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Halte à la répression !
Dirigeants des organisations ouvrières, ne laissez pas réprimer les grévistes et manifestants


Auteur(s) :Antoni Mivani
Date :15 juin 2003
Mot(s)-clé(s) :France
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Bien des travailleurs qui se sont engagés dans le combat contre les réformes réactionnaires du gouvernement Chirac-Raffarin ont été marqués par l’ampleur de la répression policière et judiciaire contre les manifestants et les militants. Il est vrai qu’en France le prolétariat non immigré n’avait pas connu depuis longtemps une répression aussi concentrée de la part de l’État bourgeois. C’est que le heurt entre les classes aux intérêts antagoniques n’avait pas connu depuis longtemps une expression aussi aiguë. Face à l’ampleur de la mobilisation des travailleurs salariés, mettant à l’ordre du jour la grève générale interprofessionnelle, le gouvernement Chirac a estimé nécessaire d’essayer d’intimider les travailleurs les plus déterminés et les militants. Sans avoir encore besoin d’aller jusqu’à faire des blessés graves ou des morts, en raison de la capacité bien plus « douce » des bureaucrates syndicaux à briser la montée vers la grève générale, l’État bourgeois a tenu à signifier clairement aux travailleurs sa détermination à utiliser la violence dès que ces derniers décideraient de dépasser les cadres étroits des promenades hebdomadaires organisées par les syndicats.

En particulier, le gouvernement a de façon relativement systématique envoyé la police ou les CRS disloquer les piquets de grève et les actions de coupure de routes ou de voies ferrées. Par exemple, au dépôt RATP de Fontenay-aux-Roses, le jeudi 5 juin, les policiers viennent pour disloquer le piquet de grève. Les machinistes résistent, repoussent les policiers et tiennent leur assemblée générale dehors. Loin d’intimider les grévistes, l’intervention policière elle en multiplie le nombre : de 38% la veille, ils sont maintenant 72%, et ils huent ceux de leurs collègues qui acceptent de sortir leur bus sous protection policière. Le lendemain, ce sont les CRS, casqués, avec leur bouclier, leur matraque et leur flash-ball, qui débarquent pour briser le piquet de grève. Les grévistes, sans armes, ne sont évidemment pas en mesure de résister à la charge. Mais, interpellés par les grévistes, ceux qui s’apprêtaient à prendre leur service renoncent les uns après les autres… 100% de grévistes. ­Cet exemple est représentatif : le gouvernement a fait dissoudre de cette façon plusieurs centaines de piquets de grève, suscitant partout des événements de même nature, y compris dans des universités comme à Perpignan, Avignon, ou Paris-I-Tolbiac.

Le 10 juin, alors que, conformément à l’accord qu’elles ont passé avec le gouvernement, les directions syndicales font tout pour dissuader les 200 000 manifestants qui battent le pavé de se rassembler sur la place de la Concorde face à l’Assemblée Nationale, où commence l’examen du projet de loi contre les retraites, des dizaines de milliers restent sur la place. Les services d’ordre des différentes centrales syndicales, qui auraient dû protéger les salariés rassemblés jusqu’à la fin de la manifestation, se sont volatilisés les uns après les autres. Lorsque le service d’ordre de la CGT quitte le dernier la place, c’est un signal pour les CRS, qui lancent des dizaines de grenades lacrymogènes sur les manifestants. Pendant environ deux heures, quelques milliers de manifestants vont s’affronter aux lacrymogènes et aux canons à eau des forces de l’ordre, malgré la sage invitation de militants expérimentés à opérer un retrait qui s’imposait finalement, afin d’éviter des coups de matraques, des arrestations et des blessés inutiles, dans une situation où la masse des manifestants avait été détournée de l’Assemblée nationale par les appareils syndicaux aux ordres de Chirac-Sarkozy.

Plus tard dans la soirée, les CRS poussent une soixantaine de manifestants dans une souricière : l’Opéra Garnier. La plupart sont brutalement interpellés, matraqués, menottés, et placés en garde à vue. La police effectuera une perquisition chez certains d’entre eux, bien qu’elle n’ait trouvé aucun autre chef d’inculpation que celui de « port d’armes illicites », ayant retrouvé sur deux manifestants une opinel et un couteau suisse…

Au fur et à mesure que la mobilisation retombe, la répression se déploie. Par exemple, la direction de la société ASF (Autoroutes du Sud de la France) licencie le délégué syndical central CGT et mute trois autres délégués syndicaux à 200 km de chez eux ; sachant que, étant donné la législation, elle n’a pu le faire qu’avec l’appui du gouvernement. Elle leur reprochent d’avoir pris part, le 22 mai, à une manifestation sur l’autoroute à l’appel des unions départementales des Pyrénées-Orientales (66) CGT, FO, FSU, et UNSA, à laquelle plus de 1000 salariés avaient participé. Que font les directions des confédérations ? Silence. — Le 25 juin, c’est au tour de 6 syndicalistes CGT d’être arrêtés, dont cinq brutalement, le matin, à leur domicile. Ils sont condamnés à de lourdes amendes, pour des dommages qu’on leur reproche d’avoir causés il y a plus d’un an. — De même, des cheminots de SUD-Rail sont convoqués devant le tribunal, accusés d’avoir mis le feu à une poubelle place de la Concorde le 10 juin et d’avoir jeté des projectiles contre les CRS. La preuve ? Ils ont été retrouvé en possession d’un drapeau de leur syndicat présentant de petits trous, signe indubitable de leur culpabilité ! Ce sont en réalité le résultat des éclats des fumigènes traditionnellement utilisés par les cheminots lors des manifestations ! — D’autres militants syndicaux ont été arrêté à La Rochelle, Angers, ou au Mans. La justice de classe se dévoile dans toute sa nudité.

Même José Bové, le syndicaliste paysan adepte des contre-sommets organisés avec le soutien du gouvernement et de l’Union Européenne pour essayer de canaliser la lutte contre le système capitaliste dans la voie sans issue de l’« humanisation » de la mondialisation, est brutalement arrêté, seul cas médiatisé pour les centaines de militants anonymes frappés par la répression, poursuivis par le gouvernement et parfois lourdement condamnés pour l’exemple.

Face à la répression contre les grévistes, les manifestants et les syndicalistes, les directions des centrales syndicales, après avoir trahi la grève générale, prétendent défendre les salariés en publiant des communiqués de presse, comme ils prétendent lutter contre le plan Fillon en faisant signer une pétition ! Tout au contraire, le devoir des directions des organisations ouvrières est de combattre réellement la répression, et d’appeler les travailleurs à imposer par leur mobilisation unie l’arrêt de toute cette répression :

• Solidarité contre la répression !

• Libération inconditionnelle et immédiate de tous les travailleurs emprisonnés pour avoir combattu les réformes réactionnaires du gouvernement et de tous les syndicalistes !

Levée de toute sanction ! Arrêt immédiat de toute poursuite contre les militants ! Annulation de tous les licenciements pour faits de grève et de piquets de grève !

• Dirigeants des organisations syndicales, choisissez votre camp, dénoncez et combattez la répression policière et judiciaire, prenez en charge ces revendications et la défense de tous les travailleurs victimes de la répression !


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