Le CRI des Travailleurs
n°32
(mai-juin-juillet 2008)

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La grève générale de l'éducation est nécessaire et possible :
Il faut l'imposer aux directions syndicales par l'auto-organisation et la clarification politique

La lutte se développe malgré la politique des directions syndicales

Face au plan d’ensemble de Sarkozy et Darcos contre l’enseignement public (cf. notre analyse des réformes dans Le CRI des travailleurs n° 31) et la Fonction publique, d’une ampleur et d’une profondeur nouvelles, les directions syndicales de l’enseignement ont dans leur grande majorité impulsé une politique qui n’a non seulement pas contribué à aider les enseignants et les lycéens à lutter, mais qui a dressé à chaque pas des obstacles.

Capitulation ouverte de certains, plan d’action ridicule des autres

Certaines directions syndicales ont collaboré ouvertement avec Sarkozy-Darcos. Dans le primaire, le SE-UNSA et le SGEN-CFDT, deux syndicats dirigés par divers courants du PS, avaient signé un protocole avec Darcos pour co-élaborer la contre-réforme avec lui. La direction nationale du SNUipp-FSU avait dans un premier temps couvert cette trahison, avant que la révolte de ses sections départementales ne la contraigne à reculer. Dans le secondaire, le SGEN-CFDT expliquait aux enseignants que le rapport Pochard « reste un livre ouvert qui renferme les éléments permettant une vraie négociation » et le SE-UNSA prétendait que, « si certaines ébauches de solution sont intéressantes, d’autres n’échappent pas aux contradictions ». Bref, ces directions syndicales faisaient la promotion des contre-réformes de Darcos auprès des enseignants.

Pour leur part, le SNES-FSU, le SNUEP-FSU, le SNEP-FSU, SUD-Éducation, la FNEC-FP-FO et la CGT-Éducation rejetaient la contre-réforme. Ils affirmaient à juste titre que le rapport Pochard « ne peut en aucun cas être une base de discussion ». Cependant, la direction du SNES n’affichait même pas clairement les revendications minimum dans son appel à la grève du 18 mars : aucune suppression de poste, non à la suppression des BEP, abandon du rapport Pochard, non à la suppression de la carte scolaire ! Mais surtout, elle proposait un calendrier de luttes totalement dérisoire face à la violence de l’offensive du gouvernement : une journée d’action le 18 mars et une manifestation nationale pour le week-end du 17-18 mai, soit deux mois plus tard . Pourtant, déjà à cette époque, les luttes locales se multipliaient aussi bien contre les suppressions massives de postes que contre la fermeture des BEP remplacés par des Bac Pro, quoique dans la plus totale dispersion, étant donné la politique passive des directions syndicales aussi bien nationales qu’académiques.

Les dirigeants académiques du SNES ont le plus souvent tenté de bloquer toute initiative débordant le cadre de leur politique, réduite pour l’essentiel à une campagne d’opinion (sages motions de CA, lettres aux Rectorats et aux élus, pétitions, réunions avec les parents, veillées festives dans les établissements), en arguant de la nécessité de forger l’unité parents-enseignants et de l’hostilité des parents aux blocages de lycées et autres mesures prétendument trop « radicales ». Or, s’il est juste de chercher à convaincre les parents du bien-fondé des revendications, il est illusoire de penser que la lutte puisse se gagner par une simple campagne d’opinion. Dans les rapports de force sociaux, les parents d’élèves comme tels ne représentent pas une force décisive : seuls les salariés peuvent, par la grève massive et déterminée, créer un rapport de force suffisant pour faire céder le pouvoir. C’est pourquoi les enseignants ne sauraient subordonner leurs méthodes de lutte à l’opinion supposée de la majorité des parents d’élèves. En effet, cela revient de fait à se subordonner à l’opinion publique, le plus souvent dominée par les idées de la classe dominante, quand il ne s’agit pas en pratique, dans l’esprit des responsables du SNES, proches du PS ou du PC, de subordonner les enseignants à l’orientation de la FCPE, elle-même dominée par le PC et le PS. Les enseignants doivent chercher à créer les conditions d’une grève générale de l’Éducation. Cela passe par des tournées vers les établissements environnants pour faire connaître les réformes et proposer aux collègues d’entrer dans la lutte, par l’analyse des liens entre la politique touchant l’enseignement et le reste des réformes, par la réflexion politique sur les conditions de la victoire, par le développement de l’auto-organisation à aux échelles locale, départementale, régionale et nationale, par le recours à des méthodes de lutte déterminée comme les blocages de lycées, les actions de grèves, etc. C’est seulement dans cette perspective qu’il est juste de faire des réunions avec les parents d’élèves en se donnant pour but de les convaincre de lutter jusqu’au bout contre ces réformes et les autres, en s’appuyant sur le fait que les parents d’élève sont aussi dans leur grande majorité des salariés, qui subissent de plein fouet la politique de Sarkozy.

La lutte auto-organisée des enseignants d’Île-de-France fait craquer le carcan imposé par les directions syndicales et ouvre la voie au mouvement lycéen

La grève du 18 mars a été suivie à plus de 50% par les enseignants, quoique de façon très inégale selon les établissements. En effet, le gouvernement a habilement choisi de concentrer les suppressions de postes sur certains établissements pour essayer de freiner la mobilisation. Pourtant, vu que 80 000 suppressions de postes supplémentaires sont prévues d’ici 2012, le tour des autres établissements viendra inévitablement, sauf si les enseignants et lycéens parviennent à arrêter le gouvernement. En ce sens, la grève du 18 mars manifestait donc à la fois la disposition remarquable à la lutte des enseignants les plus touchés, tout comme les réserves considérables de forces représentées par les enseignants des établissements moins touchés, qui avaient pourtant été un certain nombre à participer à la grève, sans parler de ceux qui n’y avaient pas participé faute d’avoir été informés des réformes du gouvernement. Pourtant, ce succès de la grève du 18 mars n’a nullement décidé les principales directions syndicales à changer d’orientation : le SNES continuait de fixer le 18 mai (un dimanche !) comme prochaine journée d’action, FO et la CGT refusaient de prendre la moindre initiative nationale immédiate.

C’est la détermination et le volontarisme de l’avant-garde des enseignants d’Île-de-France, forgée dans les précédentes luttes, grandes et petites (1998, 2000, 2003, 2005, 2006, 2007), et organisée dans l’AG IDF des établissements en lutte, qui vont ouvrir la voie au développement de la lutte. Relayant et amplifiant l’appel d’une AG départementale du 93, l’AG IDF, soutenue par des syndicats régionaux minoritaires (CGT, SUD et CNT de la région parisienne) et par les militants oppositionnels du SNES (Émancipation, Fraction de LO, CRI…), a appelé à reconduire la grève le 20 mars et à manifester au ministère, et trouvé un écho significatif à la base. Cela a rendu possible l’entrée en lutte des premiers lycéens venus avec leurs enseignants faire le siège du Rectorat de Créteil le 21 mars, jour du CTPA (Comité Technique Paritaire Académique) chargé d’avaliser les suppressions de postes. La pression exercée par cette mobilisation, incluant des actions de blocages de lycées, a permis d’imposer au SNES et à l’intersyndicale académique de Créteil, mise sous pression, un appel à la grève pour le jeudi 27 mars, nouvelle étape du développement de la lutte. Malgré le refus persistant des SNES académiques de Versailles et Paris à appeler à la grève, l’ampleur du mouvement lycéen et des manifestations n’a alors cessé de croître: 6 000, 12 000, 20 000 manifestants à Paris, plusieurs dizaines de lycées bloqués au moins les jours de manifestation… Le 10 avril a marqué le franchissement d’un palier : la pression croissante de la rue avait poussé les directions syndicales du second degré de toute l’IDF, ainsi que les syndicats Snuipp 94, Sud et CGT du primaire, à appeler ensemble à la grève ce jour-là, avec les fédérations lycéennes et les fédérations de parents d’élèves: plus de 40 000 manifestants ont défilé à Paris. Dans le même temps, le mouvement, surtout lycéen à ce stade, s’est mis à frémir en province, notamment à Toulouse, Grenoble et Lyon… Le 15 avril a marqué encore un nouveau pas en avant : avec l’appel de l’ensemble des syndicats du primaire et du secondaire de l’IDF à la grève, avec les fédérations lycéennes, cela a été la première jonction des professeurs du secondaire et des lycéens avec les instituteurs.

Le mouvement lycéen se développe en province

Pendant les vacances de l’Île-de-France et de Bordeaux, le mouvement lycéen s’est développé en province. Après les manifestations modestes du 24 avril, la journée du 29, où un certain nombre de sections académiques de syndicats appelaient à la grève, a vu une hausse significative du nombre de lycéens dans la rue, ainsi qu’une présence plus marquée des enseignants. Il y a eu 4000 manifestants à Toulon et à Nice, 3000 à Tours, 3000 à Rouen, 2000 à Marseille, 1500 à Orléans, 1500 à Strasbourg, 1000 à Toulouse, plusieurs centaines à Lille, Besançon, Auxerre, Avallon, Angoulême, Lyon, Saint-Maximin, Châteauroux, Valence, etc. (1)

Depuis le retour des vacances de février, une AG inter-établissements avait commencé à se structurer dans le Var, renouant avec les traditions forgées dans la lutte de 2003. En Haute-Garonne, une AG comparable a été mise en place, permettant d’avancer vers la centralisation des luttes. Début mai, dans d’autres régions, des tentatives semblables commencent à se mettre en place, même si ce processus reste encore limité. Une réunion nationale des établissements en lutte s’est tenue le 3 mai, avec des représentants de l’IDF, de l’Oise, du Var, de la Haute-Garonne et de la Haute-Vienne, permettant de poser les premiers jalons en vue d’une coordination nationale. La mise en place d’une telle structure est fondamentale pour que les enseignants puissent prendre le contrôle de leur combat et le conduire jusqu’au bout.

En effet, mises sous la pression par le développement d’une mobilisation qu’elles n’avaient pas contribué à développer, les directions syndicales ont alors cherché à reprendre la main. En toute logique, c’est dans le premier degré, où leur collaboration avec le gouvernement avait été la plus ouverte, que les directions syndicales ont jugé le plus urgent de donner un coup de barre à gauche pour ne pas perdre le contact avec la base. Constatant le succès du 15 avril en région parisienne, elles ont donc toutes — même celles qui avaient signé le protocole avec Darcos — appelé à une journée de grève nationale pour le 15 mai. Peu après, la totalité des syndicats du secondaire — même ceux qui voyaient dans le rapport Pochard une intéressante base de discussion — ont décidé eux aussi d’appeler à la grève pour le 15 mai, avec les fédérations de parents d’élèves et les syndicats lycéens. Cependant, sous pression, les syndicats de l’enseignement se devaient d’appeler à plus qu’une simple journée d’action : sans cela, ils auraient pris le risque de confirmer la compréhension par une part croissante des enseignants que les dirigeants refusent de lutter réellement pour vaincre le plan Sarkozy-Darcos. C’est pourquoi ils ont prévu une ribambelle de journées d’action : manifestation nationale dominicale du 18 mai à l’appel de la seule FSU, participation à la journée d’action interprofessionnelle contre la réforme des retraites le 22 mai, journée de mobilisation avec les parents d’élèves le samedi 24 mai…

Pourtant, il est clair que cette suite de journées d’action ne peut en aucun cas permettre de vaincre un gouvernement déterminé à infliger une défaite aux enseignants et lycéens, une défaite comparable à celle subie par les cheminots et étudiants en octobre-novembre. Seule la grève générale de l’Éducation, ouvrant la voie à d’autres secteurs, peut rendre la victoire possible. En ce sens, non seulement ce dispositif de journées d’action ne constitue pas un plan permettant de gagner, mais il va en outre tendre à dissuader les enseignants d’entrer en grève reconductible : on leur dira toujours d’attendre la prochaine journée d’action… Or, à un mois du début des épreuves écrites du baccalauréat, en l’absence d’appel national des directions à la grève reconductible, chaque jour qui passe accroît la pression que fait peser sur les enseignants et les lycéens l’approche des examens. Car, dans ces conditions, c’est établissement par établissement, voire individuellement, que les enseignants se trouvent confrontés au problème : faire grève pour défendre son statut, ses conditions de travail et l’enseignement public, ou bien renoncer à faire grève de peur d’envoyer ses élèves à l’examen sans les y avoir suffisamment préparés.

La FIDL prétend mettre un terme au mouvement lycéen, l’UNL hésite

Pour essayer d’enrayer le développement d’une mobilisation, dangereuse pour lui au moment où la question de la convergence des luttes est posée par les appels interprofessionnels du 15 et du 22 mai (cf. à ce sujet notre éditorial), Darcos a tenté de mettre les directions des syndicats lycéens dans sa poche. L’objectif est de briser l’effet d’entraînement qu’aurait la poursuite du mouvement lycéen pour une possible grève reconductible des enseignants les plus mobilisés à partir du 15 mai. L’opération a largement réussi à ce stade : les chefs de ces organisations, eux-mêmes dirigés par divers courants du PS, commencent à appeler à la fin de la lutte sous prétexte que Darcos aurait reculé sur certains points. La FIDL a clairement déclaré que « la mobilisation s’[arrêterait] là [le 15 mai] pour les lycéens » pour cette année scolaire. Plus prudent, le président de l’UNL a déclaré : « On appelle à la mobilisation le 15, et après on verra. » La FIDL « se félicite d’avoir obtenu, auprès du Ministre, grâce à la mobilisation lycéenne, des avancées considérables pour les lycées » et se borne à « regretter que le ministre Xavier Darcos n’ait pas entendu la revendication des lycéens sur les non-remplacements de postes ». L’UNL estime quant à elle que « [l]es annonces [du Ministre] vont dans le bon sens, mais restent très insuffisantes puisqu’elles ne répondent pas à la revendication principale des lycéens : le gel des suppressions massives de postes prévues pour 2008 et les années suivantes qui menacent le service public d’éducation ». L’UNL « appelle donc l’ensemble des lycéens à poursuivre la mobilisation en manifestant massivement le 15 mai aux côtés des enseignants pour exiger le rétablissement des 11 200 postes en 2008, l’amélioration des conditions d’encadrement à la rentrée prochaine et la non application de la suppression d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite pour l’éducation dans les années à venir ». Cependant, par delà ces différences, les deux organisations présentent les annonces de Darcos comme un recul significatif.

Or, en réalité, Darcos n’a cédé sur rien d’essentiel et a même réussi à faire reprendre par les syndicats lycéens ses propres orientations. Non seulement il n’a pas rétabli les milliers de postes supprimés qui vont conduire à des classes encore un peu plus surchargées, mais il n’a pas renoncé à la généralisation progressive du Bac Pro en 3 ans et à la suppression des BEP, annonçant que cela se ferait au cas par cas, c’est-à-dire selon la meilleure méthode pour affaiblir les résistances : comme cela s’est déjà fait cette année, on poussera les enseignants à accepter la suppression de leur BEP et l’introduction du Bac Pro 3 ans en les menaçant de la fermeture de la filière s’ils n’obtempèrent pas. D’ailleurs, les nouveau programmes pour le Bac Pro en 3 ans sont déjà prêts et viennent d’être présentés. Les syndicats lycéens se réjouissent que le ministre se soit engagé à ce que « la réforme du lycée permette de l’autonomie des lycéens et l’interdisciplinarité » (UNL). Était-ce une revendication mise en avant par les lycéens qui ont défilé dans les rues ? Non, c’est ce que Fillon avait essayé de faire passer en 2004 et que Darcos veut essayer d’appliquer maintenant : l’« autonomie », cela signifie la suppression des programmes nationaux, l’individualisation des enseignements, donc du bac, le passage au contrôle continu…

L’UNL se félicite en outre de « la création d’un service public d’aide scolaire permettant de lutter contre les entreprises de soutien scolaire privées, réservées aux lycéens issus des familles les plus favorisées ». Qu’en est-il en réalité ? Darcos cherche un moyen de justifier la suppression massive d’heures de cours qu’il projette pour faire des économies : il prétend donc qu’elles serviront à faire du soutien scolaire. Autrement dit, sur le modèle de ce qu’il veut faire dans le premier degré, il privera tous les élèves de centaines d’heures de cours chaque année pour redonner à quelques-uns des heures d’étude surveillée. Il va de soi que cela impliquerait une réduction drastique des contenus enseignés. Dans le même temps, les suppressions de postes auront aussi pour conséquence la poursuite par l’administration de la politique consistant à bourrer certaines classes (jusqu’à 37 élèves) pour économiser des dédoublements sur d’autres classes (celles comptant moins de 24 élèves). Il s’agit en outre d’essayer de faire disparaître tout redoublement, sous prétexte de donner à tous les niveaux des cours de soutien aux élèves les plus en difficulté ; là encore, loin de toute considération pédagogique, c’est une économie considérable, car les élèves qui redoublent coûtent bien plus cher à l’État que des cours de soutien. En outre, Darcos a indiqué vouloir mettre en place ce dispositif « à titre expérimental » en 2008-2009 dans les 200 lycées les plus en difficulté, en recrutant 1500 assistants d’éducation et 2000 étudiants ; selon lui, les crédits nécessaires seraient déjà budgetés : il n’a donc rien cédé. Tout au contraire, il avance conjointement dans deux de ses principales réformes : différenciation croissante des enseignements selon les établissements et remplacement des fonctionnaires par des emplois précaires.

Face à tout cela, l’engagement du ministre à accorder une session de rattrapage pour le Bac Pro est une avancée dérisoire. C’est donc à une véritable trahison des lycéens en lutte que les chefs de l’UNL et de la FIDL sont en train de se livrer. C’est d’ailleurs logique : ces officines sont de simples annexes de courants du PS, lequel est pour l’essentiel favorable à la réforme de l’enseignement du gouvernement (cf. l’article sur le PS d’Anne Brassac)… Cet accord entre Darcos et les « syndicats » lycéens, c’est-à-dire sur le fond politique un accord entre l’UMP et le PS, est un nouvel obstacle dressé sur la voie de la mobilisation de masse pour vaincre le gouvernement. Comme l’UNL et la FIDL sont par ailleurs des coquilles vides malgré leurs moyens matériels et médiatiques, leur trahison pose la question d’un syndicat lycéen de lutte capable de défendre réellement les lycéens.

Darcos diffère l’annonce des réformes du statut et du lycée

Dans le même souci de désamorcer une situation dangereusement tendue pour le pouvoir, Darcos a indiqué qu’il reporterait au mois de septembre l’annonce de sa réforme du statut des enseignants (application du rapport Pochard) et de sa réforme du lycée (pour celle-ci, il nommera « au plus tard le 10 juillet », soit le jour de la fin du bac, une personnalité chargée de la mener à bien, selon Le Monde du 09/05/08). C’est donc le troisième report de l’annonce d’une réforme que le ministre devait déjà annoncer en janvier, puis en mai. Mais il a dans le même temps affiché plus clairement encore qu’auparavant l’orientation de cette réforme. Son axe est de pulvériser le système national d’enseignement, reposant sur l’égalité de droit entre les élèves, les programmes nationaux et l’examen national du baccalauréat. Il prétend mettre en place un « lycée à la carte », sur le modèle de la réforme LMD de l’enseignement supérieur, développant l’idée de « modularité » des enseignements. Selon lui, la journée devrait alterner cours et « moments d’étude ». Une telle structure implique évidemment la liquidation des programmes nationaux, remplacés par le « socle commun » et les « enseignements complémentaires possibles ». Cela signifie logiquement la suppression du bac comme examen national et anonyme (suppression déjà entamée avec la multiplication des épreuves réalisées en interne : épreuves d’éducation physique et sportive, travaux personnels encadrés, épreuves de langues en série technologique de gestion, etc.), pour le remplacer par un diplôme-maison à la carte. Enfin, dans un système aussi éclaté, il serait infiniment plus facile de faire passer toutes les réformes les plus réactionnaires, car les multiples variations locales empêcheraient toute riposte unie des lycéens et des enseignants. Or le statut actuel des enseignants représente un obstacle fondamental à cette réforme. C’est pourquoi Darcos a déclaré « qu’on ne peut pas la séparer [la réforme du lycée] de la commission Pochard sur l’évolution du métier ». Quelles que soient les considérations pédagogiques par lesquelles le ministre prétend justifier son projet, il ne fait pas de doute que son objectif est de supprimer la plus grande quantité possible de postes, tout en dualisant fortement l’enseignement entre un petit nombre de lycées d’élite et une immense majorité de lycées-poubelles.

Dans le même temps, Darcos maintient l’intégralité de ses attaques contre le premier degré, espérant réussir à diviser les professeurs des écoles et les enseignants du second degré pour pouvoir les affronter les uns après les autres, au lieu de devoir faire face à leur opposition conjointe.

Organisons nos AG, coordonnons-les à tous les niveaux et exigeons des directions syndicales qu’elles appellent à la grève reconductible jusqu’à satisfaction

Pour vaincre, la grève générale de l’Éducation est nécessaire. Mais les directions syndicales combattent contre la grève reconductible, refusent de la préparer et d’y appeler : c’est le principal obstacle à la transformation des possibilités de la situation en une grève générale de l’Éducation. Seule une intervention déterminée et consciente des enseignants d’avant-garde peut permettre de surmonter les obstacles qui s’accumulent. Il faut tout à la fois mobiliser nos collègues pour entrer dans la grève reconductible si les AG départementales et régionales établissent qu’ils y sont prêts, et multiplier les motions dans toutes les AG exigeant des directions syndicales qu’elles y appellent. En effet, la grève reconductible n’est possible que si elle est coordonnée et si elle a la capacité de s’étendre. L’interpellation des directions syndicales est indispensable : ce n’est pas seulement la mobilisation des travailleurs, mais aussi la clarté de leur conscience politique, qui constitue une pression efficace sur les directions syndicales. Bien sûr, celles-ci ne veulent pas appeler à la reconduction, mais elles subissent la pression des travailleurs qu’elles sont censées représenter, lorsque ceux-ci s’organisent et clarifient les conditions de la victoire : c’est sous cette pression qu’elles ont dû appeler à la grève les 10 et 15 avril en région parisienne et ce 15 mai au niveau national. Or elles seules auraient aujourd’hui la capacité de lancer au niveau national une grève reconductible coordonnée jusqu’à la victoire. Il faut donc exiger qu’elles appellent à la reconduction de la grève dès le 16, multiplier les motions d’AG en ce sens et les délégations aux sièges des syndicats.

En ce sens, l’AG IDF des établissements en lutte a un rôle particulier à jouer, en tant que structure d’auto-organisation la plus précieuse à ce stade, par sa capacité à rassembler un nombre significatif d’établissements et par son orientation politique d’avant-garde. De même, il est important de faire le maximum pour que la réunion nationale de coordination des établissements en lutte franchisse un palier.

Enfin, il faut démultiplier les efforts pour aider les lycéens à s’auto-organiser en coordination à tous les niveaux. Sans émergence très rapide d’une coordination lycéenne puissante, capable d’impulser la mobilisation, le mouvement lycéen risque fort de s’arrêter, liquidé par les dirigeants PS de la FIDL et de l’UNL. Cependant, avant d’acquérir sa dynamique propre, la mobilisation des lycéens a commencé sous l’impulsion de celle des enseignants. En ce sens, un début significatif de grève reconductible chez les enseignants pourrait réenclencher le mouvement lycéen.


1) Le tract du Groupe CRI a pu ainsi être distribué dans les manifestations d’Angoulême, Orléans, Rouen et Valence, et dans des lycées d’Arras et de Dôle.


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