré de l’Afrique francophone, les ressources de Centrafrique (diamant et bois) paraissant moins appétissantes pour les autres impérialismes que celles de Côte d’Ivoire. Toutefois, la bienveillance française quant à l’installation d’un régime ami du Tchad à Bangui ne pourra qu’être bénéfique quand il s’agira d’exploiter les champs pétrolifères à la frontière des deux pays.

En France, on ne peut qu’exiger l’arrêt de toute ingérence française en Centrafrique comme sur l’ensemble du continent. Quant au peuple centrafricain, il est clair qu’il n’a rien à attendre du régime du nouveau dictateur en puissance, déjà inféodé à l’impérialisme français, qu’est Bozizé. Seule l’organisation indépendante des travailleurs et leur lutte contre les propriétaires fonciers, les bourgeois compradores et l’État semi-féodal et dictatorial, permettra de chasser l’impérialisme, de refuser le paiement de la prétendue « dette » qui les étrangle, de réaliser la réforme agraire et d’avancer de manière décisive vers la satisfaction de leurs revendications démocratiques et sociales.


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