Le CRI des Travailleurs n°32 << Article précédent | Article suivant >>
Face au plan d’ensemble de Sarkozy et Darcos contre l’enseignement public (cf. notre analyse des réformes dans Le CRI des travailleurs n° 31) et la Fonction publique, d’une ampleur et d’une profondeur nouvelles, les directions syndicales de l’enseignement ont dans leur grande majorité impulsé une politique qui n’a non seulement pas contribué à aider les enseignants et les lycéens à lutter, mais qui a dressé à chaque pas des obstacles.
Certaines directions syndicales ont collaboré ouvertement avec Sarkozy-Darcos. Dans le primaire, le SE-UNSA et le SGEN-CFDT, deux syndicats dirigés par divers courants du PS, avaient signé un protocole avec Darcos pour co-élaborer la contre-réforme avec lui. La direction nationale du SNUipp-FSU avait dans un premier temps couvert cette trahison, avant que la révolte de ses sections départementales ne la contraigne à reculer. Dans le secondaire, le SGEN-CFDT expliquait aux enseignants que le rapport Pochard « reste un livre ouvert qui renferme les éléments permettant une vraie négociation » et le SE-UNSA prétendait que, « si certaines ébauches de solution sont intéressantes, d’autres n’échappent pas aux contradictions ». Bref, ces directions syndicales faisaient la promotion des contre-réformes de Darcos auprès des enseignants.
Pour leur part, le SNES-FSU, le SNUEP-FSU, le SNEP-FSU, SUD-Éducation, la FNEC-FP-FO et la CGT-Éducation rejetaient la contre-réforme. Ils affirmaient à juste titre que le rapport Pochard « ne peut en aucun cas être une base de discussion ». Cependant, la direction du SNES n’affichait même pas clairement les revendications minimum dans son appel à la grève du 18 mars : aucune suppression de poste, non à la suppression des BEP, abandon du rapport Pochard, non à la suppression de la carte scolaire ! Mais surtout, elle proposait un calendrier de luttes totalement dérisoire face à la violence de l’offensive du gouvernement : une journée d’action le 18 mars et une manifestation nationale pour le week-end du 17-18 mai, soit deux mois plus tard . Pourtant, déjà à cette époque, les luttes locales se multipliaient aussi bien contre les suppressions massives de postes que contre la fermeture des BEP remplacés par des Bac Pro, quoique dans la plus totale dispersion, étant donné la politique passive des directions syndicales aussi bien nationales qu’académiques.
Les dirigeants académiques du SNES ont le plus souvent tenté de bloquer toute initiative débordant le cadre de leur politique, réduite pour l’essentiel à une campagne d’opinion (sages motions de CA, lettres aux Rectorats et aux élus, pétitions, réunions avec les parents, veillées festives dans les établissements), en arguant de la nécessité de forger l’unité parents-enseignants et de l’hostilité des parents aux blocages de lycées et autres mesures prétendument trop « radicales ». Or, s’il est juste de chercher à convaincre les parents du bien-fondé des revendications, il est illusoire de penser que la lutte puisse se gagner par une simple campagne d’opinion. Dans les rapports de force sociaux, les parents d’élèves comme tels ne représentent pas une force décisive : seuls les salariés peuvent, par la grève massive et déterminée, créer un rapport de force suffisant pour faire céder le pouvoir. C’est pourquoi les enseignants ne sauraient subordonner leurs méthodes de lutte à l’opinion supposée de la majorité des parents d’élèves. En effet, cela revient de fait à se subordonner à l’opinion publique, le plus souvent dominée par les idées de la classe dominante, quand il ne s’agit pas en pratique, dans l’esprit des responsables du SNES, proches du PS ou du PC, de subordonner les enseignants à l’orientation de la FCPE, elle-même dominée par le PC et le PS. Les enseignants doivent chercher à créer les conditions d’une grève générale de l’Éducation. Cela passe par des tournées vers les établissements environnants pour faire connaître les réformes et proposer aux collègues d’entrer dans la lutte, par l’analyse des liens entre la politique touchant l’enseignement et le reste des réformes, par la réflexion politique sur les conditions de la victoire, par le développement de l’auto-organisation à aux échelles locale, départementale, régionale et nationale, par le recours à des méthodes de lutte déterminée comme les blocages de lycées, les actions de grèves, etc. C’est seulement dans cette perspective qu’il est juste de faire des réunions avec les parents d’élèves en se donnant pour but de les convaincre de lutter jusqu’au bout contre ces réformes et les autres, en s’appuyant sur le fait que les parents d’élève sont aussi dans leur grande majorité des salariés, qui subissent de plein fouet la politique de Sarkozy.
La grève du 18 mars a été suivie à plus de 50% par les enseignants, quoique de façon très inégale selon les établissements. En effet, le gouvernement a habilement choisi de concentrer les suppressions de postes sur certains établissements pour essayer de freiner la mobilisation. Pourtant, vu que 80 000 suppressions de postes supplémentaires sont prévues d’ici 2012, le tour des autres établissements viendra inévitablement, sauf si les enseignants et lycéens parviennent à arrêter le gouvernement. En ce sens, la grève du 18 mars manifestait donc à la fois la disposition remarquable à la lutte des enseignants les plus touchés, tout comme les réserves considérables de forces représentées par les enseignants des établissements moins touchés, qui avaient pourtant été un certain nombre à participer à la grève, sans parler de ceux qui n’y avaient pas participé faute d’avoir été informés des réformes du gouvernement. Pourtant, ce succès de la grève du 18 mars n’a nullement décidé les principales directions syndicales à changer d’orientation : le SNES continuait de fixer le 18 mai (un dimanche !) comme prochaine journée d’action, FO et la CGT refusaient de prendre la moindre initiative nationale immédiate.
C’est la détermination et le volontarisme de l’avant-garde des enseignants d’Île-de-France, forgée dans les précédentes luttes, grandes et petites (1998, 2000, 2003, 2005, 2006, 2007), et organisée dans l’AG IDF des établissements en lutte, qui vont ouvrir la voie au développement de la lutte. Relayant et amplifiant l’appel d’une AG départementale du 93, l’AG IDF, soutenue par des syndicats régionaux minoritaires (CGT, SUD et CNT de la région parisienne) et par les militants oppositionnels du SNES (Émancipation, Fraction de LO, CRI…), a appelé à reconduire la grève le 20 mars et à manifester au ministère, et trouvé un écho significatif à la base. Cela a rendu possible l’entrée en lutte des premiers lycéens venus avec leurs enseignants faire le siège du Rectorat de Créteil le 21 mars, jour du CTPA (Comité Technique Paritaire Académique) chargé d’avaliser les suppressions de postes. La pression exercée par cette mobilisation, incluant des actions de blocages de lycées, a permis d’imposer au SNES et à l’intersyndicale académique de Créteil, mise sous pression, un appel à la grève pour le jeudi 27 mars, nouvelle étape du développement de la lutte. Malgré le refus persistant des SNES académiques de Versailles et Paris à appeler à la grève, l’ampleur du mouvement lycéen et des manifestations n’a alors cessé de croître: 6 000, 12 000, 20 000 manifestants à Paris, plusieurs dizaines de lycées bloqués au moins les jours de manifestation… Le 10 avril a marqué le franchissement d’un palier : la pression croissante de la rue avait poussé les directions syndicales du second degré de toute l’IDF, ainsi que les syndicats Snuipp 94, Sud et CGT du primaire, à appeler ensemble à la grève ce jour-là, avec les fédérations lycéennes et les fédérations de parents d’élèves: plus de 40 000 manifestants ont défilé à Paris. Dans le même temps, le mouvement, surtout lycéen à ce stade, s’est mis à frémir en province, notamment à Toulouse, Grenoble et Lyon… Le 15 avril a marqué encore un nouveau pas en avant : avec l’appel de l’ensemble des syndicats du primaire et du secondaire de l’IDF à la grève, avec les fédérations lycéennes, cela a été la première jonction des professeurs du secondaire et des lycéens avec les instituteurs.
Pendant les vacances de l’Île-de-France et de Bordeaux, le mouvement lycéen s’est développé en province. Après les manifestations modestes du 24 avril, la journée du 29, où un certain nombre de sections académiques de syndicats appelaient à la grève, a vu une hausse significative du nombre de lycéens dans la rue, ainsi qu’une présence plus marquée des enseignants. Il y a eu 4000 manifestants à Toulon et à Nice, 3000 à Tours, 3000 à Rouen, 2000 à Marseille, 1500 à Orléans, 1500 à Strasbourg, 1000 à Toulouse, plusieurs centaines à Lille, Besançon, Auxerre, Avallon, Angoulême, Lyon, Saint-Maximin, Châteauroux, Valence, etc. (1)
Depuis le retour des vacances de février, une AG inter-établissements avait commencé à se structurer dans le Var, renouant avec les traditions forgées dans la lutte de 2003. En Haute-Garonne, une AG comparable a été mise en place, permettant d’avancer vers la centralisation des luttes. Début mai, dans d’autres régions, des tentatives semblables commencent à se mettre en place, même si ce processus reste encore limité. Une réunion nationale des établissements en lutte s’est tenue le 3 mai, avec des représentants de l’IDF, de l’Oise, du Var, de la Haute-Garonne et de la Haute-Vienne, permettant de poser les premiers jalons en vue d’une coordination nationale. La mise en place d’une telle structure est fondamentale pour que les enseignants puissent prendre le contrôle de leur combat et le conduire jusqu’au bout.
En
effet, mises sous la pression par le développement d’une
mobilisation qu’elles n’avaient pas contribué à
développer, les directions syndicales ont alors cherché
à reprendre la main. En toute logique, c’est dans le
premier degré, où leur collaboration avec le
gouvernement avait été la plus ouverte, que les
directions syndicales ont jugé le plus urgent de donner un
coup de barre à gauche pour ne pas perdre le contact avec la
base. Constatant le succès du 15 avril en région
parisienne, elles ont donc toutes — même celles qui avaient
signé le protocole avec Darcos — appelé à une
journée de grève nationale pour le 15 mai. Peu après,
la totalité des syndicats du secondaire — même ceux
qui voyaient dans le rapport Pochard une intéressante base de
discussion — ont décidé eux aussi d’appeler à
la grève pour le 15 mai, avec les fédérations
de parents d’élèves et les syndicats lycéens.
Cependant, sous pression, les syndicats de l’enseignement se
devaient d’appeler à plus qu’une simple journée
d’action : sans cela, ils auraient pris le risque de
confirmer la compréhension par une part croissante des
enseignants que les dirigeants refusent de lutter réellement
pour vaincre le plan Sarkozy-Darcos. C’est pourquoi ils ont prévu
une ribambelle de journées d’action : manifestation
nationale dominicale du 18 mai à l’appel de la seule FSU,
participation à la journée d’action
interprofessionnelle contre la réforme des retraites le 22
mai, journée de mobilisation avec les parents d’élèves
le samedi 24 mai…
Pourtant,
il est clair que cette suite de journées d’action ne peut
en aucun cas permettre de vaincre un gouvernement déterminé
à infliger une défaite aux enseignants et lycéens,
une défaite comparable à celle subie par les cheminots
et étudiants en octobre-novembre. Seule la grève
générale de l’Éducation, ouvrant la voie à
d’autres secteurs, peut rendre la victoire possible. En ce sens,
non seulement ce dispositif de journées d’action ne
constitue pas un plan permettant de gagner, mais il va en outre
tendre à dissuader les enseignants d’entrer en grève
reconductible : on leur dira toujours d’attendre la prochaine
journée d’action… Or, à un mois du début
des épreuves écrites du baccalauréat, en
l’absence d’appel national des directions à la grève
reconductible, chaque jour qui passe accroît la pression que
fait peser sur les enseignants et les lycéens l’approche
des examens. Car, dans ces conditions, c’est établissement
par établissement, voire individuellement, que les
enseignants se trouvent confrontés au problème :
faire grève pour défendre son statut, ses conditions
de travail et l’enseignement public, ou bien renoncer à
faire grève de peur d’envoyer ses élèves à
l’examen sans les y avoir suffisamment préparés.
Pour
essayer d’enrayer le développement d’une mobilisation,
dangereuse pour lui au moment où la question de la
convergence des luttes est posée par les appels
interprofessionnels du 15 et du 22 mai (cf. à ce sujet
notre éditorial), Darcos a tenté de mettre les
directions des syndicats lycéens dans sa poche. L’objectif
est de briser l’effet d’entraînement qu’aurait la
poursuite du mouvement lycéen pour une possible grève
reconductible des enseignants les plus mobilisés à
partir du 15 mai. L’opération a largement réussi à
ce stade : les chefs de ces organisations, eux-mêmes
dirigés par divers courants du PS, commencent à
appeler à la fin de la lutte sous prétexte que Darcos
aurait reculé sur certains points. La FIDL a clairement
déclaré que
« la
mobilisation s’[arrêterait] là [le 15 mai] pour les
lycéens »
pour cette année scolaire. Plus prudent, le président
de l’UNL a déclaré : « On
appelle à la mobilisation le 15, et après on verra. »
La
FIDL « se
félicite d’avoir obtenu, auprès du Ministre, grâce
à la mobilisation lycéenne, des avancées
considérables pour les lycées » et
se borne à « regretter
que le ministre Xavier Darcos n’ait pas entendu la revendication
des lycéens sur les non-remplacements de postes ».
L’UNL estime quant à elle que « [l]es
annonces [du Ministre] vont dans le bon sens, mais restent très
insuffisantes puisqu’elles ne répondent pas à la
revendication principale des lycéens : le gel des
suppressions massives de postes prévues pour 2008 et les
années suivantes qui menacent le service public
d’éducation ». L’UNL
« appelle
donc l’ensemble des lycéens à poursuivre la
mobilisation en manifestant massivement le 15 mai aux côtés
des enseignants pour exiger le rétablissement des 11 200
postes en 2008, l’amélioration des conditions d’encadrement
à la rentrée prochaine et la non application de la
suppression d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite pour
l’éducation dans les années à venir ».
Cependant, par delà ces différences, les deux
organisations présentent les annonces de Darcos comme un
recul significatif.
Or,
en réalité, Darcos n’a cédé sur rien
d’essentiel et a même réussi à faire reprendre
par les syndicats lycéens ses propres orientations. Non
seulement il n’a pas rétabli les milliers de postes
supprimés qui vont conduire à des classes encore un
peu plus surchargées, mais il n’a pas renoncé à
la généralisation progressive du Bac Pro en 3 ans et à
la suppression des BEP, annonçant que cela se ferait au cas
par cas, c’est-à-dire selon la meilleure méthode
pour affaiblir les résistances : comme cela s’est déjà
fait cette année, on poussera les enseignants à
accepter la suppression de leur BEP et l’introduction du Bac Pro 3
ans en les menaçant de la fermeture de la filière
s’ils n’obtempèrent pas. D’ailleurs, les nouveau
programmes pour le Bac Pro en 3 ans sont déjà prêts
et viennent d’être présentés. Les syndicats
lycéens se réjouissent que le ministre se soit engagé
à ce que « la
réforme du lycée permette de l’autonomie des lycéens
et l’interdisciplinarité »
(UNL). Était-ce une revendication mise en avant par les
lycéens qui ont défilé dans les rues ?
Non, c’est ce que Fillon avait essayé de faire passer en
2004 et que Darcos veut essayer d’appliquer maintenant :
l’« autonomie », cela signifie la
suppression des programmes nationaux, l’individualisation des
enseignements, donc du bac, le passage au contrôle continu…
L’UNL
se félicite en outre de « la
création d’un service public d’aide scolaire permettant
de lutter contre les entreprises de soutien scolaire privées,
réservées aux lycéens issus des familles les
plus favorisées ».
Qu’en est-il en réalité ? Darcos cherche un
moyen de justifier la suppression massive d’heures de cours qu’il
projette pour faire des économies : il prétend
donc qu’elles serviront à faire du soutien scolaire.
Autrement dit, sur le modèle de ce qu’il veut faire dans le
premier degré, il privera tous les élèves de
centaines d’heures de cours chaque année pour redonner à
quelques-uns des heures d’étude surveillée. Il va de
soi que cela impliquerait une réduction drastique des
contenus enseignés. Dans le même temps, les
suppressions de postes auront aussi pour conséquence la
poursuite par l’administration de la politique consistant à
bourrer certaines classes (jusqu’à 37 élèves)
pour économiser des dédoublements sur d’autres
classes (celles comptant moins de 24 élèves). Il
s’agit en outre d’essayer de faire disparaître tout
redoublement, sous prétexte de donner à tous
les niveaux des cours de soutien aux élèves les plus
en difficulté ; là encore, loin de toute
considération pédagogique, c’est une économie
considérable, car les élèves qui redoublent
coûtent bien plus cher à l’État que des cours
de soutien. En outre, Darcos a indiqué vouloir mettre en
place ce dispositif « à titre expérimental »
en 2008-2009 dans les 200 lycées les plus en difficulté,
en recrutant 1500 assistants d’éducation et 2000
étudiants ; selon lui, les crédits nécessaires
seraient déjà budgetés : il n’a donc
rien cédé. Tout au contraire, il avance conjointement
dans deux de ses principales réformes : différenciation
croissante des enseignements selon les établissements et
remplacement des fonctionnaires par des emplois précaires.
Face
à tout cela, l’engagement du ministre à accorder une
session de rattrapage pour le Bac Pro est une avancée
dérisoire. C’est donc à une véritable
trahison des lycéens en lutte que les chefs de l’UNL et de
la FIDL sont en train de se livrer. C’est d’ailleurs logique :
ces officines sont de simples annexes de courants du PS, lequel est
pour l’essentiel favorable à la réforme de
l’enseignement du gouvernement (cf. l’article sur le PS
d’Anne Brassac)… Cet accord entre Darcos et les
« syndicats » lycéens, c’est-à-dire
sur le fond politique un accord entre l’UMP et le PS, est un
nouvel obstacle dressé sur la voie de la mobilisation de
masse pour vaincre le gouvernement. Comme l’UNL et la FIDL sont
par ailleurs des coquilles vides malgré leurs moyens
matériels et médiatiques, leur trahison pose la
question d’un syndicat lycéen de lutte capable de défendre
réellement les lycéens.
Dans
le même souci de désamorcer une situation
dangereusement tendue pour le pouvoir, Darcos a indiqué qu’il
reporterait au mois de septembre l’annonce de sa réforme du
statut des enseignants (application du rapport Pochard) et de sa
réforme du lycée (pour celle-ci, il nommera « au
plus tard le 10 juillet »,
soit le jour de la fin du bac, une personnalité chargée
de la mener à bien, selon Le
Monde du
09/05/08). C’est donc le troisième report de l’annonce
d’une réforme que le ministre devait déjà
annoncer en janvier, puis en mai. Mais il a dans le même temps
affiché plus clairement encore qu’auparavant l’orientation
de cette réforme. Son axe est de pulvériser le système
national d’enseignement, reposant sur l’égalité de
droit entre les élèves, les programmes nationaux et
l’examen national du baccalauréat. Il prétend mettre
en place un « lycée
à la carte »,
sur le modèle de la réforme LMD de l’enseignement
supérieur, développant l’idée de
« modularité »
des enseignements. Selon lui, la journée devrait alterner
cours et « moments
d’étude ».
Une telle structure implique évidemment la liquidation des
programmes nationaux, remplacés par le « socle
commun » et les « enseignements
complémentaires possibles ». Cela signifie
logiquement la suppression du bac comme examen national et anonyme
(suppression déjà entamée avec la
multiplication des épreuves réalisées en
interne : épreuves d’éducation physique et
sportive, travaux personnels encadrés, épreuves de
langues en série technologique de gestion, etc.), pour le
remplacer par un diplôme-maison à la carte. Enfin, dans
un système aussi éclaté, il serait infiniment
plus facile de faire passer toutes les réformes les plus
réactionnaires, car les multiples variations locales
empêcheraient toute riposte unie des lycéens et des
enseignants. Or le statut actuel des enseignants représente
un obstacle fondamental à cette réforme. C’est
pourquoi Darcos a déclaré « qu’on
ne peut pas la séparer [la
réforme du lycée]
de la commission Pochard sur l’évolution du métier ».
Quelles que soient les considérations pédagogiques par
lesquelles le ministre prétend justifier son projet, il ne
fait pas de doute que son objectif est de supprimer la plus grande
quantité possible de postes, tout en dualisant fortement
l’enseignement entre un petit nombre de lycées d’élite
et une immense majorité de lycées-poubelles.
Dans
le même temps, Darcos maintient l’intégralité
de ses attaques contre le premier degré, espérant
réussir à diviser les professeurs des écoles et
les enseignants du second degré pour pouvoir les affronter
les uns après les autres, au lieu de devoir faire face à
leur opposition conjointe.
Pour
vaincre, la grève générale de l’Éducation
est nécessaire. Mais les directions syndicales combattent
contre la grève reconductible, refusent de la préparer
et d’y appeler : c’est le principal obstacle à la
transformation des possibilités de la situation en une grève
générale de l’Éducation. Seule une
intervention déterminée et consciente des enseignants
d’avant-garde peut permettre de surmonter les obstacles qui
s’accumulent. Il faut tout à la fois mobiliser nos
collègues pour entrer dans la grève reconductible si
les AG départementales et régionales établissent
qu’ils y sont prêts, et multiplier les motions dans toutes
les AG exigeant des directions syndicales qu’elles y appellent. En
effet, la grève reconductible n’est possible que si elle
est coordonnée et si elle a la capacité de s’étendre.
L’interpellation des directions syndicales est indispensable :
ce n’est pas seulement la mobilisation des travailleurs, mais
aussi la clarté de leur conscience politique, qui constitue
une pression efficace sur les directions syndicales. Bien sûr,
celles-ci ne veulent pas appeler à la reconduction, mais
elles subissent la pression des travailleurs qu’elles sont censées
représenter, lorsque ceux-ci s’organisent et clarifient les
conditions de la victoire : c’est sous cette pression
qu’elles ont dû appeler à la grève les 10 et
15 avril en région parisienne et ce 15 mai au niveau
national. Or elles
seules auraient aujourd’hui la capacité de lancer au niveau
national une grève reconductible coordonnée jusqu’à
la victoire.
Il faut donc exiger qu’elles appellent à la reconduction de
la grève dès le 16, multiplier les motions d’AG en
ce sens et les délégations aux sièges des
syndicats.
En
ce sens, l’AG IDF des établissements en lutte a un rôle
particulier à jouer, en tant que structure
d’auto-organisation la plus précieuse à ce stade,
par sa capacité à rassembler un nombre significatif
d’établissements et par son orientation politique
d’avant-garde. De même, il est important de faire le maximum
pour que la réunion nationale de coordination des
établissements en lutte franchisse un palier.
Enfin,
il faut démultiplier les efforts pour aider les lycéens
à s’auto-organiser en coordination à tous les
niveaux. Sans émergence très rapide d’une
coordination lycéenne puissante, capable d’impulser la
mobilisation, le mouvement lycéen risque fort de s’arrêter,
liquidé par les dirigeants PS de la FIDL et de l’UNL.
Cependant, avant d’acquérir sa dynamique propre, la
mobilisation des lycéens a commencé sous l’impulsion
de celle des enseignants. En ce sens, un début significatif
de grève reconductible chez les enseignants pourrait
réenclencher le mouvement lycéen.
1) Le
tract du Groupe
CRI a pu ainsi
être distribué dans les manifestations d’Angoulême,
Orléans, Rouen et Valence, et dans des lycées d’Arras
et de Dôle.La
FIDL prétend mettre un terme au mouvement lycéen, l’UNL
hésite
Darcos
diffère l’annonce des réformes du statut et du lycée
Organisons
nos AG, coordonnons-les à tous les niveaux et exigeons des
directions syndicales qu’elles appellent à la grève
reconductible jusqu’à satisfaction
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