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Le CRI des Travailleurs n°15     << Article précédent | Article suivant >>

Lettre du Groupe CRI « À tous les étudiants, les enseignants et les membres du personnel en lutte de l'Université Technique d'Oruro »


Auteur(s) :Groupe CRI
Date :27 septembre 2004
Mot(s)-clé(s) :international, Bolivie
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« Camarades,

Les camarades de la Fraction Trotskyste Internationaliste – Quatrième Internationale (FTI-CI) et de la LOI-DO d’Argentine, avec qui nous sommes en discussion pour préparer une « conférence internationale des trotskystes principiels et des organisations ouvrières révolutionnaires », nous ont informés de votre soulèvement et nous ont envoyé votre Manifeste. Nous avons ainsi appris que vous combattez pour la défense de votre Université, pour que sa direction soit assurée par les étudiants, les enseignants et les personnels eux-mêmes, pour sa subordination aux intérêts du prolétariat et du peuple, contre les camarillas étudiants-enseignants qui la dirigeaient jusqu’à présent en la mettant au service du capitalisme et de la société bourgeoise.

Nous-mêmes sommes engagés en France, avec notre petit groupe centralisé de militants marxistes révolutionnaires (trotskystes), dans le combat contre les contre-réformes destructrices du gouvernement de Chirac-Raffarin, qui visent à liquider les conquêtes acquises de haute lutte par la classe ouvrière depuis 150 ans. En particulier, nous intervenons dans les combats et les syndicats d’enseignants et d’étudiants à l’Université, contre une contre-réforme mise en œuvre conjointement par les gouvernements des États de l’Union Européenne au service de l’impérialisme, contre les droits et les acquis des étudiants : l’an passé, nous avons ainsi participé à la grève des étudiants, en relation avec les enseignants et les personnels ingénieurs, techniciens, ouvriers et de service, et nous avons défendu dans les Assemblées générales la ligne de la grève générale des Universités et de l’occupation des facultés avec piquets de grève.

Néanmoins, la situation de la lutte de classe en France n’est pas comparable avec celle ouverte en Bolivie depuis l’automne 2003 (dans le cadre de l’ébranlement général que connaît l’Amérique latine depuis la fin des années 1990) : en raison notamment de la crise généralisée du mouvement ouvrier et de la conscience socialiste, les travailleurs et les étudiants ne se livrent encore qu’à des luttes purement défensives, et ces luttes sont de plus trahies les unes après les autres par les dirigeants des organisations (partis et syndicats) qui se réclament de leurs intérêts : c’est ainsi que la montée vers la grève générale des travailleurs du secteur public pour la défense des retraites a été liquidée en mai-juin 2003 par les chefs des syndicats, qui se sont couchés devant le gouvernement et les institutions de l’État bourgeois.

Par contraste, nous sommes d’autant plus impressionnés par la profondeur révolutionnaire de votre programme, de votre orientation et de vos méthodes : nous considérons votre mouvement comme un élément majeur de la lutte de classe internationale et nous vous apportons par la présente notre soutien inconditionnel et enthousiaste. En particulier, nous soutenons globalement votre Manifeste « Pour une université au service des exploités et des étudiants, insérée dans la production sociale et dirigée vers la révolution prolétarienne ! » :

• Nous soutenons votre décision de déclarer illégitimes les autorités officielles, qui sont responsables de la pénurie de moyens comme de la soumission générale de l’Université aux intérêts du capitalisme et de la société bourgeoise. Nous soutenons votre décision de leur substituer un gouvernement tripartite de l’Université, avec une majorité étudiante : le seul gouvernement légitime est celui qui émane de l’Assemblée générale des étudiants, enseignants et personnels en lutte de l’Université, gouvernement élu, mandaté et révocable à tout instant, dans la tradition de la démocratie ouvrière, telle qu’elle fut initiée par la Commune de Paris.

• Nous soutenons votre exigence du droit aux études pour toute la jeunesse, de l’annulation des frais d’inscription à l’entrée de l’Université, d’une augmentation du budget et du contrôle permanent des étudiants et des personnels sur la situation financière de l’Université — de même que le prolétariat industriel doit mettre au centre de ses revendications l’exigence du contrôle ouvrier sur les comptes des entreprises.

• Nous soutenons également votre décision d’instituer le contrôle des étudiants et des personnels sur les enseignants, afin de chasser tous les corrompus, tous les incompétents notoires et tous ceux qui rechignent à faire correctement le travail pour lequel ils ont été embauchés. En même temps, il nous semble nécessaire, dans l’intérêt même de votre lutte et du prolétariat, de garantir à la majorité des enseignants les conditions qui leur permettent d’accomplir leur travail d’instruction générale et technologique, afin d’éviter qu’ils s’enfuient de l’Université publique ou même du pays, ou qu’ils rejoignent les rangs des contre-révolutionnaires. Comme le fit le gouvernement des Soviets, dirigé par le Parti bolchevik (avant sa dégénérescence stalinienne), pendant la révolution russe, le prolétariat et le peuple doivent utiliser, dans leur propre intérêt, pour s’instruire et pour commencer immédiatement à changer la société, les compétences de tous les spécialistes hérités du capitalisme. Selon nous, il n’est donc pas possible d’obliger les enseignants et tous les spécialistes à se rallier politiquement et idéologiquement au programme de la révolution : d’une part, il faut faire tout ce qui est possible pour les convaincre, par la discussion et la propagande marxiste, que le progrès du savoir et l’utilisation de la science au service du peuple et de l’humanité tout entière passent désormais par le combat pour en finir avec le capitalisme barbare et réactionnaire, pour le socialisme ; mais, d’autre part, il faut garantir aux enseignants et aux spécialistes qui ne se rallient pas au programme de la révolution, mais qui s’engagent à respecter les décisions politiques des Assemblées générales démocratiques et du gouvernement tripartite légitime de l’Université, qu’ils pourront faire leur travail d’enseignement et de recherche sur la base de leurs compétences. C’est pourquoi nous pensons pour notre part qu’il faut en particulier leur garantir le respect des principes de la liberté pédagogique et de la liberté de recherche, dans le cadre des orientations politiques et des programmes d’enseignement et de recherche décidés démocratiquement par les Assemblées générales souveraines de l’Université.

• Nous soutenons votre démarche visant à ne pas vous isoler à l’intérieur de votre Université, mais à vous adresser immédiatement à « toute la jeunesse étudiante et à tous les exploités de Bolivie » et à vous inscrire dans la mobilisation des masses, en particulier en vous liant organiquement avec les mineurs de la région, cœur du prolétariat bolivien et des révolutions de 1952 et 1969-71. Il est juste, en effet, de lier votre exigence d’une réforme de l’Université au service du prolétariat et du peuple avec les revendications sociales et démocratiques des masses que vous énumérez et que vous considérez à juste titre comme des « revendications de transition vers la révolution prolétarienne » — à commencer par « l’objectif que les hydrocarbures et les autres ressources passent dans les mains de l’État Ouvrier ».

• Enfin, nous soutenons votre décision de vous inscrire dans le cadre de l’auto-organisation des masses et de la démocratie prolétarienne : l’histoire montre que c’est la seule voie possible pour faire avancer la cause de la révolution et du socialisme, pour surmonter les obstacles dressés par la bourgeoisie et tous les valets qui travaillent pour elle au sein même des organisations ouvrières et populaires. Pour avancer et vaincre, il n’y a pas d’autre solution que l’auto-organisation du prolétariat et du peuple, la destitution de tous les bureaucrates à l’intérieur des syndicats ouvriers et des organisations populaires et la fédération des Comités de lutte à tous les niveaux (local, régional, national), sur la base de délégués élus, mandatés et révocables. En ce sens, il est clair que l’urgence vitale désormais est d’étendre votre combat aux autres Universités et aux autres villes de Bolivie, et d’obtenir le soutien des organisations étudiantes et prolétariennes d’Amérique latine et du monde.

Pour notre part, nous ajoutons que ce programme et ces méthodes de la révolution socialiste que vous développez dans votre Université et dans votre ville rendent nécessaire, sans attendre, la construction d’un véritable parti communiste révolutionnaire internationaliste en Bolivie, un parti qui soit fondé sur un programme marxiste et qui intervienne dans la lutte de classe vivante pour faire partager ce programme par les masses auto-organisées. En effet, seul un tel parti, centralisé et intervenant au niveau de tout le pays, sera capable d’aider au développement du programme révolutionnaire, de formuler les mots d’ordre transitoires à l’échelle nationale et d’aider à l’extension et à la coordination du mouvement dans les autres régions et avant tout parmi le prolétariat industriel. C’est d’ailleurs dans cette perspective de construction de partis communistes révolutionnaires dans les différents pays et d’une véritable Internationale, que notre petit groupe est en relation et en discussion avec différentes organisations trotskystes authentiques dans le monde, notamment en Amérique latine, et en particulier avec la Fraction Trotskyste Internationaliste (FTI-CI) et la LOI d’Argentine.

Sur la base de la présente lettre, nous souhaitons donc non seulement exprimer publiquement notre solidarité pleine et entière avec votre combat, mais aussi nouer des liens fraternels et politiques étroits avec vous, afin de progresser dans notre élaboration politique internationaliste.

Nous avons décidé également de nous adresser aux organisations ouvrières syndicales et politiques de France pour leur demander d’apporter elles aussi leur soutien à votre lutte : nous vous ferons parvenir les réponses que nous obtiendrons au fur et à mesure. En particulier, nous allons intervenir dans les syndicats enseignants et étudiants des Universités où nous sommes pour qu’ils prennent position au plus vite et vous apportent leur soutien.

Veuillez accepter, camarades, nos salutations communistes révolutionnaires internationalistes,

Groupe CRI
Paris, le 27 septembre 2004
 »


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