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Le CRI des Travailleurs n°12     << Article précédent | Article suivant >>

Après les élections des 21 et 28 mars : la défaite de Chirac n'empêche pas la gauche plurielle de continuer à le couvrir !


Auteur(s) :Nina Pradier, Ludovic Wolfgang
Date :15 avril 2004
Mot(s)-clé(s) :France
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Deux ans après les élections présidentielle et législatives de 2002, trois ans avant les prochaines en 2007, les élections régionales (et cantonales) des 21 et 28 mars 2004 étaient le seul scrutin d’importance nationale prévu entre ces deux échéances (il faut cependant y ajouter les élections européennes qui auront lieu en juin prochain). C’est pour cette raison qu’elles ont, de fait, pris l’allure d’élections législatives pour des millions d’électeurs, qui n’ont pas dissocié l’enjeu local et la signification politique nationale de ces scrutins. Cependant, la défaite de la droite n’est que l’un des enseignements des 21 et 28 mars, le plus évident, mais non le seul. Pour analyser correctement la signification des résultats, il convient de ne pas s’en tenir à la surface des choses, contrairement à ce qu’a fait la plupart des médias et des commentateurs politiques qui, ici comme ailleurs, privilégient le spectaculaire sur l’analyse de fond. Celle-ci est pourtant absolument nécessaire pour vérifier, sur la base des faits, quelle était l’orientation politique correcte pendant la campagne électorale, et singulièrement entre les deux tours. Il convient tout d’abord de procéder à une analyse distincte des deux scrutins, car leur signification n’est pas tout à fait la même. Nous allons voir que, si le second tour a été marqué par la défaite sans appel infligée à Chirac-Raffarin par la majorité des travailleurs votant, le scrutin du 21 mars a vu la majorité absolue des travailleurs refuser de voter à la fois pour la droite, l’extrême droite et la gauche plurielle — ce qui a une signification politique de la plus haute importance pour les militants marxistes révolutionnaires.

Premier tour : la majorité absolue des travailleurs refuse de voter pour la droite, l'extrême droite et la gauche plurielle

On a beaucoup glosé sur les résultats du scrutin du 21 mars. En particulier, on a insisté sur le « vote-sanction » pour le gouvernement et on a parlé du « retour » de la gauche, après le « choc » du 21 avril 2002... Ce constat n’est pourtant pas l’enseignement essentiel du premier tour. En effet, ce qu’il est beaucoup plus important de souligner, et qui ne l’a pas été dans les médias et dans la plupart des commentaires politiques de toutes tendances, c’est que, le 21 mars, une nouvelle fois, une majorité absolue des travailleurs a refusé de faire confiance non seulement à la droite et à l’extrême droite, mais encore à la gauche plurielle, c’est-à-dire à l’ensemble des partis politiques qui se succèdent en alternance depuis près d’un quart de siècle à la tête de la Ve République : UMP-UDF, PS-PCF-Verts… En effet, les quatre principaux enseignements que permet de dégager une analyse rigoureuse des chiffres du premier tour, dès que l’on refuse de s’en tenir à la surface des choses et à des schémas d’interprétation intéressés ou préconçus, c’est que : 1) le boycott des élections a été majoritaire chez les travailleurs ; 2) la droite et la gauche plurielle, prises ensemble, sont très nettement minoritaires dans le pays ; 3) le vote d’extrême droite se maintient, sur la base d’un programme réactionnaire, mais d’un discours offensif contre le gouvernement ; 4) l’extrême gauche LO-LCR consolide elle aussi son électorat, mais subit un échec politique à cause de son programme et de sa campagne sans perspective.

Premier enseignement : le boycott des élections a été majoritaire chez les travailleurs

Rappelons tout d’abord qu’il y a dans ce pays 45 millions de citoyens (personnes en âge et en droit de voter, définition qui exclut les 3,2 millions d’étrangers vivant en France, dont la grande majorité sont des travailleurs salariés, et qui paient des impôts, des charges sociales, etc.). Or voici les faits, largement occultés par les médias et les commentateurs :

• Malgré l’inscription automatique des jeunes de 18 ans sur les listes électorales depuis 1997, 4 millions de Français, soit près de 9 %, ne s’inscrivent pas sur les listes, manifestement parce qu’ils n’ont aucune illusion dans les forces politiques en présence ;

• Parmi les 41 millions électeurs inscrits, 15,5 millions ne sont pas allés voter le 21 mars, soit 37,9 % (1). De toutes parts, dès le soir du premier tour, on nous a rebattu les oreilles avec le recul de l’abstention, grande victoire de la démocratie, etc. Certes, l’abstention est en recul de 4 points par rapport aux régionales de 1998. Mais, premièrement, celles-ci, moins d’un an après les législatives remportées par la gauche en 1997, quatre ans avant le 21 avril et le 5 mai 2002, cinq ans avant les nouvelles lois de décentralisation de 2003, trois ans avant les prochaines échéances électorales… n’avaient évidemment pas la même signification politique que celles de 2004. En second lieu, si l’on tient compte de l’immense campagne politique et médiatique qui a eu lieu avant le scrutin pour inciter les gens à aller voter, recourant aux pressions les plus incroyables, brandissant comme jamais la menace d’une victoire du Front national et d’un « nouveau 21 avril », s’appuyant enfin sur les événements espagnols (2)…, le recul de l’abstention le 21 mars apparaît bien modeste. Enfin, ce qui a été unanimement passé sous silence, c’est que le taux d’abstention est en hausse de 2,3 points par rapport aux législatives de 2002, ce qui correspond à une augmentation de 10,6 %, soit près d’un million d’abstentionnistes de plus (alors que le nombre total d’électeurs inscrits est équivalent) (3) ! — Bref, si l’on procède à une analyse sérieuse des chiffres et du contexte politico-médiatique, force est de constater qu’il est largement abusif de parler pour le premier tour d’un regain de la confiance des électeurs dans le suffrage universel bourgeois !

• De plus, parmi les 25,5 millions qui sont allés voter le 21 mars, 1,2 million a voté blanc ou nul, soit 4,72 % (équivalent à celui de 1998, en hausse de 0,4 point par rapport aux législatives de 2002).

Le premier enseignement du 21 mars, le plus important car le plus massif même s’il a été largement occulté, est donc que 20 700 000 citoyens, soit près d’un électeur sur deux (46 %), ne sont pas allés voter. Or, parmi eux, il est clair que les « pêcheurs à la ligne » sont minoritaires, et que la plupart a tenu à boycotter consciemment ces élections, estimant à juste titre qu’il ne pouvait rien en sortir de bon pour eux. Manifestement, ce choix a été fait par une majorité absolue d’ouvriers, de chômeurs et de petits salariés — alors que la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et les fractions supérieures du salariat (aristocratie ouvrière syndiquée, cadres moyens, enseignants et autres fonctionnaires des catégories supérieures) restent très majoritairement attachées à la duperie du suffrage universel bourgeois et du parlementarisme. Si l’on part des chiffres tels qu’ils sont et si l’on adopte une perspective sociologique (de classe), il apparaît donc que la majorité absolue des électeurs ouvriers et populaires a boycotté le système politique, car elle sait pertinemment que celui-ci ne sert aucunement à les représenter, qu’il dissimule sa logique unilatérale sous une fausse alternance entre la droite et la gauche bourgeoise et que celles-ci mettent en œuvre l’une comme l’autre, dès qu’elles sont au pouvoir, une politique contraire aux intérêts des travailleurs (4).

Deuxième enseignement : la droite et la gauche plurielle, prises ensemble, sont très nettement minoritaires dans le pays

Si l’on ajoute à ce qui précède l’ensemble des votes « protestataires », qui rassemblent près d’un votant sur quatre (5), on constate que les listes de la droite traditionnelle (UMP, UDF, écologistes de droite et « divers droite ») et de la gauche plurielle (PS, PCF, Verts, radicaux de gauche et chevènementistes) sont très nettement minoritaires dans le pays — non seulement chacune séparément, mais encore les deux prises ensemble ! En effet, avec 18 482 151 voix à elles deux au premier tour, elles ne représentent que 45,1 % des électeurs inscrits — et 41 % des citoyens (électeurs potentiels) ! Dès lors, cela relativise nettement ce qui s’est passé le 21 mars : si l’on veut comparer les scores respectifs de la droite et de la gauche au premier tour, il est indispensable de replacer cette comparaison dans le contexte, dont le trait marquant est bien le rejet, par les travailleurs de la droite, mais aussi de la gauche plurielle. En effet, si la droite est très minoritaire dans le pays — ne représentant, au mieux, que 36 % des suffrages exprimés, 21,34 % des électeurs inscrits et 19,43 % des citoyens —, la gauche n’est guère plus représentative, puisqu’elle ne rassemble, au mieux, que 40 % des suffrages exprimés, 23,7 % des électeurs inscrits et 21,64 % des citoyens !

La droite régresse non par rapport aux régionales de 1998, mais par rapport aux législatives de 2002

Au premier tour, la droite a régressé. Ensemble, l’UMP et l’UDF rassemblent 8 180 000 voix, soit 33,7 % des suffrages exprimés ; ces chiffres montent à 8 750 000 (36 %) si l’on y ajoute les listes « divers droite » et les écologistes de droite à la Waechter-Lepage. Là encore, au-delà des commentaires des uns et des autres, les chiffres sont imparables : les forces de la droite traditionnelle ne perdent qu’1,1 point par rapport aux élections de 1998, ce qui correspond pour l’UMP-UDF-divers droite à un gain de plus de 500 000 voix. En fait, ce n’est donc que si l’on compare son score à celui qu’elle avait obtenu aux législatives de 2002, que le recul de la droite est significatif : la droite (UMP-UDF-DL) avait obtenu alors 9 740 000 voix, soit 38,56 % — et 10 660 000 soit 42,2 % si l’on y ajoute les 922 000 voix « divers droite ». Or c’est bien ce score des législatives de 2002, suite à l’élection-plébiscite de Chirac un mois plus tôt, qui était exceptionnel : conformément à la fonction même de l’inversion chiraco-jospinienne du calendrier électoral, les électeurs de droite (voire un certain nombre d’extrême droite), notamment les « chasseurs » qui avaient voté Jean Saint-Josse au premier tour des présidentielles, avaient fait bloc pour donner au président une majorité à la chambre et ne pas risquer une nouvelle cohabitation.

En ce qui concerne la répartition des voix au sein de la droite, il faut souligner la très nette progression de l’UDF : dans les 16 régions où elle se présentait à part de l’UMP, l’UDF réalise 12 % des suffrages (à comparer avec les 6,84 % obtenus par Bayrou à la présidentielle et avec les 4,85 % de l’UDF aux législatives de juin 2002). Même si l’UDF n’a réussi nulle part à devancer l’UMP, sa nette progression, qui se fait au détriment du parti chiraquien, récompense la ligne de « stimulation critique » développée par Bayrou à l’égard du gouvernement et en fait désormais une force politique sérieuse, crédible aux yeux d’une fraction significative de la bourgeoisie et qui pourra donc lui servir d’ « alternative » à l’avenir, notamment en cas de crise politique dans le pays.

On ne peut parler d’une « victoire » de la gauche au premier tour

En ce qui concerne la gauche plurielle, son score au premier tour est de 9 740 000 voix, soit 40,15 % des suffrages exprimés. L’écart entre la droite et la gauche est donc de 4 points en faveur de celle-ci, soit 1 560 000 voix. C’est un écart important, mais il faut relativiser la progression de la gauche, sous peine de se méprendre sur ce qui s’est passé le 21 mars.

D’une part, il est évident que de très nombreux travailleurs ont voté pour elle uniquement pour infliger une défaite à Chirac-Raffarin, sans pour autant se faire d’illusions sur son compte. Rappelons, en particulier, que, pendant la campagne, elle n’a proposé aucun programme alternatif à celui de la droite, elle ne s’est nullement engagée à abroger les contre-réformes de Chirac-Raffarin quand elle reviendrait au pouvoir, elle a refusé de faire du scrutin un enjeu national — se présentant seulement comme « alternative » pour mieux mettre en œuvre au niveau local la régionalisation maastrichtienne. En un mot, elle a refusé de faire de sa campagne un moyen de combattre le gouvernement — même si, sous la pression de sa base, notamment des syndicalistes, des enseignants, des chercheurs, des intermittents du spectacle…, elle a fini par adopter un discours plus critique dans les toutes dernières semaines qui ont précédé le premier tour des élections.

D’autre part, il faut, là encore, analyser les chiffres de manière précise et sérieuse : on constate alors que, par rapport aux régionales de 1998, la gauche progresse de 4 points (mais il faut rappeler que les listes « écologistes » avaient remporté alors 5,27 % des suffrages en plus de ceux de la gauche plurielle proprement dite, ce qui rend la comparaison difficile) ; précisons cependant que la gauche plurielle fait moins qu’en 1998 dans la moitié des huit régions métropolitaines qu’elle dirigeait déjà (PACA, Aquitaine, Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon). Certes, par rapport aux présidentielles (pour autant que la comparaison ait un sens), elle progresse de 7,7 points (Jospin, Hue, Taubira, Mamère et Chevènement s’étaient présentés en concurrence) ; cependant, cela doit cependant être relativisé car, en voix, la progression est de moins de 500 000. Enfin et surtout, par rapport aux législatives de 2002, elle ne gagne qu’1,7 point, soit... 36 549 voix seulement ! (6) La progression de la gauche au premier tour n’est donc significative que par rapport au vote-sanction du 21 avril qui, dans la mémoire des médias et des gens, tend à faire oublier que la gauche avait retrouvé ses voix moins de deux mois après ! (7)

Or cela doit être d’autant plus souligné que, dans les quelques semaines qui ont précédé les élections, notamment dans les trois premières semaines de mars, des mobilisations de travailleurs, quasiment absentes depuis la défaite de mai-juin et la grève des intermittents du spectacle, étaient réapparues. Les chercheurs et les travailleurs sociaux avaient engagé une réelle mobilisation, recevant le « soutien » hypocrite de la gauche plurielle — qui fit tout, évidemment, pour faire oublier la politique désastreuse qu’elle avait menée pendant cinq ans contre la recherche publique, sous Allègre, puis Schwartzenberg. Et, sans parler d’initiatives manifestement au service de la gauche plurielle comme la pétition des Inrockuptibles, les bureaucrates syndicaux avaient appelé les féministes, les enseignants, les hospitaliers, les cheminots à des « journées d’action » soigneusement circonscrites et atomisées. Il ne s’agissait nullement d’engager une véritable mobilisation pour les revendications, mais, de façon d’ailleurs quasi-explicite dans bien des cas, de battre le rappel des troupes électorales traditionnelles de la gauche plurielle, nombreuses parmi ces catégories. Certains secteurs de la gauche plurielle (notamment du PCF) et les bureaucrates syndicaux poussèrent ainsi la direction du PS elle-même à « gauchir » un peu son discours et à accentuer quelque peu ses critiques du gouvernement. De fait, cette panoplie d’opérations politiciennes, ajoutées à la colère accumulée depuis deux ans et notamment depuis le printemps 2003, ont contribué à changer le rapport des forces entre la droite et la gauche plurielle, conduisant au recul électoral de la première et à la conservation des voix de la seconde le 21 mars.

Bref, l’analyse sérieuse des chiffres et des faits montre que, contrairement à ce qui a été dit un peu partout, le « vote-sanction » contre la droite qui a eu lieu le 21 mars ne signifie absolument pas une victoire de la gauche : celle-ci est en fait à peine plus représentative que la droite dans ce pays, elle n’a proposé aucun programme alternatif pendant toute la campagne et elle ne progresse pas par rapport aux dernières élections en date (8).

Troisième enseignement : le vote d’extrême droite se maintient, sur la base d’un programme réactionnaire, mais d’un discours offensif contre le gouvernement

L’extrême droite a obtenu 3 913 000 voix (dont 3 565 000 pour le FN), soit 16,14 % des suffrages exprimés (et 14,7 % pour le FN). Même si elle baisse de plus de 3 points par rapport aux présidentielles, elle progresse de 0,6 point par rapport aux régionales de 1998 et de 3,47 points par rapport aux législatives de 2002 (gagnant 714 000 voix). Si l’on compare les suffrages dont bénéficie l’extrême droite avec la faiblesse de ses organisations, on peut considérer que la majorité d’entre eux sont avant tout des votes « protestataires » de désespoir ouvrier et populaire, et de défi à l’égard des forces politiques gouvernementales. Cependant, force est de constater l’enracinement profond du vote d’extrême droite dans le pays, puisque le discours et la politique sécuritaires hyper-médiatisés de Sarkozy n’ont nullement provoqué son recul, contrairement à ce qu’espérait le gouvernement. Manifestement, avec son discours démagogique et xénophobe, mais clairement tourné contre le gouvernement, le FN en particulier sait manipuler avec un certain talent politique la colère et le désespoir d’une fraction de l’électorat, en se présentant comme une force offensive, alternative à l’ « établissement » de la droite et de la gauche traditionnelles, réellement candidate au pouvoir et attendant son heure.

Quatrième enseignement : l’extrême gauche LO-LCR consolide elle aussi son électorat, mais subit un échec politique à cause de son programme et de sa campagne sans perspective

Enfin, en ce qui concerne l’extrême gauche, elle progresse légèrement par rapport aux scrutins comparables antérieurs, mais elle est loin de ses scores de la présidentielle de 2002. Elle obtient plus de voix qu’aux européennes de 1999 (1 078 000 contre 905 000), même si elle recule légèrement en pourcentage (4,58 % au lieu de 5,18 %) (9).

On ne peut donc pas parler de « désastre », comme se sont empressés de le faire certains, souvent pour s’en réjouir ; mais il est clair que la liste LO-LCR a connu un échec relatif. La question qui se pose est donc de savoir pourquoi ces organisations, qui comptent à elles deux plus de 10 000 militants et qui ont bénéficié d’une couverture médiatique importante, n’ont pas été capables de reconquérir les 2 841 000 électeurs qui avaient voté pour eux à la présidentielle de 2002 (soit 9,97 % des suffrages exprimés).

Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que la grande majorité de ces électeurs est retournée voter pour la gauche plurielle. Il faut cependant souligner que cela avait été le cas dès juin 2002 : aux législatives de 2002, LO et LCR, qui s’étaient présentées séparément, avaient obtenu à elles deux 622 000 voix, soit 2,47 % des suffrages exprimés seulement — ce qui montre que le vote pour Laguiller et Besancenot aux présidentielles était, qu’on le veuille ou non, dans une large mesure « protestataire » et déjà volatile. De ce point de vue, on constate plutôt une consolidation du vote d’extrême gauche, qui se situe à près de 5 % pour la quatrième fois en 9 ans (après la présidentielle de 1995, les régionales de 1998 et les européennes de 1999).

D’autre part, pour expliquer que LO-LCR n’aient pas retrouvé leur score du 21 avril 2002, on ne peut négliger les effets du changement du mode de scrutin qui, en imposant la barre des 10 % pour se maintenir au second tour, a été défavorable à la liste LO-LCR, en favorisant le prétendu « vote utile », leitmotiv pendant toute la campagne de la gauche plurielle, qui a passé son temps à taper sur LO-LCR plutôt que sur Chirac-Raffarin. En particulier, la liste d’extrême gauche a subi la concurrence du PCF qui, dans les principales régions où il se présentait de manière autonome, sans faire un score extraordinaire en lui-même, profite du discours assez « gauche », voire autocritique, qu’il a tenu — tout en jouant à fond la carte du « vote utile » pour le second tour : ainsi LO-LCR perdent un nombre significatif de voix par rapport à 1998 dans le Nord-Pas-de-Calais (où la liste Boquet réalise 10,68 % des voix), en Seine-Saint-Denis (où la liste PCF réalise 14,31 %), dans le Val-de-Marne (où elle fait 10,43 %), voire en Picardie (où la liste Gremetz obtient 10,86 %) (10). Ces résultats, qui ne signifient nullement une revitalisation historique du PCF, témoignent cependant de sa capacité à utiliser encore efficacement ses dizaines de milliers de militants et sympathisants, actifs dans les entreprises, les syndicats et les associations (11).

Néanmoins, tout cela ne saurait suffire à « amnistier » l’extrême gauche de ses très lourdes responsabilités politiques. La faute fondamentale de LO-LCR (sans oublier le PT aux cantonales) consiste dans le vide politique de leur programme et de leur campagne, dans leur refus de se présenter comme alternative politique face à la droite et à la gauche plurielle. En proposant un programme réformiste à la place d’un programme communiste révolutionnaire, en refusant de poser la question de l’auto-organisation des travailleurs et d’un parti anticapitaliste révolutionnaire dont l’objectif soit la prise du pouvoir, LO et la LCR (et le PT) se sont présentés comme la « gauche de la gauche », non comme une force de rupture avec le capitalisme et l’État bourgeois. Dès lors, les travailleurs qui voulaient boycotter la gauche plurielle ont boycotté également la gauche plurielle de la gauche plurielle en n’allant pas voter pour elle non plus. Et ceux qui voulaient assommer le gouvernement Chirac-Raffarin en utilisant les élections ont préféré utiliser la massue qui leur paraissait la plus solide.

Est-ce à dire que, si LO-LCR avaient eu, pendant les quelques semaines de la campagne électorale, un programme et un discours révolutionnaires, si elles avaient appelé à la lutte de classe, si elles avaient fait autre chose que du « témoignage trotskyste » comme d’autres font du « témoignage chrétien »… elles auraient fait plus de voix ? Cela n’est évidemment pas si simple, tant est profonde la crise actuelle du mouvement ouvrier et corrélativement de la conscience de classe (12).

En revanche, cela fait des années que LO, LCR et PT auraient pu entreprendre un véritable travail d’éducation marxiste révolutionnaire des travailleurs. Cela fait des années, notamment depuis 1995, et tout particulièrement depuis avril 2002 et pendant la montée vers la grève générale mai-juin 2003 (13) , que LO et la LCR auraient pu profiter de leur audience pour populariser l’objectif de la grève générale contre le gouvernement et pour faire valoir la nécessité d’un nouveau et véritable parti anticapitaliste révolutionnaire dont l’objectif clair et net soit d’en finir avec l’alternance de la gauche et de la droite, d’ouvrir la voie à une alternative politique, qui ne saurait être qu’un gouvernement des travailleurs, par les travailleurs et pour les travailleurs. En refusant de mettre en avant cet objectif, en se contentant de répéter qu’il ne correspond pas à l’état d’esprit des travailleurs, LO et la LCR (ainsi que le PT) jouent un rôle majeur dans le fait qu’il continue de pas lui correspondre ! Ils ne permettent pas aux travailleurs de reconstruire le mouvement ouvrier, de se débarrasser définitivement de la gauche plurielle, de se redonner une représentation politique (14).

Deuxième tour : la majorité absolue des travailleurs votant inflige une défaite sans appel à Chirac-Raffarin

Nous avons donc montré, en analysant de manière précise le résultat du premier tour, que le « vote-sanction » contre la droite le 21 mars n’avait rien d’une victoire de la gauche. Pourtant, il a suffi à ébranler des centaines de milliers de travailleurs qui n’avaient pas voté au premier tour et qui se sont rendus aux urnes le 28 mars pour achever le travail du 21 en infligeant cette fois une défaite sans appel au gouvernement.

Analyse des résultats

De fait, tout en restant forte (34,32 %), l’abstention a reculé par rapport au premier tour, cette baisse de 3,5 points correspondant à près d’1,5 million de participants supplémentaires. Le nombre de bulletins blancs et nuls a lui aussi reculé, passant de 4,72 % à 3,99 % (de 1 202 000 à 1 073 000).

Sur les 25 838 000 suffrages exprimés, les listes de gauche ont rassemblé la majorité absolue des suffrages, 50,3 %, un résultat en hausse de 10 points par rapport au premier tour, correspondant à plus de 13 millions de voix — soit 25 % de plus que le 21 mars (+ 3 271 000 voix).

Les listes de droite UMP-UDF ont elles aussi progressé, mais dans une proportion bien moindre : elles ont rassemblé 36,9 % des suffrages, un résultat en hausse de 0,8 point par rapport au premier tour, correspondant à 9 530 000 voix (+ 8,25 % de plus qu’au premier tour, 786 000 voix).

Enfin, les listes du FN ont reculé, rassemblant 12,38 % des suffrages, un résultat en baisse de 2,3 points par rapport au premier tour (et de 3,7 points par rapport au total des suffrages de l’extrême droite) ; avec 3 199 000 voix, le FN en a perdu 366 000 par rapport au 21 mars (-  9,75 %) et 714 000 si l’on prend en compte l’ensemble de l’extrême droite (un recul de 10,7 %).

Le nombre de voix gagnées par la droite entre les deux tours correspond donc presque exactement au nombre de celles perdues par l’extrême droite. On peut sans doute considérer que, malgré la querelle UMP-UDF dans certaines régions, la quasi-totalité des électeurs de droite au premier tour a confirmé son vote au second (15), et qu’une partie des électeurs d’extrême droite ont décidé de « voter utile », contre la gauche, au second tour. Même si l’on tient compte du fait qu’une partie des électeurs d’extrême droite a pu voter à gauche au second tour (on estime généralement que 20 % de ceux qui reportent leur voix ont ce comportement), il apparaît clairement que la quasi-totalité des 1,5 million d’électeurs qui sont allés voter au second tour alors qu’ils s’étaient abstenus au premier ont voté à gauche. Cela confirme notre interprétation du phénomène de l’abstention : dans leur majorité, les électeurs qui se sont abstenus au premier tour sont manifestement des travailleurs qui votaient naguère pour les partis de gauche, et dont une partie non négligeable s’est finalement résolue à revoter pour eux au second pour infliger une défaite à Chirac-Raffarin, mais sans grandes illusions en cette gauche qu’ils avaient boycottée le 21 mars. D’autre part, il semble clair que la grande majorité des électeurs d’extrême gauche a choisi de voter pour la gauche au second tour, plutôt que de s’abstenir — ce vote n’impliquant évidemment pas non plus une quelconque confiance dans le PS et ses acolytes.

Fallait-il dénoncer l’illusion électorale… ou appeler à voter pour la gauche plurielle au second tour ?

La nature a horreur du vide. En l’absence de toute perspective politique alternative (notamment par la faute de l’extrême gauche, comme nous l’avons vu), une partie importante des travailleurs a décidé d’infliger une défaite au gouvernement en utilisant la seule arme dont ils ont cru disposer, le vote pour la gauche plurielle, les uns dès le premier tour, d’autres au moins au second. Et cela se comprend. Cependant, ce vote pour la gauche plurielle n’est en aucun cas une victoire pour la classe ouvrière, car il n’a rien d’une solution. En effet, cela traduit avant tout la profondeur de l’illusion dans le suffrage universel bourgeois et le parlementarisme sous toutes ses formes, notamment dans la conscience des fractions supérieures du salariat, de l’aristocratie ouvrière et des travailleurs syndiqués. La croyance que l’on peut changer les choses par le bulletin de vote, ou du moins l’utiliser pour limiter les dégâts, est l’un des mécanismes majeurs dont dispose le système politique bourgeois pour se perpétuer par le mythe de l’alternance politique, qui caractérise la plupart des grandes « démocraties » bourgeoises — et qui fonctionne malgré la forte proportion d’ouvriers, de petits salariés et d’opprimés qui ne participent jamais à la mascarade électorale. C’est ce système politique qui explique pourquoi, depuis 1983 en France (voire depuis 1977), presque à chaque consultation, les électeurs sanctionnent le pouvoir en place, avant de le sortir aux législatives suivantes. En ce sens, ce qui s’est passé les 21 et 28 mars s’inscrit dans une logique bien ancrée qu’il ne faut pas perdre de vue, sous peine de plonger dans l’aveuglement de la prétendue « divine surprise » des régionales de 2004, dans le mythe du « séisme », du « raz-de-marée », et autres métaphores dont le caractère superficiel pourrait être aisément démontré par la mise en évidence de leur récurrence médiatique depuis près d’un quart de siècle en France. À cette illusion « démocratiste » générale s’ajoute celle d’une partie des électeurs de la gauche qui, tout en considérant de moins en moins celle-ci comme sa représentation politique, comme une force en laquelle il soit possible de faire confiance, estiment néanmoins qu’elle est « moins pire » que la droite. Il s’agit là encore d’une illusion : ce qui est vrai, c’est que, depuis vingt ans, chaque gouvernement, qu’il soit de droite ou de gauche, mène une politique pire que celui qui le précède, qu’il soit de gauche ou de droite. Tous travaillent ainsi à cet ouvrage commun qu’est la destruction progressive des acquis sociaux : il faut rappeler ici que la gauche plurielle a commis les lois Aubry — que le gouvernement Raffarin-Fillon n’a pas abrogées — pour organiser l’annualisation, accroître la flexibilité et l’exploitation, tout en détournant de son contenu la revendication de baisse du temps de travail ; il faut rappeler que le gouvernement Jospin-Gayssot-Voynet a privatisé à lui seul davantage que les deux gouvernements de droite qui l’avaient précédé ; il faut rappeler que le ministre PS Claude Allègre a multiplié les provocations et les « réformes » contre l’instruction publique, ses programmes, ses professeurs, et contre la recherche publique — Jack Lang faisant passer ensuite « en douceur » ces mesures, ainsi que la contre-réforme des diplômes universitaires (dite « ECTS-LMD ») ; il faut rappeler que les députés de la gauche plurielle ont appliqué le plan Juppé contre la Sécurité sociale, ont voté scrupuleusement le transfert en droit français des directives européennes rétablissant le travail de nuit des femmes, organisant la casse progressive des services publics de la SNCF (avec le ministre PCF Gayssot), d’EDF-GDF, de la Poste, etc.

Cette politique a conduit à la défaite de la gauche plurielle en 2002 — défaite plus importante encore, il faut le rappeler, que celle subie par la droite en 2004. Ensuite, la gauche plurielle a appelé à voter Chirac au second tour de la présidentielle, prenant la responsabilité d’un plébiscite dont le gouvernement de droite a tiré toute la force qui lui a permis de mener sa politique réactionnaire de choc depuis deux ans. Enfin, la gauche plurielle a refusé de combattre réellement le gouvernement depuis son installation, même pendant le mouvement de mai-juin 2003 ; et, pendant la campagne électorale, elle n’a proposé aucun programme alternatif à celui de la droite, elle n’a même pas promis de s’engager à abroger les réformes après son retour au pouvoir…

Dès lors, il ne pouvait être question d’appeler à voter pour la gauche plurielle au second tour (16), quelles que soient les illusions (d’ailleurs relatives) des syndicalistes et, plus largement, des fractions supérieures du salariat, attachées au suffrage universel bourgeois et à l’idéologie réformiste. Étant donné la nature du PS, parti bourgeois entièrement incorporé dans les institutions et le système de l’alternance, et menant depuis plus de vingt ans une politique identique à celle de la droite dès qu’il est au pouvoir, une organisation communiste révolutionnaire ne pouvait pas plus appeler à voter pour le PS au second tour de ces élections régionales de 2004 au nom du combat contre Chirac que pour Chirac au second tour de la présidentielle de 2002 au nom du combat contre Le Pen (17) .

La gauche plurielle et les bureaucrates syndicaux continuent à défendre le gouvernement Chirac-Raffarin

On a beaucoup accusé Chirac d’être resté sourd au « message des Français », de l’avoir méprisé, etc. Et on a eu raison ! Cependant, il n’est pas le seul à avoir fait preuve d’une telle attitude : la gauche plurielle a fait exactement la même chose, révélant immédiatement et sans nuances l’énorme duperie qu’a constituée le vote en sa faveur.

La gauche plurielle a immédiatement rassuré Chirac en annonçant une nouvelle cohabitation

En effet, dès le soir du premier tour, et plus encore au soir du second, les dirigeants de la gauche plurielle ont commencé par rassurer Chirac en affirmant haut et fort qu’il ne s’agissait nullement pour eux de postuler au pouvoir national, de dénoncer l’illégitimité du président, d’exiger la convocation d’élections législatives. Ils n’ont même pas demandé la démission de Raffarin ! Tous n’ont eu qu’un mot à la bouche : on attend 2007, on fait bloc derrière les institutions de la Ve République et derrière Chirac et, en attendant, on met en œuvre la régionalisation maastrichtienne en appliquant les lois votées par le gouvernement Raffarin et en collaboration avec lui — quitte à y ajouter une pincée d’ « écoute » du « message des Français » et de la « démocratie participative » à tour de bras.

Dès avant le premier tour, le 14 mars, constatant l’évolution des sondages, de plus en plus défavorables à la droite, le porte-parole du PS, Jack Lang, avait annoncé : « Le gouvernement va être battu. Ce que je redoute, c’est que les socialistes s’enhardissent et s’imaginent que c’est grâce à eux. Franchement, demain, si on gouverne, qu’est-ce qu’on fait ? » Au lendemain de l’obtention par la gauche de la majorité absolue des suffrages exprimés au second tour, Jack Lang a remis ça, en déclarant carrément : « Nous sommes dans une situation merdique, le pays est dans une belle mouise. » (Le Monde, 30 mars.) Même son de cloche du côté de chez Fabius, numéro 2 du PS, qui a déclaré au soir du 28 mars, à la télévision : « Il y a une majorité à l’Assemblée nationale qui est ce qu’elle est et qui n’a pas à être modifiée. »  Et François Hollande, premier secrétaire du PS, d’ajouter : « La gauche n’a aucun droit à faire valoir, elle n’a que des devoirs à accomplir : un devoir d’opposition (…), un devoir de solidarité dans toutes les régions et dans tous les départements. » De son côté, Dominique Voynet, dirigeante des Verts, limitait l’objectif de la gauche plurielle « à ne pas décevoir dans les régions »… Mais la palme revient à Ségolène Royal qui, alors qu’elle symbolise à elle seule la victoire de la gauche en s’imposant très largement dans le fief même de Raffarin, ne s’arrête plus de chanter la gloire de la régionalisation : « La France des régions, ça commence dès aujourd’hui. C’est une victoire de la région, car elle prouve l’envie et la volonté de saisir les nouvelles chances qu’apportent les nouvelles compétences » (la décentralisation). 

En un mot, la gauche plurielle a eu comme premier geste de rassurer le gouvernement qu’elle se contenterait une fois encore d’une cohabitation d’un nouveau type, en attendant bien gentiment 2007 et l’ « alternance » institutionnelle. C’est donc avant tout à cause du comportement de la gauche plurielle politique et syndicale que Chirac a pu, malgré le vote des 21 et 28 mars, reconduire Raffarin à son poste et garder la plupart de ses ministres.

La gauche plurielle déclare son accord avec les « réformes »

Mais ce n’est pas tout. Au moment même où, traduisant les inquiétudes de toute la bourgeoisie, les membres du gouvernement et les chefs de la droite réaffirmaient leur volonté de mettre en œuvre les « réformes » commencées et prévues, Dominique Voynet osait déclarer : « Les Français ne sont pas immobiles, mais ils ont envie que les réformes soient élaborées avec eux. » De son côté, François Hollande, rassurait lui aussi le patronat : « Le PS et la gauche iront vers des réformes consenties, négociées, mais avec le socle des garanties collectives, c’est la différence entre la gauche et la droite ». Quant à Marie-Georges Buffet, secrétaire nationale du PCF, elle a demandé au gouvernement qu’il « rouvre un dialogue sérieux avec les partenaires sociaux sur la réforme du système des retraites » et qu’il « ouvre de véritables négociations sur l’assurance maladie ». Bref, ce n’est pas sans raison que Jacques Barrot, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, exprimant l’essence même de l’ « alternance » droite-gauche, a dit à Laurent Fabius, dirigeant du PS, le soir du deuxième tour : « Ces réformes, vous serez bien contents de les trouver, si, à Dieu ne plaise, vous revenez au pouvoir. Nous avons un pays dont nous sommes responsables, aussi bien à gauche qu’à droite, et que nous devons adapter. C’est un devoir et nous devons continuer. » Qu’a répondu le numéro deux du PS ? « Force est de constater que la politique menée depuis deux ans a fait que nous avons eu un demi-quinquennat stérile. La question posée aujourd’hui est de savoir si la deuxième partie du quinquennat pourra être utile ou non. » 

Que le PS et la gauche plurielle se rassurent : le « nouveau » gouvernement Raffarin n’a aucunement l’intention d’être « stérile », d’être moins « utile » au patronat que ne l’a été le précédent. « Pas question que le gouvernement renonce aux réformes », a déclaré par exemple Jean-Claude Gaudin, vice-président de l’UMP, le soir du 28 mars, suivi en cela par tous les représentants du gouvernement et de la droite. Par contre, les dirigeants de la droite ont montré qu’ils avaient bien reçu le « message » des dirigeants de la gauche préconisant de mettre en œuvre les « réformes » en concertation avec la « société civile » et les « citoyens ». Ainsi le premier vice-président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Bernard Acoyer, a-t-il préconisé de « rénover les moyens de l’accompagnement de la politique » du gouvernement, c’est-à-dire notamment « d’introduire une sorte de participation de nos concitoyens à la réforme ». Car, selon Philippe Douste-Blazy, secrétaire général de l’UMP, « ce n’est pas la réforme, mais la méthode », qui aurait été sanctionnée par les électeurs. Dès lors, comme l’a dit Jean-Jacques Aillagon, ci-devant ministre de la Culture, « il faut mieux assurer la pédagogie des réformes, les Français veulent savoir où on les conduit, il nous appartiendra de mieux expliquer les réformes, mais tout en affirmant qu’elles sont totalement nécessaires ». Quant au journal Le Figaro, il donnait le conseil suivant au gouvernement son maître : « L’heure est à l’habillage social de la politique à mener. Il ne faudra plus parler de ‘réformes nécessaires’, mais de ‘réformes justes’. »

La fonction du « nouveau » gouvernement Raffarin est donc claire. Comme l’a dit clairement le ministre Dominique Bussereau, il s’agit d’ « une équipe d’hommes et de femmes (…) capables d’aller au combat, capables de mener des réformes et capables de les mener avec fermeté ». Autrement dit, un gouvernement de choc : comme l’a dit Jacques Barrot dès le 24 mars, « compte tenu de la propension de ce pays à rechigner devant les réformes, il faut se concentrer sur ce qui est le plus essentiel ». Le quotidien patronal La Tribune du 31 mars résume parfaitement la mission de Raffarin et ses risques : sous le titre de première page « Raffarin face au risque social », on lit : « Le calendrier pour le printemps devrait être maintenu », bien que, notamment sur la question de la Sécurité sociale, « le spectre de l’hiver 1995 (…) hante déjà Matignon ». Dès lors, « le Premier ministre va devoir résoudre une équation impossible : engager le pays sur la voie du changement sous la menace d’une redoutable épée de Damoclès, la rue (…). Le fusible Raffarin a été largement grillé aux régionales, mais il peut encore servir (…) et engager quelques réformes impopulaires, la santé par exemple. »

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les reculs tactiques du gouvernement sur les revendications des chercheurs, sur les allocations chômage et sur le statut des intermittents du spectacle : il s’agit pour lui de se débarrasser des conflits les plus importants et très populaires qui ont été sur le devant de la scène au cours des derniers mois et ont contribué à accroître l’hostilité des travailleurs à l’égard du gouvernement. En essayant de s’enlever ces épines du pied, le gouvernement entend lâcher un peu de lest pour que la pression se relâche un peu et pour pouvoir se concentrer sur les dossier prioritaires : le changement de statut d’EDF-GDF, la régionalisation (notamment le transfert des personnels TOS vers les collectivités territoriales) et la contre-réforme de la Sécurité sociale.

L’heure est à l’auto-organisation des travailleurs

Pour la classe ouvrière et les travailleurs, l’heure n’est nullement à l’euphorie. Qu’ils aient boycotté les élections, voté pour l’extrême gauche ou utilisé le bulletin de la gauche plurielle, les travailleurs savent que le gouvernement Chirac-Raffarin, blessé, se battra jusqu’au bout pour faire passer ses projets funestes. Dans cette situation, il ne faut avoir aucune illusion dans la gauche plurielle — même si, sous la pression du vote du 28 mars, les dirigeants de celle-ci, et notamment du PS ont, début avril, quelque peu durci le ton de leurs discours (ils ont ainsi sévèrement « protesté contre la reconduction du gouvernement et, comme ils l’avaient d’ailleurs fait lors du congrès du PS en mai 2003, ils se sont mis à « critiquer » la manière dont Raffarin entend mener la régionalisation — sans en remettre le moins du monde en cause le sacro-saint principe)... Il ne faut avoir aucune illusion non plus à l’égard des dirigeants syndicaux — ne revenons pas ici sur leur collaboration éhontée avec le gouvernement (sur ce point, cf. ci-dessus l’article consacré à la préparation de la contre-réforme de la Sécurité sociale, ainsi que les deux précédents numéros du Cri des travailleurs). Face au calendrier des contre-réformes du gouvernement, contre la régionalisation, contre la destruction de la Sécurité sociale, pour la défense et la reconquête des acquis, pour aller vers une alternative politique des travailleurs, par les travailleurs, pour les travailleurs, les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes et leur lutte de classe indépendante. Ce n’est que dans et par leur auto-organisation qu’ils pourront imposer l’unité des organisations, notamment des syndicats CGT, FO, FSU et G 10, leur imposer la rupture avec le gouvernement et le combat unitaire pour la défense du Code du travail, des services publics, de la Sécurité sociale, pour la défense et la reconquête de tous les acquis. Ce n’est que par et dans leur auto-organisation qu’ils pourront forcer les organisations d’extrême gauche (LO, LCR, PT…) à rompre avec leur stratégie sans perspective et impuissante. Mais cette auto-organisation des travailleurs pose la question du parti : pour reconstruire une perspective politique qui mette fin à la spirale de destruction des conquêtes ouvrières et qui permette la satisfaction des revendications et aspirations sociales et démocratiques des travailleurs, des opprimés, de l’immense majorité ; pour reconstruire une perspective politique qui rompe avec les organisations de droite et de gauche de la bourgeoisie et de son État ; pour reconstruire une perspective politique qui puisse mettre fin à l’alternance sur laquelle repose le système politique bourgeois et substituer à la pseudo-« démocratie » bourgeoise la démocratie des travailleurs rassemblés et organisés — il faut un instrument politique, un parti anticapitaliste révolutionnaire. C’est à la construction de ce parti que le Groupe CRI préconise de s’atteler sans attendre : il propose d’ouvrir la discussion sur cette question centrale avec tous les jeunes, les travailleurs, les militants et les groupes politiques qui cherchent la voie de l’alternative révolutionnaire, la voie du socialisme.


1) Les chiffres cités dans cet article sont ceux du ministère de l’Intérieur. Pour les élections régionales de 2004, cf. le site http://www.interieur.gouv.fr/rubriques/b/b3_elections/b32_resultats/reg2004_FE_T1/

2) Avec une insistance sans précédent, chaque responsable des forces politiques institutionnelles, chaque chaîne de télévision, chaque radio, chaque journal — sans oublier la Conférence des évêques de France ! — a martelé pendant des jours et des jours qu’il serait scandaleux de ne pas aller voter. La palme en la matière revient certainement au Journal du dimanche, qui titrait le 14 mars : « Régionales : abstention, danger ! » et précisait : « À force d’indifférence, la démocratie court un véritable danger. N’est-ce pas ce que souhaitent les terroristes ? » — De son côté, Georges Frêche, député PS, lançait aux abstentionnistes : « Si vous voulez crever, continuez à ne pas voter ! » Quant à Kouchner (suivi par Fabius), il a menacé de « rendre le vote obligatoire, comme en Grèce ou en Belgique »… — La veille du scrutin, sur France Info, on a pu entendre qu’une station de ski « citoyenne » faisait une ristourne de 50 % sur les remontées mécaniques pour ceux qui descendraient voter le dimanche… Et on avait appris le 16 mars de l’AFP que « la municipalité d’Écrouves (Meurthe-et-Moselle) a décidé de combattre l’abstention aux élections régionales en invitant les enfants à encourager leurs parents à aller voter (…). Les 231 élèves des trois écoles primaires de cette petite ville, située près de Toul, ont reçu une carte, qu’ils feront tamponner au bureau de vote en allant faire voter leurs parents les 21 et 28 mars. Cette carte, dûment, tamponnée, leur permettra de recevoir en récompense un jeu de cartes ‘citoyen’, comportant 165 cartes d’éducation civique. ‘C’est une démarche citoyenne destinée à fustiger l’abstentionnisme, en partenariat avec les chefs d’établissement’, a expliqué Jean Voltz, maire sans étiquette d’Écrouves. »

3) Nous ne parlerons évidemment pas ici des présidentielles de 2002, où le taux d’abstention était de 28,4 % au premier tour et de 20,2 au second.

4) Les marxistes doivent constamment confronter leurs analyses et leurs pronostics avec la réalité, et ne pas hésiter à se critiquer quand il le faut. Posant la question de savoir si les travailleurs devaient « attendre quelque chose des prochaines élections », nous avons proposé une analyse dans le dernier numéro du CRI des travailleurs (n°10-11, paru fin janvier). En ce qui concerne ce premier et fondamental enseignement du premier tour, notre analyse est largement vérifiée, puisque nous écrivions : « Les ouvriers, les exploités, les opprimés n’ont pas d’illusion, ils s’apprêtent à boycotter massivement les prochains scrutins, sachant qu’il n’en sortira de toute façon rien de bon pour eux — des millions sanctionnant ainsi, de même que les électeurs LO-LCR, à la fois la politique du gouvernement et celle, passée et présente, de la gauche plurielle. »

5) Bien évidemment, cette notion de « vote protestataire » est purement négative, elle n’a aucune unité, elle est seulement commode à ce stade de l’analyse : elle recouvre des réalités aussi différentes que le vote pour l’extrême gauche (avant tout la liste LO-LCR), qui obtient 4,95 % des voix, le vote pour l’extrême droite (16,14 %), ainsi que des votes qui peuvent être considérés eux aussi comme des votes de protestation et de défi à l’égard de la classe politique institutionnelle : 420 000 voix pour Chasse, Pêche, Nature et Traditions (1,67 % des suffrages exprimés), 66 000 voix pour les régionalistes (0,26 %), 195 000 voix pour des candidats « divers », notamment les buralistes alsaciens (0,77 %) — soit 655 000 voix en tout, 2,7 % des suffrages exprimés.

6) La gauche avait en effet obtenu 9 701 000 voix aux législatives de 2002, ainsi réparties : PS : 6 086 000 voix (24,11 % des suffrages exprimés) ; PCF : 1 216 000 (4,82 %) ; Parti Radical de gauche : 389 00 (1,54 %) ; « divers gauche » : 276 000 (1,09 %) ; Pôle Républicain : 300 000 (1,19 %) ; Verts : 1 138 000 (4,51 %) ; « autres écologistes » : 296 000 (1,17 %).

7) Même si les situations de la France et de l’Espagne ne sont pas tout à fait comparables (participation d’Aznar à la guerre impérialiste contre l’Irak, attentats de Madrid suivis des mensonges éhontés du gouvernement espagnol), les commentateurs et les politiciens de la gauche plurielle ont essayé de faire un parallèle et de déceler une influence espagnole sur les élections françaises. Or, de ce point de vue, il faut souligner que, alors que la gauche française a gagné 36 000 voix seulement depuis juin 2002, le PSOE a obtenu le 14 mars dernier un score en hausse de 38,5 % par rapport aux législatives précédentes de 2000 (soit un gain de 3 millions de voix).

8) En ce qui concerne ce deuxième enseignement du premier tour des dernières élections, nous avons donc commis une erreur de pronostic dans le dernier numéro du Cri des travailleurs : dans cet article écrit fin janvier, à un moment où plus aucune mobilisation n’avait lieu et où les bureaucrates syndicaux et la gauche plurielle semblaient ne même pas vouloir faire semblant de mobiliser les travailleurs et de faire campagne, nous sommes allés trop vite en besogne en prévoyant que « Chirac et l’UMP (allaient) manifestement emporter la majorité des voix exprimées ». Cependant, nous n’avons pas commis d’erreur dans l’analyse de fond : la majorité des travailleurs n’a aucune confiance dans la gauche plurielle, y compris parmi ceux qui se sont finalement résolus à voter pour elle pour infliger une défaite à Chirac-Raffarin, et celle-ci ne saurait être confondue avec une victoire de la gauche au premier tour (nous revenons ci-dessous sur la question du second tour). — Signalons par ailleurs que, dans notre contribution à une réunion qui s’est tenue le 1er février, nous faisions cependant l’hypothèse d’une défaite électorale de la droite face à la gauche plurielle, tout en la jugeant « peu vraisemblable » ; ce texte, parce qu’il envisage notamment les différents cas de figure possibles à la suite des élections, est reproduit ci-dessous, pp. 13 et suivantes.

9) La comparaison avec les élections de 1998 est difficile, car LO et LCR se présentaient séparément et surtout étaient absentes de plusieurs départements ; elles avaient à elles deux obtenu 919 066 voix, soit 4,5 % des suffrages exprimés pour LO et 2,5 % pour la LCR là où elles s’étaient respectivement présentées.)

10) Rappelons que la décision de présenter des listes autonomes du PCF dans six régions a été prise en général contre la ligne de la direction nationale (notamment en Nord-Pas-de-Calais et Picardie, dirigés par des « opposants », et en Auvergne, suite à un vote des militants eux-mêmes, opposés à la direction régionale). La liste d’Ile-de-France, quant à elle, avait pour fonction principale de reprendre les voix perdues au profit de l’extrême gauche en 2002 — tout en faisant le pari de renforcer l’autorité nationale de Marie-Georges Buffet, dont la ligne qui, dans le discours, se veut plus à gauche que celle de Robert Hue, rencontre de fortes résistances dans l’appareil du parti mis en place par ce dernier.

11) Depuis la débâcle de 2002, la ligne de Marie-Georges Buffet, faite d’autocritique limitée superficielle et de pseudo-« modernisation » altermondialiste, a pour fonction d’enrayer l’hémorragie des militants et de retarder la déliquescence finale. Son succès limité du 21 mars ne met cependant pas en cause le pronostic de la disparition historique du PCF dans les années à venir. C’est ce que montrerait une analyse précise des cantonales : en particulier, le PCF est en train de disparaître de multiples cantons de ses bastions historiques de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, au profit du PS (qui l’a ainsi devancé au premier tour dans des cantons comme Aubervilliers, La Courneuve, Montreuil-Ouest, Pierrefitte, etc. La situation en province n’est guère plus reluisante, comme le montre par exemple la perte historique des deux cantons renouvelables de Montluçon. Nul doute que cette situation va relancer la crise interne du PCF, comme l’a montré dès le lendemain du premier tour la gueulante de Jean-Claude Lefort, député PCF du Val-de-Marne, qui a dénoncé « le fait de la princesse » Marie-Georges, affirmant notamment que « cette direction a failli à tous points de vue, ainsi le montrent tristement et avec la plus grande clarté les élections cantonales » (AFP, 23 mars).

12) Sur cette question fondamentale de la crise du mouvement ouvrier et de la conscience de classe, cf. sur notre site (http://groupecri.free.fr) notre Projet de programme CRI et les textes de la discussion avec les organisations initiatrices d’une « conférence internationale des trotskystes principiels », d’une part, avec Vincent Presumey, rédacteur de la Lettre de Liaisons, d’autre part.

13) Ne revenons pas ici sur l’appel scandaleux de la LCR à voter pour Chirac en mai 2002, ni sur la manière dont LO, LCR et PT, chacun à sa manière, a couvert les bureaucrates syndicaux en mai-juin 2003, notamment en refusant de dénoncer ouvertement leur sabotage de la grève et de mettre en avant l’objectif de la grève générale — LO refusant d’en parler, le PT couvrant Blondel et la LCR reprenant à son compte la confusion semée par la FSU entre « grève générale » et « grève reconductible » : pour une analyse détailleée de la politique de LO, de la LCR et du PT en mai-juin 2003, cf. Le CRI des travailleurs n°5-6.

14) Sur ce point, l’appréciation politique que nous avons faite du protocole d’accord et de la profession de foi commune aux deux organisations dans le dernier numéro du Cri des travailleurs semble parfaitement confirmée : « l’accord LO-LCR, écrivions-nous au terme d’une analyse de ces textes, est réformiste dans son contenu, vide dans ses perspectives et purement électoraliste dans sa démarche ». Sur la base de cette analyse, nous nous contentions de pronostiquer un franchissement de la barre des 5 % (qui est, de fait, presque atteinte), sans partager les illusions de tous ceux qui, à « l’extrême gauche », même parmi les critiques de l’accord LO-LCR, espéraient un renouvellement du score de la présidentielle (en fait, seule LO faisant exception en la matière puisque, lors de son congrès, fidèle à son pessimisme constitutif, elle avait limité son pronostic à 3 % des voix !) (Cf. Lutte de classe n°77, décembre 2003-janvier 2004.)

15) En Languedoc-Roussillon, la tête de liste UDF, dont la liste ne pouvait se maintenir au second tour, a refusé de fusionner avec l’UMP, faisant valoir le soutien de Bayrou à ses exigences ; en Bourgogne, en Franche-Comté et Basse-Normandie, c’est l’UMP qui a rejeté la fusion, les notables locaux refusant de céder la place aux « traîtres » de l’UDF, qui du coup n’a pas donné de consignes de vote… Les conséquences électorales de ces dissensions semblent cependant avoir été assez limitées.

16) Dans le dernier numéro du Cri des travailleurs, nous écrivions ainsi : « Il est évidemment hors de question, pour les travailleurs conscients, d’aller voter pour la gauche plurielle légitimement sanctionnée en 2002 pour avoir fait une politique de droite préparant le retour de la vraie droite, et qui, depuis lors, a réalisé l’union sacrée derrière Chirac, puis trahi la montée vers la grève générale en mai-juin 2003 — persistant encore aujourd’hui à refuser de le combattre réellement, y compris en cette veille de période électorale. » Et nous ajoutions : « le Groupe CRI appelle les lecteurs de son journal, tous les travailleurs conscients, à regarder au-delà des élections et à préparer activement, dès maintenant, sur leur lieu de travail, dans leur quartier, dans leur syndicat… les très durs combats de classe qui nous attendent dans la prochaine période. Ceux-ci devront surmonter les obstacles qui ne manqueront pas de surgir de nouveau sur le chemin de la grève générale, seule à même de vaincre Chirac et d’ouvrir une situation politique nouvelle dans ce pays. »

17) Contrairement à LO, à la LCR et au PT (qui ont été corrects sur ce point précis), des militants et petits groupes d’extrême gauche ont pris la responsabilité d’appeler à voter pour la gauche plurielle au second tour (voire au premier). Les uns et les autres défendaient d’ailleurs cette orientation bien avant le 21 mars — ils la défendent en fait depuis toujours, car ils sont incapables de tenir compte de la réalité et de son évolution : en fait, ils substituent ainsi à ce qui, dans les années 1970, était — ou aurait dû être — une ligne purement tactique à l’égard du PS et du PCF (partis ouvriers bourgeois de masse à l’époque), une orientation consistant à cautionner et à semer les illusions démocratistes et parlementaires de l’aristocratie ouvrière, des syndicalistes et des fractions supérieures du salariat, contribuant de fait à les souder à la gauche plurielle au lieu de les en détourner. Tel est le cas aussi bien de la tendance droitière de la LCR (Christian Piquet et ses amis, qui ont de plus osé violer la décision très majoritaire du congrès de leur propre organisation, eux qui n’ont que le mot « démocratie » à la bouche !) que de la plupart des d’ex-lambertistes de l’OCI — tendance de droite (Vincent Presumey et son bulletin Lettre de Liaisons) ou tendance de gauche (groupes issus de l’explosion du groupe de Stéphane Just, qui, au-delà de leurs soi-disant différences, appelaient d’une seule et même voix à voter indifféremment pour le PS, le PCF ou LO-LCR dès le premier tour !).


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