Le CRI des Travailleurs
n°34
(novembre-décembre 2008)

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Brève ou communiqué du 22 janvier 2008

Pierre Lambert (1920-2008),
ancien dirigeant trotskyste historique


Auteur(s) :Groupe CRI
Date :22 janvier 2008
Mot(s)-clé(s) :PT, hommages
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Le Groupe CRI adresse ses condoléances aux militants du courant « Quatrième Internationale » éditeur de la revue La Vérité et tout particulièrement à ceux qui, en France, sont membres du Courant communiste internationaliste, ainsi qu’aux autres adhérents du Parti des travailleurs.

Au moment où les lamentables médias bourgeois osent réduire la vie de Pierre Lambert à sa candidature à l’élection présidentielle de 1988, à l’« entrisme » et au cas de Lionel Jospin, les militants ouvriers se doivent de souligner avant tout qu’il restera comme une figure du mouvement ouvrier français, auquel il est resté fidèle jusqu’à la fin, quand tant d’autres étaient passés avec armes et bagages dans le camp du patronat et de ses gouvernements.

Mais surtout, il restera dans l’histoire du marxisme révolutionnaire comme un dirigeant trotskyste important des années 1950-1970, à un moment où la résistance des courants et militants trotskystes à la pression idéologique et à la violence physique du stalinisme exigeait un courage admirable. Pierre Lambert fit partie de ceux qui eurent une tel courage, dénonçant et combattant non seulement l’État bourgeois et l’impérialisme, mais aussi les staliniens quand ceux-ci, après avoir trahi tous les processus révolutionnaires de la fin des années 1920 au début des années 1950 (en URSS et dans bien des pays), se livraient désormais à la « coexistence pacifique » avec l’impérialisme, à une dictature anti-ouvrière sanglante dans les États qu’ils dirigeaient et au réformisme pacifiste le plus plat dans les autres.

En outre, Pierre Lambert fut l’un des acteurs constants (quoique non l’initiateur) du combat international contre le révisionnisme pabliste, cette adaptation idéologique et stratégique au stalinisme et au nationalisme bourgeois dans les pays dominés, qui fit exploser la IVe Internationale dans les années 1950 et qui, de faute en faute, de révision en révision, a conduit à une crise permanente du mouvement « trotskyste » international. En particulier, Pierre Lambert joua un rôle moteur dans plusieurs tentatives de regroupements se réclamant du trotskysme anti-pabliste (quoi qu’on en pense par ailleurs), d’abord avec le Comité international que dirigeait le SWP américain, puis avec la seule SLL anglaise, ensuite avec le POR bolivien et le PO argentin et, très brièvement, avec le courant moréniste qui venait de rompre avec le « Secrétariat Unifié »…

Enfin, du début des années 1950 à la fin des années 1970, Pierre Lambert dirigea la construction progressive d’une organisation, l’OCI, qui a compté jusqu’à 5 000 militants et dont l’activité a contribué à une certaine continuité du trotskysme en France.

C’est pour toutes ces raisons que les trotskystes de principe se doivent de saluer la mémoire de Pierre Lambert et de s’intéresser à son itinéraire.

Pourtant, dès le début de son activité comme dirigeant trotskyste, bien des choix stratégiques et tactiques importants de Pierre Lambert relevaient déjà d’un sectarisme terrible, d’un opportunisme tendant à l’adaptation et, sur certains plans, du révisionnisme. Parmi ces choix contraires au programme de la IVe Internationale, il y a notamment :

Or c’est avec ce cocktail fatal que, d’erreurs théoriques en analyses superficielles, de calculs d’intérêts politiques à court terme en manœuvres d’appareil, de fautes en échecs, Pierre Lambert et l’organisation qu’il dirigeait ont progressivement sombré dans la sclérose politico-organisationnelle et le révisionnisme complet du trotskysme. Le seuil qualitatif a sans doute été franchi au début des années 1980, sous la pression de l’offensive mondiale du capital et singulièrement, en France, de la gauche au pouvoir. Les années 1980, en effet, sont celles non seulement de plusieurs crises internes successives particulièrement graves, entraînant une restructuration générale de la direction au profit de jeunes apparatchiks, mais surtout de l’abandon du programme de la IVe Internationale comme axe d’intervention dans la lutte de classe, avec la « ligne de la démocratie » (jusqu’à l’actuelle défense pure et simple de la « République » et de la « nation », c’est-à-dire de l’État français !) et l’intégration toujours plus poussée dans l’appareil de FO (et, depuis une dizaine d’années, de la CGT).

Ce saut qualitatif dans la dégénérescence politique s’est également vérifié dans l’orientation internationale : en 1993, le courant lambertiste, pourtant très affaibli, n’a pas hésité à s’auto-proclamer, seul contre tous, LA « IVe Internationale » reconstruite ! C’était en réalité la manifestation ultime du renoncement pur et simple à tout travail sérieux pour la reconstruire. De fait, depuis la fin des années 1980, ce courant s’est borné — en conformité avec l’évolution de sa ligne politique française — à réunir périodiquement des conférences internationales avec des secteurs de gauche des appareils syndicaux, accouchant de déclarations qui, tout en prenant position de façon élémentaire pour la défense des acquis de la lutte de classe, ne posaient aucune des questions politiques fondamentales pour leur réelle défense, à commencer par le combat contre la bureaucratie syndicale réformiste qui partout accompagne, sous des formes variables, la destruction de ces acquis.

Ces dernières années, l’adaptation croissante aux appareils réformistes a notamment conduit le courant lambertiste à se prononcer pour le vote SPD en 1998, en 2002, et même en 2006, alors que le même SPD, sous la houlette de Schröder, venait de mener 8 ans de contre-réformes au service du patronat. De même, au Brésil, l’adapation à l’appareil du PT et de la CUT a conduit à l’appel au vote Lula dès le premier tour en 2002, mais aussi en 2006, après que Lula eut réalisé quatre ans de réformes anti-ouvrières au service de l’impérialisme et de la bourgeoisie. Une telle orientation a d’ailleurs provoqué des crises à répétition dans la section brésilienne (alors la plus grande section du courant lambertiste hors de France), dont la majorité a finalement été exclue en 2006, en violation totale des statuts de l’« Internationale ».

Le Groupe CRI a un petit bout d’histoire commune avec Pierre Lambert et son organisation, puisque ses fondateurs ont été de jeunes militants de base du PT avant d’en être exclus bureaucratiquement en 2002. Or c’est Pierre Lambert lui-même qui, sans faire le moindre effort pour les convaincre, a tenu à diriger l’exclusion de ces camarades, coupables de désaccords théoriques et politiques, c’est-à-dire de lèse-majesté. Il avait notamment présenté au congrès du PT (sans la distribuer ou la lire !) la demande de tendance qu’ils avaient déposée, en enjoignant aux délégués de la rejeter. Puis il avait imposé sa présence, ses directives et même ses insultes personnalisées à l’une des réunions de la commission de contrôle du PT, dont il n’était pourtant pas membre, saisie par ces militants après leur exclusion…

Et pourtant, cette expérience, certes révélatrice des méthodes de Pierre Lambert et des siens (que tous les militants passés par cette organisation ont toujours dénoncées, quelle que soit l’utilisation de leurs témoignages par la presse bourgeoise), ne saurait empêcher les fondateurs et tous les autres militants du Groupe CRI de reconnaître ce qu’ils doivent, comme tant d’autres qui y sont passés, au courant lambertiste :

C’est pourquoi le meilleur hommage à Pierre Lambert est d’étudier maintenant sa vie comme il l’a menée d’un bout à l’autre, en militant ouvrier, de poursuivre le combat trotskyste dont il a été un acteur historique et de tirer les leçons politiques des fautes qu’il a commises.

Groupe CRI

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