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Le CRI des Travailleurs n°2     << Article précédent | Article suivant >>

L'Allemagne à un tournant

Les résultats des élections de septembre 2002 au Bundestag (Chambre des députés) ont conduit d’extrême justesse à la reconduction de la coalition SPD (parti social-démocrate )-Verts dirigé par Schröder, devançant d’ une courte tête les conservateurs de la CDU/CSU (démocrates-chrétiens et chrétiens -sociaux) emmené par Stoiber. Elles reflètent sur le terrain électoral le tournant amorcé par le refus des syndicats de reconduire le pacte pour l’emploi, c’est-à-dire un accord patronat-syndicats sous l’égide du gouvernement, par lequel ces derniers s’engageaient à demander des hausses de salaires modérées en échange de la promesse que cela créerait des emplois : le printemps 2002 avait vu se succéder les manifestations et les grèves massives dans plusieurs secteurs (métallurgie, bâtiment, poste, imprimerie, …) pour des augmen-tations de salaires et l’égalisation des salaires de l’Est au niveau de ceux de l’Ouest, du printemps (aujourd’hui, plus de douze ans après la réunification, un salarié travaillant à l’Est ne gagne pour le même travail et pour un temps de travail légèrement plus long qu’environ 85-90% du salaire de son collègue de l’Ouest). L’ extrême défiance manifestée par les masses vis-à-vis du SPD, après que le premier gouver-nement SPD-Verts a mené pendant quatre ans la politique de Kohl sans Kohl (introduction des fonds de pension à côté des retraites par répartition, « pacte pour l’emploi », privatisations, participation aux interventions impérialistes au Kosovo et en Afghanistan, …) est une bombe à retardement : le contraste entre les promesses électorales (défense des conventions collectives, refus de la participation à une guerre contre l’Irak avec ou sans mandat de l’O.N.U. ) et la politique réelle du SPD au pouvoir va conduire dans la prochaine période à une rupture pure et simple de larges couches avec le SPD. La débacle électorale du PDS, plombé pour avoir pris en charge avec le SPD une politique anti-ouvrière, est l’expression du déclin irréver-sible de ce parti, ex-parti de la bureaucratie stalinienne de l’ex-RDA, hypocritement rebaptisé « parti du socialisme démocra-tique » ( !). Les élections aux parlements des Länder (la RFA est une fédération de Länder) de Hesse et Basse-Saxe en février 2003, marquées par une forte hausse de l’abstention, ont constitué une véritable déroute pour le SPD : malgré les gesticulations « pacifistes » de Schröder, ce parti a perdu des centaines de milliers de voix et sa majorité en Basse-Saxe, payant la politique des quatre premiers mois de gouvernement. C’est la première manifestation sur le terrain électoral, de cette rupture inévitable des masses avec le SPD. Les résultats de toutes ces élections montrent donc à leur manière que les travailleurs ont besoin d’un nouveau parti qui représente réellement leurs intérêts de classe.

Schröder réelu fait la politique de Stoiber

Face à la menace de dépasser la limite du déficit budgétaire fixée par le traité de Maastricht, résultat du ralentissement de l’économie, de la hausse corrélative du chômage, combinée à une politique de cadeaux fiscaux aux patrons et aux grandes fortunes, le gouvernement Schröder a lancé une offensive contre les travailleurs encore plus brutale qu’annoncée. Il a appliqué presque toutes les recommen-dations de la commission Hartz : transformation des agences pour l’emploi en véritables agences d’interim publiques pouvant embaucher les chômeurs et ensuite les louer aux entreprises, ce qui va accroître le nombre de salariés non-couverts par les conventions collectives, extension des exonérations de « charges » pour les patrons sur les bas salaires, enfin l’obligation pour les chômeurs d’accepter presque n’importe quel emploi sous peine de perdre leurs droits. Attaque directe contre les chômeurs, ces mesures constituent également un puisssant levier contre les conventions collectives. La plupart des directions syndicales ont approuvé ces mesures à l’élaboration desquelles elles ont participé.

Le Sénat de Berlin (SPD-PDS) (gouvernement du Land de Berlin) a décidé de quitter l’union des employeurs communaux des services publics. Cela signifie que les employés municipaux de Berlin ne seront plus couverts par la convention collective nationale de services publics municipaux. C’est le coup d’envoi d’une offensive lancée par le gouvernement Schröder, visant l’existence même des conventions collectives et par là l’existence même des syndicats, précisément l’offensive réclamée par le patronat et dont Stoiber s’était fait pendant la campagne le porte-parole. Immédiatement, d’autres Länder ont annoncé envisager de suivre l’exemple du Sénat de Berlin. Celui-ci a d’ailleurs déposé un projet de loi devant le Bundesrat prévoyant des « clauses d’ouverture » dans les conventions collectives, autori-sant chaque Land à opérer individuellement des réductions de salaires par rapport au niveau fixé par la convention collective. Face à cette terrible menace, la direction nationale de Ver.di reste pour le moment passive.

Où mène la guerre sociale du gouvernement « SPD-Verts » contre la classe ouvrière ?

Le Sénat de Berlin dit quitter la convention collective pour payer la dette de la ville (40 milliards d’euros), dont la principale source est sa décision de couvrir les pertes considérables de la Berliner Bankgesellschaft, détenue en majorité par le Land, consé-quence de l’effrondrement du marché immobilier, où celle-ci avait, sous le contrôle du Sénat CDU-SPD de l’époque, massivement investi. Pour boucher ce trou sans fond, le gouvernement de Berlin taille à la hache dans tous les budgets sociaux. Le SPD et le PDS en ont décidé ainsi : ce sont les travailleurs qui doivent payer pour cette dette qui n’est pas la leur. Les patrons applaudissent. Le SPD et le PDS, qui prétendent vouloir ainsi ( !) assurer un avenir à la jeunesse, savent très bien que, quelles que soient les mesures d’économie, l’endettement de la ville ne va cesser de croître (à cause des intérêts de la dette), pour atteindre environ 60 milliards d’euros en 2010. Il ne s’agit donc en réalité pour eux que de satisfaire les exigences du capital financier. Dans la même logique, gouvernement Schröder veut, outre les mesures indiquées : réduire considérablement la protection contre les licencie-ments, engager en octobre 2003 une « réforme fondamentale » ( !) du système des retraites, de santé et de soins (car le patronat estime que les coups portés entre 1998 et 2002 sont encore largement insuffisants), introduire une « zone économique spéciale » dans les nouveaux Länder, c’est-à-dire où une partie des droits et garanties limitant l’exploitation des salariés seraient suspendus. Sans rupture avec les exigences du capital financier, il n’y a pas d’autre avenir pour les travailleurs et la jeunesse que toujours plus de flexibilité, de chomâge et de misère.

Le gouvernement Schröder et la guerre impérialiste en Irak : les paroles et les actes

Le patronat allemand n’est pas enchanté à l’idée de la guerre de Bush, car il n’obtiendra de toute façon qu’une toute petite part du gâteau. Mais, s’il ne participe pas, il n’obtiendra rien du tout et s’exposera en outre à des mesures de rétorsion américaines. Schröder lui-même, dont les problèmes budgétaires sont déjà immen-ses, préfèrerait ne pas avoir à co-financer la guerre, car il lui faudrait redoubler de violence dans ces attaques contre les conquêtes sociales de la classe ouvrière allemande, risquant de semer un vent de révolte et de heurter frontalement l’opposi-tion des travailleurs allemands à la guerre. Mais, enchaîné par la dépendance de l’Allemagne vis-à-vis des autres impérialismes, Schröder n’a guère le choix : l’Allemagne participe d’ores et déjà pleinement, à la place qui est la sienne, à la vaste guerre lancée par l’impérialisme américain de-puis la première guerre en Irak en 1991, dont la nouvelle guerre contre le peuple irakien constitue un maillon. Le gouvernement SPD-Verts mène, sous une discours pacifiste, une politique de guerre : en 2002, il a dépensé 1,6 milliards d’euros spécialement pour assurer sa présence militaire dans le cadre de diverses interventions impérialistes, tout en coupant dans les budgets sociaux ; il a soutenu l’embargo qui depuis plus de dix ans a tué 1,5 million d’irakiens, et renforcé le régime dictatorial de Saddam Hussein ; tout en prétendant défendre dans l’affaire irakienne le prétendu « droit interntional », il ne trouve rien à redire au fait que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne bombardent d’ores et déjà régulièrement l’Irak sans disposer pour cela même de la moindre pseudo-légitimation onu-sienne ; il a voté la résolution 1441 de l’O.N.U., qui n’est rien d’autre que la base pour donner à la guerre décidée par l’impéria-lisme américain une apparence de légitimité ; il a affirmé que l’Allemagne remplirait entière-ment ses obligations de membre de l’OTAN, quel que soit le cas de figure (mise à disposition des Awacs allemands, ouverture de l’espace aérien et des bases, etc.). La seule chose que Schröder exclut, c’est l’envoi de soldats allemands à l’intérieur de l’Irak. Tout le reste n’est pas une participation à la guerre, paraît-il ! Pourtant il est clair que les Etats-Unis ne peuvent mener la guerre à bien, sans ce soutien politique et militaire de l’Allemagne.

Les travailleurs face à la guerre « totale » engagée par le gouvernement Schröder

Devant le spectre de vastes grèves englobant les centaines de milliers de travailleurs, dans un contexte d’hostilité crois-sante à la guerre, les employ-eurs communaux des services publics ont dû donner du grain à moudre à la direction du syndicat Ver.di : l’accord prévoit l’égalisation Est-Ouest des salaires pour fin 2007 pour la plupart des catégories, revendi-cation centrale de la classe, lui permettant d’achever sa réuni-faction dans ce secteur, point d’appui pour les autres, mais il la fait princi-palement financer par les travailleurs. Dans ce contexte, les directions syndicales refusent de mobiliser contre la guerre. Il est pourtant clair qu’un appel central des directions syndicales trouverait un écho considérable et déboucherait sur des manifesta-tions massives. Bref, les directions syndicales laissent Schröder tranquillement participer hypocritement à la guerre contre le peuple irakien comme elles accompa-gnent le plus souvent sa guerre intérieure contre la classe ouvrière. Le rôle traître de ces bureaucraties accrochées aux basques de la bourgeoisie est aujourd’hui un obstacle essentiel à la lutte de la classe ouvrière.

Dans quelle mesure la politique des différentes organisations se réclamant de la IV° Internationale répond-elle aux besoins des masses pour développer leur lutte de classe ? C’est ce que nous essayerons de commencer à analyser le mois prochain.


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