Le CRI des Travailleurs
n°25
(janvier-février 2007)

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Adresse du Groupe CRI à la conférence panaméricaine


Auteur(s) :Groupe CRI
Date :8 décembre 2006
Mot(s)-clé(s) :international
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On lira ci-après la contribution politique adressée par le Groupe CRI à la conférence panaméricaine et lue en séance par les organisateurs.

« Chers camarades,

Le Groupe CRI tient à adresser son salut fraternel à la Conférence en défense de l’emploi, des droits, de la réforme agraire et du parc industriel.

Nous partageons l’axe politique de la conférence. Oui, « notre organisation et nos luttes », c’est-à-dire la lutte de classe et l’organisation de classe des travailleurs de la ville et de la campagne, et « elles seules, peuvent sauver de manière durable tous les emplois et imposer les revendications populaires ». Oui, pour que nos luttes et notre organisation puissent aboutir, il est nécessaire d’organiser un « échange d’expérience », « la discussion démocratique » sur les moyens et les buts de nos combats, et de poser les bases d’une « articulation internationale », comme l’affirme l’appel à la conférence. C’est la raison pour laquelle nous aurions souhaité participer à la conférence ; mais, en raison de la faiblesse de notre organisation, des circonstances matérielles ont malheureusement rendu cela impossible.

Si nous avions pu être présents, nous aurions proposé aux délégués de consacrer une partie de la conférence à discuter des conditions politiques pour que le mouvement d’occupation et de récupération d’usines qui se développe en Argentine, en Uruguay, au Brésil et au Venezuela puisse effectivement sauver durablement les emplois des travailleurs et permettre à leurs familles de vivre.

Les usines occupées et remises en marche par les travailleurs sous diverses formes sont une goutte d’eau au milieu de l’océan capitaliste. C’est pourquoi toutes ces entreprises sont soumises à une double pression permanente, économique et politique.

D’une part, pour pouvoir vendre les marchandises, il faut produire à un niveau de qualité et à des coûts comparables à ceux des autres entreprises du marché. Cela contraint, sous peine de faillite à moyen terme, à moderniser l’outil de production, ce qui n’est pas possible sans accumulation de capital par l’entreprise ou sans injection de capital depuis l’extérieur. De plus, cela exerce une pression constante sur les salaires et les conditions de travail des ouvriers pour les aligner au niveau ou même en dessous du niveau généralement pratiqué dans les entreprises capitalistes.

D’autre part, les patrons et leurs gouvernements, ainsi que tous leurs agents dans le mouvement ouvrier, à commencer par la bureaucratie syndicale, voient d’un mauvais œil l’occupation des usines et leur remise en marche par les ouvriers, car cela met un coup à l’idole de la propriété privée et prouve que les travailleurs sont capables d’organiser eux-mêmes la production. Ils cherchent, par tous les gigantesques moyens de pression qu’ils ont à leur disposition (économiques, politiques, juridiques…), à réintroduire le patron ou à fermer les usines, pour mettre un terme à ces expériences, car peu leur importent l’emploi et la vie des travailleurs jetés au chômage et voués à la misère par le capitalisme.

Cela a une signification claire : si les usines occupées par les travailleurs restent isolées, elles finiront tôt ou tard, quels que soient le courage et l’énergie des travailleurs qui les occupent et les font fonctionner, par être reprises par les patrons ou par être fermées.

C’est pourquoi, pour sauver durablement les emplois et la production, il est nécessaire d’étendre le mouvement d’occupation d’usines à tout le pays. Mais, tant que le gouvernement restera dans les mains de nos ennemis, des patrons, des latifundiaires et de leurs agents, ils utiliseront leur argent, la justice, la police et les médias contre nous. C’est la raison pour laquelle la lutte pour l’extension du mouvement d’occupation d’usines et la gestion démocratique par les travailleurs implique, pour gagner, la lutte pour arracher le pouvoir, pour imposer par la mobilisation des masses un gouvernement des ouvriers et des paysans. Un tel gouvernement ne serait rien d’autre que la généralisation à tout le pays de ce que le Comité d’usine est dans l’entreprise : un pouvoir exercé par les travailleurs et pour les travailleurs de la ville et de la campagne.

Cela a trois conséquences :

• Le choix d’une structure coopérative, que les ouvriers ont parfois été amenés à faire dans l’urgence, est à moyen terme sans issue. Il ne peut que conduire les travailleurs à s’auto-exploiter toujours plus, avant que leur entreprise ne tombe sous le joug de la concurrence. Il est nécessaire de se battre pour la nationalisation de l’entreprise sous contrôle des travailleurs.

• La nationalisation d’une ou de quelques usines n’est pas suffisante ; il faut un saut qualitatif : il faut se battre pour que toutes les grandes et moyennes entreprises soient nationalisées et pour que, une fois nationalisées, règne non la co-gestion État/ouvriers, mais la direction par les seuls travailleurs eux-mêmes.

• La lutte des usines occupées est inséparable de la lutte de classe de l’ensemble des travailleurs de la ville et de la campagne ; elle ne peut pas aboutir sans avoir la perspective du gouvernement des travailleurs et des paysans, ni sans donner à cette perspective une expression organisée, c’est-à-dire un parti.

Cela pose le débat de la lutte pour le socialisme. Pour nous, le socialisme, c’est à la fois la collectivisation des grands moyens de production et d’échange et le gouvernement des travailleurs de la ville et de la campagne. Il n’y a pas d’autre solution pour organiser et développer la production en vue de la satisfaction des besoins de tous, ce qui est devenu techniquement possible depuis longtemps. Le socialisme, ce n’est pas l’exploitation et l’oppression des travailleurs par une puissante bureaucratie se réclamant frauduleusement du socialisme, comme les patrons et leurs idéologues veulent le faire croire en identifiant socialisme et stalinisme. La marche vers le socialisme, au XXIe siècle comme avant, suppose de s’attaquer résolument à la propriété privée des grands patrons et latifundiaires ; d’appuyer et non de supprimer le contrôle ouvrier dans l’industrie d’État quand il se met en place ; de lutter contre la bureaucratie de l’État bourgeois et de mettre un terme à la répression des travailleurs par la police, ce qui suppose en dernière analyse le combat pour leur dissolution ; de mettre au point un vaste plan d’investissement sous le contrôle des travailleurs pour mettre fin au chômage, construire les logements nécessaires et relever les salaires pour garantir une vie décente... Ce sont autant de mesures nécessaires pour aller vers le socialisme authentique. Et ce sont autant de mesures que Hugo Chavez, malgré un certain nombre de réformes progressistes qu’il a faites et que nous appuyons, n’a pas commencé à mettre en œuvre depuis neuf ans qu’il est au pouvoir.

Votre mouvement d’occupation d’usines et d’occupation de terres montre toute la puissance et toutes les capacités des travailleurs de la ville et de la campagne. Les travailleurs n’ont pas à attendre la défense de leur emploi d’un quelconque sauveur, mais seulement d’eux-mêmes, de leur propre lutte. Ce sont eux seuls qui, organisés, peuvent ouvrir la voie vers le socialisme, seule à même de sauvegarder durablement et d’améliorer dans des proportions considérables les conquêtes de la lutte de classe passée.

Comme le capitalisme est un système mondial, les plans de licenciements organisés par les patrons avec l’appui de leurs gouvernements s’étendent au monde entier. C’est pourquoi les travailleurs doivent lutter en commun à l’échelle internationale.

Par exemple, actuellement, le secteur automobile est en pleine restructuration. En Europe aussi, en France notamment, Peugeot, Volkswagen et d’autres ont annoncé de vastes plans de licenciements, qui auront des effets en cascade, parce qu’ils vont aussi toucher les ouvriers des entreprises sous-traitantes. Si elle était connue ici, l’expérience de vos luttes serait à coup sûr d’une grande utilité pour aider les travailleurs d’Europe à combattre ces nouvelles attaques.

Nous espérons donc que la conférence pourra mener des discussions fructueuses et proposer des initiatives concrètes permettant d’aller dans le sens de l’unité internationale de la lutte des travailleurs pour leurs emplois, leurs droits, la réforme agraire et la défense du parc industriel. Nous sommes disposés à participer dans la mesure de nos faibles moyens à ses initiatives et à les relayer en France.

Salutations fraternelles,

Groupe CRI »


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