Le CRI des Travailleurs
n°31
(mars-avril 2008)

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Enseignants : Rapport Pochard, base de la « réforme » Darcos : une machine de guerre


Auteur(s) :Des enseignants en lutte
Date :20 mars 2008
Mot(s)-clé(s) :enseignants
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Le ministre Xavier Darcos devait annoncer sa « réforme » fin janvier, puis a finalement décidé d’attendre début mai. Mais celle-ci est déjà prête, comme en témoignent les DHG (dotations horaires globales) marquées par les suppressions de postes massives et le nombre invraisemblable d’heures supplémentaires prévues. Le rapport Pochard, élaboré par une commission nommée par le gouvernement, officiellement chargée de se pencher sur la revalorisation du métier d’enseignant, permet d’en comprendre l’essentiel. Si le rapport, publié le 4 février sous le nom de « livre vert », cherche à adopter un ton « neutre », il marque clairement ses préférences !

Obligations de service

Trois « hypothèses » :

a) L’hypothèse écartée : maintenir l’obligation de service d’enseignement hebdomadaire actuel. Cependant, cette hypothèse est écartée par le rapport, qui lui fait deux critiques : « un horaire hebdomadaire est source de rigidité dans l’emploi du temps des élèves » (p. 153). Mais, derrière ce noble souci pédagogique, le rapport reconnaît qu’« un autre (sic !) argument pour l’abandon de la référence hebdomadaire tient au fait que sur une année scolaire les heures d’enseignements sont amputées du temps des stages et (…) des examens. Cela peut représenter un nombre de semaines non négligeable au cours d’une année, et donc, pour un certain nombre d’enseignants un volume important d’heures d’enseignement non dispensées » (p. 153).

b) L’hypothèse de transition : passer d’une obligation de service de 18h à 22h pour tous. Cette augmentation du temps de service serait « compensée par le versement de deux mois de salaire supplémentaire, sous forme d’indemnité » (p. 198), soit une augmentation de 22 %, en échange d’une augmentation des rémunérations de 17 %, non prise en considération pour le calcul de la pension de retraite.

c) L’hypothèse privilégiée : passer à une obligation de service d’enseignement annuelle pour tous de 648h (soit 36x18h, ou 32x20h25). « Des cycles d’enseignement de quelques semaines, d’un trimestre, et non seulement d’une année (36 semaines théoriques) permettrait des modes permettraient des modes d’enseignement diversifiés dans le second degré (cours magistraux, amphis regroupant plusieurs classes, travaux pratiques/travaux dirigés, groupes de compétence, soutien, accompagnement éducatif) » (p. 154). « Les organisations syndicales ont exprimé leur réticence à toute forme d’annualisation, sans que leurs arguments aient convaincu la commission » (p. 154). (Complément de rémunération indéfini prévu pour les agrégés dans les cas a et b.)

Les autres mesures importantes sont :

Recrutement

Deux « hypothèses » :

a) L’hypothèse « light » : concours nationaux « simplifiés » . Dans le cadre de cette hypothèse, toute une série de mesures seraient envisagées. Il s’agirait de « concours nationaux à affectation académique ». L’affectation ne dépendrait donc plus que du rang au concours, non de la situation familiale ou sociale. Les académies saturées ne recruteraient plus. Les mutations seraient bloquées pour la plupart des collègues. La rupture pourrait être encore plus nette : il s’agirait de mettre en place « une procédure de qualification nationale, conduisant à des listes dans lesquelles puiseraient les académies, les inspections d’académie ou les établissements. » Il faudrait ensuite aller se vendre dans chaque établissement. Ce serait la concurrence généralisée pour obtenir les meilleurs postes, la course à la soumission, la porte ouverte aux recrutements arbitraires, voire discriminatoires. En outre, la fusion du CAPLP et du CAPET est envisagée, préfigurant une possible fusion des filières professionnelles et technologiques (autre projet gouvernemental). Il s’agirait de développer à l’extrême la polyvalence.

b) L’hypothèse « hard » : suppression des concours. « Les titulaires du master chercheraient un emploi sur le marché du travail et ils seraient recrutés comme les autres salariés. » Ce serait la fin du statut de fonctionnaire pour les professeurs.

Salaire et carrière

Principe : « avancement différencié », promotion « conditionnée au mérite, à l’investissement personnel et à la performance », car « il n’y a pas de raison que la loi commune de la performance (…) ne s’applique pas aux enseignants ». Le modèle est clairement celui du privé : il s’agit de « sortir de la coupure radicale qui sépare le régime de la Fonction publique et le droit commun du travail ». Ce serait la fin de l’égalité des droits garantis par les statuts, au profit de l’individualisation, de la concurrence généralisée et de la soumission aux exigences de l’administration et aux « résultats » des élèves. On imagine sans peine la course à la « productivité » qui en résultera, l’accroissement du stress et la dégradation des relations entre collègues devenus concurrents.

Application : contractualisation et accroissement des pouvoirs du chef d’établissement :

Mise en cause du caractère national des enseignements :
vers un enseignement dualisé

Pour le plus grand nombre, le programme se réduirait à un « socle commun » ; une minorité de privilégiés aurait seule le droit à un « champ de compléments et d’approfondissements possibles ». Cela correspond aux exigences du patronat du point de vue duquel l’extension d’un enseignement de qualité à tous représente un coût inutile. Pour essayer d’éviter la lever de boucliers que ne manquerait pas de provoquer un nouveau « dégraissage » des programmes et isoler les velléités de résistance, il s’agit d’accroître l’« autonomie » des établissements, au détriment des normes nationales. Ce point doit être d’autant plus souligné qu’il en va de l’égalité en droits des élèves :

Le rapport Pochard est donc une attaque globale qui bouleverserait nos statuts, nos droits et tout notre métier. Le gouvernement doit annoncer en mai une « réforme » qui s’en inspire directement. Il est indispensable de se mobiliser tous ensemble pour que le rapport Pochard soit abandonné et que cette réforme ne voie pas le jour.

Tous les syndicats enseignants dénoncent ce rapport. Mais il faut maintenant agir, construire un puissant mouvement national, sans attendre le mois de mai. Les chauffeurs de taxi, en se mobilisant immédiatement et fermement contre le rapport Attali, ont obtenu l’abandon des dispositions qui les concernaient. Nous aussi, enseignants, personnels de l’Éducation, parents, élèves, pouvons faire plier le gouvernement si nous savons nous mobiliser rapidement et avec toute la détermination nécessaire.


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