Le CRI des Travailleurs
n°34
(novembre-décembre 2008)

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III. Thèses sur la méthode de construction du parti


Auteur(s) :Groupe CRI
Date :1er janvier 2003
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a) Pour une formation marxiste continue de tous les militants

Le parti communiste révolutionnaire internationaliste doit considérer comme une priorité fondamentale la formation marxiste des militants. Comme la révolution sociale prolétarienne, la formation de la conscience révolutionnaire ne peut qu’être permanente, car les militants communistes révolutionnaires subissent tous les jours la pression de l’idéologie bourgeoise et l’abrutissement des médias. Afin d’atténuer au maximum les effets bureaucratiques de la division sociale du travail à l’intérieur du parti, cette formation doit aussi être mutuelle, de sorte que chaque militant puisse profiter au maximum des connaissances et des expériences des autres. Chaque militant doit donc être très fortement incité à prendre une part active à la formation de tous, à l’élaboration théorique et aux analyses politiques. Par exemple, chacun doit être invité à rendre compte de ses lectures, à préparer des exposés, à constituer des dossiers, à proposer des textes à la discussion. Les militants doivent étudier et faire étudier, par la lecture individuelle, l’entraide et la discussion collective, sans jamais sombrer dans le terrorisme idéologique, le dogmatisme, le sectarisme ou le fétichisme, mais au contraire dans le but de former sa propre pensée et d’aiguiser son esprit critique, conditions pour agir efficacement et réaliser le but poursuivi :

Bien évidemment, le parti communiste révolutionnaire internationaliste refuse en même temps l’intellectualisme pur, le théoricisme ou le politicisme coupés de la pratique, de l’intervention dans la lutte des classes. Car ce dont il s’agit avant tout, ce n’est pas d’ « interpréter le monde », c’est de le « changer ».

b) Pour l’intervention politique dans la lutte des classes

Partout où ils sont présents, les militants communistes révolutionnaires internationalistes interviennent activement dans la lutte de classe de tous les jours. En toutes circonstances, ils combattent politiquement pour aider à la mobilisation spontanée des travailleurs et des opprimés pour leurs revendications. Tout en se battant toujours dans le but de faire aboutir les revendications mises en avant par les travailleurs et les opprimés eux-mêmes (car la satisfaction partielle et temporaire de certaines revendications est souvent possible sous la pression de la lutte de classe), ils mettent en avant la question du système économique et du pouvoir politique, et ils font valoir la nécessité de construire le parti communiste révolutionnaire internationaliste pour aller vers la constitution du gouvernement des travailleurs, par les travailleurs, pour les travailleurs, qui seul pourra imposer la satisfaction pleine et entière des revendications les plus fondamentales.

c) Pour la construction des syndicats

Les syndicats constituent la première forme d’organisation du prolétariat. Ils ont pour tâche de défendre les revendications matérielles et morales des travailleurs salariés, indépendamment de leurs convictions philosophiques, religieuses et politiques. En ce sens, ils constituent des organes de front unique ouvrier permanent et une école de formation élémentaire pour la lutte de classe.

Aujourd’hui comme hier, dans leur lutte pour défendre leurs conquêtes sociales, pour l’amélioration de leurs conditions de travail, pour leurs revendications immédiates en général, les ouvriers ont besoin de syndicats. La place essentielle occupée par les syndicats dans les mobilisations et les grèves quotidiennes des travailleurs, en particulier le rôle joué, en France, par la CGT-FO et la CGT dans le puissant mouvement de grèves de novembre-décembre 1995, entraînant des millions de travailleurs contre le plan Juppé, pour la défense de la Sécurité Sociale et des régimes spéciaux de retraite, montrent que la situation du syndicalisme n’est pas exactement la même que celle du mouvement ouvrier politique : malgré les multiples trahisons des appareils réformistes et staliniens qui dirigent les syndicats, et qui aggravent de ce fait le déclin du taux de syndicalisation et du nombre de grèves, les syndicats ouvriers continuent d’exercer une influence sur les travailleurs et de contribuer à leur lutte de classe, bien au-delà du cercle restreint des syndiqués. Le déclin des syndicats ne signifie pas d’abord le déclin en leur sein du poids relatif des appareils traîtres, réformistes et staliniens, mais le déclin des organisations qui constituent la classe ouvrière comme classe, qui lui appartiennent donc même si les bureaucrates s’efforcent de les accaparer.

C’est précisément pour cela que la bourgeoisie livre une lutte acharnée pour détruire les syndicats ouvriers, sous des formes « pacifiques » ou « brutales ». Elle s’efforce en particulier d’intégrer les syndicats à l’Etat bourgeois (« corporatisme »), tout en les dissolvant dans la prétendue « société civile ». En Europe, la mal nommée Confédération Européenne des Syndicats (C.E.S.), appendice des institutions de l’Europe de Maastricht, est le vecteur principal de cette politique. Celle-ci est complétée par le soutien constant, tant matériel qu’idéologique, apporté par les gouvernements et les institutions internationales du capital aux O.N.G. les plus diverses, qui ont toutes en commun de nier la division de la société en classes et qui, dans certains cas, s’efforcent de happer les syndicats. Mais la bourgeoisie ne s’en tient pas à une lutte « pacifique » contre le syndicalisme ouvrier : à chaque fois qu’elle le juge nécessaire, elle organise la répression contre les syndicalistes, sans reculer devant les moyens les plus expéditifs.

En conséquence, les militants communistes révolutionnaires internationalistes participent activement à la construction des syndicats de masse. En aucun cas ils ne les abandonnent aux bureaucrates. Tout au contraire, ils se tiennent aux premiers rangs de toutes les luttes pour les revendications matérielles et morales des travailleurs, ils prennent une part active à la vie des syndicats, se préoccupant de les renforcer et d’accroître leur esprit de lutte. (Dans le même objectif, ils participent à la construction de syndicats étudiants et lycéens partout où c’est possible.) Ils considèrent « l’auto-isolement capitulard hors des syndicats de masses » (Trotsky, Programme de Transition) comme une renonciation de fait à la révolution.

En même temps, ils rejettent et condamnent résolument tout « fétichisme syndical » : en raison de ses tâches spécifiques elles-mêmes, qui consistent à se battre pour l’amélioration des conditions de travail des salariés, le syndicat est une structure intégrée de fait à la société bourgeoise. Il n’a ni ne peut avoir un véritable programme révolutionnaire, et encore moins marxiste : même un syndicat combatif et parfaitement indépendant ne pourrait se substituer au parti pour la mobilisation révolutionnaire des masses. Par ailleurs, même au sein d’un État ouvrier, les syndicats devront rester indépendants de l’État. Les syndicats sont donc nécessaires, mais ils ne sont nullement suffisants pour mener le combat de l’émancipation des travailleurs.

C’est pourquoi aussi les militants communistes révolutionnaires internationalistes ne constituent pas de « syndicats rouges » et ne cherchent pas à imposer aux syndicats auxquels ils participent le programme du parti. Cela ne signifie cependant pas qu’il faille fétichiser l’indépendance du parti et des syndicats ou renoncer à se battre pour que le syndicat adopte des mots d’ordre « politiques » de rupture avec la logique du système capitaliste. Selon les circonstances, il est nécessaire — tout en respectant scrupuleusement la démocratie et les règles internes des syndicats — de leur proposer d’adopter des mots d’ordre politiques généraux, d’en faire la « courroie de transmission » entre le parti et les travailleurs conscients.

Dans leur activité syndicale, et sous le contrôle du parti, les militants communistes révolutionnaires internationalistes observent les principes suivants, qu’ils considèrent comme conditions sine qua non pour lutter avec succès à l’intérieur des syndicats contre la bureaucratie réformiste, social-démocrate et stalinienne :

De même qu’ils interviennent dans les syndicats, les militants communistes révolutionnaires internationalistes peuvent être amenés à participer également, dans les mêmes conditions, à des associations permanentes (professionnelles, mutuelles, à revendications particulières, de quartier…) et à des comités temporaires ad hoc que des travailleurs ou des citoyens constituent pour telle ou telle revendication précise.

d) La tactique du front unique ouvrier

La tactique du front unique ouvrier est l’une des méthodes que le parti communiste internationaliste doit mettre en œuvre pour se construire. Elle consiste à proposer aux autres organisations ouvrières, quelles que soient par ailleurs la nature et l’orientation politique de leurs appareils qui les dirigent (sociaux-démocrates, staliniens, centristes…), une unité de la base au sommet pour le combat commun sur telles ou telles revendications immédiates correspondant à l’état d’esprit des masses. Elle suppose qu’aucun préalable ne soit opposé à la nécessité du combat commun, du moment que les revendications en question sont clairement définies. Elle implique en même temps que le parti communiste révolutionnaire internationaliste reste intégralement indépendant des organisations qui constituent le front unique, continuant de développer ses propres analyses et mots d’ordre, et gardant en particulier son entière liberté (et son devoir) de critique à l’égard de ces organisations. La tactique du front unique se résume par la fameuse formule : « marcher séparément, frapper ensemble ».

Cette tactique est d’une importance particulière en ce qu’elle correspond à l’aspiration spontanée des travailleurs et des masses à réaliser l’unité pour se battre tous ensemble contre la bourgeoisie et son Etat sur la base de leurs revendications spontanées. Les diverses couches de la classe ouvrière n’atteignent ni simultanément, ni par les mêmes voies la conscience politique : le parti communiste internationaliste ne regroupe jamais qu’une petite minorité de la classe ouvrière et, de manière générale, les travailleurs ne peuvent forger leur conscience de classe que par et dans leur propre expérience sur le terrain de la lutte des classes. En outre, l’existence d’organisations ouvrières-bourgeoises hégémoniques dans le mouvement ouvrier implique une contradiction objective entre la confiance (relative) que les travailleurs ont en leurs organisations et la politique réelle menée par les appareils, qui trompent la classe ouvrière et trahit ses intérêts. C’est cette contradiction qui rend nécessaire la tactique du front unique ouvrier, et qui justifie qu’elle doive être proposée à toutes les organisations ouvrières, y compris les plus traîtres d’entre elles.

Il s’agit donc à la fois de faciliter la mobilisation la plus large des masses elles-mêmes, élevant ainsi leur combativité et leur conscience, et d’aider les militants et les sympathisants des organisations ouvrières-bourgeoises (et des organisations centristes) à prendre conscience du caractère traître (ou opportuniste) de la politique menée par leur direction, et à se tourner vers le parti communiste révolutionnaire internationaliste. C’est en effet seulement sur le terrain de la lutte de classe que les ouvriers peuvent vérifier la valeur des analyses et du programme de celui-ci : c’est en se trouvant au premier rang de la lutte pour la défense des intérêts ouvriers, en proposant des actions permettant effectivement à ces luttes de progresser, en menant le combat avec détermination et lucidité, que les militants communistes révolutionnaires internationalistes se distingueront des réformistes et de toutes les variétés de centristes qui ne combattent qu’à demi, reculent devant les difficultés, voire sabotent purement et simplement la lutte.

D’une part, toute organisation ouvrière qui refuse le front unique sur la base des revendications clairement définies des travailleurs ne peut que se condamner dans la conscience de ces derniers : une telle attitude constitue un obstacle à leur mobilisation et revient à les rejeter dans les bras des bureaucrates : elle doit donc être systématiquement dénoncée. Mais, d’autre part, la tactique du front unique ouvrier ne constitue en aucun cas une panacée, elle ne doit surtout pas constituer un refuge face aux difficultés que rencontre la construction du parti communiste révolutionnaire internationaliste, ou susciter des illusions sur la possibilité de « gauchir » réellement les appareils sous la pression des masses. Le front unique ne peut consister qu’en des actions communes sur la base de revendications claires, nettes et précises, et en aucun cas sur des « thèmes » généraux, des mots d’ordre vagues ou des appels abstraits à l’unité en soi, qui ne peuvent qu’aider les appareils à tromper les masses.

e) Militants, dirigeants, sympathisants

Par principe, tous les dirigeants du parti communiste révolutionnaire, quel que soit leur niveau de responsabilité, doivent être élus par les organismes dont ils sont les responsables. Ils sont révocables à tout moment par ces mêmes organismes. (Des statuts définissant les règles de fonctionnement de l’organisation précisent la nature et les modalités d’élection des différents organismes.)

L’expérience des partis ouvriers depuis plus d’un siècle enseigne que, dans les pays où le parti n’est pas contraint à la clandestinité, les militants ne doivent pas être des « révolutionnaires professionnels », mais des travailleurs manuels et intellectuels qui militent sur leur temps libre en liaison quotidienne avec les masses (la forte réduction du temps de travail depuis un siècle dans les pays développés, conquête majeure de la lutte des classes, offre suffisamment de temps libre pour accomplir les tâches de parti). En période non-révolutionnaire, il ne peut être envisagé de permanents qu’en nombre très restreint, avant tout pour les tâches purement techniques (secrétariat, impression, trésorerie, etc.), si possible à temps partiel. En aucun cas des militants qui n’ont jamais travaillé, qui n’ont travaillé que quelques années ou qui n’ont pas d’expérience de la lutte de classe sur le terrain ne peuvent devenir permanents.

Les militants sont recrutés par cooptation et sélectionnés après une période de stage adaptée à leur niveau de conscience, de connaissances et d’expérience, mais ni trop longue, ni trop brève (une année environ en moyenne), au cours de laquelle ils reçoivent une formation théorique et politique élémentaire, participent à un organisme de base du parti (avec voix consultative) et font leurs preuves en militant activement sous des formes appropriées à leur statut.

Il est proposé systématiquement aux sympathisants de suivre les cours des écoles de formation théorique et politique élémentaire et de participer à certaines activités du parti.

f) Pour le centralisme démocratique

Parce qu’il lutte contre l’État bourgeois centralisé avec l’objectif de conquérir le pouvoir pour permettre aux travailleurs de constituer leur propre gouvernement, le parti communiste révolutionnaire internationaliste a besoin d’être très bien organisé, efficace et discipliné dans l’action : il doit donc être centralisé. Parce qu’il ne peut progresser qu’à la condition d’une homogénéité reposant sur une « analyse commune des événements et des tâches », parce que celle-ci suppose la libre discussion rationnelle entre tous les militants, l’égalité de leurs droits et le devoir d’exercer résolument leur esprit critique, le parti communiste révolutionnaire internationaliste doit être fondé sur les principes de la démocratie ouvrière la plus complète. Le parti doit donc fonctionner selon les règles du centralisme démocratique. Le principe de celui-ci se ramène à la formule : liberté maximale dans la discussion, unité optimale dans l’action.

Cela signifie d’abord que, à l’intérieur de l’organisation, la liberté de discussion est totale sur toutes les questions, y compris programmatiques. Matériellement, cette liberté est garantie avant tout par le droit de parler sans tabou lors des réunions internes et par le droit imprescriptible de publier tout texte de discussion dans les bulletins intérieurs dans des délais raisonnables (deux mois maximum). En second lieu, à tout moment, des tendances peuvent se constituer au sein de l’organisation sur la base de textes politiques portés à la connaissance de tous les militants ; selon les circonstances, la direction de l’organisation (comité central et congrès souverain) peut autoriser ou non ces tendances à se transformer en fractions défendant publiquement leurs positions (sous la forme d’un bulletin propre, d’une page régulière dans les publications de l’organisation, etc.). Enfin, l’expression des désaccords est non seulement permise en toutes circonstances au sein de l’organisation, mais elle est encore obligatoire : la totale liberté de discussion implique qu’aucun militant ne cache ses doutes ou ses positions contradictoires avec celles de la majorité, ne constitue de fractions secrètes, etc. ; la progression politique de tous a pour condition l’homogénéité politique, mais celle-ci passe par la clarification totale des idées de chacun et le libre débat pour les faire partager.

Le centralisme démocratique implique ensuite que tous les militants de l’organisation sont tenus d’observer une discipline de parti : en permanence, tous les militants accomplissent les tâches qui leur reviennent ; chacun participe à un organisme du parti qui contrôle toute son activité militante (politique, syndicale, associative…) ; chaque organisme se fixe des tâches et des objectifs précis sous le contrôle du centre, qui détermine les tâches et les objectifs généraux de l’organisation ; dans l’action, les positions minoritaires s’inclinent devant les décisions de la majorité et chaque militant doit considérer comme un devoir la mise en œuvre de ces décisions.

g) Pour un financement indépendant

Le parti communiste révolutionnaire internationaliste doit être financé par les cotisations de ses militants, les dons de ses sympathisants et le produit de la vente de ses publications. Un budget annuel prévisionnel détaillé est élaboré et contrôlé par l’ensemble de la direction. Le montant de la cotisation est libre : chacun donne ce qu’il estime pouvoir donner. Toutefois, pour garantir la continuité de fonctionnement de l’organisation, un montant minimal de la cotisation est fixé suivant le principe de la progressivité selon les revenus et la situation des militants (familiale, professionnelle, etc.).

h) Pour l’Internationale ouvrière communiste révolutionnaire

Le parti communiste révolutionnaire internationaliste doit considérer la construction d’une véritable Internationale ouvrière révolutionnaire comme un devoir principiel absolu, comme une tâche qui l’emporte sur toute autre. Il doit rejeter et condamner formellement toute conception « nationale » (ou régionale) de la construction du parti. Il doit considérer comme vitales et prioritaires l’activité internationale et la constitution d’un centre international. Il doit s’efforcer de proposer des analyses internationales et de toujours replacer ses analyses nationales dans le cadre international. Les rapports politiques présentés dans les réunions de tous les organismes doivent contenir des développements sur la situation internationale et sur l’activité des sections dans les autres pays : la construction de l’Internationale ne doit être en aucun cas le domaine réservé des seuls organismes internationaux, mais requiert la participation de l’ensemble des organismes de chaque section nationale, de la base au sommet.