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Contre-réforme de la Sécurité sociale, privatisation d'EDF-GDF... : les bureaucrates syndicaux refusent de combattre et demandent encore plus de négociations avec le gouvernement


Auteur(s) :Laura Fonteyn, Ludovic Wolfgang
Date :15 juin 2004
Mot(s)-clé(s) :France, directions-syndicales
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Bien évidemment, les directions des principaux syndicats du mouvement ouvrier officiel (CGT, FO, FSU, SUD...) ont continué, après les régionales, leur tactique éprouvée des « journées d’action » ponctuelles, catégorielles, dispersées. C’est qu’il ne s’agit nullement pour elles d’engager un combat contre le gouvernement, ne serait-ce que pour l’empêcher de faire passer ses « réformes », mais uniquement d’être mieux associées encore à la préparation de celles-ci, arguant qu’il y aurait de « vrais problèmes » et qu’il faudrait donc travailler avec le gouvernement et le MEDEF pour trouver des « solutions ».

Avec le sabotage de la mobilisation à EDF-GDF (secteur fortement syndiqué, qui fut à l’origine du cycle ascendant de la lutte de classe qui avait marqué le premier semestre 2003) et le refus de combattre sur le fond la réforme Douste-Blazy contre la Sécurité sociale, les dirigeants syndicaux ont clairement donné le feu vert au gouvernement pour qu’il inflige de nouvelles défaites aux travailleurs. À EDF-GDF, il y a eu une première journée d’action le 8 avril, une seconde le 27 mai et une troisième prévue pour le 15 juin… sans que rien ne soit organisé entre ces dates, malgré la forte mobilisation (80 000 manifestants à Paris et 75 % de grévistes le 27 mai, multiplication des coupures de courant ciblées…). Pourtant, dans le même temps, Sarkozy n’a fait que multiplier les déclarations indiquant sa détermination à aller jusqu’au bout du processus d’ouverture du marché à la concurrence par le changement du statut et la scission entre les deux entreprises, premier pas vers la privatisation partielle, puis totale, impliquant aussi bien la casse des avantages liés au service public, notamment la péréquation tarifaire, que le démantèlement du statut des agents.

En ce qui concerne la Sécurité sociale, la contre-réforme Douste-Blazy a malheureusement toutes les chances de passer elle aussi presque comme une lettre à la poste publique. Car les organisations syndicales, après avoir cautionné le principe de la réforme en participant au « Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie », ont refusé d’engager le combat depuis que son contenu exact a été annoncé le 17 mai. Ainsi, au lieu d’exiger le retrait pur et simple du projet, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, se contente-t-il d’indiquer qu’il a « de nombreux points de désaccord » avec le projet Douste-Blazy mais qu’ « il y a eu une évolution positive sur le paritarisme, par exemple » (c’est-à-dire sur la collaboration patronat-syndicats dans la gestion des caisses de la Sécu) (1). Et, au lieu d’exiger l’arrêt immédiat des exonérations patronales, Mailly se plaint que le gouvernement « ne propose qu’un milliard d’euros pour [les] compenser » : il cautionne donc cette orientation des gouvernements de gauche et de droite qui, depuis vingt ans, n’ont cessé de multiplier les cadeaux au patronat, causant ainsi délibérément le « déficit » de la Sécu qui est le prétexte de la réforme ! Dans la pratique, la confédération FO se contente d’affirmer que « la préservation d’une Sécurité sociale solidaire et égalitaire mérite que soit posée la nécessité d’une journée de grève interprofessionnelle »… « Mérite que soit posée » : autant dire qu’on n’est pas près de voir la couleur de cette grève, et que, en tout état de cause il s’agit de ne pas trop inquiéter le gouvernement : s’il le faut vraiment pour ne pas perdre toute crédibilité aux yeux des travailleurs, alors ce sera peut-être une journée de grève, pas davantage... et puis circulez, il n’y aura rien à voir, rentrez chez vous braves gens, et au travail ! — Quant à la CGT, elle a certes, pour la forme, pris l’initiative d’appeler à manifester dans les grandes villes un samedi après-midi, le 5 juin — d’ailleurs sans même déposer de préavis de grève, empêchant ainsi les salariés qui travaillent le samedi de se rendre à ces manifestations… Mais le mot d’ordre officiel principal de ces manifestations était la réclamation de « vraies négociations » avec le gouvernement, et non le retrait pur et simple du projet Douste-Blazy — sans parler des revendications fondamentales comme l’exigence de l’arrêt et de la restitution par les patrons des exonérations de charges, de l’abrogation de la CSG etc. D’ailleurs, dans la pratique, la CGT et les autres directions syndicales principales (CFDT, FO, FSU, UNSA…) n’ont rien fait pour assurer le succès de ces manifestations du 5 juin, réduites à quelques dizaines de milliers de personnes, fortement encadrées par les cadres du PCF et des syndicats et sans mots d’ordre la plupart du temps — les bureaucrates ayant substitué à ceux-ci des chansonnettes du type : « Livrer la Sécu aux hommes d’affaires oh que c’est pas beau » (sur l’air d’ « En passant par la Lorraine ») ou encore « Allez allez, allez allez, c’est tous ensemble qu’on va gagner » (sur l’air des supporters des matchs de football)… D’ailleurs, la majorité des manifestants a refusé de reprendre ces slogans lamentables, beaucoup marchant en silence, comme s’ils pressentaient que cette « journée d’action » ne serait en fait qu’un coup d’épée dans l’eau. — Certes, on entend dire maintenant que la CGT appellerait à une nouvelle « journée de mobilisation », cette fois « avec arrêts de travail », pour le 15 juin. Mais, là encore, qui peut croire qu’il s’agit d’une initiative sérieuse, d’un point d’appui pour la lutte de classe ? Non seulement on se rapproche à grands pas de la date prévue pour le vote du projet au Parlement à la veille des vacances d’été, mais encore il est évident que de simples « arrêts de travail » n’ont en eux-mêmes aucune force : objectivement, le seul combat qui puisse être assez fort pour vaincre le gouvernement est le combat pour la grève générale, c’est-à-dire la grève unitaire des ouvriers, des employés, de tous les travailleurs salariés ; sachant que, bien évidemment, la réalisation de cet objectif fondamentalement politique ouvrirait une nouvelle situation et de nouvelles perspectives dans ce pays (2).

L’urgence de l’heure, pour les militants communistes révolutionnaires, est donc de se battre, sur leurs lieux de travail comme à l’intérieur de leurs syndicats, contre les directions traîtres du mouvement ouvrier : c’est là une de leurs responsabilités majeures. Cela pose en particulier la question de l’unification des militants syndicaux combatifs et radicaux, c’est-à-dire la question d’un rassemblement et d’une large discussion pour aller vers la construction d’une tendance commune qui intervienne en même temps à l’intérieur des différents syndicats sur une orientation de lutte de classe et anti-bureaucratique. Il y a là un enjeu politique majeur et réaliste, car le nombre de militants syndicaux scandalisés par la politique des bureaucrates et prêts à se battre pour peu qu’on leur propose une perspective politique est de plus en plus important. Et bien sûr, ce sera là un point d’appui essentiel pour aller en même temps vers la construction d’une véritable fraction communiste révolutionnaire internationaliste dans ce pays.

Sur ce dernier point, force est de constater qu’aucune des forces politiques qui se présentent aux élections européennes n’apporte le moindre commencement de réponse : aucune ne propose une véritable alternative politique aux travailleurs.


1) Le Monde, 5 juin 2004.

2) Sur cette question fondamentale de la Sécurité sociale et de la politique des bureaucrates et pour les propositions du Groupe CRI, cf. les deux tracts (1er mai et 5 juin) reproduits ci-dessous dans le présent journal.


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