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L'absence d'une véritable perspective politique plombe la lutte de classe des travailleurs


Auteur(s) :Laura Fonteyn, Ludovic Wolfgang
Date :15 juin 2004
Mot(s)-clé(s) :France
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Comme nous l’avions analysé dans le précédent numéro du CRI des travailleurs, la situation sociale et politique en France n’a nullement été bouleversée par le résultat des élections régionales et cantonales des 21-28 mars, loin s’en faut. Après un petit toilettage ministériel et quelques concessions prudentes, mais plus apparentes que réelles, aux intermittents, aux chômeurs privés de droits et aux chercheurs, le gouvernement Chirac-Raffarin a continué d’élaborer tranquillement ses contre-réformes (régionalisation, privatisation d’EDF-GDF, Sécurité sociale...) et est en train de les faire passer sans rencontrer de résistance majeure. Bien sûr, nul ne sait avec certitude ce que nous réserve ce mois de juin, mais force est de constater l’erreur d’analyse de tous ces militants et groupes « spontanéistes » qui, pour mieux justifier leur refus de construire une véritable fraction révolutionnaire organisée, nous disaient, notamment avant et après les régionales, que le gouvernement était au bord de l’effondrement, qu’une petite étincelle allait mettre le feu aux poudres, que l’urgence était donc à la construction d’une alternative politique immédiate sous la direction du PS « poussé à gauche » par les masses... orientation fausse et censée justifier le report aux calendes grecques de la construction d’un parti...

Comment expliquer ce paradoxe d’un gouvernement manifestement illégitime, lourdement sanctionné aux élections... mais qui peut persévérer aussi facilement dans la voie réactionnaire qu’il s’est tracée ? La principale responsabilité en incombe à la gauche plurielle (PS, Verts, PCF, principales directions syndicales), qui n’a eu de cesse, comme nous l’avions prévu, non seulement de couvrir le gouvernement au nom des institutions, mais encore de cautionner et même de co-élaborer les projets de « réformes », en se livrant à des concertations et autres « diagnostics partagés », et en réclamant des « négociations pour une vraie réforme de la Sécu ».

Corrélativement, la défaite-trahison du mouvement de mai-juin 2003 pèse sur la conscience des travailleurs, qui ont certes sanctionné électoralement le gouvernement en boycottant les élections ou en votant sans illusion « pour » la gauche, mais qui, faute de perspective politique, hésitent de manière parfaitement compréhensible avant de se lancer dans un nouveau mouvement d’ampleur contre le gouvernement et ses contre-réformes. C’est pourquoi il faut aussi revenir sur le bilan de mai-juin 2003 : pour notre part, dès le numéro de notre journal paru fin juin 2003 (Le CRi des travailleurs n°5-6), nous avions analysé ce bilan comme une grave défaite pour la classe ouvrière, non seulement comme une défaite revendicative, mais aussi, plus fondamentalement, comme une défaite politique. À l’époque, rares furent ceux qui osèrent le dire : beaucoup de militants et d’organisations essayaient de relativiser la défaite, nous annonçant souvent que « ça repartirait » à la rentrée... Près d’un an après, force est de constater que, à l’exception de certains secteurs restés isolés (intermittents, chercheurs...), la lutte de classe n’est pas repartie, que la défaite de mai-juin est dans toutes les mémoires et que les plus combatifs d’alors ne se sont pas remis, faute d’organisation politique, du coup terrible qu’ils ont reçu de la part des bureaucrates syndicaux brisant la montée vers la grève générale.

Enfin, toutes les forces politiques de « gauche », y compris le tandem essentiellement électoraliste LO-LCR, sont engagées dans une campagne tous azimuts pour essayer d’obtenir le maximum de députés aux élections européennes du 13 juin — les discours généraux de l’ « extrême gauche » contre les patrons et l’Europe du capital ne se concrétisant ni dans un travail de terrain pour organiser les travailleurs et prendre des initiatives dans la lutte de classe, ni dans l’élaboration d’une véritable perspective politique, qui ne saurait être qu’ouvertement révolutionnaire et socialiste.

Tout cela nous conduit, une nouvelle fois, à poser la question du programme et de l’organisation politique : combien de temps, combien de défaites faudra-t-il attendre encore avant que les militants d’avant-garde se mettent à construire ensemble une fraction communiste révolutionnaire internationaliste capable de peser dans le mouvement ouvrier organisé ?


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