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Karol Wojtyla (Jean-Paul II) : réactionnaire sur toute la ligne


Auteur(s) :Laura Fonteyn
Date :15 mai 2005
Mot(s)-clé(s) :société
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Bondieuseries tous azimuts

Pendant des jours entiers, les médias ont évoqué, sans discontinuer et à longueur de colonnes et d’émissions, le pape, sa vie, ses œuvres, sa mort, son enterrement et sa prochaine béatification : des bondieuseries ad nauseam. Deux reliques moyenâgeuses se faisaient ainsi concurrence, Jean-Paul II et Rainier III. Que n’a-t-on pas lu et entendu, tout au long de ces journées ! Politiciens et médias y sont allés de leur goupillon pour bénir feu Wojtyla et créer une sorte d’unanimisme national et international, en essayant de faire communier chacun et tous dans la glorification du défunt.

Du coup, Jean-Paul II a été transformé en pèlerin de la paix, apôtre du bonheur sur terre, bref en un véritable saint ! Et les louanges bigotes n’émanaient pas forcément de ceux dont on pouvait en attendre le plus. On est ainsi allé de déclarations édifiantes en salutations hagiographiques, la plus incroyable étant sans doute la prise de position officielle du PCF, saluant en Jean-Paul II celui qui « a farouchement combattu les régimes qui se réclamaient du communisme et a porté, notamment, les aspirations de son peuple à la liberté et à la recherche d’autres chemins » ! Un comble… C’est pourtant bien Karol Wojtyla, alias Jean-Paul II, qui a un jour critiqué cette « liberté », précisément, en déplorant que « dans certains courants de la pensée moderne la liberté est exaltée à l’extrême en la transformant en un absolu, en une source de valeurs » (1). Et il est bien vrai que Wojtyla a tout fait pour écraser non seulement les régimes staliniens du « bloc de l’Est » mais encore tout ce que représentaient la Révolution d’Octobre et « les bolcheviks », ses ennemis jurés. Wojtyla a dès lors tout mis en œuvre pour lutter contre le « communisme » et restaurer le capitalisme — dont il a loué « le système libéral sous forme d’une économie d’entreprise » (2) —, bien aidé en cela par l’impérialisme américain. Symbole de ce rapprochement politique et de cette complicité active, en 1984, Jean-Paul II a rétabli les relations diplomatiques entre le Vatican et Washington (elles étaient rompues depuis un siècle). Mais le tout n’était évidemment pas que symbolique : cela s’accompagnait de garanties sonnantes et trébuchantes, par une alliance de fonds secrète passée avec Ronald Reagan, via la NED, « Fondation nationale pour la démocratie » (National Endowment for Democracy), organisme privé mais alimenté à 100 % par des fonds publics (3).

De prétendus « républicains » se sont associés au concert de dithyrambes au « Saint » « Père ». Ainsi, à propos de la polémique naissant en France autour des drapeaux en berne, Chevènement a déclaré le 4 avril sur France Culture qu’on était « dans l’anecdotique » : au prétexte que « la France reconnaît le Vatican », tout est normal aux yeux de l’ancien ministre de la gauche plurielle ; et Chevènement de rappeler « la condamnation [par le pape] du règne absolu de l’argent » ! Un autre comble ! Mais dans l’éditorial de L’Humanité (4 avril), on a pu trouver des formules du même acabit : Jean-Paul II aurait été « si proche des pauvres (qui le lui rendaient bien) »… Quand on sait ce que représentent l’État-confetti du Vatican et la fortune du pape ! Ainsi, l’APSA, administration du patrimoine du siège apostolique, dispose-t-elle notamment d’un capital immobilier placé entre autres dans les bourses de Paris et de Londres. Celui-ci était estimé à 600 millions de dollars il y a quelques années (4), mais il est difficile d’avoir des informations à ce sujet, le Vatican cultivant un certain goût du secret… Quant à l’IOR, l’Institut des œuvres religieuses, il gérait en 1989 5 000 milliards de lires (soit environ 25 milliards de francs à l’époque), des centaines et des centaines d’appartements, principalement à Rome, des titres cotés sur des marchés étrangers, ainsi que des participations actionnariales aux capitaux de quelques très grandes sociétés bancaires (5). L’IOR administre entre autres le Banco Ambrosiano et ses filiales panaméennes s’éparpillant entre le Pérou, les Bahamas et le Liechtenstein. Tout cela s’émaille de temps en temps de scandales financiers. L’évêque ( ?) Casimir-Paul Marcinkus, grand argentier du pape, « escroc en soutane » (6), s’est ainsi illustré par un énorme détournement d’argent, impliquant la mafia elle-même, le « plus gros scandale financier et politique italien de l’après-guerre » (7) ! Marcinkus est pourtant resté l’un des chouchous de JP II et n’a pas été inquiété, si ce n’est brièvement par la justice italienne qui a vite reculé, voyant que l’homme était toujours soutenu par le pape.

Toujours selon L’Humanité, Jean-Paul II aurait aussi « relevé le drapeau du mouvement ouvrier et de la justice sociale face à l’unification mondiale du marché économique » : on n’en croit pas ses oreilles ni ses yeux ! On relèvera encore que trois jours de deuil ont été décrétés en Italie mais aussi… à Cuba ! Et puis bien sûr, la bourgeoisie n’a pas pu s’empêcher d’utiliser la mort du pape pour nous servir le « oui » à la Constitution, comme elle a utilisé les commémorations de la libération des camps nazis (rappelons-nous Chirac et sa clique à Auschwitz) dans le même but. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a déclaré : « Il s’est inlassablement battu, comme lui seul savait le faire, pour la cause d’une Union européenne toujours plus étroite, au point de bien mériter le titre de père fondateur de l’Europe unie ». Barroso n’a pas tort car Jean-Paul II et ses acolytes ont largement prêché la construction européenne bourgeoise. Saluant la signature de l’Acte unique visant à réaliser un marché européen, Jean-Paul II a béni en 1989 la progression de la « solidarité européenne » (8). L’Église catholique, pape en tête, s’est ensuite montrée favorable au traité de Maastricht. Il y a quelques semaines, l’épiscopat européen s’est encore félicité de ce que le traité constitutionnel reconnaît « l’héritage religieux de l’Europe ainsi que les Églises et leur contribution à la société » ; les évêques ont invité les chrétiens à « prendre leurs responsabilités en mettant en pratique le nouveau traité constitutionnel et en le faisant fonctionner ».

Il est bon dès lors, pour les militants ouvriers, de prendre tout cela au sérieux, au-delà du folklore et de la bigoterie, car Jean-Paul II et son successeur Ratzinger représentent bel et bien des ennemis de la révolution.

Jean-Paul II complice des dictatures

Politiquement, Jean-Paul II (l’homme et ce qu’il représente institutionnellement, à la tête de l’Église catholique) a soutenu les pires dictatures. Il est apparu au Chili en 1987 côte à côte avec Pinochet, après lui avoir cordialement serré la main, sur le balcon de la Moneda, lieu symbolique des massacres de septembre 1973. Lors de ses différents voyages en Amérique latine, il n’a jamais dit un mot des tortures et des disparitions en Argentine. Au Nicaragua, la politique pontificale est depuis des années purement et simplement inféodée à Washington et à ses intérêts, depuis sa lutte contre la révolution sandiniste. Jean-Paul II a aussi abandonné publiquement l’archevêque du Salvador Romero qui venait lui demander de l’aide en 1980 alors que se perpétraient des massacres par les escadrons de la mort soutenus par les Américains ; Oscar Romero a été assassiné à son retour au pays.

L’élection de Wojtyla a, à cet égard, bel et bien représenté un retour à une extrême centralisation du pouvoir de l’Église, par exemple en matière de nomination des évêques. Depuis, les forces les plus conservatrices se trouvent à la tête du clergé latino-américain, totalement soumises aux dictatures et autres pouvoirs mis en place par des coups d’État militaires. Alfonso Lopez Treujilla, archevêque de Medellin en Colombie, peut en outre être suspecté d’avoir passé un contrat au nom de l’Église colombienne avec le cartel mafieux des trafiquants de cocaïne : lui ne s’en est pas vanté, mais l’archevêque de Bogota, Castillon Hoyos, l’a pour sa part reconnu, estimant que « faire servir au bien un fruit du mal » n’était pas « pécher »… Et c’est ce même Hoyos qui a été placé à la direction de la CELAM, la Conférence épiscopale des évêques latino-américains.

Jean-Paul II complice de « la sainte mafia »

Avec le soutien inconditionnel accordé par Wojtyla à l’Opus Dei, la « sainte mafia » (9), c’est une autre allégeance aux dictatures de tous ordres qu’il a manifestée. En effet, José Maria Escriva de Balaguer, le fondateur de l’Opus Dei créé en 1928, fut le directeur de conscience de Franco et le père spirituel de Pinochet. C’est cet homme à l’ambition sans borne, véritable manipulateur s’étant même octroyé le titre de marquis, que Jean-Paul II a béatifié le 17 mai 1992 et canonisé en octobre 2002, au nom de ses « vertus héroïques ». Il n’a pourtant pas brillé par sa résistance au « Caudillo » ! Tous ses prêches s’achevaient par une « prière pour les autorités militaires, politiques et ecclésiales », le tout dans l’Espagne franquiste. Plusieurs des ministres de Franco étaient des membres de l’Opus Dei, tels Alberto Ullstares Calvo, ministre du Commerce, Mariano Navaro Rubio, ministre des Finances, Loreano Lopez Rodo, secrétaire général à la présidence ; à la fin des années 1960, sur dix-neuf ministres franquistes, sept étaient membres de l’Opus et dix en étaient sympathisants (10) ! En 1969, en Espagne, un scandale de corruption éclata qui éclaboussa largement l’Opus Dei : certains de ses plus éminents membres trempèrent dans une gigantesque fraude, via la société commerciale Matesa, détournant plus de dix milliards de pesetas de deniers publics.

Les liens de l’Opus Dei — surnommée la « garde noire du pape » — avec la haute finance sont désormais connus. Christian Torras, directeur d’un journal pourtant catholique, la revue Gollais, explique : les hommes de l’Opus Dei n’existent pas dans les diocèses ; « ils ne font que du lobbying théologique et économique. Ils ont mené une incroyable guerre d’appareil. Quand on voit les finances du Vatican, toujours dans le rouge, on sait qui renfloue les caisses. Pour l’Opus Dei, l’argent n’a pas d’odeur. Le don n’existe pas. Il n’est qu’un seul et unique apostolat : le business » (11).

Que par ailleurs les membres de l’Opus Dei s’adonnent à des mortifications sado-masochistes du type garrots aux poignets, aux mollets, à la taille (Escriva prônait de traiter le corps en ennemi), libre à eux ! D’anciens adeptes de l’ « œuvre » ont apporté des témoignages sans appel sur ses méthodes : pressions psychologiques, notamment sur des adolescents, « terrorisme spirituel », « endoctrinement » et « lavage de cerveau » (12), culte de la personnalité du fondateur, enquêtes approfondies sur la vie privée des familles des membres, entretien d’un sentiment de culpabilité permanent débouchant sur de nombreuses dépressions et des suicides (13)… : une secte à l’esprit totalitaire, à n’en point douter.

Mais cette secte a d’immenses avantages pour la papauté : outre qu’elle inculque l’idée selon laquelle l’autorité, la primauté et l’infaillibilité du pape doivent être posées en principes absolus et indubitables, les appuis politiques et les réseaux financiers de l’Opus Dei lui permettent de contrôler un véritable empire de presse (600 journaux et magazines, 58 émissions de télévision et de radio, une trentaine d’agences de presse, des maisons de production, etc.) sans compter ses écoles, ses éditions de manuels scolaires et de bandes dessinées. Jean-Paul II était tellement attaché à cette institution réactionnaire parmi les réactionnaires qu’il lui a conféré un statut inédit dans l’histoire de l’Église : il en a fait une « prélature personnelle ».

Jean-Paul II complice d’assassinats

Que penser encore, en marxistes, de la théologie de la libération et du combat acharné que Jean-Paul II a livré contre elle ? L’Humanité du 4 avril 2005 parlait au sujet de ce courant de pensée de « l’une des grandes espérances de la fin du XXe siècle ». L’éditorial allait jusqu’à dire que la théologie de la libération rapprochait les motivations du « Jésus des pauvres » avec le marxisme. Qu’en est-il ?

La théologie de la libération est apparue en Amérique latine au cours des années soixante, dans une situation objective de grande misère sur ce sous-continent. Sous l’influence du prêtre péruvien Gustavo Gutierrez, en 1968, à Medellin, la majorité des évêques latino-américains adoptent « l’option préférentielle aux pauvres ». Et depuis, il est vrai que les Églises brésilienne et chilienne militent pour la restitution aux paysans des terres qui leur ont été confisquées et pour une plus juste répartition des richesses. Il s’agit de promouvoir une « évangélisation libératrice ». Certains évoquent même la distribution des biens de l’Église. Les communautés de base qui organisent les populations les plus pauvres dans le cadre de la théologie de la libération visent à établir une justice sur le fondement de la foi. Concrètement, et selon les termes de Gustavo Gutiérrez, il y a lieu de pratiquer avant toutes choses l’ « engagement de charité » surtout envers les petits paysans surexploités et les populations des bidonvilles. Le but reste tout de même, avant tout, la « libération du péché et la communion de l’homme avec Dieu » (14). Il ne s’agit bien évidemment pas là de marxisme, comme certains voudraient le faire croire, pour le condamner ou l’encenser. Selon Gutiérrez, le seul point commun entre marxisme et foi chrétienne est « l’utopie »… Ce qui n’empêche pas les théologiens de la libération de lire Marx ou Gramsci. Il n’en reste pas moins que le marxisme est à leurs yeux une vision matérialiste et individualiste contraire aux principes chrétiens. En outre, ils ne prônent pas la lutte de classes ; simplement, ils la constatent ; ils souhaitent la combattre par l’avènement d’une société plus juste et conforme à l’Évangile, tout en soulignant la transcendance de leur théologie. D’ailleurs, Gutiérrez a pu faire preuve d’allégeance à sa hiérarchie et au pape en particulier : « Je ne veux pas me présenter comme un antipape, déclare-t-il en 1986. Je suis d’accord avec les mots de Jean-Paul II. » (15)

Pourtant, la théologie de la libération constitue naturellement aux yeux du Vatican une déviance doctrinale contre laquelle il faut lutter avec toutes les armes possibles. En 1984, le document Libertatis nuntius a condamné ce qu’il nomme une « hérésie marxiste ». La même année, le prêtre brésilien Leonardo Boff a été convoqué au Vatican, véritablement harcelé, il a subi de multiples mesures disciplinaires et a été finalement astreint au silence en mai 1985. En 1987, Jean-Paul II est resté sans un mot de condamnation face aux divers attentats sanglants perpétrés contre les adeptes de la théologie de la libération, par exemple celui commis contre Ignacio Ellacuria, prêtre et directeur de l’université de San Salvador, sauvagement assassiné en novembre 1989 avec d’autres collaborateurs par un commando des « escadrons de la mort ». Des centaines de meurtres ont ainsi eu lieu. Or, le Vatican et l’Église ont directement fourni des informations aux militaires, par exemple lors de la conférence de le Mar del Plata, en novembre 1987, réunie sur le thème de lutte contre le « mode de pénétration » du « mouvement communiste international » « à travers la théologie de la libération, notamment » (16). Ces persécutions non seulement ont laissé le Vatican de marbre, mais encore il y a trempé en aidant objectivement les assassins. Pour lutter contre la théologie de la libération, le Vatican dispose désormais d’une des premières banques de données informatisées de l’Église : il a ainsi stocké une masse de données concernant les prêtres « rouges ». La NED fondée par Reagan vise pour sa part à financer les groupes et syndicats latino-américains luttant contre la théologie de la libération.

L’Amérique latine représente évidemment un enjeu de taille pour l’Église, avec environ 400 millions de baptisés et 50 % des catholiques du monde. Il est indéniable que les religieux et les laïcs se réclamant de la théologie de la libération ont cherché et cherchent encore, en dépit des persécutions, à aider les plus pauvres au quotidien, bousculant la hiérarchie catholique au point de l’inquiéter sérieusement. Mais les marxistes ne sauraient encenser comme une « espérance » une pensée et une action aux fondements essentiellement religieux… À l’heure où la lutte de classes se montre héroïque, en Équateur, en Argentine, en Bolivie, au Mexique, on ne saurait soutenir une idéologie qui la combat.

Jean-Paul II complice de génocide

Enfin, on peut l’affirmer sans ambages, Jean-Paul II est l’un des responsables indirects de la propagation du sida, notamment en Afrique où l’on peut décemment parler de « génocide », puisque la maladie est en train de décimer la population. Les chiffres officiels de l’ONU-Sida (17) font état de plus de deux millions de morts en Afrique subsaharienne l’an passé et de 25 millions de personnes infectées. Quant aux projections sur 20 ans, ce sont soit 64 millions de morts (si la situation actuelle est maintenue, c’est-à-dire si seules 5 % des personnes contaminées reçoivent un traitement) soit 48 millions de morts (si « une politique exceptionnellement audacieuse » était mise en œuvre, évaluée à 195 milliards de dollars sur vingt ans, c’est-à-dire moins que ce que coûte un an de guerre en Irak : 200 milliards de dollars). Or, Jean-Paul II, condamnant absolument la contraception, a laissé croire aux populations africaines qu’il « visitait » que le préservatif ne protégeait pas du sida. Lors d’un voyage en Ouganda en 1993, il a affirmé que « la chasteté était l’unique manière sûre et vertueuse » d’y mettre fin.

De fait, pour le pape et ses sbires du Vatican et d’ailleurs, la contraception est « totalement illicite ». En 1989, les évêques de France, par leurs pressions exercées sur les pouvoirs publics, sont d’ailleurs parvenus à faire retirer du marché la pilule abortive RU 486. Plus largement, toutes les questions touchant à la sexualité et à la « morale » ont fait l’objet de la « pensée » ultra-réactionnaire de Wojtyla. JP II n’a cessé de vouer aux gémonies les « législations contraires à la vie » conduisant selon lui « à la décadence, non seulement morale, mais aussi démographique et économique » (18). Pour lui, ces lois étaient « un germe de corruption de la société et de ses fondements ». Il a ainsi condamné comme « gravement contraires à la chasteté » la pornographie et la masturbation, a dénoncé l’homosexualité comme « comportement intrinsèquement désordonné » fermant « l’activité sexuelle au don de la vie », et n’a eu de cesse de condamner le divorce, la procréation artificielle et ce qu’il appelait « l’utilisation détournée » du diagnostic prénatal, la fécondation in vitro. En juin 1991, lors d’un voyage en Pologne, Jean-Paul II a assimilé l’avortement à un génocide. Il a réitéré une telle comparaison peu de temps avant sa mort, sans que les médias s’en émeuvent. Moins tragiquement, en février 1990, le pape s’est fendu d’une nouvelle « charte spirituelle » stipulant que le tabagisme et même la gourmandise étaient des « péchés à bannir » (19) ! Lors de l’audience générale du 8 octobre 1980, il est allé jusqu’à condamner le fait qu’un mari regarde avec désir sa propre femme (20).

Le pape a constamment chassé sur ses propres terres pour lutter contre toute « déviation » morale. En juillet 1986, l’Américain Charles Curran a été privé de sa chaire d’enseignement de théologie morale à l’université catholique de Washington pour avoir suggéré une tolérance nouvelle à l’égard des « problèmes de perversion » tels que l’homosexualité, la masturbation ou les rapports sexuels dans l’Église.

Le pape et ses disciples du Vatican ont en outre tout fait pour saboter la conférence sur la population et le développement de l’ONU de septembre 1994, afin d’éviter que ne soient légitimés au niveau international la contraception et l’avortement. Les vaticanistes ont appelé cette campagne « l’offensive de printemps ». Rencontrant la sous-secrétaire des Nations Unies pour le programme sur la population et le développement, Nafis Sadik, le pape lui a tenu ce langage : la contraception n’est licite qu’avec les « méthodes naturelles » ; pourtant, même les évêques allemands reconnaissent que la méthode ogino-knaus n’est pas adéquate ; mais le pape a fustigé son propre camp, en affirmant que ces évêques étaient influencés par « la société matérialiste allemande ». À la remarque de Sadis selon laquelle 200 000 femmes meurent chaque année des suites d’avortements, « Sa Sainteté » a daigné répondre : « Ne croyez-vous pas que ce sont les femmes les responsables des comportements irresponsables des hommes ? » (21) Pas précisément, l’homme qui aimait les femmes, ce Jean-Paul II ! Le 25 mars 1995, dans l’encyclique Evangelium vitae, il a encore stigmatisé l’avortement comme un acte tyrannique, totalitaire et antidémocratique…

En revanche, ce pape n’a jamais condamné la peine de mort, bien au contraire : elle représentait, selon lui, une forme de légitime défense, une manière de « préserver l’ordre public », d’après la mal nommée encyclique L’évangile de la vie. Deux poids et deux mesures donc, dans sa conception du « droit à la vie ».

Quant aux véritables massacres de populations entières, il s’est bien gardé de les condamner. Jean-Paul II est allé célébrer en grande pompe, en 1992, le 500e anniversaire de la découverte et de l’ « évangélisation » du continent américain. On sait pourtant que celle-ci s’est traduite par l’extermination des populations indiennes par les conquistadores. De fait, pendant la visite du pape, ces populations indiennes protestaient contre le génocide. Un de plus qu’a couvert ce prétendu « Saint »-« Père » !



Les militants communistes révolutionnaires ne doivent donc surtout pas sous-estimer le rôle politique majeur du Vatican dans le combat des classes dominantes pour maintenir le système capitaliste d’exploitation, d’oppression et d’aliénation contre les travailleurs et les peuples. Ils doivent au contraire dénoncer résolument et combattre constamment l’Église catholique et toutes les autres. Ils doivent exiger notamment la remise de leurs biens mobiliers et immobiliers dans les mains du peuple travailleur, à commencer par la collectivisation de l’État fantoche du Vatican, dont le territoire et les biens doivent revenir aux travailleurs italiens. Et, tout en se prononçant pour la laïcité de l’État et pour que la religion soit traitée comme une affaire privée, ils doivent se battre pour l’instruction du peuple et la diffusion militante du matérialisme et du marxisme.


1) Cité par Pedro Miguel Lamet, Jean-Paul II, le pape aux deux visages, Villeurbanne, Golias, 1998, p. 451.

2) Henri Madelin, « La conception de la société dans les encycliques de Jean-Paul II », in La société dans les encycliques de Jean-Paul II, Paris, Cerf, 2000, p. 54.

3) Constance Colonna-Cesari, Urbi et orbi Enquête sur la géopolitique vaticane, Paris, La Découverte, 1992, p. 203.

4) Philippe Levillain, François-Charles Uginet, Le Vatican ou les frontières de la grâce, Paris, Calmann-Lévy, 1984, p. 119.

5) Constance Colonna-Cesari, Le pape combien de divisions ?, Paris, Dagorno, 1994, p. 41.

6) Ibidem, p. 39.

7) Philippe Levillain, François-Charles Uginet, Le Vatican ou les frontières de la grâce, op. cit., p. 120.

8) Christine de Montclos, « Le Saint-Siège et la construction de l’Europe », in Jean-Benoît d’Onorio (dir.), Le Vatican et la politique européenne, Paris, Mame, 1994, p. 95.

9) Voir l’enquête minutieuse menée par Yvon Le Vaillant, La Sainte Maffia. Le dossier de l’Opus Dei, Paris, Mercure de France, 1971.

10) Luc Nefontaine, L’Opus Dei, Paris, Cerf, 1993, p. 89.

11) Cité par Alain Vircondelet, Jean-Paul II, Paris, Julliard, 1994, p. 451.

12) Témoignage par exemple de Maria Angustias Moreno, membre de la branche féminine de l’œuvre pendant quatorze ans, cité par Luc Nefontaine, L’Opus Dei, op. cit., p. 72.

13) Témoignage d’Alberto Moncada, ancien responsable de l’Opus Dei en Espagne, cité par Luc Nefontaine, idem, p. 76.

14) Gustavo Gutiérrez, Théologie de la libération.. Perspectives, Limas, 1971.

15) Cité par Pedro Miguel Lamet, Jean-Paul II, le pape aux deux visages, op. cit., p. 383.

16) Constance Colonna-Cesari, Le Pape combien de divisions ?, op. cit., p. 100.

17) Cités par Informations ouvrières (journal du PT) du 31 mars.

18) Cité par Henri Madelin, « La conception de la société dans les encycliques de Jean-Paul II », in La Société dans les encycliques de Jean-Paul II, op. cit., p. 52.

19) C. Colonna-Cesari, Urbi et orbi Enquête sur la géopolitique vaticane, op. cit., p. 83.

20) Pedro Miguel Lamet, Jean-Paul II, le pape aux deux visages, op. cit., p. 432.

21) Ibidem.


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