Le CRI des Travailleurs
n°27
(été 2007)

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Éditorial : Il faut préparer sans attendre la résistance sociale aux attaques de Sarkozy !


Auteur(s) :Ludovic Wolfgang
Date :20 juin 2007
Mot(s)-clé(s) :France, résistance-Sarkozy
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Sarkozy, son gouvernement et sa majorité absolue à l’Assemblée sont mandatés par le MEDEF, la bourgeoisie et l’Union européenne capitaliste pour infliger une défaite majeure aux travailleurs, aux immigrés et aux jeunes. La répression a sévi d’emblée contre les manifestants qui ont décidé de s’opposer à ses projets dès le 6 mai au soir et les jours suivants (violences policières et peines de prisons sévère prononcées par les Tribunaux). L’adoption des premières lois est prévue dès juillet :

« Légitimité démocratique » toute formelle de Sarkozy… et collaboration de classe bien réelle des principales directions du mouvement ouvrier

Il est donc urgent de préparer la résistance sociale unitaire. Certes, le nouveau gouvernement jouit de la « légitimité démocratique » formelle que lui confèrent les élections. Mais Sarkozy le petit Bonaparte a surtout été porté au pouvoir par les mécanismes plébiscitaires et démagogiques de la Ve République, par les trusts de la communication capitaliste, par le vote de bourgeois grands et petits et de vieillards manipulés. Et il a été fortement aidé par Ségolène Royal et le PS, qui ont défendu un programme similaire au sien pendant toute la campagne présidentielle, comme l’a confirmé de manière évidente notamment le débat télévisé du 2 mai : Royal et Sarkozy se sont prononcés l’un comme l’autre contre la régularisation massive des sans-papiers, pour une répression renforcée des jeunes délinquants, pour la réforme des régimes spéciaux de retraite et l’application des principales dispositions de la loi Fillon, pour le renforcement de l’Union européenne capitaliste, pour l’accroissement des cadeaux fiscaux aux entreprises, pour la domestication accrue des syndicats, etc. (1)

Après l’élection de Sarkozy, le PS a confirmé qu’il n’était décidément pas un instrument au service des travailleurs : il s’est immédiatement incliné devant la prétendue « légitimité » de Sarkozy et, allant jusqu’au bout de son allégeance aux institutions de la Ve République, il est allé jusqu’à refuser de se battre sérieusement pour gagner les législatives ! Les travailleurs l’ont bien compris, en refusant massivement d’aller voter au premier tour. Il a fallu attendre l’annonce d’un risque de « vague bleue » UMP à l’Assemblée pour que les dirigeants du PS commencent à contester un peu le programme de l’UMP (en se cantonnant en fait prudemment à la question de la « TVA sociale » et des « franchises » de soins). Même après le second tour, qui s’est révélé pourtant moins catastrophique que prévu pour la « gauche », les dirigeants du PS ont immédiatement déclaré qu’ils constitueraient une « opposition » responsable, « constructive ». François Hollande est allé jusqu’à déclarer sur France Info, dès le 18 juin au matin, qu’il ne s’agissait en aucun cas d’essayer d’« empêcher » le nouveau gouvernement de mener sa politique ! Après avoir fait appel aux travailleurs pour sauver ses sièges de députés et en gagner quelques-uns en plus, le PS a donc clairement indiqué à Sarkozy qu’il lui laissait les mains libres pour faire passer ses contre-réformes !

En fait, l’élection de Sarkozy et de l’UMP ne leur confère de « légitimité » que du point de vue de la pseudo-démocratie bourgeoise. Pour la classe ouvrière et la jeunesse, un gouvernement qui veut achever de détruire leurs acquis sociaux ne saurait avoir une quelconque légitimité ! Et ce ne sont pas ces élections qui peuvent suffire à effacer la victoire des travailleurs dans les urnes lors du référendum du 29 mai 2005, la révolte de la jeunesse populaire en novembre 2005 et la victoire partielle, mais réelle, des travailleurs et des jeunes imposant le retrait du CPE au printemps 2006…

En dernière instance, seule la lutte de classe de la prochaine période décidera quel est le véritable rapport de force entre le nouveau gouvernement et la classe ouvrière. La bourgeoisie et Sarkozy savent d’ailleurs très bien qu’ils doivent être prudents face aux énormes forces de résistance potentielle de la classe ouvrière et de son alliée naturelle, la jeunesse révoltée. C’est ce qu’exprime à sa manière un chroniqueur du Monde, Bertrand Le Gendre, le 5 juin : pour lui, le « paradoxe de la situation à laquelle risque de se heurter le nouveau gouvernement », c’est que, « pour réformer la France, il ne suffit pas de triompher électoralement, il faut aussi apprivoiser les minorités agissantes, sinon elles mordent ». Or ces « minorités agissantes » sont avant tout, aux yeux du journaliste, les travailleurs et les jeunes qui luttent, en un mot ce que nous appelons pour notre part l’« avant-garde » de la classe ouvrière. Au-delà de considérations plus ou moins confuses sur les « extrêmes », c’est bien à cette avant-garde que pense l’auteur, comme le confirme la conclusion de son article : « Plébiscité par son camp, conforté par un bipartisme qu’il a contribué plus qu’un autre à asseoir, le nouveau président risque de se heurter, non au PS, installé depuis le "tournant de la rigueur" (1983) dans le cercle de la raison, mais aux minorités. C’est de là, pour les partis dominants, que vient généralement le danger. Les émeutes dans les banlieues et le rejet du CPE en témoignent. Elles rappellent qu’en France, traditionnellement, la politique a ses raisons que la raison électorale ne connaît pas. » Ce représentant idéologique de la bourgeoisie pose donc parfaitement le problème : l’élection plébiscitaire et démagogique de Sarkozy ne se transformera en véritable victoire sociale que s’il est capable de mâter la classe ouvrière et la jeunesse ; or cela implique avant tout de mettre hors d’état de nuire son « avant-garde » — qui, depuis 1995, en période de mouvement, reçoit le soutien d’une majorité de la population.

C’est pourquoi la priorité de Sarkozy est non seulement de montrer sa détermination à réprimer ceux qui protestent, mais surtout de neutraliser les organisations du mouvement ouvrier en s’assurant du soutien de leurs dirigeants. Or, du point de la classe ouvrière, tout le problème est que, pour le moment, il réussit parfaitement son pari : depuis son élection, il peut compter non seulement sur l’appui du PS, mais aussi sur l’allégeance de la direction du PCF et des principaux dirigeants syndicaux. Tous ces gens-là, en effet, s’inclinent devant sa prétendue « légitimité démocratique » et lui demandent bien gentiment de « négocier », de « discuter », de se « concerter ». Tous nous rebattent les oreilles avec leur prétendu « dialogue social », leur prétendue « démocratie sociale ». C’est ainsi que la secrétaire nationale du PCF s’est réjouie de la récupération de Guy Môquet par Sarkozy. Mais surtout, les dirigeants de la CFDT, de FO et de la CGT se sont précipités chez Sarkozy avant même son investiture officielle pour « négocier » avec lui sur la base de son programme ! (Cf. ci-dessous la déclaration du CILCA.)

Pourtant, il n’y a rien à négocier dans le programme anti-social et antidémocratique de Sarkozy ! Et, pour préparer la résistance, il n’y a aucune raison d’attendre la rentrée, alors que Sarkozy va convoquer le nouveau Parlement dès juillet pour faire passer toute une première série de mesures plus réactionnaires les unes que les autres. Au contraire, il faut faire face à l’urgence et se préparer à prendre des initiatives contre les premières lois du Parlement sarkozyste. Mêmes limitées, de premières mobilisations en juillet sont tout à fait possibles et nourriront de toute façon la préparation d’un grand mouvement d’ensemble des travailleurs et de la jeunesse.

Propositions pour préparer la résistance sociale

Ce grand mouvement de résistance sociale supposera la constitution d’un front unique des organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier contre les attaques de Sarkozy et du patronat. Mais il y a trois conditions indispensables et indissociables pour imposer ce front unique, c’est-à-dire pour mettre en échec la politique collaboratrice des principales directions. Dans les trois cas, il s’agit de regrouper et de renforcer l’avant-garde large des travailleurs et des jeunes, afin qu’elle puisse servir de vecteur conscient et organisé à la mobilisation de toute la classe ouvrière.

1) Il faut d’abord et avant tout œuvrer, sans attendre, à l’auto-organisation des travailleurs, des sans-papiers et des jeunes. Il faut que des Assemblées générales, des Comités de préparation de la résistance sociale, même minoritaires dans un premier temps, se constituent partout où c’est possible, dans les universités, les entreprises, les quartiers. Les travailleurs et les jeunes ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Ils n’ont pas d’autre moyen que leur auto-organisation démocratique pour préparer la résistance sociale, pour décider leur orientation politique indépendante et leurs initiatives concrètes. C’est pourquoi il faut que tous ceux (individus et organisations) qui veulent préparer sans attendre la résistance aux attaques de Sarkozy répondent positivement à l’Appel de l’Assemblée générale parisienne du 8 juin qui propose notamment, pour coordonner les comités locaux, organisations et individus, la tenue d’un grand Forum de la résistance sociale le samedi 7 juillet (cf. l’appel ci-dessous).

2) Il faut de plus construire un courant lutte de classe dans les syndicats, pour regrouper les militants qui refusent la collaboration de classe et les unir au-delà de leurs différentes sensibilités dans leur combat contre les bureaucrates et contre la politique de « concertation » avec Sarkozy. C’est en ce sens qu’agit le CILCA (Comité pour un Courant Intersyndical Lutte de Classe Antibureaucratique, dont sont membres, avec d’autres, les militants syndicaux du Groupe CRI). Et c’est à cela que peuvent contribuer, s’ils en ont la volonté au-delà de leurs différentes sensibilités, les collectifs et militants syndicaux de lutte de classe qui ont participé à 130, le 26 mai, au Forum du syndicalisme de classe et de masse (cf. ci-dessous la résolution adoptée par ce Forum et la contribution du CILCA).

3) Enfin, il faut construire un grand regroupement politique anti-capitaliste conséquent et cohérent. Celui-ci ne pourra être évidemment qu’indépendant de la direction du PS, mais aussi de la direction du PCF, qui se contente d’un « anti-libéralisme » sans consistance et pense avant tout à sauver ses députés et son appareil par l’alliance avec le PS. En revanche, ce regroupement anti-capitaliste pourrait compter sur le soutien d’une bonne partie des travailleurs et des jeunes qui ont lutté ces dernières années et qui, pour certains, ont voté malgré la pression du prétendu « vote utile » pour les organisations se réclamant de l’anti-capitalisme, à commencer par LO et la LCR.

De fait, les principales organisations dites d’« extrême gauche », qui se réclament de la classe ouvrière et de l’anti-capitalisme, ont une responsabilité particulière : elles devraient être à l’avant-garde du rassemblement des militants, des travailleurs conscients et des jeunes révoltés pour préparer la résistance sociale. Malheureusement, force est de constater que les directions de ces organisations (notamment LCR, LO, PT, etc.) ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Elles n’ont pas pris la moindre initiative depuis le second tour de la présidentielle. Elles ont refusé de se battre pour la constitution d’AG et de Comités unitaires de préparation de la résistance sociale. Elles ont refusé d’appeler aux manifestations contre les projets de Sarkozy (notamment les 16 mai et 2 juin). Et, au lieu de tirer les leçons de leur cuisante défaite collective du premier tour de la présidentielle, chacune a présenté ses propres candidats aux législatives dans ses propres intérêts d’appareil, menant une campagne insipide, alors qu’il aurait fallu utiliser cette échéance électorale pour commencer à construire ensemble et à faire connaître un regroupement politique basé sur un programme de lutte anti-capitaliste cohérent et conséquent, qui aurait fourni le meilleur point d’appui pour la préparation de la résistance sociale.

Pour sa part, le Groupe CRI continue et continuera d’appeler ces organisations à s’unir pour être capables de peser dans les grandes luttes qui nous attendent. Il est plus urgent que jamais de se battre aujourd’hui pour rassembler les anti-capitalistes, sans opportunisme, mais sans sectarisme. Il faut ouvrir la discussion sur la stratégie et le programme de lutte que nous voulons contre Sarkozy, mais aussi pour préparer l’alternative au capitalisme, l’alternative au système bourgeois de l’UMPS. On a beaucoup parlé d’un prétendu « changement » dans les sommets de la droite et de la gauche bourgeoises. Il serait temps qu’on parle d’un vrai changement dans les organisations du mouvement ouvrier. Car la nouvelle situation n’exige rien de moins qu’une refondation radicale du mouvement ouvrier, une refondation authentiquement anti-capitaliste, qui rompe totalement avec le PS, la direction du PCF, la collaboration de classe sous toutes ses formes et le réformisme, mais aussi avec le manque d’initiative, l’opportunisme et/ou le sectarisme de l’« extrême gauche ». Une refondation qui soit en même temps une réactualisation des fondamentaux du communisme révolutionnaire, axée sur l’objectif d’un gouvernement anti-capitaliste des travailleurs, par les travailleurs et pour les travailleurs.


1) Cf. ci-dessous la déclaration du Groupe CRI après le premier tour de la présidentielle.


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